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Simon Igel



 
Auxerre 89000 - Yonne
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Simon-Igel
Simon Igel
source photo : Arch. fam.
crédit photo : D.R.
Simon-Igel
Courrier de Markus Igel en faveur de M. et Mme Coqblin
source photo : Coll. Igel
crédit photo : D.R.
Simon-Igel
Costume de Simon portant le matricule 157085
source photo : Coll. Simon Igel
crédit photo : D.R.
Histoire

Parcours de vie

Aron Markus Igel, né en 1899 en Pologne, et son épouse Jenta, née en 1900 en Pologne, habitent à Zolkiew, aux environs de Cracovie (Pologne). Ils ont trois fils, Menassé, Joseph et Simon.

De 1928 à 1937, ils habitent à Vienne (Autriche) et arrivent en France en 1937, quelques mois avant que l'Allemagne annexe l'Autriche.

En 1938, alors que la famille est installee à Paris, rue d’Aboukir, où. Aron Markus et Jenta sont artisans fourreurs, Aron Markus est convoqué à la Préfecture. Entrés en France avec un visa de tourisme, ils ne peuvent pas rester en région parisienne.

Ils choisissent l’Yonne, et s'installent à Auxerre, 27 rue du Puits des Dames.

En 1942, ils portent l’étoile jaune.

En juin 1942, Simon passe son certificat d’études avec l'étoile et le manque de peu...

Le 12 juillet 1942, la famille est arrêtée parce que juive. Aron Markus, Jenta, Menassé et Joseph sont transférés à la prison d’Auxerre tandis que Simon, 15 ans, est conduit à l'Orphelinat Denfert-Rochereau à Auxerre. Le lendemain, Madame Coqblin prend en charge l'adolescent et il restera enfermé pendant un mois chez M. et Mme Roche, restaurateurs, propriétaires du café du Pont, à Auxerre.

Le 17 juillet 1942, Aron Markus, Jenta, Menassé et Joseph sont déportés sans retour de Pithiviers vers Auschwitz par le convoi n° 6.

En septembre 1942, Simon quitte Auxerre dans un camion de ravitaillement allemand et arrive à Chalon-sur-Saône. A Chalon, il trouve un passeur pour traverser la ligne de démarcation et y laisse toutes ses économies : 10 000 francs.

Il arrive à Saint-Etienne où il retrouve deux amis de ses parents.

En novembre 1942, la "zone libre" est occupée par les Allemands. Ils partent s'installer à la campagne et vont une fois par mois à Saint-Etienne pour le ravitaillement.

Le 18 août 1943, la Gestapo les arrête tous les trois (sans doute sur dénonciation). Ils sont internés à la caserne de Saint-Etienne puis au Fort Montluc à Lyon, en septembre. Là, Simon est logé dans une baraque, au milieu de la cour centrale de la prison. Fin septembre, il est transféré de Lyon à Drancy.

Simon est déporté le 07/10/1943 par le convoi n° 60. Il arrive le 10 octobre à Auschwitz.

Témoignage de Simon recueillit par les collégiens du Rhône1 :

Octobre 1943 – janvier 1945 : Auschwitz

Sur la rampe, quand le SS demande à l’interprète français de m’interroger sur mon âge, je réponds directement en allemand si bien que le sélectionneur, après un instant d’hésitation, m’indique de rejoindre la bonne colonne en me disant : "tu pourras peut-être faire garçon de courses".
Je rejoins donc 350 hommes qui partent en camion vers Buna Monowitz, Auschwitz 3, distant de 5 ou 6 Km de Birkenau, pour construire les voies de communication de l’usine de caoutchouc synthétique de l’IG Farben (il y avait là, en plus des déportés, des prisonniers russes, anglais et des STO français –des gens de Tinchebray par exemple-).

Arrivés à Buna Monowitz, les déportés sont rasés, tatoués (j’ai le matricule 157085), habillés de vêtements rayés, mis en quarantaine, une dizaine de jours, près de la Place d’Appel, sous une grande tente, sans lit. On dispose, dehors, de quelques robinets pour se laver. Ensuite, les déportés sont disper sés dans des baraques et attribués à des commandos.

Je suis affecté au déchargement de briques : A la fin de chaque journée, mes mains sont en sang.

Quand ce commando est dissous, Je suis mis dans un commando de terrassement. Là, le kapo n’était pas une brute et quand le «meister» de la forge voisine a demandé à ce kapo s’il n’avait pas, dans son groupe quelqu’un parlant français et allemand, j’ai été envoyé à la forge.

Je suis au 3e commando : dans la forge, il fait chaud et je ne suis pas molesté, je sers d’interprète entre le "meister" et les STO français mais ceux-ci, par peur et par indifférence, ne m’aident pas. Ainsi, j’ai demandé au STO Lucien, d’écrire à M. et Mme ROCHE, café du Pont, à Auxerre, les restaurateurs qui m’avaient hébergé durant un mois, afin qu’ils m’envoient un colis : jamais, je n’ai vu ce colis qui a pourtant bien été bien envoyé.

La différence entre les camps de concentration et les camps d’extermination, ce n’est pas le travail, identique dans les 2 types de camps, mais, c’est la sélection : dans les camps d’extermination, les notions de vie et de mort étaient infiniment proches l’une de l’autre car la vie était aléatoire. Après la sélection du départ, sur la rampe, les sélections se faisaient, ensuite, en fonction des besoins en main d’œuvre des camps. La nuit, un
SS venait dans les baraques et il fallait défiler devant lui nus pour savoir si oui ou non, on pouvait encore servir à quelque chose. Ceux qu’il trouvait trop faibles ou trop amaigris étaient emmenés le lendemain à Birkenau et gazés. Les déportés avaient la hantise de ces sélections, il fallait bomber le torse pour faire voir qu’on était encore valide.

Sur 75000 déportés dans les camps de concentration, il en est revenu 40 %. Des 75 000 déportations raciales, il n’en est revenu que 3 % (2 500).

Seule clarté dans cet univers épouvantable, l’amitié avec Sigi HARTMEYER, le berlinois, arrivé trois mois après moi : nous partagions tout et nous nous considérions comme deux frères.

Début 1944, je tente de voler une pomme de terre : je reçois un terrible coup de matraque qui cause un abcès très douloureux. Admis au Revier, je suis opéré par un chirurgien viennois qui me prend en sympathie et me garde à l’hôpital durant deux ou trois mois : je deviens "essentrier", porteur de soupe puis "croque mort" : je dois entasser les morts à la morgue. Je suis affecté au 4e commando comme soudeur jusqu’en janvier 1945. J’apprends à faire de la soudure autogène : il fallait visser, avec des petits colliers, des tuyaux de cuivre sur des pylônes à dix mètres de hauteur.
Le travail était d’autant plus dangereux que la ferraille était rendue glissante par le froid et le gel. 

Pendant toute cette période, il fallait assister aux pendaisons, aux punitions, devant tout le monde, sur la Place d’Appel.

L’évacuation d’Auschwitz

Le 18 janvier 1945, les SS décident l’évacuation des trois camps d’Auschwitz. Les valides sont rassemblés sur la place d’Appel et on leur remet une demi-boule de pain.

1er jour : marche dans la neige et la boue glacée, par un froid intense, étape dans une briqueterie.

2e soir : arrivée à Gleiwitz : le camp est déjà évacué, les premiers arrivés couchent dans les baraques, les autres dehors.

Je suis épuisé par cette "marche de la mort" mais Sigi me force à marcher car tous ceux qui s’arrêtent sont exécutés par les SS.

Le 21 janvier : train de wagons à charbon, à ciel ouvert. Périple interminable par la Pologne, la Tchécoslovaquie et l’Autriche, sans rien manger ni boire, rien que de la neige. On nous refuse à Mauthausen : nous repartons vers l’Allemagne. Quand nous arrivons à Dora, près des trois quarts
des occupants du train sont morts. A Dora, les survivants sont triés : la moitié part vers Buchenwald, l’autre moitié, dont je fais partie, reste à Dora. Je travaille comme soudeur à l’arc dans le tunnel où sont assemblés les V1 et V2.

Début avril, avec Sigi, nous quittons Dora, toujours en train à ciel ouvert, sans nourriture et sans eau. Nous arrivons au camp de Bergen-Belsen : nous ne sommes pas logés dans le camp mais dans une caserne, gardés par des SS et des Ukrainiens qui ne se soucient pas de nous donner de la nourriture. Pendant huit jours, nous mangeons de l’herbe, des betteraves fourragères plus ou moins pourries.

Nous sommes libérés le 15 avril 1945 à 15 heures par les Anglais qui veulent classer les déportés par nationalité : Français, Anglais... Et Juifs ! Avec Sigi, nous nous rangeons avec les Français.

Le retour

Deux jours de camion (beaucoup meurent d’une nourriture inadaptée). Transfert à Bruxelles en avion, un bombardier sans aucun confort.

A Bruxelles, accueil formidable de la population : les déportés ne pouvaient pas faire deux pas sans être invités à manger ou recevoir quelque chose.

L’accueil en France a été beaucoup moins chaleureux, les déportés, qui avaient encore leurs vêtements rayés, ont été regardés un peu comme des bagnards.

A Lille, carte d’identité, vêtements civils, transfert en train à Paris.

A Paris, à l’hôtel Lutétia, nous recevons un petit pécule pour prendre le train et nous nous séparons : Sigi se dirige vers le midi et moi, je prends le train pour Auxerre où je suis accueilli par les Roche.

Commence alors une nouvelle période dramatique pour moi qui espère le retour des miens. Le tuteur qu’on m’a affecté voudrait que je reste avec lui à Auxerre mais je préfère partir à Paris retrouver un ami de mon père et devenir apprenti fourreur. Le faible salaire ne me permet pas, de toujours me payer une chambre et je passe quelques nuits sur un banc, à la gare de l’Est.

Devenu ouvrier fourreur, je subis la crise de la fourrure en 1951, et, après avoir travaillé de nuit aux Halles, j’entre dans un magasin de confection où je terminerai ma carrière en tant que directeur.

Je n’ai reçu aucune aide du gouvernement français. Je n’ai rien récupéré de mes biens à Auxerre à l’exception de quelques couverts en argent (je mange avec tous les jours) que mon père avait achetés dans une vente aux enchères et deux portraits à l’huile de mes parents.

J’ai été naturalisé français en 1951. J’ai retrouvé Sigi HART, en 1998, lors d’un rassemblement à Dusseldorf organisé par une association allemande qui faisait des études sur Buna Monowitz et recherchait, de par le monde, les survivants du camp. Ainsi "Ik" et Simon "à la cicatrice derrière l’oreille" sommes tombés dans les bras l’un de l’autre. Depuis, je suis allé deux fois à Los Angeles chez mon ami.

Tous ces évènements tragiques ont ancré en moi un solide sentiment antiraciste.

13/03/2021
Lien : Parcours de vie

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Titre

Matricule 157 085 , Témoignage d'un adolescent rescapé

 Matricule 157 085 , Témoignage d'un adolescent rescapé

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Auteur   Simon Igel  
Édition   Du Petit Chemin Eds  
Année   2011  
Genre   article de revue  
Description   Le calvaire d'un jeune homme qui, par miracle, a pu échapper à l'enfer. Né dans une famille juive polonaise qui émigre d'abord en Autriche, puis en France, Simon voit d'abord l'arrestation de ses proches. Arrivant à survivre grâce à la générosité d'amis français, il est malheureusement arrêté et dirigé sur Auschwitz. Là, il va connaître l'horreur. Comment des hommes peuvent-ils se comporter ainsi avec d'autres hommes ? Pourtant, la fraternité et le soutien existent, puisque les prisonniers, eux, survivent grâce à l'entraide de leurs compagnons. Simon Igel nous raconte son histoire avec sincérité et pudeur, sans juger ses bourreaux - lui qui va perdre quatre êtres chers dans ce camp. Aujourd'hui très impliqué dans les associations pour que personne n'oublie la barbarie nazie, son témoignage nous interpelle à l'heure où les nationalismes s'exacerbent de nouveau.  

Liens externes [Ajouter un lien vers un article d'intérêt ou un site internet]
1 ARORY (L'Association pour la Recherche sur l’Occupation et la Résistance dans l’Yonne est née en 1988 à l’initiative d’anciens résistants et déportés de l’Yonne, mène un travail de recherche historique sur la période de la Seconde Guerre mondiale. L'ARORY diffuse deux fois par an son bulletin, l'Yonne-Mémoire 40-44. L'ARORY mène aussi d'autres activités comme l'aide apportée aux enseignants et élèves qui participent au concours national de la Résistance et de la Déportation ainsi qu'aux étudiants dont les travaux portent sur des personnalités et des organisations résistantes. Enfin l'ARORY anime et participe à des conférences et à des expositions. )

Notes

- 1 - 150 collégiens à Auschwitz-Birkenau




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