(25/06/1940 - 24/01/1944) Léopold Marie Frédéric Chéneaux de Leyritz, Préfet de Haute-Garonne et préfet régional de la région de Toulouse à partir de 1941 (Ariège, Gers, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Lot, Lot-et-Garonne, Tarn et Tarn-et-Garonne et les parties non occupées des Basses-Pyrénées, de la Gironde et des Landes (1896-1970)
André Sadon
(24/01/1944 - 06/02/1944) André Paul Sadon, Préfet régional de la région de Toulouse (Ariège, Gers, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Lot, Lot-et-Garonne, Tarn et Tarn-et-Garonne et les parties non occupées des Basses-Pyrénées, de la Gironde et des Landes (1891-1965)
Jean Cassou
(1944 - 1944) Commissaire régional de la République de la région de Toulouse (Ariège, Gers, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Lot, Lot-et-Garonne, Tarn et Tarn-et-Garonne et les parties non occupées des Basses-Pyrénées, de la Gironde et des Landes (1897-1981)
Pierre Berteaux
(1944 - 1946) Pierre Félix Berteaux, Commissaire régional de la République de la région de Toulouse (Ariège, Gers, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Lot, Lot-et-Garonne, Tarn et Tarn-et-Garonne et les parties non occupées des Basses-Pyrénées, de la Gironde et des Landes (1907-1986)
Profession: Chef de brigade à la gendarmerie de Lautrec Qualité: Résistant. Chef du maquis Toutyva Date de naissance: 19/04/1902 (Le Garric (Tarn))
Date de décès: 21/02/1964 (Albi)
A La prévôté, hiver 1939-1940. De gauche à droite : Farssac, Tissier et Malbert
source photo : Yad Vashem
crédit photo : D.R.
Fernand Farssac, juillet 1943
source photo : Yad Vashem
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Fernand Farssac, prévôté des Alpes, septembre 1939
source photo : Yad Vashem
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Fernand Farssac à Lautrec, octobre 1943
source photo : Yad Vashem
crédit photo : D.R.
Brigade de Lautrec 1934. Au premier Rang : Gendarme Cazes et le Chef Farssac. Au second Rang : Gendarmes Burlats, Vayssette, Treilhou
source photo : Yad Vashem
crédit photo : D.R.
Fernand Farssac* est né le 19 avril 1902 au Garric (Tarn).
Il est le fils aîné d'Auguste Farssac, mineur à Sainte-Marie à Blaye, et de Marie-Julienne née Fenouillet.
Il est marié avec Ernestine, institutrice. Ils ont un fils, Gérard, qui va s'engager à 18 ans comme radio dans le maquis.
Résistant de la première heure, dès 1940, il créera son propre groupe de résistant en 1944, le maquis Toutyva.
Chef de brigade à la gendarmerie de Lautrec en 1940, Fernand Farssac* a permis de sauver 80 jeunes juifs réfugiés dans la Ferme école des Ormes, ouverte par les Éclaireurs israélites en France, à Lautrec, en les prévenant ou les faisant prévenir chaque fois qu'il aura connaissance d'ordres visant à les arrêter.
Dans le cadre du retour à la terre, un groupement de jeunes éclaireurs israélites a utilisé les dépendances du château des Ormes, la métairie de La Phalipié, dite la Ferme école des Ormes. Ces jeunes gens (les E.I., comme on les désigne), mouvement reconnu et agrée par l’État, sont venus s’installer avec des aides financières et sous le contrôle du ministère de l’Agriculture, le 15 novembre 1940. Une deuxième équipe est venue travailler sur les métairies de La Grasse et d’Estampes en mars 1941. Ils sont sous la direction de deux chefs, Robert Gamzon et Léo Cohn.
Les autobus qui viennent soit d’Albi, soit de Castres, soit de Gaillac, s’arrêtent devant le portail de la gendarmerie et aucune arrivée ne passe inaperçue. Fernand Farssac* sympathise avec eux et s'engage à les aider, mettant au point un code pour les alerter le cas échéant.
Le 28 août 1942, une information verbale transmise par le secrétariat de la section de Castres, l’informe que quatre jeunes éclaireurs d’origine alsacienne doivent être arrêtés. Fernand Farssac* reçoit l’ordre de procéder au courrier. Ce répit lui permet d’alerter Robert Gamzon qui fait disparaître les quatre intéressés.
Le capitaine, prévenu de l’échec de l’arrestation, ne fait aucun commentaire.
Début septembre, Fernand Farssac* passe à La Phalipié et suggère à Robert Gamzon et à Léo Cohn de donner quelques éléments de préparation militaire à ces jeunes juifs, préparant dans le même temps un plan d’évacuation d’urgence du groupe.
Le 6 décembre 1942, l’ordre arrive à la gendarmerie de Lacaune de procéder à l’arrestation de six jeunes étrangers du camp des Ormes. Les gendarmes doivent escorter et assister les inspecteurs de la police qui effectueront l’opération. Fernand Farssac* a tout juste le temps d’envoyer un message aux Ormes, et à peine une heure après la communication téléphonique qui les prévenait, trois inspecteurs et les membres de la Gestapo qui les accompagnent sont dans son bureau. Lamiable, qui parle l’allemand, assure la traduction des demandes et des réponses et fait son possible pour que l’entretien se prolonge. Lorsque la Gestapo se présente à La Phalipié, aucune des personnes recherchées ne figure ni sur la liste d’effectif ni parmi le personnel rassemblé sur leur ordre.
Les Allemands sont frustrés et furieux. Ils menacent tout le monde, y compris les gendarmes.
Le 24 décembre 1942, Fernand Farssac* est prévenu par son ami Sigal de Castres, résistant, journaliste, correspondant de la Dépêche et de plusieurs autres journaux, qu’une opération visant vingt-quatre personnes des Ormes (des Juifs étrangers) est en cours. La Gestapo agit seule avec un détachement de S.S. Fernand Farssac* envoie son fils Gérard aux Ormes de toute urgence. La Gestapo échoue et ne trouvera personne une fois de plus.
Avec l’assistance de deux gendarmes amis et résistants, Andrieu, originaire d’Albi, et Anglés, les jeunes des Ormes assimilent vite l’enseignement pour la préparation militaire qui leur est dispensé et apprennent à se servir des armes, à se camoufler et à se protéger.
Les gendarmes donnent en plus aux dirigeants deux exemplaires du manuel du soldat. Ils ne peuvent faire plus ! C’est à eux de jouer !
En janvier 1943, les jeunes rescapés des Ormes ont atteint leur refuge vers Lacaune sans encombre. Le réseau a parfaitement fonctionné. Robert Gamzon a changé d’identité et est devenu "Henri Lagnés" de Moissac. De retour de Lacaune, avec l'aide de Fernand Farssac* qui lui fournit trois fusils-mitrailleurs et trente mousquetons avec deux caisses de munitions, Robert Gamzon prend le commandement de "la sixième".
En juin 1943, Fernand Farssac* est prévenu que l’arrestation de la totalité des jeunes des Ormes est imminente. Le groupe du baron de Latgé, qui se fait appeler "Clément", chef de réseau, a pratiqué un piquage sur la ligne téléphonique qui relie Castres et la poste de Lautrec.
Le 9 juin, depuis une cabine téléphonique, Sylvie Delrieu, une amie d’enfance d’Ernestine employée à la préfecture d’Albi, informe dans l’après-midi Fernand Farssac* que cette arrestation est pour demain.
Aussitôt, il envoie Gérard prévenir Robert Gamzon. Dans la nuit, ils accélèrent l’évacuation de tout le personnel qui, dans un premier temps, se cache dans les bois du coté de Puycalvel alors qu’un premier détachement prend le chemin de Lacaune.
Au matin du 10 juin, six camions et plusieurs voitures de troupes allemandes, encadrées par la Gestapo, arrivent aux Ormes. Ils n’y trouvent personne !
Furieux les nazis saccagent tout dans les locaux. Ils recherchent les fuyards dans tout le secteur. Sans succès.
Le maire, M. Delga, qui assiste à l’opération, reçoit de vives menaces. Il en sera malade pendant plusieurs jours. M. Casamata, qui a remplacé Carayon à la tête de la Légion, sera également malade pendant plusieurs jours.
Par petits groupes en marches forcées les jeunes ont gagné le maquis de la Malquière, maquis de la Sixième, à Lacaune.
"Il le faisait sans rien attendre en retour. Cette action était logique dans la ligne de résistance que mon père s'était fixée. C'était son devoir d'homme libre que de juger de ce qui était bien.", a confié son fils, Gérard Farssac.
Juillet 1939
Les vacances de juillet ont commencé, alors que la tension internationale s’accentue. Dans les milieux militaires l’avis qui domine généralement est que le conflit évité in extremis l’an dernier, est maintenant tout proche.
En Allemagne, des bruits de bottes résonnent partout. Les "Nazis", (les membres du parti National Socialiste, qui ont amené Adolf Hitler à la tête de l’État) avec leur police interne au parti, la Gestapo, et ses unités militaires indépendantes de l’armée, les S.S. (Abréviation de Schutz-Staffel) (échelon de protection en français) et les Waffen SS, unités spéciales qui mélangées aux unités de l’armée régulière, la Wehrmacht, les encadrent et ont tout les pouvoirs.
Les pouvoirs civils : ils ont dissous le parlement et ils dictent les lois ; la police est à leurs ordres.
Les pouvoirs judiciaires : ils contrôlent tous les magistrats.
Les pouvoirs militaires : tous les officiers supérieurs doivent appartenir au parti pour être maintenus en activité.
Le parti contrôle également les religieux qui ont dû faire allégeance pour être tolérés.
Les discours d’Hitler sont de plus en plus virulents et menaçants. Il réclame maintenant la ville de Dantzig, seul port Polonais sur la Baltique, et un couloir pour accéder à ce port.
L’Union Soviétique a rompu le traité d’alliance avec la France et l’Angleterre et vient de signer un pacte de non-agression avec les Allemands !
Août 1939
C’est dans ce contexte alarmant que nous partons tout de même en congés, comme prévu, dès le premier août. Ma permission est signée, Ernestine est en vacances, rein ne justifie que nous différions nos congés.
Ces vacances nous conduisent suivant nos prévisions en Cerdagne où mon ami Burlatz nous a invités. Anciennement gendarme à Lautrec, il est maintenant chef de brigade à Saillagouse.
Sur la frontière d’Espagne, les troupes franquistes ont remplacé les républicains ; la tension est d’autant plus sensible que les troupes républicaines se sont réfugiées en France où elles ont été désarmées.
Gardes républicains et gardes franquistes se regardent à travers les barbelés sur le pont du Ségre (La frontière), sans aucune trace de sympathie.
Après un parcours par Argelès-sur-Mer, Port-Vendres, bien que permissionnaire jusqu’au 25 août, devant les informations alarmantes de la presse et de la radio, nous avons décidé de repasser par Lautrec avant de poursuivre nos vacances qui devaient nous mener en Bretagne.
D’une part, c’est sur notre route et cela nous évitera deux jours à l’hôtel, d’autre part, j’ai besoin de connaître les dernières répercussions des évènements internationaux sur les actions internes de la gendarmerie.
Nous sommes arrivés chez nous à Lautrec le 14 au soir !
Mardi 15 août
J’ai parlé avec les gendarmes de l’évolution de la situation internationale et j’ai pris connaissance des diverses notes venues de la section durant mon absence.
Dans la nuit 15 au 16 août le téléphone réveille la brigade à deux heures du matin. Un avis urgent nous est transmis : toutes les permissions sont annulées. Il faut sans délais rappeler les permissionnaires.
J’ai pris le message et accusé réception.
Tous les gendarmes sont venus au bureau et nous commentons la situation, lorsque vers trois heures un nouveau message nous est transmis : il faut dès maintenant amorcer la phase IV du plan de mobilisation. C’est la réquisition des chevaux !
Nous devons convoquer sans délais les paysans propriétaires de chevaux figurant sur notre fichier : c’est la réquisition qui commence. Nous avons déjà vécu une période semblable l’année précédente, ce n’est pas bon signe.
Dés cinq heures je préviens par téléphone Monsieur Delga, le maire de Lautrec et l’informe de la situation. Il va venir aussitôt que possible : son domicile est à quatre kilomètres de Lautrec, au château de Vincennes, prés de Brousse.
Il passe à la brigade vers cinq heures et demie et va aussitôt à la mairie. Lui aussi va avoir du travail, la préfecture aura des consignes à transmettre.
Pour faire parvenir rapidement les fascicules de réquisition, j’ai besoin de l’aide de personnes extérieures à la brigade. Notre voisin Édouard Oulmiéres, garagiste à coté de la gendarmerie, informé parmi les premiers, se met immédiatement à notre disposition avec sa voiture pour transporter un gendarme qui remettra les fascicules dans les fermes concernées. Les deux instituteurs de l’école laïque, Charles Martel et Klébert Sablayroles, qui possèdent tous deux une voiture se mettent spontanément à notre disposition. Tous les gendarmes sont envoyés remettre les fascicules.
J’assure la permanence au bureau et coordonne les activités de la brigade
Mercredi 16 août
Dés le matin, les agriculteurs concernés par la réquisition des chevaux arrivent et stationnent avec leurs bêtes sur la place devant la gendarmerie. Tout le monde est grave et les conversations vont bon train ; une commission de réquisition est arrivée de bonne heure et siège sur la place du Mercadial. Les commentaires de tous sont très pessimistes.
Ernestine a mis notre radio assez fort et beaucoup de monde se presse devant la caserne pour écouter les informations, d’autre commentent les journaux qui viennent d’arriver.
Vendredi 18 août
Dès huit heures du matin, l’ordre nous a été transmis de remettre aux intéressés les fascicules n° 6. La ronde des gendarmes aux quatre coins du canton reprend ; il faut également afficher l’ordre de mobilisation dans les mairies et remettre individuellement le fascicule à chacun des intéressés en leur fixant leur lieu de rassemblement et leur délai de route.
Samedi 19 août
La mobilisation se poursuit. Deux nouvelles catégories de réservistes sont appelées. Les fascicules n°3 et n°4 sont concernés. La ronde des gendarmes a repris !
Dans le village les commentaires vont bon train. Monsieur Cambos, le secrétaire de mairie (et notre voisin sur la place), vient aux renseignements. J’avais quelques inquiétudes par rapport à certaines personnes qui affichaient des idées très gauchistes et très antimilitaristes. Ces mêmes personnes sont venues spontanément nous proposer leur aide !
Dimanche 20 août
La plus grande partie de la population de la commune est venue au village. Les uns accompagnent les réservistes rappelés qui rejoignent leur lieu d’affectation, les autres viennent aux nouvelles.
La messe du dimanche rassemble la majeure partie de la population de la paroisse : il y a au moins une personne de chaque ferme de la commune.
Lundi 21 août
La radio diffuse une allocution du président du conseil, Édouard Daladier. Il essaye de rassurer la population, mais il est peu convaincant.
Mardi 22 août
La mobilisation des affectés spéciaux se poursuit. Deux nouveaux numéros de fascicule sont rappelés. Nouveau circuit des gendarmes, nouveaux départs !
Dans un discourt radiodiffusé au monde entier, Hitler exige que la Pologne laisse aux Allemands Dantzig et le couloir qui borde la Baltique entre Dantzig et l’Allemagne. C’est un ultimatum !
Les Soviétiques appuient cette exigence : Ils ont changé de camp !
Jeudi 24 août
Une nouvelle étape est franchie : la mobilisation générale est décrétée.
Tous les réservistes sont rappelés. Ils doivent rejoindre sans délais leur centre mobilisateur
Les gendarmes doivent s’assurer que les informations ont été transmises et remettre à chacun des intéressés leur fascicule de mobilisation. Les hommes se présentent bientôt à la brigade et sont dirigés sur la gare pour rejoindre Castres où Albi.
L’autobus qui relie Castres à Albi par Lautrec ne passe plus. Fernand Camps (un de nos cousins de Carmaux), le propriétaire exploitant de la ligne, est mobilisé.
Samedi 26 août
De tout le canton, les hommes mobilisés passent pour retirer leur titre de transport et nous demander conseil pour les diriger vers leur centre mobilisateur. Les informations diffusées par les diverses radios sont très alarmantes.
Dans la matinée, le capitaine Dubarry (notre chef de la section de Castres) a convoqué tous les chefs de brigade pour une réunion à la section à 14 heures. Il nous fait part des consignes et des instructions à appliquer.
Il nous fait savoir que parmi les gendarmes et les chefs de brigade de la section, certains seront appelés à servir dans les prévôtés rattachées aux divisions aux armées.
Il nous rappelle le rôle et la fonction de la prévôté en campagne et nous invite à consulter le règlement interne qui définit cette activité en temps de guerre.
La guerre : on y est déjà !
Dimanche 27 août
La mobilisation se poursuit dans le calme. Les hommes partent vers leur centre mobilisateur sans rechigner, mais sans aucun enthousiasme. Cela ne ressemble en rien à ce que j’ai connu il y a 25 ans.
Lundi 28 août
Des instructions téléphoniques émanant de la préfecture et transmises par la voie hiérarchique nous demandent d’établir sans délais la liste des personnes du canton qui sont membres du parti communiste.
Depuis la signature du pacte de non-agression entre l’Union Soviétique et l’Allemagne Nazie, les communistes qui se réclamaient de Moscou et se voulaient être une filiale du parti communiste russe, sont maintenant suspectés de menées antinationales Les cadres du parti sont arrêtés.
Et l’on apprend par la radio que le dimanche 27, Hitler et l’Union Soviétique ont signé un pacte d’alliance. Voila qui est franchement mauvais pour nous !
C’est dans cette atmosphère de catastrophe et de très grande anxiété que le mois d’août arrive à sa fin.
Dans toutes les communes du canton, les personnes qui restent s’affairent pour pallier à la carence de main-d’œuvre qui résulte de ces départs, car les travaux agricoles ne laissent aucun répit.
J’ai appris par la radio que tous les internats scolaires étaient supprimés. Il me reste à faire inscrire Gérard au lycée d’Albi, où il sera hébergé par sa grand-mère.
J’ai téléphoné à Gaillac, le proviseur, Monsieur Reiter, m’a confirmé l’information et m’a proposé de faire l’inscription au lycée d’Albi. Il n’est pas le seul élève dans cette situation.
Jeudi 31 août
La radio nous apprend dès le matin que les divisions blindées allemandes ont pénétré en Pologne et que les combats avec les troupes polonaises sont très violents.
Vendredi 1er Septembre
L'Allemagne déclare officiellement la guerre à la Pologne. Les divisions blindées déferlent sur le pays, balayant la cavalerie polonaise, l’aviation allemande bombarde les villes sans souci d’objectifs militaires, et nous sommes liés aux Polonais par un traité d’alliance !!
Samedi 2 septembre
Les troupes soviétiques massées prés de la frontière envahissent également la Pologne. Les Polonais pris entre deux armées en conquête ont peu de chances de pouvoir les contenir. Les divisions de cavalerie polonaise ne pèsent pas lourd devant les divisions blindées d’Hitler et de Staline.
(Les combats dureront huit jours. Les Allemands et les Soviétiques se partagent la Pologne. Après les combats, ils ont regroupé et exécuté presque tous les officiers de l’armée polonaise à Katyn. On y retrouvera après la guerre d’énormes charniers. Les Allemands y ont massacré plus de dix mille Polonais. )
Dimanche 3 septembre
C’est officiel : la France et la Grande-Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne ! Le président du conseil, Édouard Daladier, dans une brève déclaration radiodiffusée à 9 heures l’a annoncé à la nation.
Au début de l’après-midi, le capitaine Dubarry, mon chef de section à Castres, me fait savoir qu’il est appelé pour former une prévôté et que je suis sur la liste des chefs de brigade qui rejoindront les armées.
Si je suis d’accord, il va faire son possible pour que nous soyons affectés à la même prévôté. Depuis trois ans qu’il est le commandant de la section de Castres, nous avons souvent évoqué ensemble les évènements et nous sommes en complet accord tous les deux. Il est bien évident que je préfère partir avec quelqu’un que je connais et que j’estime !
Il ne me reste plus qu’à prévenir Ernestine et à préparer mon paquetage.
Mardi 5 septembre
L’ordre de route est arrivé au courrier. Je dois rejoindre la section dans la journée du 6 septembre. Il me reste quelques consignes à transmettre au gendarme Vayssettes qui va assurer les fonctions de chef de brigade en attendant la venue d’un chef réserviste. Je transmets toutes les instructions et consignes et passe le relais. Les gendarmes sont très émus et me souhaitent bonne chance.
Mercredi 6 septembre
Le train m’a laissé en gare de Castres. J’ai rejoint la gendarmerie et me suis présenté au capitaine. Il est lui-même en train de préparer son paquetage !
Il m’informe que les chefs de brigade de Lacaune et de Vabre vont faire partir de notre groupe, ainsi que six gendarmes venant de Labruguière, de Soual, de Vielmur-sur-Agout, d’Anglès, de Roquecourbe et de Montredon-Labessonnié. Il me demande de les accueillir lorsqu’ils se présenteront et de préparer éventuellement un cantonnement pour la nuit.
Tour à tour, le gendarme Forain venant de Roquecourbe, les gendarmes Picard et Marty venant de Labruguière et d’Anglès, les gendarmes Angard et Morvan venant de Vielmur-sur-Agout et de Soual, le gendarme Leroux venant de Montredon-Labessonnié se présentent. Je les accueille au nom du capitaine. Nous échangeons nos impressions.
Un peu plus tard arrivent venant de Lacaune le chef Malbert, et de Vabre le chef Tissier. L’effectif attendu est au complet.
Le capitaine nous a rejoints. Il accueille chacun des membres de l’équipe et fait un petit commentaire sur le rôle de la prévôté en campagne.
Tout a changé : il n’est plus l’officier assez distant que nous connaissions, il se comporte comme l’un de nous, sans distinction, en compagnon presque !
Les ordres ont changé, nous dit-il ; il nous informe que nous devons partir ce soir même par le train de Revel et que nous nous retrouverons au siège de la 16ème Légion à Montpellier dès demain matin.
Il me confie la direction du groupe comme étant le plus ancien parmi les chefs de brigade.
Lui-même va rejoindre Montpellier avec sa voiture personnelle. Son épouse la ramènera à Castres.
Jeudi 7 septembre
A notre arrivée à Montpellier, à la caserne de la 16ème Légion de gendarmerie, nous étions le premier groupe constitué à se présenter. Le capitaine nous a rejoints dans la matinée.
Il m’a emmené avec lui et a réglé les problèmes d’intendance, pour les repas au mess des sous-officiers de la Région et pour le couchage. Neuf autres gendarmes de la 16ème Légion ont été affectés à notre groupe.
Vendredi 8 septembre
Dans la matinée, nous apprenons que nous formons la prévôté de la 66ème division d’infanterie affectée à l’armée des Alpes.
Il s’agit d’une division stationnée dans les Alpes en bordure de la frontière italienne. L’état-major de la division est stationné à Brignoles dans le Var, que nous rejoignons par le train dans la nuit.
Pour l’instant, l’Italie, sous la coupe d’un gouvernement fasciste dont le dictateur Mussolini est le chef absolu, reste neutre et ne participe pas au conflit.
Dimanche 10 septembre
La prévôté s’est regroupée à Brignoles. Le capitaine a pris contact avec l’état-major de la division et a présenté son groupe.
Des locaux nous ont été affectés pour le logement des hommes et le mess. Les bureaux ont été mis en place, nous percevons notre dotation de fonctionnement en matériel de bureau et en véhicules. Nos bureaux sont dans les locaux même de l’état-major.
Trois brigades de cinq où de six hommes ont été formées sous le commandement des chefs de brigade. Les gendarmes Picard, Leroux, Forain de la section de Castres, font partie de ma brigade. Jourdain de Carcassonne et Rivals de Saverdun complètent mon équipe.
J’assure en plus de mon commandement le secrétariat de la prévôté.
Septembre
Nous somme installés dans ce qui sera appelé "la drôle de guerre". Notre travail ne diffère guère de celui des brigades sur le territoire desquelles nous sommes installés. Toutefois notre action est ciblée sur les formations militaires et l’espace que nous devons couvrir peut comprendre plus de la moitié d’un département. Police militaire et régulation des déplacements font partie du lot quotidien de nos activités.
Au cours de cette moitié du mois de septembre, devant le calme qui règne dans le sud et sur tous les fronts, le capitaine a laissé venir jusqu'à Brignoles Madame Dubarry, son épouse. Ernestine qui est encore en vacances en a profité pour faire le voyage avec cette dernière et est venue me rejoindre. Nous avons passé trois jours semblables à des vacances !
Octobre
La division s’est déplacée, ainsi que la prévôté. Nous sommes stationnés à La Turbie, près de Nice. Nos moyens ont été accrus : nous disposons maintenant d’un parc automobile de six voitures (quatre Peugeot 402, deux tractions-avant Citroën, d’une camionnette Citroën) et de dix motos. Un mécanicien a été affecté à l’entretien de ce parc, un cuisinier nous a également été affecté pour notre mess.
Novembre
Notre division va relever la 33ème sur la ligne frontière des Hautes-Alpes. Notre prévôté se déplace vers Grenoble et s’installe à Vizille.
Il faut reconnaître tout le secteur qui nous incombe et les routes de montagne ne sont pas faciles en hiver
Dans le nord de l’Europe, les Soviétiques - avec l’accord des Allemands - ont envahi la Finlande malgré la défense désespérée de sa petite armée. Ils ont en quelques jours annexé tous le pays.
Le monde libre exprime son indignation mais ne fait rien de plus.
Décembre
La drôle de guerre se poursuit. La division fait mouvement et va en Savoie. Chambéry nous accueille.
Nos déplacements sont maintenant bien au point et nos méthodes efficaces : en quelques heures nos cantonnements, cantine, bureaux, garage, sont opérationnels.
Nos motards sont à rude épreuve : les routes enneigées ne sont pas de tout repos.
Janvier 1940
La division est relevée par des chasseurs alpins. Nous revenons dans le secteur de Barcelonnette. La 66ème D.I. assure la sécurité près du col de Larche. Nous sommes cantonnés à Gap .
L’hiver est très rude, les routes sont très difficiles ; le matériel souffre beaucoup de ce mauvais temps, pourtant le moral de tous reste excellent. Le capitaine qui vit avec nous et partage tous nos problèmes réussit à maintenir un moral exceptionnel à tous ses hommes.
Février 1940
La 66ème DI. se déplace à nouveau et vient prendre position sur le col de Tende (N.21) qui, depuis Nice, permet de rejoindre l’Italie. La prévôté se fixe à Sospel et c’est pour nous maintenant la routine de reconnaître toutes les routes et de visiter toutes les unités réparties le long de cet axe.
Mars 1940
Ici le printemps fait son apparition de très bonne heure. Sur le front de l’Est et du Nord, c’est la bataille des communiqués : activité de patrouilles ; rien à signaler !
C’est "la drôle de guerre"
Avril 1940
En Europe, l’expansion de l’Allemagne se poursuit. Le 9 avril, les armées du Reich attaquent la Norvège.
Des unités anglaises et françaises se portent au secours des Norvégiens mais, devant la poussée de la Wermacht, loin de leurs bases et de leur ravitaillement, l’expédition devra réembarquer et se soldera par un échec.
Sur la frontière des Alpes, la 66ème DI. revient en Savoie. Elle prend ses quartiers en Maurienne sur la route du Mont-Cenis (N6). Si la vallée libre est de neige, les massifs environnants sont encore recouverts.
La prévôté est installée à Saint-Jean-de-Maurienne. Nous reconnaissons toutes les routes accessibles et effectuons les liaisons demandées par l’état-major avec les divisions voisines.
Mai 1940
Les services de renseignement ont alerté l’état-major ! Ils font savoir que les Italiens massent des troupes sur les grands axes de la frontière. Il y a une concentration importante à Suze au pied du Mont-Cenis, à Sestrières au pied du Mont-Genèvre. L’état-major met toute la division en état d’alerte renforcée, annule toutes les permissions. Les débits de boissons et autres à coté sont fermés.
Les nouvelles du front du Nord sont mauvaises. Les Allemands ont envahi la Belgique et foncent vers la France le long de la côte et à travers les Ardennes, contournant la ligne Maginot.
Des milliers de civils : réfugiés Belges d’abord, puis Français de la région du Nord, envahissent les routes gênant considérablement les troupes qui essayent de s’opposer aux divisions blindées allemandes.
Dans de nombreux secteurs le commandement déguerpit lâchement en abandonnant troupes et matériel : c’est la débâcle !
Puis c’est Dunkerque et le corps expéditionnaire anglais qui essaye de réembarquer.
26 mai 1940
Devant le spectacle de l’armée du nord à l’abandon et en pleine déroute, les Italiens de Mussolini veulent leur part du gâteau. Ils revendiquent la Savoie et Nice et veulent les conquérir.
Trois divisions montent la face italienne du Mont-Cenis. Elles s’étirent sur plus de 20 kilomètres et redescendent du coté français sans rencontrer la moindre résistance. Les forts d’Arcelle et de l’Arcy, de part et d’autre du col, sont muets et paraissent abandonnés, aucune troupe française autour du col !
Pour les Italiens c’est une promenade.
Dans la vallée, à Fourneaux (23 kilomètres du sommet du col) des détachements d’infanterie de la 66ème DI arrêtent les avant-gardes italiens et stoppent leur avance. Mais les troupes qui descendent continuent d’affluer et se massent derrière leur avant-garde.
Les unités de chasseurs de la 66ème DI se retirent alors et laissent les fantassins italiens face à 148 pièces d’artillerie de 75 parées à tirer, débouché à zéro.
Les canons ouvrent le feu, sans laisser la moindre chance à ces malheureux qui sont massacrés sur place, alors que les forts, muets depuis le début du passage des convois, ouvrent le feu à leur tour sur l’arrière de la colonne fermant tout espoir de marche arrière. Durant trois jours ces unités italiennes sont exterminées dans cette vallée de l’Arc, entre Fourneaux, Villarodin-Bourget, Bramens, Sollières-Sardières.
Les unités de chasseurs alpins massés sur les pentes de la Vanoise et sur le massif du Mont-Cenis, exterminent tous les fuyards qui essayent de se cacher dans la montagne.
On a estimé à 10 000 hommes les pertes italiennes dans ce secteur, et l’Italie n’était pas encore en guerre ! Ce n’est que le 10 juin que Mussolini a officiellement déclaré la guerre à la France.
Cet épisode terminé, les Italiens survivants ont regagné Suze et le front est revenu au calme complet.
Juin 1940
On assiste la rage au cœur à l’effondrement des armées françaises. Il nous parait évident qu’il s’agit d’un plan longuement élaboré ; les hommes de la Cagoule, Doriot, Denat, Laval, se font place sur la scène politique. Ces hommes de la réaction s’opposent au départ du gouvernement pour l’Afrique et à la poursuite de la guerre !
Le Maréchal Philippe Pétain prend le pouvoir, avec Pierre Laval comme premier ministre, et le 17 juin demande l’armistice et accepte la capitulation. Il proclame ensuite la dissolution de l’Assemblée nationale et de la République.
On ne parlera plus désormais que de l’État français.
Quelle honte ! Quel déshonneur ! Quelles magouilles ! L’armée trahie par ses chefs !
Juillet 1940
La dispersion des unités de la division a commencé. C’est le retour vers leur cantonnement d’origine pour certaines, pour un centre d’accueil pour celles qui étaient situées en zone maintenant occupée.
Les gendarmes regagnent également leurs brigades. Un à un arrivent les ordres de retour. C’est des copains valeureux qui rentrent chez eux la tête basse.
Le 4 juillet, Malbert, mon camarade de Lacaune reçoit sa feuille de route et regagne sa brigade ; il part en compagnie du gendarme Leroux, qui rejoint Montredon-Labessonnié.
Le lendemain, Tissier à son tour reçoit son ordre de route et rentre chez lui. Je passe mes journées au bureau à régler toutes les formalités qui se présentent : il faut reverser les véhicules au parc du matériel, faire retour des pièces de bureau, des machines à écrire qui nous ont été affectées.
Je garde seulement une machine portative pour rédiger les divers documents qui nous sont demandés. Le capitaine effectue une part importante du travail. Comme moi, il frappe divers rapports qui nous sont demandés et se plonge dans le travail. Cela, dit-il, permet de ne pas penser aux évènements extérieurs.
Le huit juillet, nous restons les seuls représentant de la prévôté. Nous avons rendu tout notre matériel. Nous attendons l’ordre de rentrer. Il arrive le 9 au matin.
Nous rejoignons Montpellier dans la journée, et le capitaine obtient de la Légion une voiture qui nous permet de rejoindre Castres et Lautrec dans cette même journée.
Après mes retrouvailles avec ma famille, mon épouse en vacances et mon fils, j’espérais quelques jours de détente avant de me remettre au travail.
Dés le lendemain, 10 juillet, à 11 heures, le capitaine me fait appeler au bureau de la brigade et me demande un rapport sur les troupes en stationnement à Lautrec : effectifs, matériel, etc. le boulot quoi ! Démobilisé, oui, mais pas permissionnaire !
Le ton aussi a changé : ce n’est plus le copain de la guerre, c‘est l’officier d’avant.
Je reprends donc le travail à la stupeur du chef réserviste qui m’a remplacé pendant la campagne et qui d’ailleurs ne demande que cela, et aussi à la surprise des gendarmes qui ne comprennent pas.
Les renseignements demandés ne sont pas très faciles à obtenir, les quatre gendarmes vont faire le tour des "popotes" dans le village pour avoir les informations à la base. De mon coté, je contacte chacun des officiers responsables des unités pour avoir leur point.
Les informations ramenées par les gendarmes sont beaucoup plus précises que celles données par les responsables. Ces derniers sont totalement démotivés et les états dont ils disposent ne sont pas tenus à jour.
Vers dix huit heures, rappel du capitaine pour ce rapport. Je dois le lui apporter directement demain matin. Je travaille assez tard pour terminer cet ouvrage et dès huit heures le lendemain, avec ma voiture, je vais à Castres remettre le document.
Le capitaine, après en avoir pris connaissance, s’informe pour savoir si j’ai archivé et mentionné le document dans la main-courante. Suite à ma réponse négative, il me demande de ne pas le faire figurer dans les documents officiels et de conserver le double par devers moi : Il est redevenu le "camarade de guerre" et m’invite à déjeuner.
Un autre invité partage sa table, qu’il me présente comme un de ses amis officier du train : le commandant Metge. Ce dernier s’occupe du matériel militaire et est en mission dans la région. Le capitaine fait de moi un portrait très avantageux, déclarant que durant toute la campagne, j’avais été un collaborateur et un ami précieux et qu’il avait une confiance absolue en moi.
Nos conversations portent ensuite sur les événements du moment. Il me confie, ensuite en tête à tête que j’aurais très certainement affaire au commandant Metge et que je pouvais me fier à lui en toute sécurité.
Je suis revenu à Lautrec dans la soirée assez perplexe !
Deux bataillons, venant de deux régiments différents, se sont trouvés stationnés en même temps à Lautrec, au moment de la signature de l’armistice. Comme exigé dans les conditions de l’armistice, il leur est interdit de se déplacer et ils doivent être démobilisés sur place.
Il s’agit d’un bataillon du 49ème régiment d’intervention légère équipé de chenillettes et de canons antichars de 25 et 35 mm, et d’un bataillon du 21ème régiment du train. Plus de trois cent hommes attendent d’être libérés. Chaque bataillon est sous le commandement d’un capitaine et de deux lieutenants, tous réservistes. Des sous-officiers, pour la plupart réservistes, complètent l’encadrement.
Les hommes sont habillés avec des tenues disparates, il n’y a aucune discipline ! Les popotes qui assurent la subsistance sont mal ravitaillées, les hommes couchent pour la plus grande partie d’entre eux chez l’habitant où dans des granges réquisitionnées. C’est anarchique.
Le document que j’ai établi et remis au capitaine est l’état à jour de l’effectif et du matériel de ces unités.
Au cours des jours qui suivent je prends contact avec mes camarades de la prévôté, chefs et gendarmes, pour m’informer de leurs conditions de retour.
La propagande du gouvernement sous les ordres de Philippe Pétain, installé à Vichy avec ses ministres Pierre Laval, Jacques Doriot, Joseph Darnand, me déplait et me hérisse. Cette propagande accuse les soldats d’être responsables de la défaite et blanchit totalement cadres et officiers supérieurs. C’est grotesque !
Mais, auprès de nombreuses personnes, le maréchal Pétain, héros de la guerre de 14, a un tel aura que ses paroles sont paroles d’évangile. Et la propagande de Vichy ne se gêne pas pour en rajouter et pour surenchérir.
J’ai entendu à plusieurs reprises l’appel du général De Gaulle. Il a raison ! Il faut continuer à se battre, ne serait-ce que pour l’honneur.
Le capitaine m’a incité à la prudence ! Je ne peux pas laisser Ernestine et Gérard pour rejoindre les Forces Françaises Libres. Jean est prisonnier dans un oflag, Georges n’est pas rentré, peut-être est-il lui aussi prisonnier dans un quelconque stalag : la famille a besoin de ma présence.
J’ai eu une longue conversation avec mon frère René qui est maintenant en poste à Monestiés : il est sur le tableau d’avancement et ne veut surtout pas risquer sa situation !
C’est son choix et son droit.
Notes et mémoire de guerre de Fernand Farssac dit Toutyva, rédigé par Gérard Farssac, fils de Fernand Farssac, résume l’action de son père entre 1940 et 1944. Il lui a permis, aidé par ses carnets de notes, de retracer son action pendant la clandestinité et pendant le Maquis.
Vers la fin du mois d’août, le commandant Metge est venu à Lautrec. Sa mission consistait à vérifier la situation des armes et du matériel laissé sur place par les militaires démobilisés. Il reste encore dans chaque bataillon un officier et quelques sous-officiers qui ont la charge de tout ce matériel.
Les véhicules et les canons sont rangés sur la place du Mercadial, face à la gendarmerie.
Les armes légères, mousquetons fusils-mitrailleurs, armes de poing, ainsi que les munitions et grenades, sont stockées dans la grange de Monsieur Lencou, à coté du Mercadial, grange et garage réquisitionnés à cet effet
Dans un premier temps, le commandant Metge a pris en compte tout ce matériel ce qui a libéré les officiers et sous-officiers maintenus sur place et qui ont été démobilisés sur place dans la journée.
A la simple lecture des états fournis par les militaires maintenant démobilisés, Metge comprend que ces états sont très approximatifs. Il veut un inventaire complet, d’autant qu’il possède celui que j’ai réalisé dès mon retour des armées.
Metge vient me trouver (ce n’est par hasard que le capitaine nous a présenté l’un à l’autre chez lui). Il me demande de l’aider dans cette tâche, ce que j’accepte très volontiers.
Peu après, les gendarmes Anglès et Vayssettes, qui partagent totalement nos convictions, nous proposent leur aide et je suis certain en les entraînant dans cette aventure d’avoir l’accord tacite du capitaine.
La vérification montre que l’état officiel établi par les militaires (maintenant démobilisés) est très fantaisiste et comporte de multiples erreurs et lacunes.
A la suite d’une discussion entre le Cdt Metge et moi-même au cours du déjeuner pris ensemble dans ma famille, nous convenons de ne livrer à la commission d’armistice, qui doit très prochainement prendre possession de ce matériel, que celui qui figure sur le document officiel établi par les militaires et de cacher l’excédent dans des lieux sécurisés.
Cet excédent est important : deux camions Berliet, deux chenillettes, trois mitrailleuses, quatre fusils-mitrailleurs, huit pistolets, dix caisses de munitions, dix bandes de cartouches pour les mitrailleuses, une caisse de grenades constituent le matériel non répertorié.
Avec l’aide d’Anglés et Vayssettes nous transportons de nuit tout ce matériel (à l’exception des camions et des chenillettes) dans une cache soigneusement reconnue auparavant.
Il y a sous La Roquette, le promontoire rocheux qui fait face à la gendarmerie, une grande cavité creusée en plein roc de quatre mètres de coté environ et de deux mètres de hauteur, avec une très petite entrée cachée dans des broussailles - cache qui date du Moyen Age et qui devait servir à stocker des vivres en cas de siège. Cette cache est presque inconnue, elle a été retrouvée par les enfants du gendarme Treilhou qui recherchaient un chien tombé dans cette cache et qui ne pouvait plus en sortir.
Le lieu n’est pas humide et se présente comme un emplacement idéal pour cacher les armes et les munitions. L’entrée est très difficilement décelable, au fond d’un jardin, contre la falaise rocheuse qui le borde. Le propriétaire, Germain Laroque, militant communiste âgé de plus de soixante-dix ans, est tout acquis à notre cause. De plus, il sait que s’il commet la moindre indiscrétion, il risque sa vie.
Les armes stockées, ultime précaution, l’entrée est murée et Laroque plante de la verdure devant ce mur.
Les chenillettes, chargées sur les camions sont emmenées dans une grange à La Tour dans la commune de Venès. C’est une vieille ferme désaffectée, propriété de la famille Vaur à Plaisance, à cinq cent mètres de La Tour.
Justin Vaur, démobilisé depuis peu, est bien connu des gendarmes, en particulier de Treilhou. Il affiche des sentiments patriotiques et il met cette dépendance de sa propriété à notre disposition, nous garantissant le secret plus absolu.
Ces dispositions ont occupé une semaine entière et, vers la fin septembre, le personnel de la commission d’armistice fait emmener la totalité du matériel restant, libérant la gendarmerie de toute surveillance.
Le 27 septembre, l’Allemagne, l’Italie et le Japon ont signé un pacte d’alliance. Ils se dénomment "l’axe Berlin, Rome, Tokyo"
Au cours des réunions des chefs de brigade qui ont lieu régulièrement à la section à Castres je retrouve avec plaisir mes camarades de la prévôté, Malbert de Lacaune et Tissier de Vabre.
Après ces réunions, nous échangeons nos points de vue sur les sujets d’actualité et je constate avec plaisir que nous partageons les mêmes valeurs. Leurs idées sont semblables aux miennes ! Nous nousd promettons de rester en contact étroit.
Le 22 octobre, Philippe Pétain, maréchal de France, chef de l’Etat, rencontre à Montoire-sur-Loire le chancelier Adolf Hitler. La propagande de Vichy publie une photo représentant les deux hommes se serrant la main, avec cette maxime : "Entre soldats et dans l’honneur".
C’est un comble dans l’abjection !!
Le 30 novembre, les troupes soviétiques, avec la bénédiction des Allemands, attaquent la Finlande et envahissent leur territoire. Malgré la résistance héroïque de la petite armée finlandaise, l’occupation du pays se fait en quelques jours. Les Finlandais ont été écrasés, sans déclaration de guerre, sans réaction du monde libre qui se contente de déclarations emphatiques et sans effets.
Nazis et Soviétiques font bon ménage !
En France, le parti communiste, déjà hors la loi, a du mal à expliquer le comportement de son modèle. D’autant que le secrétaire général du parti, Maurice Thorez, touché par un ordre de mobilisation en septembre 1939, a déserté et s’est réfugié en Union Soviétique.
La propagande de Vichy ne se gêne pas pour brocarder le déserteur
Après une réunion des chefs de brigade au cours du mois de décembre, le capitaine, prétextant un problème de service, a retenu auprès de lui les chefs Malbert, Tissier et moi-même.
Il nous fait part des sentiments qu’il éprouve vis-à-vis de la politique de l’Etat et nous recommande la plus grande prudence dans nos actes et dans nos paroles.
Nous transmettons à nos camarades gendarmes de la prévôté, les recommandations du capitaine.
Au cours de cet automne 1940, nous avons assisté jour après jour à l’offensive des forces de l’Axe contre ses voisins - en Europe, Afrique ou Asie.
Les Italiens de Mussolini, qui veulent prouver aux nazis leur volonté de coopération et leur puissance, ont déclenché une attaque contre la Libye et entrepris la conquête de l’Ethiopie.
L’Union Soviétique attaque et envahit les Etats baltes.
L’Allemagne envahit la Roumanie pour se rapprocher des champs pétrolifères.
En Asie, les Japonais ont envahi la Malaisie, l’Indochine et ont débarqué en Chine. Ils ont pris Nankin.
Les Américains restent neutres et ne tiennent pas à se mêler de ce conflit qui ne les concerne pas directement et qui leur rapporte beaucoup de dollars !
Pour nous tout va mal, malgré les affirmations de l’équipe à Philippe Pétain ! Les Allemands raflent tout ce qui est nécessaire à la vie quotidienne : blé, textiles, pétrole, minerais, (fer, charbon), tout part en Allemagne !
Janvier 1941
Le Reich victorieux clame sa puissance. Les collabos prônent ouvertement une alliance complète avec les Allemands, le gouvernement de Laval à Vichy est pour ce rapprochement et déclare : "Je souhaite la victoire du peuple allemand"
La propagande de Vichy vient de mettre au point un moyen pour encadrer les Français : c’est la Légion des combattants qui veut regrouper tous les anciens combattants et les faire adhérer au mouvement de Vichy. Et ça marche ! "Vive le Maréchal", disent-ils.
A Lautrec le percepteur, monsieur Carayon, ancien combattant invalide de la guerre de 14-18, qui ne se déplace qu’avec de béquilles, est à la tête du mouvement et croit dur comme fer qu’il fait œuvre honorable puisqu’il suit les directives du Maréchal.
Dans tous le pays il se crée des mouvements de jeunesse pour canaliser et endoctriner les jeunes gens et les adolescents : J.O.C., J.A.C. etc. sont des émanations de Vichy. Ils chantent tous "Maréchal nous voilà".
J’ai du mal à retenir certains gendarmes tentés de participer aux cérémonies organisées par cette légion sans dévoiler mes sentiments, d’autant que le maire, monsieur Delga, nous sollicite souvent pour y participer. J’invoque les ordres de mes supérieurs pour me défiler.
Au début de ce mois de janvier, le chef Tarroux, de la brigade d’Albi, que j’ai rencontré plusieurs fois, m’a appelé et m’a fait savoir qu’il avait contrôlé Gérard à trois reprises au cours du mois écoulé, lors de contrôles routiers de nuit vers 22 heures. Il n’avait relevé aucune infraction, mais il tenait à m’informer.
Gérard est interne à l’école supérieure et ne devrait en aucun cas être dehors, surtout la nuit. Il me faut éclaircir cela.
J’ai rencontré Tarroux sans tarder, il me confirme ces contrôles: Gérard a montré ses papiers et n’était nullement surpris de voir des gendarmes ; il a donné l’adresse de la maison d’Albi et a déclaré venir de chez son copain, Jacques Falgayrac.
J’explique à Tarroux qu’il est interne à la Sup, qu’il faut que j’y voie plus clair, mais que je ne veux rien brusquer. Tarroux a compris, il va m’aider.
En avril 1941, le capitaine m’apprend que je viens d’être choisi pour participer à l’encadrement de l’Ecole de perfectionnement des cadres de réserve à Pamiers pour une durée de six mois. Il me félicite de ce choix extrêmement favorable pour mon avancement ! Je dois prendre mes fonctions le 26 de ce mois.
Voila qui ne facilite pas ma vie familiale. Je ne pourrai revenir à la maison que le vendredi soir et il me faudra être à Pamiers le lundi matin. Par chance, les horaires des trains sont compatibles avec mes horaires, mais il me faudra arriver et repartir de Vielmur.
Bien que ne participant plus officiellement à la vie de la brigade, le samedi Ernestine est à l’école et je me tiens informé des événements de la semaine écoulée. Vayssettes, qui fait fonction de chef de brigade en mon absence, et Anglés en particulier, me font un rapport des faits et des actions de la semaine écoulée.
Depuis le long remplacement qu’elle a fait à Castres à l’école du Mail, il y a quatre ans, Ernestine a gardé d’excellents rapports avec les Mercadier. Tous deux sont encore à cette école. Lui en est le directeur et enseigne une classe de fin d’études, son épouse enseigne un cours moyen deuxième année. M. Mercadier est lieutenant de réserve et en privé affiche une hostilité viscérale aux directives de Vichy. Nous les avons invités un dimanche de juin et au cours du repas nous avons pu voir que nos approches politiques étaient semblables.
Au cours du mois suivant, M. Mercadier m’a mis en relation avec un de ses amis M. Sigal, journaliste, correspondant de la Dépêche et de plusieurs autres journaux Il est lui aussi lieutenant de réserve. Ils font partie d’un réseau local de l’Armée secrète qui se crée et quelques jours plus tard ils me présentent à d’autres membres : M. Alquier, avoué à Castres ; M. Montpezat expert-comptable à Toulouse ; M. Houpe, directeur du collège technique à Castres (M. Houpe sera après la Libération, maire de Castres).
Le baron de Latgé, qui se fait appeler "Clément" dans nos réunions, est le chef de ce réseau. Je vais, sous le couvert de mon uniforme - ce qui facilite les déplacements - servir d’agent de liaison.
Pour faciliter mes déplacements j’ai fait l’acquisition d’une moto, une Terrot 125. J’arrive à me procurer avec l’aide de mes amis assez de bons d’essence pour mon usage et pour celui d’Ernestine qui va tous les jours à Sainte-Cécile, avec sa propre moto, une 125 Peugeot.
Ma vacation à l’école de Pamiers s’est terminée avec la session d’octobre. J’ai regagné ma brigade.
Une lettre de félicitations du ministère de la guerre m’a été adressée en témoignage des très bons résultats de l’enseignement donné aux élèves (Décision 29544 1/10 :1941) (Ordre de la Légion N° 10 : 10 :1941).
La fin de l’année se déroule sans événements notables. J’assure plusieurs liaisons pour "Clément" : un contact à Albi, un contact à Lavaur ; un contact à Mazamet. Ces liaisons me laissent un curieux sentiment d’inachevé et de puérilité.
Ailleurs la guerre s’accélère dans le monde.
Le 22 juin, l’Allemagne, avec ses divisions blindées massées en Pologne, envahit l’union Soviétique et fonce à travers les plaines russes vers Leningrad et Moscou. Les Allemands arrivent en décembre dans les faubourgs de Moscou, mais se heurtent à un mur défensif soviétique qui stoppe leur offensive. La situation est semblable à Leningrad.
En décembre, Vichy a laissé les Allemands s’installer en Tunisie. Sous les ordres du maréchal Rommel, une armée, l’Africakorps, s’installe en Afrique du nord.
Le 7 décembre, les Japonais attaquent la base américaine de Pearl Harbor, sans déclaration de guerre.
Les États-Unis entrent dans le conflit.
Janvier 1942
La radio de Londres nous tient informés de l’évolution de la guerre. Les bombardements de la Royal Air force sur les villes allemandes font des dégâts importants.
Les Soviétiques aidés par l’hiver ont stoppé les offensives allemandes vers Moscou et vers Leningrad. Sous la poussée conjuguée de la contre-offensive russe et de l’hiver, les Allemands sont repoussés et reculent jusqu’au Niepr. Les Russes reprennent Minsk
En France, Vichy fait une propagande très importante pour inciter les ouvriers à aller travailler comme volontaires en Allemagne. Devant l’échec de cette manœuvre ils affichent des slogans mensongers : "Pour un ouvrier qui va travailler en Allemagne, un prisonnier est libéré."
Puis Vichy adopte des mesures plus autoritaires, c’est le S.T.O (Service du travail obligatoire). Les ouvriers sont désignés dans les usines et les ateliers par des fonctionnaires qui pointent les listes d’effectifs. Ils sont radiés sur ces listes ainsi que sur les listes qui permettent de délivrer les tickets de ravitaillement.
Les collaborateurs agissent ouvertement pour obliger les ouvriers à aller travailler en Allemagne.
La Légion des Anciens combattants se transforme peu à peu en formation agissante et va bientôt être l’instrument de base de la milice créée par Joseph Darnan.
A Lautrec, le 12 juin, les deux camions cachés à La Tour à Venès sont découverts par des membres de la milice. Ils sont emmenés deux jours plus tard par un détachement militaire allemand encadré par des Feldgendarm. Les membres de la famille Vaur n’ont été inquiétés ni par la milice, ni par la Gestapo.
Nous sommes avec Anglès et Vayssettes très inquiets, et en alerte renforcée
Mais, il ne se passe rien.
Nous apprenons par l’enquête que font Anglès et Frayssinet que certains jeunes de la famille s’étaient vantés au cours des soirées de "descabouillage"1. Imbécilité, orgueil, malveillance ? On ne peut savoir.
Joseph Laroque est décédé et seul Anglés et moi connaissons la cache de Lautrec.
Vayssettes, promu chef de brigade à Salvagnac, a quitté Lautrec en juin 1942. Un gendarme originaire d’Albi, Andrieu, est nommé en remplacement. Treillou, atteint par la limite d’âge, est lui parti en retraite. Un jeune gendarme originaire d’Alsace, Lamiable, le remplace. Avec deux nouveaux dans l’équipe, il faudra être très prudent.
Les Ormes
Dans le cadre du retour à la terre, un groupement de jeunes éclaireurs israélites a utilisé les dépendances du château des Ormes, la métairie de La Phalipié, dite la Ferme école des Ormes. Ces jeunes gens (les E.I., comme on les désigne), mouvement reconnu et agrée par l’Etat, sont venus s’installer avec des aides financières et sous le contrôle du ministère de l’Agriculture, le 15 novembre 1940. Une deuxième équipe est venue travailler sur les métairies de La Grasse et d’Estampes en mars 1941. Ils sont sous la direction de deux chefs, Robert Gamzon et Léo Cohn.
J’ai souvent eu l’occasion de parler avec ces derniers : les autobus qui viennent soit d’Albi, soit de Castres, soit de Gaillac, s’arrêtent devant le portail de la gendarmerie et aucune arrivée ne passe inaperçue.
J’ai obtenu leur confiance et ils m’ont longuement parlé et décrit leur groupement, leurs problèmes, ce qui passe en Allemagne et ce que l’on nous cache, enfin de ce que fait l’Etat de Vichy pour plaire aux nazis.
Nous avons sympathisé, je me suis engagé à les aider et nous avons mis au point un code pour les alerter le cas échéant.
Le 28 août 1942, une information verbale transmise par le secrétariat de la section de Castres, m’informe que quatre jeunes éclaireurs d’origine alsacienne doivent être arrêtés.
Je recevrai l’ordre de procéder au courrier. Ce répit me permet d’alerter Robert Gamzon qui fait disparaître les quatre intéressés.
Le capitaine, prévenu de l’échec de l’arrestation, ne fait aucun commentaire.
Au cours de ce mois d’août, Ernestine a reçu son changement de l’académie. Elle est affectée comme titulaire à l’école de Grayssac. Ce n’est guère plus proche de Lautrec que Saint-Cécile, mais l’école est bien mieux que celle qu’elle laisse, il y a plus d’élèves (17) et un logement de fonction qui occupe tout l’étage de l’immeuble. Quatre pièces, plus des dépendances ; bref, c’est mieux. Gérard aide sa mère à déménager, Edouard Oulmiéres s’est proposé pour effectuer le charroi des meubles et des fournitures qu’elle avait à Sainte-Cécile. Gérard a terminé l’année scolaire avec des résultats satisfaisants. Il a réussi tous ses examens - C.A.P., brevet industriel, brevet élémentaire - et est admissible en classe préparatoire des Arts et métiers. Mon ami Tarroux n’a pas eu de nouvelles interventions, tout parait clair… A savoir ?
Au début du mois de septembre, j’ai été convoqué au bureau de la section à Castres. Dans un premier temps, le capitaine me fait part de ma nomination au grade d’adjudant et me félicite chaleureusement.
En tête à tête, il me recommande d’être très prudent, et m’informe qu’il est déplacé. Il quitte la section de Castres et est nommé commandant de compagnie à Auch. Pour lui, c’est une excellente promotion, mais je vais regretter son départ ; c’était devenu un ami.
Au cours d’une réunion avec des membres du réseau, M. Houpe m’informe que des lettres de dénonciation contre les jeunes de la Ferme école des Ormes ont été envoyées, d’une part par la Légion des combattants, d’autre part par le maire de Lautrec. Il m’informe de plus que le docteur Dubarry a accepté le poste de délégué cantonal à la propagande pour la Légion.
Je soupçonnais déjà ce dernier d’appartenir à ce mouvement, vu les positions d’extrême droite affichées par son épouse. Quelques jours après, Sigal me transmet la même information concernant le docteur.
Toujours en ce début septembre, en compagnie d’Anglés, nous faisons un passage à La Phalipié. Robert Gamzon et Léo Cohn nous reçoivent, nous leur suggérons de donner quelques éléments de préparation militaire à ces jeunes gens. Cela pourrait leur être utile.
Nous convenons également de préparer un plan d’évacuation d’urgence du groupe.
Au début de la deuxième quinzaine de septembre, je me suis rendu à Lacaune et j’ai longuement discuté de ce projet avec Malbert. Il m’a offert un soutien total et va préparer des points de chute possibles. Il connaît plusieurs familles dignes de confiance et doit les contacter sous peu. Il me tiendra informé, mais nous avons décidé de ne pas utiliser le téléphone de la gendarmerie.
Quelques jours après, j’ai rencontré Tissier de Vabre. Lui aussi accepte avec enthousiasme de nous aider. Il a une idée précise des lieux et des personnes en qui on peut avoir une confiance absolue. Il a également longuement parlé avec le chef de Réalmont et m’assure qu’il partage nos idées. Je le charge de le contacter et de nous mettre en rapports.
J’ai également contacté le meunier de Laboutarie-gare, M. Batigne. Je connais cette famille depuis plusieurs années et ils ont affiché des sentiments patriotiques et républicains très forts.
Marcel Batigne, le père, cinquante-huit ans, est dans ses paroles violemment opposé au gouvernement actuel. J’ai de plus fait effectuer une enquête discrète et les résultats répondent à mon attente. Ses deux fils sont également dignes de confiance.
Ils seront durant les années qui vont suivre d’un dévouement et d’une fiabilité absolue.
Au cours du mois d’octobre, après une réunion des chefs de brigade organisée par le lieutenant Marcelin qui a remplacé le capitaine Dubarry comme chef de section, Malbert m’a fait savoir qu’il avait reconnu plusieurs lieux et qu’il faut les visiter ensemble. J’ai également parlé avec le chef Rougier qui commande la brigade de Montredon-Labessonnié, Ses propos m’avaient incité à penser qu’il était très opposé au régime. Il me faudra l’éprouver avant de me fier à lui. Mais Tissier le connaît bien et me confirme la validité de Rougier.
Celui-ci n’a aucune hésitation pour se joindre à notre action. Nous prenons donc des dispositions pour une rencontre à trois qui a lieu trois jours après à La Vitarelle, à quelques kilomètres de Montredon-Labessonnié. Rougier connaît, mais va vérifier plusieurs sites dans son canton, sur la route entre Lautrec et Lacaune.
8 novembre 1942
Les alliés, principalement les Américains ont débarqué en Afrique du Nord, en Algérie. Après un simulacre de résistance l’amiral Darlan, haut commissaire en Algérie, se range aux cotés des Alliés.
11 novembre 1942
Les Allemands envahissent la zone dite libre. Ils occupent maintenant la France entière. Les régiments qui restaient en zone Sud sont dissous.
La flotte se saborde à Toulon. Elle aurait pu avoir un rôle majeur dans la poursuite de la guerre !
Des membres de l’Armée secrète (A.S), par l’intermédiaire du groupe résistant de Castres, de Clément, de Mercadier (Jim), de Sigal, me demandent de les aider à récupérer du matériel militaire.
Trois officiers, les capitaines Marc et Olivier, le lieutenant Denis, et plusieurs sous-officiers qui travaillent en plein accord, ont réussi à soustraire des armes et des munitions du 3ème dragons de Castres. Ils ont entreposé ces armes et ces munitions dans un camion et deux voitures, mais ils demandent à la résistance de les aider pour les cacher.
Depuis plusieurs mois, avec Vayssettes tout d’abord, puis avec Anglés, nous avons recherché des lieux susceptibles de servir à cet usage : plusieurs informations successives de l’A.S nous demandaient de prévoir des caches pour le matériel qui doit nous être parachuté sous peu.
L’évolution de la situation ne fait qu’anticiper les prévisions.
Mais il faut faire vite, le matériel a quitté la caserne Fayolle dans la nuit du 11 au 12 et se trouve dans un hangar de Clément, au bas de la cote de Sicardens à Castres.
Je demande à Anglés de m’accompagner et je contacte Edouard Oulmiéres que j’ai sous la main pour nous emmener à Sicardens. Nous ramenons les trois véhicules avec leur chargement à Lautrec. Les deux voitures entrent dans mon garage, le camion est mis au fond du garage d’Oulmiéres.
Nous sommes repartis dans la nuit, j’ai emmené Edouard sur ma moto pour récupérer sa voiture laissée à Sicardens.
Rapidement au cours des nuits qui suivent, nous cachons les armes : Il y a environ 40 fusils (des mousquetons), 6 fusils mitrailleurs, huit caisses de munitions, une centaine de grenade F1.
La cache de Saint-Clément, sur la route de Venès, accueille les armes et les munitions.
Cette cache est le terminal d’un ancien souterrain qui, au Moyen Age, depuis la porte de La Caussade, permettait d’accéder à la campagne en cas de siège. Son existence était attestée par plusieurs documents d’archives, mais les secrétaires de mairie, messieurs Cambos et Chabbal avaient affirmé que l’ouvrage était éboulé dès son origine.
Avec Anglès et Vayssettes, nous avons recherché et trouvé la sortie de ce tunnel, que par ailleurs nous avons voulu reconnaître. Il est coupé et complètement effondré à environ deux cent mètres de la sortie. Son entrée se trouve dans une ancienne grange en ruines et est masquée par de nombreuses broussailles. C’est un abri convenable que nous ne sommes que trois à connaître.
Oulmiéres se charge de camoufler le camion et une voiture. Je garde l’autre au fond de mon garage, cachée derrière des bottes de paille.
Maintenant que la France entière est occupée, il faut se hâter de mettre en place le circuit d’évasion de la Ferme école des Ormes. Malbert et Tissier ont œuvré comme je le souhaitais et m’attendent pour reconnaître et vérifier les lieux.
Dès que mon service au bureau me le permet, je pars reconnaître l’itinéraire qui me parait le plus valable pour gagner la région de Lacaune, à pied, en marches forcées. Il faut trois ou quatre jours pour réaliser ce trajet, pour des marcheurs peu ou pas entraînés.
Vers la fin novembre, l’itinéraire est défini en sa totalité. J’invite les deux responsables de la Ferme école des Ormes à se joindre à nous pour reconnaître le trajet. Nous prenons contact avec les chefs des brigades concernées et avec les personnes qui acceptent de prendre le risque d’accueillir les éventuels participants à ces déplacements. Robert Gamzon décide avec eux d’un mot de reconnaissance pour que les éléments en transit soient accueillis et hébergés. En trois étapes décident les chefs des E.I, ils pourront rejoindre Lacaune et se mettre en sécurité dans la montagne.
Au cours de ces déplacements nous évoquons avec les chefs des Ormes, la nécessité d’avoir un minimum de connaissances militaires pour assurer la défense et la survie du groupe. Cette opération m’a demandé beaucoup de temps, heureusement les gendarmes de la brigade sont mes complices et me fournissent une couverture lorsque je suis à l’extérieur. Avec ce nouvel officier à la section, je n’ai plus l’assistance de ma hiérarchie !
La cohésion de ma brigade facilite mon action clandestine.
Le 6 décembre, l’ordre arrive à la gendarmerie de procéder à l’arrestation de six jeunes étrangers du camp des Ormes. Les gendarmes doivent escorter et assister les inspecteurs de la police qui effectueront l’opération.
J’ai tout juste le temps d’envoyer un message aux Ormes, et à peine une heure après la communication téléphonique qui nous prévenait, trois inspecteurs et les membres de la Gestapo qui les accompagnent sont dans mon bureau. Lamiable, qui parle l’allemand, assure la traduction des demandes et des réponses et fait son possible pour que l’entretien se prolonge. Lorsque la Gestapo se présente à La Phalipié, aucune des personnes recherchées ne figure ni sur la liste d’effectif ni parmi le personnel rassemblé sur leur ordre.
Les Fritz sont frustrés et furieux. Ils menacent tout le monde, y compris les gendarmes.
24 décembre 1942
Je suis prévenu par Sigal de Castres qu’une opération visant vingt-quatre personnes des Ormes (des Juifs étrangers) est en cours. La Gestapo agit seule avec un détachement de S.S.
J’envoie Gérard aux Ormes de toute urgence. Pourvu que le circuit fonctionne !
La Gestapo a échoué et n’a trouvé personne. Mais le danger est grand.
Avec l’assistance d’Andrieu et d’Anglés, les jeunes des Ormes assimilent vite l’enseignement que nous dispensons pour la préparation militaire. On leur apprend notamment à se servir des armes, à se camoufler et à se protéger.
Nous donnons en plus aux dirigeants deux exemplaires du manuel du soldat. Nous ne pouvons pas faire plus ! C’est à eux de jouer !
A la fin du mois de novembre mon ami et camarade Tarroux de la brigade d’Albi, m’informe que Gérard, bien qu’interne à la Sup, a été aperçu à deux reprises en compagnie de Jacques Falgayrac. Cela me cause beaucoup de soucis. Tarroux me promets d’y voir plus clair et de me prévenir.
J’en ai parlé avec Ernestine qui est très inquiète pour notre fils.
Le 18 décembre, Tarroux me rappelle et me donne rendez-vous à Ranteil. Il m’explique qu’il a fait surveiller Jacques Falgayrac, et qu’il a su qu’il se retrouvait avec Gérard. Il m’a expliqué qu’ils étaient en relations avec un sous-officier de l’armée de l’Air au terrain du Séquestre et qu’ils jouaient un jeu dangereux. Tarroux est persuadé qu’ils trafiquent avec des émetteurs clandestins ! C’est très dangereux pour eux, très grave !
En accord avec Ernestine, nous avons décidé de retirer Gérard de l’école et de la garder à la maison. Il étudiera par correspondance. Ce n’est pas d’une très grande efficacité, mais cela vaut mieux que son arrestation par la Gestapo. Il va sans doute nous poser quelques problèmes mais nous n’avons pas le choix.
De plus, au fond, je suis assez fier de son comportement, mais il ne doit pas le savoir.
Janvier 1943
Les jeunes rescapés des Ormes ont atteint leur refuge vers Lacaune sans encombre. Le réseau a parfaitement fonctionné. Robert Gamzon a changé d’identité et est devenu Henri Lagnés de Moissac. De retour de Lacaune, il m’a indiqué qu’ils étaient arrivés sans incident. Je suis d’avis que plutôt que de se terrer, il faut s’organiser pour pouvoir se défendre et éventuellement combattre l’agresseur. Robert Gamzon partage mon point de vue.
Après en avoir discuté avec Anglés et malgré l’avis opposé de Clément à Castres, nous décidons de donner trois fusils-mitrailleurs et trente mousquetons avec deux caisses de munitions au groupe de Robert Gamzon. Nous prélevons ces armes sur le stock camouflé à Saint-Clément. Robert Gamzon se charge de faire parvenir ces armes à ses hommes.
Il prend le commandement de ce maquis qui se désigne sous le nom de "la sixième".
A cette même époque (janvier 1943), Clément m’a présenté un homme jeune de grande taille, répondant au nom de commandant Mathieu (de son vrai nom Henri Sévenet).
Ce dernier recherche des terrains susceptibles d’accueillir des parachutages. Nous avons longuement recherché sur les cartes d’état-major du canton de Lautrec les endroits favorables à ce type d’action.
Mais Mathieu est seul et il m’explique qu’il faut une structure pour accueillir une telle opération : des hommes pour manipuler les containers (certains peuvent peser plusieurs centaines de kilos) et des caches à proximité pour stocker ce matériel.
Je vais voir ce que peux faire et je lui ferai part de mes recherches.
Mon équipe à Lautrec est réduite : Oulmiéres, Sablayroles, Jauziac et une dizaine de personnes des environs, ce n’est pas suffisant.
Je pense à Batigne qui m’a proposé ses services et je prends contact avec lui. Ce dernier accepte sans hésiter de travailler avec nous. J’insiste sur les risques encourus, mais il ne s’en soucie pas. Tant mieux !
De plus, Batigne m’explique qu’il a deux fils de 24 et 26 ans, dont un appelé pour le STO ne s’est pas présenté et vit en clandestin.
Il est "dans la nature" me dit son père.
Les Batigne exercent leur métier de meunier depuis plusieurs générations. Le père a 58 ans et connaît presque tous les paysans de la région, ils viennent souvent au moulin.
Il travaille souvent de nuit, me dit-il, pour moudre le blé qu’apportent des agriculteurs et qui échappe ainsi à tout contrôle administratif. Cela permet de tricher avec les déclarations faites aux employés de l’Etat et d’éviter que des quantités importantes de céréales ne soient réquisitionnées par l’ennemi.
Il a une idée assez précise des jeunes qui, comme son fils aîné, ont refusé de se rendre en Allemagne et sont cachés dans les campagnes.
A la fin janvier, avec l’aide de Batigne, je peux compter sur plus de quarante hommes pour constituer mon groupe. Il ne me reste plus qu’à communiquer ces informations à Mathieu, par le truchement de Clément.
2 février 1943
Les informations diffusées par la radio anglaise nous apportent un immense espoir. La Wehrmacht, qui depuis deux ans va de succès en succès, a été tenue en échec devant Stalingrad. Encerclés par deux armées soviétiques venant du nord et du sud qui ont déclenché une violente contre attaque sur leurs arrières et qui ont réalisé leur jonction, ils ont obligé le maréchal Von Paulus à capituler avec toute son armée. C’est plus de trois cent mille hommes survivants qui sont fait prisonniers par les Russes.
Pendant huit jours, la radio allemande et Radio Paris ne diffusent que de la musique funèbre !
Ils ne sont pas invincibles. On les aura !2
En Afrique du nord, l’Africakorps recule et se replie sur la Tunisie. Les Anglais ont repris Bengazi le 23 janvier. Les Français de la colonne Leclerc venant du Tchad ont pris Koufra, ils bousculent les Allemands et les Italiens vers la côte après avoir fait leur jonction avec les troupes anglaises.
Mars 1943
Batigne m’a confié que presque tous les volontaires qu’il a recrutés sont des réfractaires au STO qui sont démunis de cartes d’alimentation. Clandestins, ils sont disposés à combattre.
Cela me fait penser que nous possédons une liste de personnes recherchées. Batigne reconnaît quelques noms de la région de Saint-Genest qu’il va contacter.
Au cours d’une réunion organisée fin mars, j’ai rencontré ces garçons. Après une hésitation due à mon uniforme, je leur ai expliqué le but immédiat de notre action. Ils sont unanimes pour y participer malgré les risques encourus. Nous ne les connaissons que sous des noms d’emprunt, souvent le nom de leur ferme. Il y a Morthonés, Molières, la Barraque, Prat-Fumat, Castel-Franc venant d’Orban ; Savary, Condat, Peyrols de Lombers ; Salvetat, Canto-Coucut de Saint-Genest, etc.
Avril 1943
Mathieu est venu, accompagné d’un radio anglais qu’il me présente comme Major Richardson. Cette personne détient les codes de transmission avec Londres. Nous organisons les bases d’un parachutage futur. Compte tenu de la position géographique du groupe qui travaille avec nous, c’est la combe de La Béraude prés de Sieurac qui est retenue. La Gardelle est également un site possible.
Mai 1943
L’Africakorps décimé recule vers Tunis et tente sans succès de réembarquer. Le 7 mai, les Français et les Américains venant d’Algérie rejoignent la colonne Leclerc et les Anglais de Montgomery, et prennent Tunis. Rommel essaye d’organiser un pont aérien pour tenter de sauver au moins les cadres de son armée.
Le Conseil national de la Résistance est créé.
De nombreux garçons (des réfractaires au STO) se font connaître et veulent participer à la Résistance.
Juin 1943
De Castres, Clément me prévient que l’arrestation de la totalité des jeunes des Ormes est imminente. Ces derniers, qui ont pratiqué un piquage sur la ligne téléphonique qui relie Castres et la poste de Lautrec, ont aussi reçu le message et se préparent à évacuer le site. Ils sont en alerte renforcée.
Le 9 juin, depuis une cabine téléphonique, Sylvie Delrieu, une amie d’enfance d’Ernestine employée à la préfecture d’Albi, m’informe dans l’après-midi que cette arrestation est pour demain.
Aussitôt, j’envoie Gérard prévenir Robert Gamzon. Dans la nuit, ils accélèrent l’évacuation de tout le personnel qui, dans un premier temps, se cache dans les bois du coté de Puycalvel alors qu’un premier détachement prend le chemin de Lacaune.
Au matin du 10 juin, six camions et plusieurs voitures de troupes allemandes, encadrées par la Gestapo, arrivent aux Ormes. Ils n’y trouvent personne !
Furieux les nazis saccagent tout dans les locaux. Ils recherchent les fuyards dans tout le secteur. Sans succès.
Ils repartent furieux ! Le maire, M. Delga, qui assiste à l’opération, reçoit de vives menaces. Il en sera malade pendant plusieurs jours. M. Casamata, qui a remplacé Carayon à la tête de la Légion, sera également malade pendant plusieurs jours.
Par petits groupes en marches forcées les jeunes ont gagné le maquis de la Malquière, maquis de la 6ème, à Lacaune.
Juillet 1943
Les Alliés débarquent en Sicile le 10. Ils remontent vers la Calabre.
Les Russes repoussent les Allemands qui reculent aussi bien au sud qu’au nord.
Batigne sert de point de ralliement à de nombreux jeunes qui veulent se joindre à nous.
Rares sont ceux qui reviennent en permission du travail en Allemagne et qui acceptent de repartir. Les bombardements et les mauvais traitements subis font que beaucoup préfèrent courir le risque de la clandestinité.
Georges, mon beau-frère est de ce nombre. Il est venu me demander de l’aider.
Batigne, que je vois tous les deux où trois jours, me communique les coordonnées de ces garçons. Je n’ai pas assez d’armes et je n’ai pas les moyens d’assurer la subsistance de tous ces gens. Je suis indécis, mais Anglès me conseille la prudence et l’attente, Mathieu et Richardson sont du même avis.
Fin juillet Clément organise une réunion à Castres. J’y retrouve entre autres Sigal, Mercadier, Mathieu, Montpezat. Il nous présente le commandant Durenque qui a été désigné par le Conseil national de la Résistance comme responsable de la zone sud du Tarn.
Il a effectivement le comportement d’un militaire, nous devons nous voir sous peu !
J’hésite à m’engager plus avant : une formation d’une centaine d’hommes dans nos régions de plaine est très vulnérable et je n’ai aucune logistique. Comment assurer la nourriture d’un tel groupe ? Je n’ai pas d’argent et nous avons si peu d’armes et de munitions. Ce n’est pas possible. Ernestine est très inquiète, il ne faut rien brusquer.
Pourtant Batigne me presse !
Août 1943
Sur les instances de Batigne qui craint de voir ces bonnes volontés se détourner de notre action, je provoque une réunion de ces volontaires.
C’est une entreprise très risquée, notre sécurité peut être mise en cause : parmi toutes ces personnes il peut y avoir une taupe.
En accord avec Batigne et Anglés, nous choisissons un site qui parait convenir, chez un des volontaires. La réunion se tiendra à Naudou. C’est une ferme isolée entre Lombers et Sieurac, propriété d’un ami personnel de Batigne, François Combes, dont deux fils sont clandestins, réfractaires au STO.
J’ai été surpris de voir ces garçons qui sont venus le soir au rendez-vous. Beaucoup se connaissent entre eux, tous sont silencieux, tendus.
Je suis à moitié en civil, j’ai remplacé mon képi par un béret, et ma vareuse par une veste en cuir. Batigne connaît tous ces garçons, il les accueille et me présente comme le chef dont il leur a beaucoup parlé. A mon tour, je leur parle très simplement, j’improvise, décrivant notre but, nos objectifs, les moyens dont nous disposons et les tâches qui nous attendent.
J’explique qu’il n’est pas encore temps de former un bataillon et de marcher sus à l’ennemi comme en 1789 - cela détend l’atmosphère et les fait sourire -, et que pour affronter les Fritz sur le terrain il faut des moyens lourds et un entraînement que nous sommes loin d’avoir, mais que par une action souterraine on peut porter des coups très durs à l’occupant.
Dans un premier temps, le travail qui va nous incomber sera de réceptionner les parachutages de matériel venant de Londres. Ce sera un travail pénible, ingrat et dangereux.
J’explique comment doit se dérouler une de ces opérations. Les avions sont bruyants et les Allemands sont rapides à réagir. Il faudra en quelques heures, dans la nuit, récupérer tout le matériel envoyé (cela peut représenter plusieurs tonnes) et faire en sorte qu’au petit matin tout soit en lieu sécurisé, et qu’il n’y ait plus personne dans le secteur du lieu de largage.
Ce sera très pénible et ce ne sera pas sans risques.
Je n’ai rien caché des dangers qu’ils peuvent courir : si nous sommes surpris au cours d’une de ces opérations, nous pouvons soit être mitraillés, soit fait prisonniers, fusillés, déportés… bref le risque encouru est grand !
Tous m’ont écouté dans un silence total qui se prolonge quelques instants lorsque je suis arrivé à la fin de mes explications.
Puis certains, les plus âgés, se détachent et s’avancent : ils me disent qu’ils ont connu la guerre, qu’ils prennent des risques tous les jours et que, pour eux, quelle que soit la forme de l’action qui leur sera demandé, ils répondront toujours présent.
J’ai au cours de l’entretien utilisé le terme "tout y va" pour signifier que l’on s’engageait sans restriction. Cela leur a plu et ils décident de désigner sous ce terme le groupe qui vient de se constituer ainsi que leur chef.
Va donc pour "TOUT Y VA" !
Nous convenons d’un signal de ralliement pour nous rassembler rapidement lorsque le besoin se manifestera.
La dispersion s’est faite sans bruit. Comme des ombres, ils se sont évanouis dans la campagne. Ils avaient caché leurs vélos dans les environs. Certains étaient venus de plus de vingt kilomètres.
Nous sommes rentrés au petit matin.
Septembre 1943
L’opérateur radio emmené par Richardson et qui nous sert de lien avec les Anglais - nous l’appelons Saint-Granier par référence au célèbre speaker de Radio-Toulouse - a été arrêté au cours d’une rafle en gare de Toulouse.
Par chance, son émetteur et ses codes sont restés dans les dépendances de Cabilles, près de Grayssac, où il était hébergé et n’ont pas été trouvés par les miliciens qui sont venus fouiller sa chambre. (C’est par l’action de ces miliciens que nous apprenons son arrestation)
Mais je n’ai plus de radio !
Deux jours après le passage des miliciens à Cabilles, M. Mas, le propriétaire et exploitant de Cabilles, est venu à l’école de Grayssac. Il a laissé à Ernestine une mallette qui contient l’émetteur, ainsi que les carnets et notes de Saint-Granier. Après le départ des miliciens, avec sa femme ils avaient recherché et trouvé ces objets. Gérard a joué à ce jeu à Albi, peut-être pourrait-il reprendre la suite à Saint-Granier ? A savoir…
Mais il est bien jeune et Ernestine ne veut pas que je l’entraîne dans cette action jugeant que les risques que nous prenons sont déjà démesurés.
Vie, situation, tout est en jeu. !
Pourtant devant les évènements, à contre-cœur elle a accepté. Mais nous serons très prudents et je fixe des règles de sécurité qui me paraissent nécessaires :
1. Jamais deux liaisons du même endroit.
2. Toujours d’un lieu isolé en campagne.
3. Toujours deux "Anges gardiens" en surveillance à proximité.
Le 20 septembre, depuis Les Sapinettes, une carrière sur le Causse près de Lautrec, il établit sa première liaison. Malgré quelques fautes à la réception, le message a pu être déchiffré, c’est valable. Un code de parachutage nous est attribué : aux messages de la BBC, après les informations, une phrase "la grenouille verte a les yeux bleus" sera notre avis de largage.
Pour nos correspondants anglais, nous sommes une partie constituante du Corps Franc de la Montagne Noire (CFMN), que Montpezat, Mathieu, Richardson mettent en place.
Les liaisons radio que Gérard effectue nous le confirment : Seul Richardson peut décoder les envois.
Octobre 1943
L’activité qu’exige tout le groupe, les liaisons avec Clément à Castres, me prennent beaucoup de mon temps, au détriment du travail à la brigade.
Anglès me supplée de son mieux, mais la situation devient difficile. Le lieutenant Marcellin est venu deux fois à la brigade, en inspection, à l’improviste ! Par chance, j’étais à mon bureau, mais c’est évident : je n’ai plus l’appui tacite de mon chef.
Prétextant une vive crise de foie, je me fais établir un certificat médical par le docteur Aussenac de Réalmont et demande un congé de maladie d’un mois.
Je fais renouveler cet arrêt de travail en novembre mais, peu de temps avant l’expiration de mon congé, je suis convoqué pour une contre-visite par le médecin- major de Castres.
Suivant les conseils de madame Desplats, l’épouse du maire de Montdragon qui soigne beaucoup de monde dans la région, je prends une tisane de sa composition et, lorsque je me présente à la visite, j’ai le teint jaune, la mine défraîchie, la tension très basse ; bref, je suis en très mauvais état. Au vu de mon dossier médical qui fait état de mon diabète et des cures à Vichy qui m’ont été ordonnées en 1936 et 1937, le major est d’avis de me faire hospitaliser, mais, sur mon insistance, il confirme les arrêts de travail, les renouvelle pour un mois de plus et me renvoie chez moi.
Nous sommes en décembre 1943, il me faut prendre les dispositions qu’impose la situation. Dans un premier temps, nous déménageons tous nos meubles de la gendarmerie de Lautrec pour nous installer dans le logement de fonction d’Ernestine à l’école de Grayssac. Edouard Oulmiéres nous est d’un grand secours, avec son camion
J’ai transféré dans le garage attenant à l’école, ma voiture personnelle, et la voiture Traction-avant cachée depuis novembre 1942.
Fin décembre, ma décision est prise : à l’expiration de mon arrêt de travail je ne reprends pas mon service.
Je suis au maquis !
Anglès passe régulièrement et me tient informé des décisions internes au service qui peuvent m’intéresser.
Notes et mémoire de guerre de Fernand Farssac dit Toutyva, rédigé par Gérard Farssac, fils de Fernand Farssac, résume l’action de son père entre 1940 et 1944. Il lui a permis, aidé par ses carnets de notes, de retracer son action pendant la clandestinité et pendant le Maquis.
Au cours de ces deux derniers mois, plusieurs actions se sont déroulées : le 22 novembre, un largage a eu lieu à Cancé dans la commune de Saint-Genest. Mathieu dirige l’opération, Richardson a établi le contact, Batigne et son groupe ont fourni le personnel nécessaire. L’opération se déroule très vite, dans l’ordre. Le largage à lieu à onze heures du soir et vers trois heures du matin la totalité du matériel est récupéré et mis en sécurité.
Avec Gérard, qui a participé à l’opération, nous rentrons vers cinq heures du matin.
Dans cet envoi, un container nous est destiné. Il contient trente mitraillettes Sten, leurs chargeurs, des munitions. Plus du matériel explosif, environ trois cent kilos de plastic 802, 806, 808, des détonateurs, du cordon détonnant, du cordon bickford, des crayons retard et une notice technique sur les explosifs, leur utilisation, leur meilleur emploi. Une importante somme d’argent est dans l’envoi. Cela va aider sérieusement la logistique du groupe !
Au cours du mois de novembre, un commando s’est constitué avec des éléments du groupe : Georges Fournier (mon beau-frère), réfractaire au STO, de son nom de guerre « Aramis », qui vit chez nous depuis plus d’un mois ; Jean Molières, de Réalmont, alias « le Chauve » ; Jean Denisot, originaire de Nancy, mécanicien à Castres, réfractaire au STO, dit Jeannot, caché avec Georges ; André Nesler, mécanicien lui aussi, et ancien d’un régiment du génie a choisi « la Guèpe » comme nom de guerre. Gérard, qui a étudié à fond la notice sur les explosifs, veut se joindre à eux ! Je finis par céder. Il devient « Toutyjeune »
Ce commando, armé de mousquetons, de deux fusils mitrailleurs, d’armes de poing, et de mitraillettes Sten, s’entraîne pour des opérations futures. A l’exception des mitraillettes, ces armes proviennent du dépôt de Saint-Clément.
3 décembre 1943
Après que Jeannot et la Guèpe aient longuement reconnu les lieux, ils minent et attaquent à l’explosif l’immeuble de la milice à Castres. Cet immeuble était situé à l’angle du boulevard Miredames et du boulevard Carnot. L’explosion fait de gros dégâts et de nombreuses victimes parmi les miliciens.
8 décembre 1943
Un nouveau parachutage est prévu. Il doit avoir lieu dans la commune de Jonquière au lieu dit "Les Taillades" Un groupe de Castres avec Jean Carceler, et le groupe de Lautrec sont chargés de la réception et des charrois nécessaires pour dégager les trois tonnes de matériel. Notre ami Oulmiéres nous prête son concours et ses véhicules pour enlever ce matériel.
Richardson a assuré le contact, la majorité de ce matériel est destiné au CFMN. Nous avons tout de même un container à notre intention : nous découvrons par la suite le contenu : deux FM Brent, dix mitraillettes, des munitions, deux cent kilos d’explosifs, une forte somme d’argent. Voila qui va permettre la subsistance du groupe!
19 décembre 1943
La grenouille verte nous annonce un nouveau largage.
Mathieu m’a confirmé l’action pour demain, le site retenu est Béraude, dans la commune de Sieurac.
Batigne sera de la soirée avec son groupe.
Mathieu est venu avec Carceler et un camion.
Le vent est assez fort au sol, et le largage a eu lieu d’une altitude trop élevée, une dizaine de containers sont disséminés sur plus d’un kilomètre. Il faut les rechercher dans la nuit et la boue. Heureusement, les parachutes font une tache claire et on peut les apercevoir avec nos lampes, quoique les parachutes rouges soient assez difficiles à trouver. Le ramassage est terminé au petit matin et la dislocation se fait dans le jour naissant. C’est très dangereux, d’autant que les retours se sont fait en plein jour et que, couverts de boue, on ne peut pas passer inaperçus. Carceler et son équipe sont également rentrés en plein jour, avec tous les containers sur leur camion et c’est follement risqué !
20 décembre 1943
Le commando renouvelle avec succès le scénario qui a bien marché pour la milice, et attaque à l’explosif l’immeuble de la Gestapo, faisant de gros dégâts au bâtiment. Les Allemands accusent la perte d’une dizaine d’agents et deviennent particulièrement réactifs dans la région.
Ces deux actions ont semé la panique dans les milieux de la Résistance à Castres. Clément me fait savoir qu’ils craignent une réaction violente des Allemands envers la population. Jim et Sigal, très inquiets, désapprouvent ces actes.
Je feins l’ignorance et ne revendique pas ces actions, ce qui les laisse indécis. Mais le commando jubile et je suis pleinement d’accord avec eux. C’est la guerre !
23 décembre 1943
Durenque me contacte. Il passe dans la soirée à l’école, à Grayssac. Il m’informe que des locomotives garées à Tessonnières doivent être emmenées sous peu vers le nord et l’ouest de la France. Dans ces secteurs, la R.A.F. attaque tous les trains et de nombreuses machines sont détruites. Les Fritz cherchent donc à récupérer tout ce qui peut rouler. Dès le lendemain, le Chauve et Aramis vont reconnaître le site de stockage. Ils nous font un compte rendu détaillé de toutes leurs observations.
Cinq sentinelles allemandes sont postées sur une distance de plus de six cents mètres. Elles sont relevées toutes les quatre heures.
Une petite garnison d’une vingtaine d’hommes occupe une partie des locaux de la gare. Il fait froid, ils se tiennent à l’intérieur.
A Grayssac, entre temps, messieurs Martel et Sablayroles, les instituteurs laïques de Lautrec, nous ont souvent aidés. Ils nous avaient parlé avant-guerre d’une encyclopédie qu’ils avaient faite venir : « La Vie du Rail ». J’ai demandé à Klébert (Sablayroles) s’ils avaient toujours ces ouvrages et s’ils pouvaient nous les prêter.
A l’aide de ces livres, qui contiennent de nombreuses vues et des descriptifs de plusieurs modèles de machines, nous avons tous ensemble étudié la meilleure tactique à appliquer et, après quelques moments de discussions, tout le monde s’est mis d’accord sur la méthode à utiliser : les charges de plastic munies de crayons retard d’une heure seront placées entre le corps de chauffe et le châssis de la machine. L’explosion détruira le complexe de la chaudière, rendant la réparation le cas échéant longue ou même impossible.
27 décembre 1943
Le commando s’est rendu séparément à Rivières. Oulmiéres a transporté les explosifs jusqu'à Rivières où je les ai rejoins avec trois hommes de l’équipe Batigne : Jean Prat de Prat-Fumat, Jean Claude Despoix de Fournials, Georges Assié de Canto-Coucut. Ces hommes, combattants déçus de la campagne 39-40, sont aguerris et fiables. C’est aussi une occasion pour les tester !
Nous assurons la protection de l’opération.
Le commando a pris les explosifs et entre les passages des sentinelles ils ont placé les charges sur les machines. En moins de vingt minutes, qui m’ont paru durer une éternité, tout le monde est revenu. Chacun a repris son vélo et est reparti vers notre base.
Un point critique était la traversée du pont et du village de Marssac. Tout était calme. Nous sommes rentrés par des routes différentes, les uns par Carlus, les autres par Rouffiac. Au petit matin chacun avait regagné sa base.
Ernestine très inquiète nous attendait !!!
Trois jours après, nous apprenons que la région est truffée de SS et que notre mission a été un plein succès.
Notes et mémoire de guerre de Fernand Farssac dit Toutyva, rédigé par Gérard Farssac, fils de Fernand Farssac, résume l’action de son père entre 1940 et 1944. Il lui a permis, aidé par ses carnets de notes, de retracer son action pendant la clandestinité et pendant le Maquis.
Janvier1944
Le mauvais temps, la neige me contraignent à réduire mes activités. J’ai de la peine à me déplacer. Je vais assez souvent à Graulhet, mais j’y vais en civil : le chef de brigade n’est pas très sûr et je connais mal les gendarmes qui relèvent de la section de Lavaur.
Des amis de la famille, Pierre et Hélène Rivayrand, m’aideraient certainement, mais je ne veux pas leur forcer la main pour m’aider dans ces activités.
En revanche des industriels, M. et Mme Bosc, aux Voûtes, m’ont proposé de me procurer du carburant : ils ont droit pour le traitement des peaux à un solvant, le benzol, et à de l’alcool. Les deux produits, mélangés à part égales, forment un carburant acceptable. Cela me permet de faire fonctionner ma moto, qui accepte vaillamment ce mélange, et également d’utiliser la traction avant pour certains déplacements. D’autant que Clément m’a fait fabriquer un faux laissez-passer pour la voiture.
Vers le 15 janvier 1944
Mathieu m’a prévenu de l’imminence d’un largage. Le terrain retenu est à Cancé, dans les environs de Montdragon. J’alerte Batigne qui sera de la partie.
22 janvier 1944
La grenouille verte nous confirme l’opération, qui aura lieu le surlendemain. Malgré le mauvais temps, le contact est établi, mais la couverture nuageuse est trop dense et le plafond trop bas. Bien qu’en contact radio, l’avion ne peut apercevoir ni les signaux optiques ni le balisage de la zone : le largage n’a pas eu lieu.
Nous rentrons mouillés, crottés et déçus.
Février 1944
Les nouvelles du front de l’Est sont bonnes. Les Russes repoussent les Allemands sur toute la ligne de front et reviennent sur le Dniepr et le Dniestr. Ils ont repoussé les Allemands sur plus de 1500 kilomètres et leurs offensives se poursuivent.
En Italie, les Alliés remontent vers les Alpes. Ils ont atteint et pris Naples. Ils progressent sur une ligne continue. Nous sommes heureux et fiers d’entendre la part que prennent les troupes françaises à cette reconquête.
J’ai un nouveau contact avec Mathieu. Le largage différé du 23 janvier aura lieu prochainement. Il faut être à l’écoute chaque soir.
Le site retenu est à Sieurac aux alentours de La Bouriasse. L’équipe Batigne est sollicitée.
Le message est reçu le 13 février au soir, le largage est pour le 14. Cette fois encore, bien que la plus grande partie du matériel soit destinée à la Montagne Noire, un container nous est attribué. Cet envoi est semblable aux précédents : quelques fusils, deux FM, des explosifs, des munitions (particulièrement des cartouches de 9 mm destinées aux mitraillettes) et également une forte somme d’argent qui me permettra d’assurer la subsistance du groupe.
20 février 1944
Durenque, très excité, passe nous voir. Il me demande de réunir le commando aux explosifs, et devant tout le groupe fait un long exposé sur une action à Villaret, dans l’Aude. Il explique que les groupes de ce secteur ne disposent pas d’une équipe semblable à la nôtre et que, pour la sécurité, il est préférable que nous soyons éloignés du lieu où nous allons mener cette action.
Celle-ci a déjà été étudiée dans ses détails, car il nous présente un scénario très élaboré. Le commando se rendra à Labruguière. Un point de regroupement est prévu dans une ferme, « Aux Auriols », prés de la route qui va à Laprade. Des explosifs y sont stockés à notre intention.
Il nous faudra franchir à pied, par les chemins forestiers, la Montagne Noire, sans aucun contact avec les gens du pays et sans être vus. La discrétion la plus absolue est nécessaire !
La route, définie sur les cartes, se fera en marches de nuit, les jours seront utilisés pour le repos. Surtout pas de déplacements de jour !
Aramis, la Guêpe, le Chauve, sont très capables de faire ce parcours, mais j’ai beaucoup de réticences en ce qui concerne Gérard et Koukou (André Boulet) qui a intégré le groupe. Ils sont très jeunes tous les deux et je crains qu’ils n’aient pas la résistance requise. Mais ils insistent tous les deux et je me laisse fléchir, d’autant qu’ils sont techniquement très qualifiés.
Ernestine ne partage pas mon de point de vue et est très inquiète. Je le suis autant qu’elle, d’autant plus que nous resterons sans nouvelles d’eux pendant la durée de l’opération.
Depuis quelques temps, il y a de fréquents barrages établis soit par la milice, soit par les Allemands sur les grandes routes. Les déplacements en voiture sont risqués, aussi le commando se déplacera-t-il en équipes de deux ou trois en vélo. C’est le moyen le plus sur pour arriver sans encombre.
Ils sont partis le 22 dès le début de l’après-midi.
25 février1944
Une réunion avec les chefs du groupe de Castres réunit quelques personnes autour de Clément. Je retrouve entre autres Durenque, Mathieu, Sigal, Antoine Carceler que je connais. Avec eux l’on me présente un officier comme étant le capitaine Saint-Michel, qui organise les divers groupes répartis dans les massifs de la Montagne Noire. Antoine Carceler est chargé de regrouper et de transporter, me dit Mathieu, le matériel stocké dans les dépôts créés après les parachutages.
Des modifications apportées dans la structure du département par le Comité national de la Résistance, au vu du développement des maquis communistes, inquiètent certains des participants.
Je n’ai aucune nouvelles de mes jeunes et les préoccupations politiques des divers participants me laissent indifférent. Notre action est plus terre à terre, plus active et leurs parlottes m’ennuient.
En aparté, Mathieu me prévient qu’un nouveau parachutage est envisagé prochainement dans le secteur de Lautrec. C’est le site de la Métairie Neuve qui a été proposé. Il me demande de guetter le message qui sera transmis par la BBC.
Durenque n’a pas évoqué l’action en cours, pourtant j’aurai bien voulu savoir où et par qui avait été préparée cette action.
En rentrant vers Lautrec j’ai aperçu prés de Saint-Martial un barrage sur la route : c’est des miliciens ! Je n’ai que le temps d’obliquer vers Saint-Martial et de me cacher prés du hameau que déjà une patrouille remonte vers le village, probablement à ma recherche. Je reste caché un long moment puis, lorsque j’ai le sentiment qu’ils ont levé ce barrage, je m’avance avec beaucoup de précautions pour voir si effectivement ils sont partis. Le barrage n’est plus en place !
Par précaution, je prends un petit chemin qui, par Saint-Martial, le Sausas, Campans, rejoint le moulin d’Auriol. De là, je gagne Grayssac par le chemin qui longe la voie de chemin de fer.
La chance a été avec moi et ma connaissance des petits chemins qui sillonnent le canton m’a été d’un grand secours.
28 février1944
Toujours sans nouvelles de mes jeunes ! Ernestine est très inquiète ! Batigne me fait savoir que des miliciens ont établi un barrage sur la route de Graulhet, entre Laboutarié et le Moulin Neuf. Ils ont contrôlé tout ce qui circulait sur cette route pendant plus de cinq heures. Il a pu observer à cette occasion plusieurs personnes qui avaient des relations amicales avec ces miliciens. C’est bon à savoir !
29 février 1944
Durenque m’a fait savoir que tout va bien, que l’expédition a pleinement rempli sa mission et qu’ils sont sur le chemin du retour. Nous sommes soulagés, mais il nous tarde qu’ils soient revenus.
2 mars 1944
Ils sont tous rentrés dans la journée. Par des itinéraires différents, ils sont arrivés, les uns au début de l’après-midi, les autres dans la soirée. Gérard et Koukou sont arrivés vers 15 heures, ils ont contourné Castres en passant par Saïx, La Mouline, et Lautrec, suivis une heure après par Aramis qui a traversé Castres, et enfin par le Chauve et la Guèpe qui ont contourné Castres par les Salvages et Peyregoux. Ils racontent leur périple, mais ne connaissent pas les résultats de leur travail. Je leur indique la teneur du message de Durenque, mais ce qui les intéresse le plus c’est d’aller dormir ! Je les comprends.
12 mars 1944
Hier au soir, la BBC a diffusé le message attendu. L’équipe du secteur de Lautrec s’est mobilisée. Le ramassage des containers a été pénible, le largage fait de trop haut a dispersé les parachutes, il en manquait deux et nous les avons longuement recherchés. Notre dispersion s’est achevée très tôt le matin. Dans cet envoi, destiné au CFMN, il n’y avait rien de prévu pour nous.
18 mars 1944
Durenque est passé au groupe. Il nous communique les résultats de l’action du commando. La cible a été très endommagée et il y eu de nombreuses victimes parmi les officiers de la Wehrmacht. Il ne cache pas sa satisfaction et félicite chaleureusement les membres du commando.
20 mars 1944
Mathieu me confirme qu’un largage est prévu à Saint-Julien du Puy, sur les terres de La Pinardié. Je préviens Batigne, qui assure la main d’œuvre de l’opération.
Nous sommes aidés par un groupe venu avec Mathieu et Richardson et dirigé par Antoine Carceler. Ils prennent le risque de transporter directement tout le matériel, mais, me dit Mathieu, ils en ont un besoin urgent pour armer un groupe en formation dans la montagne.
5 avril 1944
Durenque est passé en compagnie d’une personne qu’il me présente comme le commissaire Berthet, délégué régional du Comité national de la Résistance. Il nous a indiqué que l’objectif prioritaire de toutes nos actions devait être la destruction des moyens de communication des ennemis. Il faut empêcher les Allemands de communiquer facilement. Dans un premier temps, nous devons couper les lignes téléphoniques, ensuit gêner au maximum les courriers.
Le groupe Toutyva mets au point une méthode très simple : sur des segments de route propices, dans la descente de Le Cape avant Réalmont, dans la descente après Venès, ou encore dans la descente à hauteur de Peyregoux, quelques éléments du groupe se mettent en embuscade au sommet de la côte, dans le sens de la descente, et ouvrent le feu sur les véhicules après leur passage. La réaction immédiate des conducteurs est d’accélérer à fond. Informés par la fusillade, nous tendons entre deux platanes un filin d’acier de huit mm de section. Les motos ou les voitures qui arrivent très vite ne peuvent l’apercevoir à temps et sont fauchés par le câble. C’est très efficace, imparable et mortel. Nous devons récupérer le câble et quitter les lieux sans attendre et sans engager le combat.
9 avril 1944
Une attaque dans les virages de La Clape, entre Réalmont et Mousquettes, détruit une voiture de liaison qui tombe dans les prés en contrebas et prend feu.
11 avril 1944
A Peyregoux, toujours sur la nationale 112, au lieu dit « le Moulin Haut », une voiture de liaison est détruite et un motocycliste tué.
16 avril 1944
Une embuscade à La Tourlarié, dans la commune de Montfa, nous permet de réduire en flammes une voiture décapotable allemande. Mais elle est suivie de près par une traction avant de la milice que nous attaquons au fusil-mitrailleur : ses occupants sont tués. Elle finit sa course en flammes dans le ruisseau Le Poulobre. Un motocycliste qui arrive à très vive allure percute le câble et est tué.
L’action a été chaude, mais nous avons enfreint les consignes sans regrets.
18 avril 1944
Une camionnette allemande percute notre câble à grande vitesse et le casse. Mais, le pare-brise fauché, elle bascule en contrebas de la route et s’immobilise. Les occupants ne donnent aucun signe de vie, mais, respectant les consignes qui nous ont été renouvelées, nous quittons les lieux.
Pour envoyer un courrier entre Castres et Albi, maintenant les Allemands le font escorter par un convoi puissamment armé. Nous ne pouvons pas intervenir. 29 avril 1944
Une voiture solo est détruite à Saborgues prés de Venès.
Mai 1944
L’action se poursuit, le groupe est tous les jours en embuscade sur les bords de N112, guettant une occasion propice pour gêner les occupants.
Trois autres véhicules sont détruits au cours du mois de mai.
Mais désormais ce sont des convois puissamment armés qui escortent les courriers. Le jeu devient hasardeux et Durenque nous demande d’interrompre cette action. Il ne veut pas qu’il y ait des représailles dans les villages de Réalmont où de Venès.
En réalité, nous ne faisons pas le poids pour attaquer ces convois. Pas d’armes lourdes, pas de bazookas qui nous permettraient de détruire les camions où les blindés qui escortent ces convois.
2 juin1944
J’ai été prévenu d’une alerte générale par plusieurs sources : Clément m’a alerté, Durenque aussi. Ce dernier m’a indiqué le texte d’un message de la BBC qui devait engager l’action.
Les instructions de Durenque sont claires : Notre groupe sera attendu et trouvera sur place armes et matériel nécessaire. Un stock a été constitué à notre intention. Nous rejoindrons ensuite dans la Montagne Noire les formations gérées par Mathieu et Montpezat. J’ai transmis les consignes à tous les volontaires qui sont en alerte.
4 juin 1944
A la suite du message diffusé par la BBC et qui nous disait « Le bois est coupé en montagne », je dois rassembler tout l’effectif du groupe. Chacun a été prévenu qu’un point de rassemblement à Saint-Genest a été fixé. Il est connu de tous.
De Castres, Mercadier et Sigal rejoignent notre formation. Gérard, qui assure une liaison à Puylaurens, nous rejoindra plus tard.
5 juin 1944
Dans l’après-midi, soixante dix sept hommes sont présents au rendez-vous. Je transmets à tous les consignes que j’ai reçues ainsi que notre destination finale. Mais Oulmiéres n’est pas au rendez vous avec le camion qu’il a conservé ! Faute de mieux c’est à pied que nous rejoindrons notre lieu de rassemblement. Une courte discussion nous permet de nous organiser : l’ensemble sera scindé en en trois groupes de vingt-cinq personnes environ. Notre destination est Lacrouzette, puis le Verdier. J’ouvre la marche avec un détachement de vingt-cinq hommes, plus le commando. Assez loin derrière nous, le lieutenant Mercadier alias « Jim » suit avec un second groupe, le lieutenant Jean Azouls, alias « Ledur », ferme la marche avec la troisième section.
Dans la nuit du 6 au 7 un autre groupe de trente-huit hommes regroupant des hommes des environs d’Orban, de Laboutarié, de Saint-Genest, se met en route et rejoint la première fraction vers les quatre heures du matin sous les ordres du lieutenant Sigal.
Le Verdier, lieu fixé par l’état-major de l’AS, est situé au cœur du Sidobre. Le Rocher du verdier est une curiosité naturelle du massif granitique. A près de six cents mètres d’altitude, il est au centre d’une vaste forêt qui recouvre le sommet de la montagne. Deux chemins de charrettes, presque des sentiers, permettent d’y accéder. Et s’y retrouver de nuit relève de l’exploit !
L’un des chemins conduit à une route forestière accessible depuis Lacrouzette, par le moulin du Pradel. Cette route se termine après le Pradel, par des sentiers forestiers qui arrivent au lac du Merle.
L’autre chemin qui conduit vers Castres, passe à travers le massif Le Roubi et débouche sur la route Castres- Brassac prés du Mas-Nau. Il n’y a au Verdier qu’un vieux bâtiment en mauvais état et un hangar. Manifestement personne ne nous attendait ! Rien n’a été prévu pour recevoir un tel effectif. Je comprends maintenant que je ne suis plus à la prévôté et qu’il ne faut compter que sur nous même.
Des «cadres» dorment, sans protection, sans avoir placé des sentinelles, et n’apprécient pas que nous les importunions. Perdus dans les bois, ils étaient tranquilles.
J’inspecte les lieux et aidés par les hommes aguerris avec qui nous travaillons depuis plusieurs mois, nous installons des cantonnements de fortune pour accueillir les sections qui suivent.
Ces hommes qui arrivent après une marche de plus de quarante kilomètres pour certains, sont fatigués et ne demandent qu’à se reposer.
7 juin 1944
Le lendemain de notre arrivée, vers 7 h, l’alerte est donnée par Aramis, placé en poste avancé prés de la côte de Lafontasse : un convoi de quatre camions et une voiture, le tout comprenant une centaine d’Allemands quittent la route et se dirige vers le Verdier.
C’est évident ! Les Allemands connaissent notre présence ! Il y a des fuites dans l’organisation !
Le commandant Jouve et les quatre officiers qui sont avec lui et qui dormaient tranquillement à notre arrivée ne connaissent rien de l’endroit où nous sommes. Dès qu’ils ont connaissance de l’arrivée des Allemands, Jouve et ses compagnons prennent la fuite à travers bois.
(Nous apprendrons plus tard qu’ils sont aperçus à Castres par certains de nos correspondants vers 14 h)
Dans leur fuite, ils ont abandonné une moto sur les lieux. Voilà qui facilitera nos liaisons.
Le groupe Toutyva reste seul au Verdier.
Rapidement il faut s’organiser.
- Dans un premier temps nous regroupons tous les hommes armés et nous récupérons les armes laissées par les fuyards.
- Nous répartissons les hommes peu armés et inexpérimentés en quatre sections sous le commandement d’un responsable et nous leur montrons sur la carte les lieux favorables pour s’abriter.
- Une section de quinze hommes armés de mitraillettes, de mousquetons et de deux fusils-mitrailleurs reste en poste aux abords du Verdier.
– Les hommes du Corp Franc se sont portés au sommet du Roubi pour assurer une première protection. Ils disposent de deux FM.
Avec Jim, nous avançons en reconnaissance pour connaître la position des Allemands et prendre les décisions nécessaires.
Chacun est prêt et attend suivant mes ordres que les Allemands soient à notre portée. Les consignes son claires : nous avons peu de munitions et chaque balle doit porter.
Les Allemands, probablement des troupes incorporées de force dans la Wehrmacht (et nous savons qu’il y a beaucoup de Mongols à Castres), peu motivés, n’ont pas voulu pénétrer dans les sous-bois et se sont arrêtés en lisière de la forêt, à environ cinq cent mètres du Verdier.
Le chemin, très peu marqué, ressemble beaucoup plus à un sentier forestier qu’a un chemin carrossable. Ils n’ont pas osé engager leurs véhicules.
A travers nos jumelles, nous les voyons se concerter, puis un petit groupe se détache (une patrouille) et, à pied, avance vers la lisière des bois. Ils progressent lentement, avec beaucoup de précautions, leur chef scrutant avec minutie la limite des bois. Ils sont nerveux, inquiets.
Aucun des nôtres n’est visible. Nous sommes placés de part et d’autre du chemin d’accès : Le Corps Franc sur le Roubi, avec deux FM ; je suis avec Jim et avec les dix hommes les plus aguerris et aussi deux FM sur la face opposée. Nous dominons des deux cotés le chemin que doivent obligatoirement emprunter les Allemands.
Ils ne peuvent avancer qu’a découvert, nous sommes bien protégés et cachés.
Un coup de feu soudain : un assaillant porteur de jumelles s’écroule. Le Corps Franc ouvre le feu : de courtes rafales de FM surprennent nos visiteurs.
De notre coté, nous ouvrons le feu également : nos deux FM entrent en action. A découvert, les visiteurs n’ont pas la possibilité de riposter efficacement. Ils tirent quelques coups de feu dans notre direction, pour se couvrir et se replient rapidement. Nous les voyons emporter plusieurs des leurs atteints par nos tirs.
Au loin, les camions ont fait demi-tour. Le silence est profond et nous ne voyons rien bouger. Un long moment après, les herbes très hautes nous indiquent par leur frémissement que les assaillants se retirent. Nous restons longuement sans bouger sur nos positions, puis avec Jim nous effectuons une reconnaissance.
Aramis, le Chauve, la Guèpe poursuivent la reconnaissance jusqu’à la route, puis jusqu'à Lafontasse… Ils sont vraiment partis !
Ils ont longuement attendu, puis ont repris la route de Castres.
L’alerte a été chaude, nous aurions été incapables de soutenir un combat prolongé, vu le peu de munitions à notre disposition.
Par la suite, le groupe s’est difficilement reconstitué. Beaucoup de jeunes, peu armés, ont eu peur ! Certains, déconcertés par la fuite de ce qui devaient être des cadres, sont repartis chez eux, sans retour. D’autre ont compris que le maquis n’est pas qu’une planque pour ne pas aller en Allemagne, mais un lieu de combats pour affronter l’ennemi. La guerre n’est pas pour eux : ils sont repartis.
Notre position n’est pas encourageante : le dépôt d’armes censé exister au Verdier et qui devait permettre d’armer la totalité des éléments du groupe n’existe pas. Pillé par des éléments incontrôlés, nous affirment les personnes qui habitent au Verdier.
Je n’y crois pas !
Sigal, Le Chauve, Aramis se livrent à une fouille minutieuse des lieux mais ne trouvent rien, pas même des traces.
Les parlottes de l’AS n’ont pas toujours été suivies d’actions. Chacun tire la couverture à soi !
Pour assurer la nourriture de tout ce monde, la famille Mialhe du Verdier, nous vend un lot important de pommes de terre, quelques légumes et un jeune veau.
Cela va me permettre de faire manger tout le monde.
J’ai demandé si parmi les volontaires il se trouvait des personnes susceptibles de préparer le manger pour tous. Trois volontaires se sont désignés.
Le Chauve et Aramis sont allés à Lacrouzette, en empruntant une voiture et un cheval aux Mialhe. Le boulanger, qui nous est connu pour son activité dans la Résistance, nous fournit 40 kilos de pain. Aramis règle la dépense.
Ces détails de l’ordinaire m’ont pris beaucoup de temps, mais, pendant ce temps, Jim est parti pour reconnaître un cantonnement plus sécurisé. Nous sommes persuadés que la venue des Fritz ce matin n’est pas due au hasard. Ils vont revenir en force. Il faut se déplacer sans retard.
Dés le retour de Jim et sur ses indications, nous décidons de choisir La Fusarié . Un détachement précurseur, sous la conduite de Denizot, est parti préparer le cantonnement et installer de quoi restaurer tout le personnel.
Décidément, la vie de tout un groupe est un tracas quotidien et l’intendance pour assurer le vivre et le coucher est une source de problèmes pire que les opérations militaires !
Par la radio, nous avons appris le débarquement en Normandie, mais coupés de tout contact avec l’extérieur, nous ignorons ce qui se passe auprès de nous
C’est vraiment le maquis !!!
8 juin 1944
Dans la nuit, le groupe fait mouvement et s’installe à La Fusarié.
L’intendance pour assurer la survie du groupe est un tracas terrible et ma trésorerie de guerre sera vite complètement épuisée. Je n’ose pas envisager l’avenir.
Le maquis n’est pas une aventure facile. Je suis secondé par Jim, Sigal, Aramis, Ledur, le Chauve, mais il me faut choisir des meneurs parmi les hommes qui sont venus. Les plus expérimentés : les anciens qui ont connu les combats de 40, et ceux qui ont participé à la guerre d’Espagne (Ils sont quatre Espagnols Républicains parmi les volontaires) seront tout indiqués.
Il faut organiser des sections pour commencer à donner aux jeunes un minimum de connaissances : face aux Allemands, c’est une question de survie.
Bref, je ne vois pas les heures passer ! A tout instant je suis sollicité ! Et je suis coupé de mes liaisons avec le chef de secteur de l’AS et avec le Corps Franc de la Montagne Noire.
Je n’ai aucune nouvelle de Gérard. J’apprends beaucoup plus tard qu’il est parti avec Oulmiéres et qu’il a rejoint les groupes de Mathieu.
Je suis seul et responsable de la subsistance et de la survie de 120 personnes.
10 juin 1944
Mercadier (Jim) ne peut pas s’adapter à cette vie. Avec son ami Sigal ils quittent le groupe et regagnent leurs foyers à Castres. Ils vont, disent-ils, assurer la liaison entre le commandement et chef de secteur et le groupe. Avec l’aide de Sigal, ils vont continuer à alimenter le groupe en matériel de campagne et en ravitaillement.
Leur décision est mal comprise par de nombreux membres du groupe qui font un rapprochement entre leur départ et la fuite des officiers qui nous précédaient au Verdier !
J’avoue que je ne suis pas loin de penser comme eux. La vie au maquis n’est pas facile ! C’est bien plus confortable à la maison, surtout si l’on ne court aucun risque.
Mais nous sommes tous des «volontaires» et nous ne pouvons forcer personne à vivre dangereusement s’il ne l’a pas choisi lui-même.
Devant les difficultés qui s’accumulent, il est plus facile de se défiler !
12 juin 1944
Dans la matinée, un commando composé de Denizot, de la Guèpe, du Chauve, d’Aramis et de Koukou, en reconnaissance et en mission de ravitaillement aussi, rencontre sur la D 622 (Castres -Brassac) un groupe d’Allemands en patrouille dans ce secteur. Un échange de tirs s’en est suivi. Sachant combien nos munitions sont rares, le commando a pu se dégager sans pertes de notre coté.
Il est évident que les Allemands nous cherchent, et La Fusarié ne convient pas pour résister à une attaque. De plus, il y a six familles qui vivent dans ce hameau et que nous mettons en danger.
Il faut au plus vite chercher un cantonnement plus sûr.
13 juin 1944
J’ai rencontré mon camarade Tissier à Vabre. Au cours de notre conversation, il m’a conseillé de voir le site de Rolland, prés du hameau du Pradel. C’est, m’assure t-il, un lieu très sûr. Il me propose également de me faire rencontrer le responsable d’un groupe de FTP, un maquis communiste qu’il connaît et qui est implanté tout près.
J’ai reconnu les lieux et vu que les conseils de Tissier sont judicieux. La moto abandonnée par les fuyards du Verdier m’est vraiment très utile.
14 juin 1944
J’envoie mes hommes à tout faire du commando avec une dizaine de volontaires, reconnaître et préparer les lieux pour accueillir tout le groupe qui fera mouvement dans la nuit.
Entre temps je prends contact avec le responsable FTP. Il a pris le nom de guerre « Gueule d’Acier ». Nous n’avons pas d’étiquette politique, mais la fraternité qui soude les divers composants des maquis est telle que notre entente est immédiate. Gueule d’Acier nous procure deux fusils mitrailleurs et des munitions en conséquence. Il m’informe qu’il n’est pas positionné loin de nous et que nous pourrons nous assister mutuellement si le besoin en était. Il est à Thouy, à deux kilomètres à vol d’oiseau.
Dans la nuit, le groupe s’est déplacé et a gagné Rolland.
Je fais placer un petit peloton formé d’hommes aguerris en poste avancé sur les crêtes, aux abords du Pradel. Ils sont armés de deux FM. Et l’après-midi je demande à chacun de reprendre l’instruction des jeunes.
19 juin 1944
Le maquis de Teillet, sur le Dadou, a été attaqué par un groupe important d’Allemands. Ce sont des Géorgiens de Castres qui ont surpris les éléments du maquis. Il y a eu une dizaine de morts dans nos rangs et plusieurs jeunes ont été pris.
Informés plusieurs heures après l’affaire, nous n’avons pas eu la possibilité d’intervenir.
20 juin 1944
Je suis sans nouvelles des gens de l’AS de Castres. Je suis coupé de toute liaison avec les chefs.
Mon seul contact reste mon camarade Tissier, mais je ne veux pas le compromette et je ne le rencontre qu’avec la plus grande prudence. La radio est notre seul lien avec le monde et les préoccupations journalières sont le ravitaillement du groupe et la fuite éperdue de ma trésorerie.
23 juin 1944
Koukou est parti à Castres en vélo. Il a pu sans difficultés joindre Jim (qui a repris sa classe) et lui a indiqué un point de contact à Vabre. Jim me procure une voiture traction avant avec un lot important de couvertures. Il me promet dans quelques jours deux motos. Je lui indique le hameau du Pradel comme point de rendez-vous.
25 juin 1944
En suivant les infos données par Jim, le commandant Durenque rejoint notre groupe au Pradel. Il est accompagné du médécin-capitaine Chabbert qui se fait appeler « Le Gaulois ». Ce dernier, à la demande de Durenque, va partager la vie du groupe. Le Gaulois, avec qui je sympathise rapidement, deviendra un ami très sûr, même après le maquis. Durenque a visité notre cantonnement. Il a remarqué que notre installation était basée sur les critères habituels aux militaires et a commenté certaines particularités. A ma remarque que nous étions seuls dans la nature, sans le soutien d’une organisation quelconque et qu’il fallait bien, se débrouiller pour assurer un cantonnement correct avec un minimum d’hygiène pour tous, il approuve.
Puis un moment après il me donne de nouvelles instructions, ce qui était en réalité le but essentiel de sa venue.
Je laisse le commandement du groupe au lieutenant Ledur (Jean Aziouls) et je vais avec un effectif réduit - une dizaine d’hommes- que je dois choisir «mettre de l’effervescence », c’est sa propre expression, dans la zone C.
C’est chez moi et cela me convient !
Je constitue mon nouveau groupe : d’abord le commando ! Aramis, Le Chauve, la Guèpe, Denizot, Koukou sont d’office avec moi.
Je choisis ensuite les anciens que j’ai déjà éprouvés dans les parachutages, qui m’ont toujours aidé et soutenu. J’ai de la peine à choisir : ce sont des camarades et des amis. Ainsi, Georges Assié de Canto-Coucut, Jean-Claude Despoix de Fournials, Jean Prat de Prat-Fumat se rangent ainsi derrière moi. « Le Gaulois » sera de notre Groupe. C’est avec une quinzaine de personnes que nous rejoignons la zone C.
Durenque m’a informé qu’un homme, le lieutenant Henri, nous attend chez Batigne à Laboutarié ainsi que du matériel : une voiture et deux motos.
26 juin 1944
Nous quittons Rolland et nos camarades. Nous emmenons la voiture que nous a procurée Jim et une fourgonnette, nos armes personnelles, laissant le maximum d’armements possible au groupe.
A sa demande, nous nous rendons directement à Saint-Genest, à Canto-Coucut, chez Jean Assié. Nous sommes accueillis à bras ouverts : la famille Assié nous concocte un vrai festin ! Georges Assié envoie un émissaire à La Marnière, une ferme assez proche, il pense que ce serait un lieu d’asile très commode et facile à sécuriser. La Marnière a été reconnue depuis longtemps et possède plusieurs voies de dégagement. Les Bonnet ont participé à plusieurs parachutages et ils prennent le risque de nous recevoir avec plaisir.
Au cours de la soirée, je laisse tout mon groupe à Canto-Coucut et je vais en moto à Grayssac retrouver Ernestine qui est sans nouvelles de moi depuis vingt jours. Elle était mortellement inquiète malgré les messages de Jim et de Sigal. De plus, elle est sans nouvelles de Gérard.
Je lui donne le plus de détails possible sur notre périple, sur nos aventures, sur son frère et la rassure de mon mieux. Je suis aussi inquiet qu’elle pour notre fils !
J’ai également retrouvé Anglès, qui est toujours mon contact, et qui m’informe de tous les évènements qui se sont déroulés dans le canton depuis le début juin.
A Lautrec, depuis mon départ, il n’a pas été nommé un nouveau chef de brigade à mon poste et Anglès fait fonction de chef. Il me donne les derniers tuyaux en ce qui concerne les réactions officielles de la gendarmerie. On peut dire que les cadres ont une attitude prudente devant la tournure que prennent les évènements. Ils ne se mouillent pas. Ils ne font rien pour aider ceux qui se battent, mais ne respectent pas davantage les consignes de Vichy à l’encontre des résistants.
Ils restent neutres.
Dans toute la région, de nombreux gendarmes ont rejoint les maquis.
Par Anglés, j’apprends qu’à Lautrec Mme Oulmiéres a eu des nouvelles de son mari. Il est à coté du groupe où est Gérard et dit que tout va bien, ce qui rassure un peu Ernestine.
En Normandie, les Alliés, fortement implantés après le débarquement, bousculent les Allemands, lesquels ont besoin du renfort des divisions placées dans le sud. L’action combinée des maquis, de la Résistance, et de l’aviation alliée rend le transfert de ces divisions vers le front de Normandie difficile. Les voies de communication sont souvent coupées, le téléphone, les voies ferrées sont très aléatoires. Les déplacements par la route sont longs et difficiles.
En Italie, les Tabors du général De Montsaber ont fait sauter le verrou de Monte-Casino ; les Alliés ont pris Rome le 4 juin et progressent maintenant vers la Toscane.
27 juin 1944
A La Marnière, le lieutenant Henri est venu se joindre à nous. Il nous donne très peu d’informations en ce qui le concerne, pas plus sur son identité véritable que sur ses affectations militaires.Mais il est parrainé par Durenque et cela doit nous suffire.
Avec lui arrivent dix personnes qui n’attendaient que le signal de Batigne. J’ai confié à Henri le commandement du groupe des nouveaux venus. Il doit leur enseigner très rapidement un minimum de connaissances pour en faire des combattants.
Mais je suis inquiet : on ne peut pas vivre « au crochet » de ces personnes qui nous ont hébergés. Il faut que nous organisions nous-même notre vie et je n’ai presque plus d’argent !
28 juin 1944
Une partie du groupe resté à Rolland rejoint notre formation. Trente-deux personnes, avec peu d’armement mais avec une grande partie du matériel logistique.
Ledur n’a pas su maintenir la cohésion de l’ensemble. La pagaille, la politique, ont amené cette scission. Un contingent important, sous l’influence des quatre républicains espagnols, a rejoint Gueule-d’Acier à Thouy, d’autres sont rentrés chez eux.
Les hommes de la région, anciens de l’équipe Batigne, sont venus nous retrouver.
De Réalmont, par l’intermédiaire de Batigne, trois gendarmes de la brigade sont venus nous rejoindre. Le gendarme Carrier et les gendarmes Clanet et Boulinguier. Ces derniers étaient de jeunes aspirants-officier sortis d’école en 1940 et affectés provisoirement dans la gendarmerie par Vichy. Avec eux, une dizaine de jeunes les accompagnent.
Nous sommes à nouveau une formation importante et mes soucis vont croissant : il faut organiser la formation, répartir les hommes en sections sous le commandement d’une personne capable de faire fonction de cadre, d’officier.
Il faut également armer tout ce monde et trouver les moyens pour assurer la nourriture et l’hébergement.
Les gendarmes de Réalmont sont venus avec les armes de la brigade : cinq mousquetons et des pistolets : c’est juste leur armement personnel.
Pour armer les nouveaux arrivants, je vais utiliser les armes cachées à Lautrec dans le dépôt de Larroque. Nous allons avec une camionnette prendre la totalité des armes en ce dépôt.
Il faut former des personnes capables d’utiliser ces armes automatiques. L’effectif est maintenant de soixante-quinze personnes.
Je décide de former trois sections sous le commandement d’un militaire de carrière. J’ai confié le commandement d’une section de trente hommes, dans lesquels dix des nouveaux venus se sont intégrés, au lieutenant Henry. Boulinguier et Clanet assureront chacun le commandement d’une section. Il faut enseigner très rapidement un minimum de connaissances aux jeunes pour en faire des combattants.
L’ensemble du groupe est maintenant trop important pour pouvoir stationner à La Marnière. J’ai également de gros soucis pour trouver de quoi faire manger tout ce monde : je n’ai presque plus d’argent. On ne peut pas vivre sur l’habitant, je ne sais pas comment régler ce problème.
29 juin 1944
Le Gaulois, Carrier, Boulinguier, Henry et moi-même, après une longue analyse des cartes, avons envisagé plusieurs sites qui paraissaient répondre à nos besoins. Il faut les reconnaître.
D’autre part, la majeure partie des personnes qui nous ont rejoints en provenance de Rolland, pense que le matériel que nous avions pour la cuisine du groupe est resté sur place à Rolland, abandonné par ceux qui ont rejoint Thouy. J’envoie le commando, renforcé de Fournials, de Canto, de Prat vérifier cette info et ramener le cas échéant tout ce qui nous fait cruellement défaut.
Et, de notre coté, nous partons en deux équipes - Carrier Boulinguier d’un coté - et Le Gaulois et moi-même d’un autre - pour reconnaître les sites sélectionnés sur les cartes.
Parmi les sites retenus d’après les cartes, la ferme Las Crabos, au-dessus du lac de Miquélou, dans la commune de Graulhet, parait répondre à nos besoins. C’est un ensemble de bâtiments inoccupés, une ferme dont les terres ont été regroupées avec une exploitation assez proche « La Tuilerie ».
Les occupants de la Tuilerie, la famille Serre, se révèlent très proche de notre action : un de leurs enfants, André Serres, réfractaire au STO, vit en clandestin et demande à rejoindre notre formation.
Ce site parait convenir mais, par prudence, nous attendons de nous retrouver avec l’autre équipe pour nous décider.
De retour de Rolland, notre équipe a ramené tout le matériel de cuisine nécessaire pour pourvoir aux repas de tout le personnel.
On a le matériel, le cuisinier, reste à trouver les victuailles, ce ne sera pas facile : je n’ai plus d’argent !
Batigne, informé de mes problèmes de ravitaillement, me fait savoir qu’il fournit la farine nécessaire au boulanger des Martys, qui lui nous donnera le pain sans qu’on lui paye son travail : c’est sa contribution à la Résistance. Merci, monsieur Pastruel, cela nous a considérablement aidés.
De la Marnière, j’envoie Henry avec un détachement de dix hommes pour préparer le cantonnement et sécuriser les lieux.
30 juin 1944
Dans la nuit, l’ensemble de la formation s’est déplacé et a gagné ce nouveau cantonnement. L’action a été très rapide : nous avons maintenant deux camions équipés de gazogènes à notre disposition, deux voitures, plusieurs motos.
Les hommes de garde sont relevés, mais le chef du détachement précurseur ne parait pas apprécier ce genre de travail.
Dans la journée l’instruction a repris.
2 juillet 1944
Un envoyé de la Montagne Noire nous rejoint à Las Crabos. C’est Gérard, envoyé par Mathieu et Saint-Michel, pour nous demander de les rejoindre à Fontbruno.
Par un curieux hasard (!), Durenque et le Régional Berthet viennent également ce jour-là et nous affirment qu’un accord vient d’être conclu avec les responsables du CFMN, en particulier avec Montpezat, pour que Toutyva reste en zone C.
Ils ont besoin de nous ici, disent-ils.
Ce même jour, deux juillet, ils nous font parvenir de nouvelles armes : trois FM Brent et deux mitrailleuses cal 35 qui complètent notre armement. Et, en supplément, un stock important de matériel explosif, plastic 802,806, 808, plusieurs caisses de dynamite, des détonateurs, des crayons retard, du cordon Bickford, des grenades, bref un vrai arsenal. De plus, Durenque me laisse une très grosse somme en billets de banque ce qui me permettra de résoudre les problèmes de ravitaillement.
Dans la nuit, nous allons chercher les armes, munitions et grenades qui restent stockées à Saint-Clément, prés de Lautrec. Nous vidons le dépôt.
Un nouvel objectif nous a été fixé : maintenir hors service les voies ferrées Castres- Albi et Castres- Saint-Sulpice.
Mes difficultés se résorbent, semble t-il ; est-ce lié à la demande du CFMN ?
Gérard a été blessé le 29 juin au cours d’un engagement qui a eu lieu à coté de Saissac. Sa blessure est sans gravité, Le Gaulois l’a examiné et il pense qu’il a une balle restée dans la jambe. Mais il marche apparemment sans problèmes.
Dans cet engagement, son camarade Pierre Fabre de Lautrec a été tué. Le village est en émoi. Gérard a passé la nuit à la maison avec sa mère à Grayssac ; je les ai rejoints dans la soirée.
3 juillet 1944
Tout le groupe est installé à Las Crabos. Henry, Clanet, Boulinguier, Carrier consacrent leur temps à l’instruction des jeunes : maniement d’armes, instruction pour l’utilisation des armes automatiques (fusil mitrailleur ; mitrailleuses), instructions pour leur mise en place, conseils pour se protéger, se tenir a couvert au cours d’une attaque, comment progresser sans s’exposer au feu de l’ennemi, sont les bases de notre enseignement. Les exercices sur le terrain mettent en pratique cet enseignement. Seul le tir n’est pas au programme : les munitions sont trop précieuses pour être utilisées en école, et les tirs signaleraient notre présence aussi bien que des panneaux indicateurs.
J’ai délégué une partie de mes activités à mes aides :
- Aux militaires l’instruction des jeunes
- Aramis et le Chauve s’occuperont du ravitaillement
- Denizot assurera la maintenance du matériel roulant : motos, voitures, camions.
J’ai été prévenu par Ernestine que Clément et Houpe souhaitaient me voir. Je me suis rendu à Castres pour les rencontrer. J’y ai également retrouvé Jim et Sigal qui avaient perdu notre trace.
Ils m’ont confirmé les accords pris par Montpezat et Durenque : ils assistaient à la réunion.
Ils ont du matériel à notre intention : couvertures, vêtements voitures…J’ai l’impression qu’il y a certainement un autre motif à cette rencontre et que, pour des raisons que je ne saisis pas, ils n’ont pas voulu ou pu exprimer. Mais le contact est rétabli, ils sauront comment me joindre.
Sur le chemin du retour, sur le plateau de Saint-Martial, je suis intercepté par un groupe de miliciens. Je n’ai pas eu la chance de la fois précédente, j’allais trop vite, je n’ai pas pu les éviter.
J’ai foncé. Je suis passé très vite, sur le côté de la route, un peu dans le fossé. Ils ont été surpris et n’ont pas réagi assez vivement, leur tir mal ajusté ne m’a pas atteint, mais ma moto a été endommagée. Je n’ai pas pu la maintenir dans le virage qui suit l’école, j’ai roulé dans le fossé, mais un ponceau qui permet d’accéder aux champs m’a fait chuter. Malgré la douleur qui me vrillait l’épaule, j’ai trouvé la force de m’éloigner et de me cacher pour échapper aux recherches des miliciens. Ils ne m’ont pas trouvé.
Récupéré quatre ou cinq heures après par Aramis et Denizot qui, inquiets de mon absence, étaient partis à ma recherche, j’ai été soigné par Le Gaulois qui a diagnostiqué un bras démis et une luxation de l’épaule. Il réparé mon bras et remis l’épaule en place.
Je suis rentré à Grayssac pour y dormir.
4 juillet 1944 Gérard repart pour la Montagne Noire. Mais il part à regret et je crois qu’il ne va pas tarder à nous revenir. Mon bras me fait beaucoup souffrir et Ernestine que je vois maintenant tous les jours n’est pas contente. Le Gaulois me donne des calmants, mais j’ai beaucoup à faire et je n’ai pas trop de temps pour penser à mon mal.
Denizot a récupéré ma moto : elle est trop endommagée pour être réparée dans nos installations. Fourche et roue avant détruites. Il y a trois impacts de balles sur l’arrière de la moto. J’ai eu beaucoup de chance.
6 juillet 1944
Claude Levent, un agent de liaison envoyé de toute urgence par Batigne, nous apprend que notre ami et notre agent à Lombers, René Carayon, a été arrêté et exécuté dans la matinée par des miliciens. Ceux-ci sont encore dans le secteur, apparemment ils recherchent d’autres personnes qui ont été dénoncées dans cette région. En quelques minutes deux groupes sont constitués pour intercepter ces miliciens. Nous retrouvons leur piste, ils sont sur le chemin d’Orban. Une panne de voiture - nos carburants ne sont pas performants - nous oblige à interrompre la poursuite.
Au retour, à Mousquette, sur la N 112, nous contrôlons un autobus. Deux Allemands sont parmi les passagers. Nous les arrêtons et récupérons leurs armes (deux fusils, deux pistolets avec leurs munitions)
Claude Levent est revenu le soir. Il nous apprend que René Carayon a été dénonce par deux femmes à la solde de la Gestapo : les femmes Camarés
Enlevées dans la nuit à leur domicile à Lombers, elles sont conduites au PC. Leur interrogatoire se déroule en présence de Durenque, qui décide de faire une cour martiale.
Sous sa présidence, les deux femmes sont jugées : plusieurs documents trouvés à leur domicile démontrent qu’elles sont effectivement à la solde de la Gestapo.
Les faits établis, leurs aveux obtenus, elles sont condamnées à mort et fusillées sur le champ.
8 juillet 1944 Gérard vient d’arriver. Il a quitté ce matin le CFMN et a rejoint Castres transporté par un camionneur qui redescendait avec un chargement de bois. Il a contacté Jim qui lui a remis une voiture chargée de couvertures à notre intention. En route il a rencontré Koukou, qui la conduit directement à Las Crabos.
Ernestine sera plus tranquille s’il est avec nous, et moi aussi.
Le Lieutenant Henry, qui décidément n’est pas fait pour cette vie et qui n’apprécie pas de faire de la formation, nous quitte.
Lorsqu’il en est informé, Durenque qui nous l’avait affecté est fort mécontent, mais c’est un problème qui le concerne seul et cela m’arrange : Henry n’engendrait pas la sympathie et était supporté par les autres cadres du groupe.
Gérard a retrouvé ses camarades du commando et s’est immédiatement intégré. Il a quelques difficultés à marcher, mais il est soigné par Le Gaulois.
9 juillet 1944
Le départ d’Henry modifie la formation : les hommes de cette section sont répartis dans les sections Carier, Boulinguier, Clanet.
Un groupe de sabotage, indépendant, hors rang, spécialisé dans les explosifs est mis en place. Il est constitué par Aramis, Le Chauve, la Guèpe, Koukou, et Toutyjeune. La Traction avant ramenée de Castres leur est affectée. Ce groupe devient actif très vite : le 10 juillet, le pont de Laprade à Lautrec est détruit.
Le problème du carburant est un problème crucial. Nous alimentons les véhicules à essence à partir d’un mélange benzol et alcool que j’ai depuis longtemps utilisé pour ma moto.
Nous « empruntons » ces ingrédients dans les usines de Graulhet. Nous laissons en échange des bons de réquisition qui, nous en somme sûrs, seront honorés après notre victoire.
Les temps ont changé : les Allemands sont en retraite sur tous les fronts. En Normandie, les Alliés progressent maintenant d’une manière significative. Ils ont percé les lignes allemandes à Avranches et progressent vers l’est.
En Italie, les Alliés, après la prise de Rome, remontent vers les Alpes, vers le Brenner. Mussolini, déchu, avait été emprisonné. Libéré par un commando nazi et replacé à la tête d’un gouvernement fantoche, il a été repris par les patriotes. Lynché par la foule, avec sa maîtresse Clara Petachi, ils ont été pendus à Dongo.
Partout on sent que le vent a tourné, que la fin approche et bien des gens qui il y a peu de temps encore étaient des pétainistes fervents, deviennent maintenant des partisans de la Résistance et des maquis.
Les industriels nous cèdent volontiers les produits que nous leur demandons, de crainte sans doute que d’autres les leur prennent sans contrepartie. Ils acceptent donc nos bons de réquisition.
12 juillet 1944
Les deux prisonniers allemands parviennent à s’échapper. Leur gardien, Combes, s’est laissé soudoyer et les a laissés fuir. Combes a également pris la fuite et s’est caché. Il ne sera retrouvé qu’après la Libération. Incarcéré au Bon Sauveur à Albi, il sera acquitté faute de preuves matérielles de sa forfaiture. (Il est décédé quelques jours après sa libération dans un accident : sa voiture a quitté la route et a chuté dans un ravin dans la descente de Tanus vers Rodez)
Devant la menace que génère l’évasion des deux prisonniers, tout le groupe quitte le cantonnement et se replie à La Broque, commune de Puycalvel, bien qu’un de nos correspondants nous ait informé de la présence d’agents de la milice. Mais il y a urgence à changer de cantonnement.
Dans la même nuit, une de nos patrouilles, dans les environs du village de Puycalvel, nous informe que la route de la vallée vers Vielmur est gardée par une unité de la milice, sous la conduite d’un certain Lagarde, originaire du village. Au cours de cette patrouille, le Corps Franc capture les frères Viala et Jean Rouvet que nos informateurs nous présentent comme des agents redoutables de la milice. Après un interrogatoire parfois un peu musclé, on constate qu’il s’agit de gens très simples qui ont adhéré au mouvement sous l’influence de leur patron, par bêtise.
Dans le même temps, un agent de liaison de Castres, Jean Bruel, nous rejoint et nous informe qu’un convoi de plusieurs camions (trois ou quatre, pense-t-il), suivi par trois camions de la milice, se dirige vers Lautrec. J’envoie deux patrouilles pour vérifier ces informations et nous rapporter un maximum de renseignements. Deux heures plus tard, les patrouilles confirment les informations reçues et précisent que les Allemands viennent vers Brousse et que la milice se déploie vers Puycalvel.
Il ne me paraît pas que nous soyons l’objectif de cette manœuvre, mais notre position est précaire, peu favorable à une défense efficace, nous décrochons dans la nuit dans la plus grande discrétion, en laissant nos trois prisonniers enchaînés sur les lieux.
Nous apprenons par la suite que les Allemands sont arrivés sur les lieux de notre position vers 7 heures du matin, c'est-à-dire trois heures après notre départ.
Les prisonniers abandonnés ont été emmenés par les miliciens.
13 juillet 1944
Après avoir quitté la Broque, l’ensemble du groupe s’est retrouvé à Muratet, un des sites sécurisés reconnus précédemment. Tous les hommes sont prévenus du danger qui nous menace. Après la nuit que nous vécue, je ne leur apprends rien.
14 juillet 1944
Malgré la menace et en l’honneur de la fête nationale, un mât a été dressé au centre du cantonnement, et devant l’ensemble du groupe qui présente les armes, nous hissons les couleurs.
J’ai rendu compte à Berthet, qui nous avait rejoints, des événements et des faits qui ont motivé nos déplacements successifs .Ce dernier entre dans une violente colère devant le fait que nous n’ayons pas exécuté les miliciens. Il nous engueule copieusement, dépassant même les limites de la décence. Toutefois, devant l’attitude de mes compagnons, il se reprend et s’excuse.
15 juillet 1944
Le pont de la voie ferrée Castres- Saint-Sulpice est détruit à Brasis.
17 juillet 1944
L’équipe des «saute ponts», en déplacement à Graulhet, investit la gendarmerie et leur emprunte leur armement et leurs munitions. Cinq mousquetons viennent grossir notre armement.
18 juillet 1944
Deux membres du groupe de sabotage sont envoyés à Lavaur à la demande du régional Berthet ; ils doivent rencontrer les membres d’un groupe local et leur enseigner les bases du maniement des explosifs et de quelques armes légères. Je délègue Gérard et Koukou pour cette mission. Ils leur donnent en particulier toutes les informations nécessaires pour utiliser correctement les nouvelles mitrailleuses M35 que nous venons de recevoir.
Dans la nuit du 18 au 19, avec les éléments du groupe de Lavaur, ils font sauter le pont de Saint-Georges dans la commune de Labastide Saint-Georges voisine de Lavaur, sur la ligne Castres-Saint- Sulpice.
Les instructions qui nous ont été données précisent que nous ne devons pas détruire de gros ouvrages difficilement réparables après le retour à la normale, nous devons donc détruire des ponts sur de petits cours d’eau ou sur des chemins, quitte à le faire souvent après leur réparation.
Le ravitaillement du groupe est un souci permanent. L’équipe qui est chargée de ce travail est appelée à beaucoup se déplacer. Ils opèrent surtout dans des zones que nous connaissons bien, ce qui permet de ne pas aller dans des fermes dont les habitants sont réputés comme étant des collabos. S’ils se rendent en de tels lieux, c’est en toute connaissance de cause et dans ce cas nos réquisitions peuvent être parfois musclées.
19 juillet 1944
Notre position à Muratet est trop vulnérable pour que nous y séjournions longtemps. J’ai reconnu le site de La Cachoque, au-dessus des Martys. Ce site convient bien mieux à notre formation. J’ai pris contact avec les habitants de la Cachoque, les familles Audouy et Manavit et ceux des métairies voisines, les Rhodes, à La Soularié, Blanquet à Révellat, qui acceptent volontiers de nous accueillir
J’envoie Carrier et un détachement préparer notre venue.
20 juillet 1944
Le groupe s’est déplacé pour ce nouveau cantonnement à la Cachoque. La position est beaucoup plus discrète et surtout plus facile à défendre si besoin en est.
J’installe mon PC à la Cachoque et répartis les trois sections du groupe entre la Cachoque, la Soularié et Révellat.
Boulinguier et son groupe sont à La Soularié, Clanet à Révellat, Carrier et sa section, Le Gaulois, le Corps Franc restent à la Cachoque ainsi que les servitudes.
23 juillet 1944
Des informations transmises par notre correspondant Sigal de Castres nous font savoir que le gendarme Lamiable de la brigade de Lautrec est un important agent allemand. Très surpris par cette nouvelle - j’ai eu ce gendarme sous mes ordres pendant deux ans et je n’ai jamais détecté le moindre comportement suspect, de plus il a volontiers coopéré pour la protection des jeunes des Ormes - , je demande confirmation de cette accusation et de l’origine de l’information. La réponse de Castres nous fait savoir que l’info vient du Corp Francs de la Montagne Noire qui est catégorique.
Le 23 juillet au matin, un commando enlève le suspect. Je leur demande de l’emmener au PC du CFMN à Plo del Maï.
Confronté aux cadres du Corps Franc - il y a là Le commandant Mathieu, le Commandant Montpezat, le capitaine Saint-Michel, le médecin capitaine Manquené, les lieutenants Volf , Lévy et Sénégas - Lamiable subit un interrogatoire très serré. Après de nombreux recoupements et plusieurs liaisons téléphoniques, il s’avère que l’origine de l’information est à Lautrec.
Il s’agit en fait d’un ragot de village sans fondements ,dû au fait que Lamiable ne s’est pas fait que des amis à Lautrec, que son origine alsacienne (il est né à Colmar) et sa connaissance de l’allemand ont suscité la médisance de quelques habitants du coin.
Au début de l’après-midi, le capitaine Saint-Michel, nous fait savoir le résultat de leur enquête et le commando qui avait transporté Lamiable le ramène avec lui à Lautrec. Malgré sa demande, je lui déconseille de se joindre à notre groupe.
28 juillet 1944
Une alerte à 3 heures du matin met les trois sections en position de combat. Les postes avancés sont renforcés, cinq fusils mitrailleurs et trois mitrailleuses Thomson sont déployés doublant les postes de garde. Le peloton Boulinguier prend position sur le dégagement en direction de la route de Brousse, les moyens logistiques du groupe, les divers véhicules sont cachés dans les bois sous la protection du peloton Clanet.
L’alerte a durée plusieurs heures. Elle a été motivée par le passage, tout prés de nous, d’un important convoi de camions : des véhicules blindés venant de Graulhet et se dirigeant vers Laboutarié. Nous apprenons dans l’après-midi qu’il s’agissait d’un détachement de la division blindée SS Fantôme Blanc stationné à Blan, prés de Revel qui rejoignait le reste de la division.
Malgré nos quelques armes automatiques, nous n’aurions pas été de taille à résister avec quelque chance de succès devant cette troupe aguerrie et formidablement armée.
L’alerte a démontré que les quatre sections du groupe avaient appliqué sans hésitations, avec une grande rapidité et dans l’ordre, les consignes que nous avions décidés pour notre sécurité.
30 juillet 1944
En patrouille sur la N 112 vers Peyregoux, le groupe des saute-ponts a intercepté une voiture traction avant de la milice et l’a détruite en flammes dans un champ. Ses quatre occupants sont tués et brûlent avec la voiture.
Notes et mémoire de guerre de Fernand Farssac dit Toutyva, rédigé par Gérard Farssac, fils de Fernand Farssac, résume l’action de son père entre 1940 et 1944. Il lui a permis, aidé par ses carnets de notes, de retracer son action pendant la clandestinité et pendant le Maquis.
2 août 1944
A Lautrec, le pont de la voie ferrée Castres- Albi, réparé par un empilement de traverses sur la route de Roquecourbe, est incendié et la voie soulevée sur plusieurs centaines de mètres.
4 août 1944
En mission à Réalmont, un peloton de cinq hommes - Le Chauve, La Guèpe, Bouboule, Aramis et Marc - apprend par un de leurs contacts, qu’un personnage très inquiétant sème la panique dans le village. Ce contact les conduit jusqu’au domicile de l’individu. Suivant les consignes données, ils ramènent le personnage au QG. Un interrogatoire a lieu en présence de Carier, de Clanet et de Boulinguier. Ces derniers, qui sont restés en poste à Réalmont plusieurs années pour certains, connaissent beaucoup de monde dans le village et sont à même de discerner la vérité dans les propos du personnage.
Il se nomme Justin Devoux et ajoute à son patronyme « de Cornaillant ». Carier le reconnaît et nous confie en aparté qu’il s’agit d’un pauvre d’esprit, très bête. Justin aime sortir le soir à la nuit et aime roder autour des maisons, faisant parfois très peur aux habitants qui ne le connaissent pas bien.
Justin n’a pas peur, nous dit-il : il est allé à la messe ce matin et a communié, il n’a pas à avoir peur.
Après une bonne correction pour lui apprendre à effrayer ses voisins, il a été relâché prés de Lautrec. Il a regagné sa maison à pied dans la nuit et ne s’est plus remontré dans les rues de Réalmont que longtemps après la Libération.
5 août 1944
Au matin, des coups de feu lointains dans la direction de Lautrec nous ont alertés. Accompagnés par le groupe franc nous sommes partis aux renseignements. Tout parait calme à Lautrec.
Madame Oulmiéres nous dit avoir aperçu une voiture et un camion avec des soldats allemands venir de la route de Graulhet et redescendre vers Castres, il y a une demi-heure environ.
Anglés et Andrieu, qui étaient au bureau de la gendarmerie, nous confirment le passage des Allemands. Ils ont également aperçu hier dans la soirée trois jeunes gens qui prenaient la route de Graulhet. Ceux-ci se sont arrêtés chez les Boutes en montant vers Graulhet et leur ont parlé. Ils se sont ensuite dirigés vers Brousse.
M. Boutes nous confirme leur passage et nous dit qu’ils ont demandé comment se rendre à En Tels.
Quelques instants après, un jeune garçon arrivant de Brousse en bicyclette nous apprend que ces jeunes ont été surpris par un groupe d’Allemands à En Tels et qu’il y a un mort et plusieurs blessés. Il est évident que ces jeunes ont été dénoncés.
Le plus urgent est de ce rendre compte de la réalité des faits.
L’arrivée de notre voiture sème la panique dans la ferme, les garçons du commando pensent que c’est la réaction après le passage des Allemands, quant à moi je trouve cette réaction curieuse : tout le monde s’est caché.
Georges Combes, le propriétaire de l’exploitation, nous explique que les trois hommes sont arrivés dans la soirée d’hier et ont passé la nuit dans la grange. Ils se préparaient à repartir lorsque les Allemands sont arrivés. Ces derniers ont ouvert le feu sur le groupe, sans s’approcher et sans sommations. Les trois maquisards ont tenté de prendre la fuite, un a été atteint et s’est effondré sur place, les deux autres ont pu fuir et se cacher dans les fossés environnants.
Des domestiques qui retournaient de la paille sur l’aire voisine se sont jetés à plat ventre pour ne pas être atteints. Les Allemands ne se sont pas approchés de la ferme et sont repartis très peu de temps après, sans avoir recherché les fugitifs.
Nous avons facilement retrouvé les deux garçons : l’un, blessé d’une balle dans l’épaule, était resté à proximité de la ferme ; l’autre, atteint par une balle dans la cuisse, s’était traîné dans un taillis à quelque distance.
Dans un premier temps, les blessés ont été amenés à la Cachoque et soignés par Le Gaulois. Par la suite, ce dernier les a fait transporter dans une clinique sûre de sa connaissance.
J’ai revu Anglés dans la matinée, il avait fait une enquête et pris les dispositions qui s’imposaient. Le mort s’appelait Marc Schmitt et avait le grade de maréchal des logis. Le maire, M. Delga, prévenu, devait prendre les dispositions nécessaires pour faire inhumer décemment ce pauvre garçon.
Des ragots circulaient dans le village, citant plusieurs noms, M. Dubarry, M. Sabarthés…mais qui pouvait savoir où allaient ces jeunes, hormis peut-être les Boutes ? Mais je connais bien ces derniers et je sais qu’ils sont incapables d’un tel acte !
En revanche, Carayon est bien connu pour son attachement à l’extrême droite et à la Légion des combattants, et sa propriété est munie d’un poste téléphonique. Mais on ne peut encore rien prouver.
Bon catholique et mouchard, il ira à confesse et sera ensuite en paix ! Il est vrai que, depuis quatre ans, Vichy a élevé la délation au niveau d’une vertu nationale.
8 août 1944
Au cours d’une liaison avec M. Batigne, à Laboutarié, le groupe franc intercepte un camion Berliet appartenant aux chantiers de jeunesse, groupement de Labessonnié. Les deux occupants sont invités à rejoindre la gare toute proche et le camion est ramené au PC.
Il transportait huit fûts de carburant, plus des fournitures diverses, vêtements, chaussures et du ravitaillement. Ce contenu est le bien venu.
10 août 1944
Au soir, je suis informé qu’un convoi de blindés est bloqué en gare de Toulouse, les voies en direction de Paris, Bordeaux sont coupées. Je suis mis en alerte pour empêcher le passage par Castres ou par Albi.
L’équipe des saute-ponts est envoyée à pied d’œuvre à Brasis où le pont déjà endommagé a été réparé par un empilement de traverses sur le chemin. Le pont est à nouveau détruit, empêchant le passage du convoi de chars.
En réalité, nous avons en partie manqué notre objectif : les charges placées sous le pont devaient exploser au passage du convoi. Un retard en gare de Lavaur a modifié notre décompte et la charge a explosé quelques secondes avant le passage du train. Notre objectif n’a été que partiellement atteint.
12 août 1944
Le pont de Laprade à Lautrec est cette fois totalement détruit : maçonnerie, voie, remblais sont anéantis. La remise en état sera très longue.
13 août 1944
Le pont de la Crémade, près de Longuegineste, est détruit.
14 août 1944
Au soir, le groupe des saute-ponts, de retour d’une mission de récupération d’explosifs à Lavaur, est intercepté par un barrage routier effectué par la milice. Le groupe force le barrage sous le feu des miliciens, mais un de ses membres est blessé et hospitalisé auprès de notre agent Sœur Saint-François à Graulhet, qui le cache et le soigne. Toutyjeune est indisponible pour quelques jours.
16 août 1944
Le pont de la voie ferrée Castres- Lavaur est détruit à Vielmur. Désormais la circulation des trains à partir de Castres ne peut se faire que par Mazamet ou Revel. D’autres maquis ont la charge de s’occuper de ces lignes.
17 août 1944
Le colonel Durenque n’a pas voulu être pris de vitesse par tous les éléments communistes du nord du département qui ont, d’une part suscité la grève des mineurs de Carmaux et, d’autre part, déclenché l’attaque de cette ville par tous les maquis communistes très actifs de cette région
Il a de son côté déclenché l’insurrection générale, mais, depuis son PC à Albi près de la place du Vigan, il n’a pas amélioré ses liaisons et de nombreux groupes dont je fais partie ignorent l’enchaînement des évènements.
En tentant de m’informer j’apprends que le groupe Vendôme se prépare pour une embuscade à Rivières afin de stopper les renforts allemands qui depuis Toulouse font route pour secourir la garnison de Carmaux. Nous nous joignons à eux avec le peloton Carier au complet. Ils participent à ce combat qui repousse et décime la formation ennemie, sans subir lui-même aucune perte. Ils rentrent tard dans la nuit.
C’est à ce moment qu’un agent de liaison venant d’Albi nous contacte et nous donne des instructions pour une action conjointe sur cette ville. Je préviens tout mon effectif : c’est pour demain !
18 août 1944
Au petit matin, je reçois les consignes pour l’action projetée. Nous devons participer à une attaque de diversion prés de la caserne Lapérouse à Albi. Nous prendrons position sur la N 112 à Ranteil et empêcherons tout mouvement des Allemands sur cet axe. Il faut éviter que des renforts venant de l’extérieur ne viennent renforcer la garnison.
Sur notre position, c’est le calme le plus absolu. Mais nous entendons des bruits de combat, et devant l’intensification de ces bruits j’envoie Aramis en reconnaissance.
Ce dernier revient rapidement et me signale que le groupe Lulu est en difficulté prés de la barrière, sur la route de Graulhet.
Je maintiens Carier et sa section sur la N112, et, avec les deux autres sections (Clanet et Boulinguier) et le commando, nous nous portons à son secours en nous basant sur les bruits de tir ; nous remontons le long de la voie de chemin de fer et engageons le combat aux alentours de la barrière, route de Graulhet.
Les Allemands, pris à revers sous notre feu, dégagent par le chemin de la poudrière. Il y plusieurs morts dans la formation de Lulu et plusieurs prisonniers.
Dans une pagaille noire, sans ordres précis, après notre regroupement, nous avons regagné nos quartiers. Dans la ville, la foule est très excitée.
Le groupe Boulinguier est resté à proximité de la caserne Lapérouse et harcèle les occupants. Ils ne rentrent qu’au petit matin.
19 août 1944
La libération d’Albi, commencée hier par les attaques sur la caserne et des autres points clés de la ville, est devenue effective.
Depuis son PC du Vigan, près de la Kommandantur, le colonel Durenque coordonne les actions des divers maquis sous son autorité.
Durenque se rend à Carmaux pour relancer les maquis vers Albi. Le maquis Magne marche par Cagnac et la Drêche ; les maquis Stalingrad et Antoine arrivent par Arthés ; dans notre secteur, Patrice et Armagnac arrivent par Puygouson ; nous approchons par Carlus. La garnison de la caserne Lapérouse a abandonné les lieux et s’est retirée, essayant de rejoindre celle de Castres par la N 112.
Vers 16 heures, une formation de 7 chasseurs bombardiers de la RAF, en chasse libre dans une zone où le commandement régional des FFI avait signalé la présence de colonnes allemandes en mouvement, identifient les Allemands à Mousquette et attaquent aussitôt à la mitrailleuse et avec leurs bombes. Quatre-vingt pour cent des véhicules sont détruits, brûlés et explosent sur la route. De très nombreux Allemands sont tués où blessés, d’autres se réfugient dans les bois alentour ou se rendent. Les civils, requis pour conduire leurs véhicules ou leurs charrettes, s’évadent de cette fournaise comme ils le peuvent. Un millier d’hommes rescapés de cet enfer parviendront à rejoindre Castres.
Dans la ville libérée, la population en liesse investit toutes les artères du centre.
20 août 1944
Dans la région libérée il reste de nombreux Allemands qui, par petits groupes, errent dans les bois. C’est à notre tour de les pourchasser. A Mousquette, c’est la foire pour récupérer armes et munitions qui jonchent le sol. Il y a des détachements de tous les maquis de la région, chacun essayant de se procurer le plus d’objets possibles.
Un renseignement parvenu au PC du colonel Durenque signale la présence d’unités allemandes en forêt de Grésigne, décelées suite à un accrochage vers Salvagnac avec un groupe des maquis de la Grésigne.
Vendome a été chargé des reconnaissances.
21 août 1944
Une colonne de la Luftwaffe forte de 2 000 hommes, avec une centaine de véhicules et des canons antiaériens à tir rapide, précédés par des blindés chenillés se dirige vers Gaillac pour traverser la ville en force. Des renforts sont envoyés à Gaillac. Tout l’effectif disponible du groupe a été engagé avec le groupe Lulu. Nous nous sommes trouvés auprès des groupes Baron, Couderc, Vendome et des FTP. Sous la violence des combats, la colonne s’est scindée en deux et est partie l’une vers Cahuzac, l’autre vers Lincarque.
Toute la nuit, les colonnes harcelées par les groupes sur place, se dirigent vers Carmaux.
22 août 1944
Harcelés autour de Villeneuve-sur-Vère, la colonne essaye de se diriger vers Blaye et Carmaux. Les Polonais du maquis communiste supportent l’attaque et laissent sept des leurs sur le terrain. L’attaque est stoppée grâce au canon de 75 d’Antoine et au renfort des autres maquis : Amédée, Stalingrad, Lenoir.
Vers 11 heures, la colonne, survolée par l’avion de tourisme piloté par Marcel Doret, choisit de se diriger vers Albi par la R.N. 606. Elle est harcelée tout au long du parcours et riposte. Lenoir n’a pas les moyens de s’opposer à sa progression.
Le colonel Durenque, tenu informé de la situation,a fait mettre un dispositif de défense en avant d’Albi, vers Mascrabière et sur les ponts du Tarn. La colonne traverse en force la ville, après avoir détruit au canon les barricades dressées sur le Pont neuf et malgré un de leurs camions chargé de munitions qui brûle sur le pont touché par les tirs de mitrailleuses et par les tirs de l’avion de Doret qui participe au mitraillage par dessus le Tarn.
Les combats se poursuivent pendant toute la traversée de la ville, les maquisards, embusqués dans toutes les rues, tirent sur tous les camions chargés d’hommes. Les pertes ennemies, tués où blessés emportés, en plus des dix huit laissés sur place sont très lourdes.
Regroupé sur la route de Castres, le convoi ennemi impressionné à Mousquettes par les débris calcinés, sur 3 Km, des véhicules de la première colonne, reprend les chemins de traverse, en direction de Fauch, Vabre, Lacaune, puis vers le pont de la Mouline où le Corps Franc de la Montagne Noire l’intercepte dans une embuscade sanglante de part et d’autre (dont 9 tués et 15 blessés au Corps Franc).
Depuis le milieu de la journée, notre formation, avec ses sections dispersées au cours de l’action, a fait le coup de feu dans les rues d’Albi. J’ai beaucoup de mal dans la soirée pour regrouper tout mon effectif, pris aussi dans la foule en liesse qui a envahi toutes les rues.
23 août 1944
Les trois sections du groupe se dispersent pour la libération des communes de la zone C. Je me rends à Réalmont pour retirer un camion d’armes récupérées sur la colonne allemande détruite à Mousquette. Je quitte Réalmont en compagnie de Clanet et de Koukou.
Je m’arrête à Lautrec pour installer la nouvelle municipalité. La mission se termine vers 13 h. J’arrive à Vielmur vers 13h 30, où je retrouve Boulinguier qui m’informe qu’ils ont été attaqués par deux miliciens qu’ils ont fait prisonniers : les miliciens Roques et Mouret.
Ils étaient armés de pistolets parabellum de 9 mm long, d’un pistolet automatique Ruby de 9mm court, de grenades F1 et avaient de nombreuses munitions.
Roques père, capitaine au « Franc gardes » de la milice a été arrêté un court moment après.
Ils ont été reconnus par plusieurs éléments du groupe Boulinguier comme ayant mené l’attaque du maquis de Lacapelle au cours de laquelle huit maquisards furent tués et treize autres pris par les miliciens. Ces maquisards furent par la suite déportés pour certains, fusillés pour les autres. Les Roques, père et fils, participèrent également à l’attaque du maquis à Viviers-les-Montagnes. Roques, père et fils, furent fusillés à Vielmur en exécution des ordres de Berthet.
Pour régulariser la situation, un procès-verbal de cour martiale fut rédigé selon les instructions du colonel Delcamp ; mais, après la Libération, Berthet a refusé de signer ce document.
Ce furent donc les petits chefs qui durent assurer la responsabilité des actes de leurs hommes.
La Libération passée, le 25 août, j’ai reçu l’ordre de Berthet de rejoindre la gendarmerie à Albi pour y être réaffecté. Il y a, me dit-il, un projet de prévôté en création. Je quitte le commandement du groupe, qui est placé sous les ordres de Clanet et de Boulinguier.
L’unité est dissoute le 28 août. Les éléments les plus anciens reviennent à la vie civile, les jeunes sont dirigés sur la caserne Pérignon à Toulouse et sont incorporés au 12ème bataillon de l’Air.
Notre combat clandestin pour la France s’est terminé là.
Notes et mémoire de guerre de Fernand Farssac dit Toutyva, rédigé par Gérard Farssac, fils de Fernand Farssac, résume l’action de son père entre 1940 et 1944. Il lui a permis, aidé par ses carnets de notes, de retracer son action pendant la clandestinité et pendant le Maquis.
Les hommes des bois ont repris leur vie et leurs occupations. Ils sont restés dans l’ombre.
Les politiques qui étaient bien sagement restés chez eux à l’abri de tous risques sont sortis et ont paradé sur les places dans nos villes.
Ils se sont efforcés de récupérer les honneurs qui revenaient à ceux qui ont combattu. Ils ont tenté de minimiser l’action de ces patriotes, dont un trop grand nombre l’a payée de sa vie.
Nos chefs - Berthet, Durenque - ont connu les honneurs et reçu de confortables promotions. Durenque, redevenu le colonel Redon, a été promu au rang de général. Berthet…
Certains hommes de loi en place et serviteurs zélés de Vichy ont recherché dans les textes la légitimité de nos actions et ont tenté de nous confondre sur nos actes dans l’illégalité du moment, en se référant à ces mêmes lois en vigueur sous ce même Vich. Il a fallu justifier nos actes devant la justice.
Nous avons dû répondre aux interrogatoires des juges d’instruction, nous défendre devant des hommes de loi !
Il a fallu légaliser l’action de nos hommes et assurer les responsabilités que nos chefs ont refusé de prendre à leur compte. Ils ne voulaient pas prendre le risque de compromettre leur nouvel avenir !
1945 a été l’année de tous les problèmes et des ennuis cumulés. Dans certains cas, seul l’union et le soutien de nos camarades de la Résistance nous ont permis de sortir de ces difficultés en portant le problème au niveau le plus élevé de la nation.
Les trafiquants du marché noir, les politiciens qui avaient encensé Pétain, ont tenté de se faire passer pour des champions du double jeu, eux qui ne sont venus à nous que le trente août, quand tout était fini.
Certains officiers d’active qui avaient appliqué sans états d’âme les consignes de Laval et de l’ennemi, qui chantaient encore il y a quelques mois Maréchal nous voilà, proclament maintenant bien haut leur patriotisme.
D’autres considèrent avec dédain ces garçons qui n’avaient ni allure ni passé militaire, mais qui ne seraient pas morts aussi nombreux s’ils avaient eu l’apport de leurs connaissances dans le métier des armes.
Ils ont mis une mauvaise volonté évidente à reconnaître les grades FFI de ces hommes qui n’ont pas hésité à sacrifier leurs biens, leur situation, leur carrière et leur vie pour sauver ce qui pouvait l’être.
Bien des cadres supérieurs de la gendarmerie, qui ont servi avec zèle le gouvernement de Vichy, mettent maintenant un zèle actif à servir le gouvernement provisoire qui a succédé à l’Etat Français. Ils ont conservé leur poste, leur traitement, et veulent faire en sorte que ces gendarmes indisciplinés qui ont fait passer leur devoir avant les consignes de leurs chefs rentrent dans les rangs et se fassent oublier !
Nombreux sont les gendarmes qui ont répondu à l’appel du devoir, en passant outre aux directives de chefs à la solde de l’ennemi, qui ont servi leur pays en risquant leur vie et celle de leurs familles et qui ont été brimés par des officiers restés dans leurs foyers au lieu de faire leur devoir.
Par la suite, nos camarades des maquis devant le comportement de ces fonctionnaires et aussi de certains des leurs, ont boudé nos associations et ont oublié que c’est seulement dans l’union que l’on peut être fort. Mais le danger est passé et la vie est redevenue facile ! Alors, à quoi bon ces réunions et ces associations pensent-ils ?
La politique, avec ses intrigues, ses magouilles, a détruit la belle entente qui régnait entre les diverses composantes du maquis. Les communistes essayent de noyauter nos associations et veulent attirer nos camarades au sein de leur parti.
D’autres partis œuvrent avec une démarche identique.
Pour tenter de bénéficier d’avantages divers et de pistons bien placés, certains de nos amis se sont laissé séduire par les belles paroles de politiques, partisans du double rôle et résistants du 30 août.
Ainsi va la Vie !
"Fais ce que tu dois, sans état d’âme, sans rien attendre en retour, ainsi tu pourras rester serein et la conscience en paix, profiter de la vie".
Notes et mémoire de guerre de Fernand Farssac dit Toutyva, rédigé par Gérard Farssac, fils de Fernand Farssac, résume l’action de son père entre 1940 et 1944. Il lui a permis, aidé par ses carnets de notes, de retracer son action pendant la clandestinité et pendant le Maquis.
Familles hébergées, cachées, aidées ou sauvées par Fernand Farssac Léo Cohn Robert Gamzon(alias Castor soucieux, dit capitaine Lagnes)
Chronologie[Ajouter]
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Témoignages, mémoires, thèses, recherches, exposés et travaux scolaires [Ajouter le votre]
Vous êtes venus me chercher L'histoire de Rosa Goldmark, Récit157 pages,
réalisation 2014 Auteur :
SYLVIE GOLL SOLINAS
- terminal
Liens externes
[Ajouter un lien vers un article d'intérêt ou un site internet] 1 Rencontre avec Paul Niedermann (Conférence de Paul Niedermann (1h24) enregistrée en mars 2011 au collège d'Estagel dans les Pyrénées-Orientales. Paul Niedermann retrace son parcours entre 1935 et 1945 de Karlsruhe à la Maison d'Izieu, en détaillant son passage au Camp de Rivesaltes. ) 2 Le sauvetage des juifs 1941-1944 (Paul et Suzanne Haering) (A travers des photos d'époque et de bouleversants témoignages, ce site vous emmène en France dans la région du Tarn, et plus particulièrement autour de Carmaux entre 1941 et 1944, pendant l'occupation allemande.
Durant cette période, le pasteur Paul Haering et sa femme Suzanne vont soustraire plusieurs dizaines d'enfants juifs aux rafles de Vichy et les protéger d'éventuelles dénonciations, avec l'aide du Pasteur Albert Delord, organisant plusieurs colonies de vacances dans la région au risque d'être pris et fait prisonniers...
)
3 Page Facebook de Lois Gunden Clemens 4 Lien vers l'éditeur du livre "La Villa St Christophe à Canet-Plage" (La Villa Saint Christophe maison de convalescence pour enfants des camps d'internement avril 1941 février 1943 ) 5 Vous êtes venus me chercher (Blog de l'auteur - parutions, conférences, signatures... ) 6 Elie Cavarroc, Juste des Nations (M. Elie Cavarroc, nommé Juste des Nations. Référence du dossier n°10002 du Comité Français pour Tad Vashem )
Notes
- 1 - Les descabouillages étaient des soirées organisées dans les fermes, qui se tiennent en hiver, et au cours desquelles les participants enlevaient les enveloppes des têtes de maïs.
- 2 - On apprendra après la guerre que les pertes en homme de la Wehrmacht se sont élevées a un million cinq cent mille hommes, que près de 3500 chars et canons d’assaut, 12000 pièces d’artillerie et mortiers, environ 3500 avions et une grande quantité d’autres matériels furent détruits. La machine de guerre allemande fut sérieusement ébranlée à Stalingrad. Le bilan colossal des pertes soviétiques n’est pas exactement connu et n’a jamais été publié.
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