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Bouches-du-Rhône

Région :
Provence-Alpes-Côte d'Azur
Département :
Bouches-du-Rhône

Préfets :
Marcel Ribière
(1940 - 1943) Marcel Julien Henri Ribière, Préfet de la région de Marseille (Alpes-Maritimes, Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), Bouches-du-Rhône, Corse, Gard, Hautes-Alpes, Var et le Vaucluse) (1892-1986)
Max Bonafous
(1941 - 1942) Préfet des Bouches-du-Rhône (1900-1975)
Adelin Rivalland
(1942 - 1943) Adelin Pascal Jean Joseph Rivalland (1893-1965)
Antoine Lemoine
(1943 - 1944) Antoine Jean Marcel Lemoine, Préfet des Bouches-du-Rhône
Jacques Bussière
(1944 - 1944) Jacques Félix Bussière, Préfet des Bouches-du-Rhône. Arrêté, interné au camp de Compiègne puis déporté en Allemagne, il mourra en déportation (1895-1945)
Émile Malican
(1944 - 1944) Émile Gabriel Louis Marie Malican, Préfet des Bouches-du-Rhône
(Mai 1943 - Mai 1944) Marie Joseph Jean Chaigneau, Préfet de la région de Marseille (Alpes-Maritimes, Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), Bouches-du-Rhône, Corse, Gard, Hautes-Alpes, Var et le Vaucluse). Arrêté en mai 1944 par les Allemands, il est déporté au camp d'Eisenberg
Raymond Aubrac
(1944 - 1945) Raymond Aubrac, de son vrai nom Raymond Samuel, Commissaire de la République de la région de Marseille (Alpes-Maritimes, Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), Bouches-du-Rhône, Corse, Gard, Hautes-Alpes, Var et le Vaucluse) (1914)
Paul Haag
(1945 - 1946) Paul Maurice Louis Haag, Commissaire de la République de la région de Marseille (Alpes-Maritimes, Basses-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), Bouches-du-Rhône, Corse, Gard, Hautes-Alpes, Var et le Vaucluse) (1891-1976)

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Juste parmi les Nations

Ivan Beltrami


Dossier Yad Vashem : 2858
Remise de la médaille de Juste : 05/03/1984
Sauvetage : Marseille 13000 - Bouches-du-Rhône
Type d'aide: Aide et soins
Profession: Etudiant en médecine
Qualité: Résistant, dit Karl
Religion : Catholique
Date de naissance: 14/06/1920 (Marseille)
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Ivan-Beltrami
Ivan Beltrami
source photo : Arch. fam.
crédit photo : D.R.
Ivan-Beltrami
Ivan Beltrami
source photo : Arch. fam.
crédit photo : D.R.
Notice

En 1940, Ivan Beltrami* était étudiant en médecine à Marseille.

Le 31 juillet 1940, Vichy décide d'enrôler 86 740 jeunes nés entre mars 1920 et janvier 1922 dans des "camps de jeunesse" dépendant du ministère de la Famille et de la Jeunesse.
En octobre 1941, Ivan Beltrami* est ainsi recruté de force.
Il y fait la connaissance de Jean Bernard, un juif français mobilisé comme lui qui habitait avec son père et ses sœurs, boulevard de la Corderie.
Les deux jeunes hommes, ouvertement opposés à la doctrine vichyste du bataillon, attirent la curiosité de leurs supérieurs qui décident alors d'enquêter sur les deux réfractaires.
Ils découvrent que Jean Bernard est juif, et l'envoie en camp disciplinaire "pour opposition à Vichy".
Ivan Beltrami* qui avait la responsabilité de l'infirmerie réussit à y fait admettre Jean Bernard "pour affection rénale grave". Peu de temps après, toute l'infirmerie fut consignée pour présomption de typhus. Plus personne ne pouvait donc y entrer ni en sortir.
Après un mois, la quarantaine est levée. Jean Bernard est alors dirigé discrètement vers le service du Docteur Boisnar de l'hôpital Boulouris qui le cachera jusqu'à sa démobilisation en juin 1942.

En 1942, Ivan Beltrami* devint agent de liaison de l'état-major de l'Armée secrète du général Schmitt, dit Keller.

En juin 1942, Ivan Beltrami* est admit par le Professeur Moiroud dans son service de l’Hôtel-Dieu. Il partage son temps entre le Service de Chirurgie et l’École Dentaire, située à 50 mètres en passant par la montée des Accoules.
Puis les cours reprennent en octobre 1942.

La grand-mère maternelle d'Ivan Beltrami* occupait un appartement au 2 boulevard Michelet. Malade, Mme Beltrami décida de la prendre chez elle. L’appartement étant libre, Ivan Beltrami* pu l'occuper et offrit l'hospitalité à deux camarades étudiants, Michel Meyer et Jean-Pascal Guérin.

En novembre 1942 où l’on apprit que les troupes américaines avaient débarqué en Afrique du Nord et le 11 novembre 1942 les Allemands pénétraient en zone libre. Le 12, les tanks allemands défilaient sur la Canebière.
À Marseille, ce fut la panique. Le Grand Hôtel vidé, le Cintra était désert. Fin novembre, en sortant du Pharo, Ivan Beltrami* rencontre Jean Bernard. Son père, particulièrement repéré par les Allemands, avait quitté précipitamment Marseille ; il n’avait aucune nouvelle, il n’osait pas retourner dans l’appartement du Boulevard de la Corderie, qui avait déjà reçu la visite de la police allemande ; il était sans argent, et c’est donc spontanément qu'Ivan Beltrami* lui propose de venir habiter avec eux dans l’appartement assez spacieux.
Afin de les aider à subvenir à leurs besoins, M. et Mme Bletrami augmentent le budget d'Ivan Beltrami*.

Quelques jours après, Ivan Beltrami* reçoit un appel téléphonique de René David. Médecin oto-rhino, juif d'origine roumaine réfugié à Marseille, René David avait aidé Ivan Beltrami* à préparer les concours des Hôpitaux.
Les Allemands étaient venus perquisitionner dans l’hôtel où il se trouvait, fort heureusement il n’était pas présent. Il ne savait pas où aller. Ivan Beltrami* l'accueillit sans hésiter.

Jean Bernard ne portait pas l’étoile jaune, ni le tampon Juif sur sa carte d’identité, et son nom et son aspect physique le mettait à l’abri de tout soupçon. En revanche, René David, bien que de nationalité Française, avait un type sémite et un accent roumain très prononcé.

Un matin, vers la fin janvier 1943, Michel et Jean-Pascal étaient déjà partis à l’hôpital. Il était environ 8 h 30. Ivan Beltrami* allait partir à son tour. René David venait de sortir et soudain, il le vit remonter le visage livide : "Les Allemands ont cerné le quartier ; ils perquisitionnent dans les maisons... Que faire ?"
Une partie de l’appartement donnait sur une terrasse, mais il y avait ceci de particulier, c’est que la salle de séjour faisait une légère avancée sur cette terrasse. Ivan Beltrami* leur conseille alors de se cacher sous l’avancée... Quelques instants plus tard, on sonne à la porte. Ivan Beltrami* ouvre et se trouve en présence de deux Feldgendarmes et d’un civil :
- Police allemande. Il y a des Juifs qui habitent ici.
- Pas le moins du monde ! Nous sommes trois étudiants en Médecine et mes camarades sont déjà partis à l’hôpital
".
Ils inspectent la pièce, voient le tableau noir avec des dessins anatomiques, des livres de médecine, puis visitent toutes les pièces :
- Et là, qu’est-ce qu’il y a ?
- C’est une terrasse
.
L’un d’eux se dirige vers la fenêtre qui surplombe l’avancée, l’ouvre juste au-dessus de ses deux amis cachés et ne voit rien ! Il referment la fenêtre et vérifie l'identité du jeune étudiant.
- C’est bon disent-ils et ils se retirent.
Ivan Beltrami* laisse ses amis sous l’avancée et au bout d’un certain temps, il descendit pour vérifier que les Allemands étaient partis. Il les délivre alors de leur cachette...
Si le policier allemand, au lieu d’ouvrir la fenêtre qui surplombait l’avancée avait ouvert celle de la cuisine qui était à côté, il les aurait certainement aperçus.
Mais il fallait prendre des décisions : Jean Bernard venait d’avoir des nouvelles de son père et de ses sœurs qui étaient réfugiés dans la Drôme et il décida de les y rejoindre. Mais que faire de René David ?

Ivan Beltrami* téléphone à sa mère qui était au courant de l’hébergement des deux pensionnaires :
- Amène-le immédiatement répondit-elle.
M. et Mme Beltrami occupaient une villa au 30 Promenade de la Plage. Cette villa présentait, sur le devant, une grande terrasse qui surplombait un garage et celui-ci était occupé par les troupes allemandes.
René David fut installé dans une chambre du second étage, avec interdiction d’en sortir afin de ne pas se faire repérer ou dénoncer.

Jean-Pascal partit chez lui à Aix-en-Provence et Michel invita Ivan Beltrami* à venir passer quelques jours au Cannet de Cannes où il présenta son ami à ses parents et à sa sœur (qui allait devenir son épouse).

De retour à Marseille au bout de 4 ou 5 jours, Ivan Beltrami* rendit visite à sa mère. Les nouvelles n’étaient pas bonnes.
René David souffrait énormément. Le Docteur Aubert, qui était un ami de M. Beltrami s’était exceptionnellement déplacé et avait diagnostiqué un phlegmon péri néphrétique. Il fallait l’hospitaliser d’urgence et l’opérer. il consentit à l’admettre dans sa clinique à Saint-Julien sous un faux nom. Ivan Beltrami* réussit à trouver un taxi à gazogène et amenait René David à la Clinique.
Le voyage en taxi n’était pas de tout repos. Les Allemands avaient posté des barrages dans les différentes artères de la ville et arrêtaient les véhicules pour contrôler leurs occupants. Il fallut demander au taxi d’emprunter des petites rues, de faire d’importants détours.
Le Docteur Aubert lui dit :
- Les Beltrami, je ne veux vous voir ici sous aucun prétexte et, surtout, n’essayez pas de téléphoner pour avoir des nouvelles.
Quelques jours après, ils reçurent un appel téléphonique du Docteur Aubert :
- Les Allemands fouillent les hôpitaux, les cliniques, venez vite chercher votre malade, d’urgence !
Ivan Beltrami* fit à nouveau le voyage en taxi et le Docteur Aubert lui expliqua qu’il n’était pas encore guéri et qu’il fallait lui refaire son pansement.
De retour à la villa, sa mère lui dit :
- Ton père et moi sommes capables de refaire un pansement.
René David restera près d’un mois chez les Beltrami avant de partir se réfugier à Paris.

Profitant que la police française et allemande étaient occupées par la rafle du Vieux-Port, Ivan Beltrami* va chez ses amis juifs leur dire de s’enfuir. Ils étaient tous partis.
Il se rend alors chez une dame âgée, amie de la famille, propriétaire avec son mari d’un établissement de bain "Le Roucas Blanc", à qui que il conseille vivement de partir. Elle lui répondit :
- Je ne peux pas, mon mari est hospitalisé à l’hôpital de la Conception et dès qu’il pourra sortir, nous serons dirigés par les Allemands à la campagne où nous seront réunis à l’abri des bombardements. Ils seront tous deux déportés sans retour.

Le 23 mai 1943, son frère le docteur Francis Beltrami, résistant lui aussi, sous-chef du réseau Gallia, fut arrêté par la Gestapo, torturé dans les locaux du 425 rue de Paradis et déporté à Buchenwald. La Gestapo se mit alors à surveiller Ivan Beltrami* qui avait remplacé son frère au service interne, service qui assurait la liaison entre les détenus chrétiens ou juifs, produisait de faux certificats et permettait de retarder, sinon d'empêcher, l'enlèvement de ces derniers par la Gestapo.

En janvier 1944, Ivan Beltrami* obtint une place d’externe au service du Professeur De Vernejoul et épouse la soeur de Jean-Pascal Guérin.
Après la mairie et la bénédiction en l’église de Saint Giniez, un repas fut organisé où à part la famille, seuls assistaient le Professeur De Vernejoul et deux voisines, Madame Raphaëlle et sa fille.
Peu de temps après leur mariage, le 8 janvier, ils reçoivent des autorités allemandes, l’ordre d’évacuer la villa de la Plage, le littoral devenant une zone interdite, de plus, l’organisation Todt avait commencé les travaux de défense de la côte. Murs de béton, blockhaus qui faisaient partis du mur de la Méditerranée.
Ils s'installèrent 171 avenue du Prado, jouxtant le 4 de la rue Borde, dont les terrasses se faisaient face et toujours occupé jar Madame Schmitt et son fils Maurice, âgé de treize ans.
C’était un tout petit appartement de quatre pièces où ils habitent avec M. et Mme Beltrami, la grand-mère d'Ivan Beltrami* et le vieux valet de chambre.

Au début mai 1944, les Allemands viennent poser des questions.
La menace semblait sérieuse et un ami d'Ivan Beltrami* lui suggère de rejoindre les Chantiers de Jeunesse dans l’Ain qui réclament des médecins ou des étudiants en médecine. C'est ainsi qu'Ivan Beltrami* est engagé comme moniteur médical à Bourg-en-Bresse et envoyé à Gevrieux, où son épouse viendra le rejoindre. Ils y resteront jusqu'au 6 juin, date du débarquement allié, puis regagneront Marseille.

Lien vers le Comité français pour Yad Vashem


Histoire

La Libération de Marseille

Le lundi 21 août à 16 heures, je reçus l’ordre de notre chef de groupe Adrien d’aller à la gendarmerie du PRADO, d’accord avec cette dernière, pour récupérer des armes. Au moment où, avec la voiture, nous récupérions les armes, des mousquetons de cavalerie, un camion allemand passa à vive allure, les F.F.I. ripostèrent.

Munis de nos armes et munitions, nous nous couchâmes derrière les platanes, rejoints par d’autres F.F.I., ce qui totalisait environ 35 à 40 hommes. Deux camions allemands passèrent encore à vive allure, accueillis par un feu nourri. Arrive alors un détachement allemand à bicyclettes ; ils furent pris pour cible et eurent plusieurs hommes touchés, les survivants allèrent se réfugier dans le garage MATTEI.

J’avais à côté de moi un garçon que nous avions recruté quelque temps auparavant, mince pour ne pas dire maigre, des lunettes ; je me demandais quelle pouvait être la valeur de ce combattant quand un soldat Allemand, quittant l’abri d’un arbre, voulut se réfugier dans le garage MATTEI ; avant même que nous ayons réagi, il avait tiré presque sans viser et atteint l‘allemand qui s’effondra. Il devait renouveler ce tir par la suite. Devant mon étonnement, il m’expliqua qu’il avait été champion de tir du groupe d’Armées de l’Est, en février 1940.

Notre intention était alors de donner l’assaut du garage MATTEI, donnant à l’arrière, sur le chemin du Rouet. C’est alors qu’arrivèrent deux camions allemands qui furent arrêtés avant le boulevard Périer, à la hauteur de la rue Daumier. Ils étaient assaillis de trois côtés par ceux qui étaient dans les murettes du garage MATTEI, nous autres derrière les platanes du PRADO et enfin, les occupants d’une voiture CITROEN, avec les insignes F.T.P. qui passaient et repassaient à vive allure en mitraillant les Allemands. Comment n’ont-ils pas été atteints ! Ce fut un miracle !

Mais les Allemands, qui avaient réussi à sortir des camions, s’étaient eux aussi réfugiés derrière les arbres et nous tiraient dessus. C’est alors qu’arrivèrent en trombe, sirènes sonnantes, deux ambulances de la Croix Rouge. Nous cessâmes de tirer, les Allemands firent de même et nous vîmes descendre quatre jeunes femmes qui se mirent à ramasser les blessés F.F.I. et allemands avec un calme et un sang-froid dignes d’admiration. C’est cela le véritable courage, un acte dangereux accompli avec maîtrise et sang-froid. Dès qu’elles eurent fait demi-tour avec leurs ambulances, le combat reprit mais dut cesser car la nuit vint, une nuit noire où l’on ne distinguait rien. Les Allemands en profitèrent pour se retirer.

Mais dans l’éventualité de leur retour, des F.F.I. restèrent dans le garage MATTEI et nous gagnâmes la crypte de l’église du Sacré-cœur, qui n’était pas terminée, pour parer à toute éventualité. Quand nous pénétrâmes dans la crypte, éclairée vaguement par des lampes de poche et des bougies, j’entendis gémir.

Je découvris, au milieu des F.F.I., un jeune soldat allemand blessé. Je m’approchai et m’aperçus qu’il avait reçu une balle dans la région pubienne et, dès que l’on enlevait un pansement compressif de fortune, du sang perlait, mélangé à l’urine. Je ne pouvais rien pour lui. Alors, toute ma haine s’évanouit à la vue de ce pauvre gosse qui souffrait et était en train de mourir.

N’y tenant plus, je dis :
- Je vais chercher de la morphine chez mon père qui est médecin et qui habite à côté.
- Tu restes ici tu ne vas pas te faire descendre pour un salopard, dis-toi bien qu’il n‘aurait pas hésité à faire partie du peloton d’exécution pour te fusiller.
Je dus m’incliner, la mort dans l’âme.

À l’orée du jour, constatant que les Allemands avaient abandonné le terrain, je gagnais notre P.C. qui était situé rue Antoine Maille, près du boulevard Baille, chez les frères ABBO.

Là, tous les hommes, quarante environ, furent équipés, tous munis d’un casque Adrian noir sur lequel était peinte une croix de Lorraine, d’un mousqueton de cavalerie ou d’une mitraillette Sten, de grenades allemandes, deux F.M., quatre voitures et six motocyclettes.

Adrien me confia douze hommes et comme je parlais parfaitement l’Espagnol, il me confia quatre Espagnols qui avaient participé en 1934 à la révolte des Asturies, on les nommait les "dynamiteurs asturiens". C’étaient des garçons qui avaient beaucoup souffert et avaient un mépris total du danger.

Je peux dire que ce sont eux qui me procurèrent la plus grande peur de ma vie.

Nous prenions nos repas au P.C. et comme nous avions intercepté une voiture allemande qui contenait des cigares, ils les fumaient. Mais ceci n’aurait eu aucune conséquence s’ils ne portaient pas des tayoles dans lesquelles étaient plantées des cartouches de dynamite dont la mèche pendait hors de la tayolle, avec la cendre du cigare qui tombait à proximité de la mèche.

Devant ma réaction violente, en présence d’une telle inconscience, ils me traitèrent de "Cobarde", traduisez froussard.
Mais par la suite, ils me conservèrent toute leur estime.

Le mardi, on nous prévient au P.C. que les patriotes qui avaient occupé la Préfecture la veille étaient attaqués par les Allemands. Rapidement, nous nous portâmes à leur secours, en descendant la rue Edmond Rostand, nous protégeant de chaque côté de celle-ci dans les encoignures de portes, ne voulant pas servir de cibles à des tireurs éventuels.

N’entendant pas tirer, Adrien, suivi de deux hommes, décida de partir en éclaireur. Il nous demanda de ne pas bouger. C’est ce que nous fîmes en ordonnant aux habitants de laisser les portes ouvertes.

Brusquement, à la Préfecture, débouche un camion blindé venant probablement du Cours Pierre Puget. Il fut reçu par un feu nourri, il s’engagea pour remonter dans la rue Edmond Rostand à vive allure. Tous les membres du groupe Adrien entrent dans les maisons et referment les portes. Au moment où je me retourne pour entrer à mon tour, le ou les occupants de la maison me referment la porte au nez. Je me jetai alors dans l’encoignure inférieure et au moment du passage du camion à ma hauteur, je fais de même dans l’encoignure inverse.

J’eus le temps, en un éclair, d’apercevoir un soldat Allemand qui me regardait. Si le camion s’était arrêté, j’étais un homme mort… Heureusement, il avait d’autres chats à fouetter et il poursuivit sa route à grande vitesse. Fou de colère, j’essayai de défoncer la porte, devant la lâcheté, la panique de ces gens qui n’avaient pas hésité à me sacrifier pour leur sécurité.

Mais mes camarades m’entraînèrent, nous avions reçu l’ordre d’occuper le central téléphonique Dragon que les Allemands venaient d’abandonner. Je ne tardais pas à m’apercevoir que ce renseignement était faux. Je m’avançais donc à la tête de mon groupe, rue Paradis, je longeais l’église Saint Joseph en toute tranquillité et en pénétrant dans la rue Dragon, aux fenêtres du premier immeuble, en un éclair, j’aperçois des soldats Allemands. Faisant demi-tour, je me jetais à plat ventre sur les marches de l’église Saint Joseph, non sans avoir entrevu un objet volant passer au-dessus de ma tête. Je restais allongé pendant plusieurs secondes, protégé par un pilier de l’église.

C’est un de mes hommes qui me releva et me désigna l’objet, c’était une grenade allemande à manche. Elle n’avait pas éclaté.
- Ce con-là était trop pressé, il ne l’a même pas amorcée, me dit-il.
Dans les grenades allemandes, un cordonnet était situé dans le manche et il suffisait de tirer le cordonnet pour l’amorcer afin qu’elle éclate.

Ce garçon qui s’y connaissait au point de vue armes démonta la grenade, sortit le cordonnet, me le tendit et me dit :
- Passe- le autour du cou, cela te portera bonheur.
Je jugeais immédiatement la situation, il nous était impossible, avec l’armement que nous avions, de donner l’assaut au central téléphonique sans essuyer de grosses pertes. Je décidais de nous replier sur notre P.C. rue Antoine Maille.

Deux émotions aussi fortes m’avaient anéanti, c’est dans un état presque second que je regagnais notre P.C. En arrivant Place Castellane, nous avons constaté que des combats très durs s’étaient déroulés, principalement dans la pharmacie du boulevard Baille, et que les pertes étaient élevées, autant du côté des F.F.I. que des Allemands, mais je ne peux parler de ce combat, n’y ayant pas assisté.

Le jeudi 24 août 1944, nous avions à notre disposition un camion, je reçus l’ordre de faire jonction avec les éléments de la 1re Armée Française qui avait libéré Aubagne. On installe un F.M. sur le toit du camion et avec douze hommes, nous prenons la route d’Aubagne. Nous traversons la Capelette, Pont de Vivaux puis Saint-Loup, sans rencontrer âme qui vive. Puis, à Saint-Marcel, nous rencontrons un détachement précurseur de la 1re Armée, composé d’une jeep et d’un half-track chenillé, armé d’une mitrailleuse de 12.7.

Après les congratulations d’usage, nous proposons au Lieutenant qui commandait le groupe de le précéder pour le conduire jusqu’à Marseille. Il refusa, stipulant que c’est à lui à passer en premier. Nous lui assurons que la voie est libre car nous venons d’arriver sans encombre. Nous les-suivons donc.

Soudain, à Saint-Loup, dans un virage, à la hauteur du cinéma, une canonnade ! J’eus le temps d’entrevoir la jeep et le half-track qui brûlaient et un obus traçant qui vint frôler l’arrière de notre camion. Comme nous n’avions pas abordé le virage, le chauffeur avec sang-froid, jeta son camion sur la gauche dans un petit chemin, et nous avons eu le temps d’apercevoir un canon anti-tank allemand... Nous descendons du camion et décidons de prendre ce canon à revers en passant par les maisons qui bordaient la route. Comment ce canon se trouvait-il là alors qu’une demi-heure avant, la route était libre ?

Nous avisons une maison qui semblait faire l’affaire, personne ne répond. Nous décidons alors d’enfoncer la porte, mais un homme qui était là nous dit que les propriétaires étaient dans une cave en face. J’envoie deux hommes qui reviennent en me disant que les propriétaires refusaient de donner la clé. Nous enfonçons la porte.

Pendant ce temps, très en colère, j’arrive dans la cave et dit :
- Qui sont les personnes qui refusent de donner la clé.
Une femme affolée me répond :
- C’est moi Monsieur, mais ne nous faites pas de mal.
- Mais Madame, nous sommes des patriotes qui vous délivrent des Allemands, calmez-vous, voyons !
et au moment où je remonte l’escalier de la cave, j’entends une voix qui dit :
- Quand même, cela a beau être des Français, ils ont de drôles de mines patibulaires.
Il est vrai que nous nous battions depuis quatre jours sans presque dormir, sans nous laver et que nous avions sur le visage un véritable masque de sueur, de poussière et de poudre.

La maison se trouvait être dans une position idéale et par un soupirail, on pouvait prendre une portion de la rue où se trouvait le canon en enfilade. Mais la nuit était noire, à peine éclairée au début par le half-track et la jeep qui brûlait pouvait favoriser le départ des Allemands. Chaque fois qu’un mouvement suspect se manifestait, une rafale de fusil-mitrailleur, bien camouflé, retentissait, rendant le moindre déplacement impossible.

Au matin, protégés en nous infiltrant par les jardins, nous encerclâmes le canon. Les Allemands se rendirent. Mais non loin de là, étaient le half-track et la jeep calcinés, ainsi que le cadavre du Lieutenant et de ses hommes.

Nous pûmes ainsi retourner à notre P.C. avec nos prisonniers que nous remîmes par la suite aux soldats de la 1re armée.

Mais auparavant, nous nous arrêtâmes à l’hôpital de la Conception pour laisser deux de nos hommes blessés, fort heureusement peu gravement. J’accompagnais l’un d’eux allongé sur un brancard, quand dans la galerie qui menait au service De Vernejoul, je rencontre un patron dont je tairai le nom et qui m’interpella :
- Beltrami ! Vous êtes fou, votre mitraillette.
- Quoi ma mitraillette ? En effet, j’avais encore ma mitraillette à la main.
- Vous ne vous rendez pas compte, bien que les combats soient à peu près terminés, il peut y avoir des Allemands dans le coin et vous êtes en train d’enfreindre la convention de Genève.
- Quoi la convention de Genève ? Je m’en fous ! Les Allemands, la Gestapo et tous ces salauds ! Vous croyez qu’ils les ont observées, les conventions de Genève ? J’étais hors de moi.
Il prit un ton plus conciliant :
- Beltrami, je sais qu’avec votre famille vous avez beaucoup souffert, cependant, je vous demande une faveur, c’est de camoufler votre mitraillette.
Et il fit mettre un champ opératoire sur ma mitraillette. C’était à la fois risible et ridicule.
Il y en a un qui, malgré, quatre ans de guerre, avec des sauvages n’avaient encore rien compris.

Peu de temps après, une nouvelle mission nous est confié. Partant du PRADO, nous devons seconder les Tabors, qui remontent le boulevard Perier pour prendre d’assaut la Villa Mon Rêve, en haut du Boulevard Perler, qui est défendue par une pièce d’artillerie qui prend tout le boulevard en enfilade.

Nous progressons derrière les Tabors et au même moment, des Tanks débouchent de la rue Paradis, s’arrêtent un instant, puis tirent un obus et repartent : ce sont des Tanks Sherman équipés d’un canon de 75.

Au moment où nous arrivons à la hauteur du lycée Perier, le canon allemand cesse de tirer.
À ce moment, un capitaine des Tabors s’approche de moi, nous remercie de notre aide, nous félicite sur notre tenue et notre armement et nous demande de nous emparer d’un collège sur le PRADO où des Allemands se tiennent encore. Nous comprenons qu’il s’agit du Pensionnat Cluny, où des Allemands ont déjà été tués, lors du bombardement américain du 27 mai.
En nous camouflant derrière les arbres, nous arrivons à hauteur du pensionnat et en pénétrant par le grand portail, nous donnons l’assaut pour constater que le pensionnat est vide de tout occupant.

Je ne pense pas que le capitaine ait fait cela pour se débarrasser de nous, ce renseignement étant aussi faux que celui qui prétendait que le central téléphonique Dragon était évacué par les Allemands, et qui a failli me coûter la vie. Vers le 27 ou 28 août, je reçus à notre P.C. un coup de téléphone de mon père (cela semble invraisemblable, mais le téléphone fonctionnait).

Il venait d’avoir une communication téléphonique avec son vieil ami le Docteur Piolenc affolé, des individus débraillés étaient venus arrêter son fils sans mandat. Heureusement, ce dernier qui était pour moi un ami, n’était pas là.

Raymond venait d’arriver et il ne savait que faire. Heureusement il habitait avec ses parents non loin du cours Lieutaud. Je lui conseille de n’ouvrir sa porte à personne et d’attendre ma venue, il reconnaîtrait ma voix. Je prends trois de mes Espagnols et nous arrivons chez lui en voiture ; nous sonnons, il reconnaît ma voix, ouvre, nous le faisons monter dans la voiture et arrivons au P.C. J’étais inquiet car les règlements de compte avaient commencé, un industriel Marseillais avait été fusillé au Rouet avec son fils sans autre forme de procès. J’interrogeais Raymond sur son passé, plus âgé que moi, il avait une belle conduite pendant la guerre et après l’Armistice, il avait comme des Français abusés, adhéré à la Légion des Combattants créée par Pétain, auréolé du titre de vainqueur de Verdun, mais rien d’autre.

Il n’y avait pas deux heures que nous étions arrivés que nous vîmes apparaître quatre voyous débraillés, armés de pistolets qui exigèrent qu’on leur livre Piolenc.

Je leur demandais à quel titre.
- Au nom du Comité de Libération de Menpenti.
- Vous avez un ordre signé ?
- Non.
- Alors nous ne pouvons vous le livrer.
Un voyou commence à menacer.
- Si vous ne le livrez pas de plein gré, on le prendra de force.
Immédiatement ils sont entourés par nos hommes, mes Espagnols commencent à armer leurs mitraillettes.
Voyant cela, leur chef voulant faire une retraite honorable, nous dit :
- C’est bon, nous reviendrons en force.
Affirmation démentie par son regard sur le nombre d’hommes déterminés et munis d’un armement important.
- Si vous revenez dis-je, peu d’entre vous en repartiront vivants.
Inutile de dire qu’ils ne sont jamais revenus. Mais ceci est encore une preuve que le magnifique élan de la Résistance a été trahi par ces sordides règlements de compte qui n’avaient rien à voir avec la collaboration.

Raymond PIOLENC fut accompagné par nous chez des amis et par la suite ne fut jamais inquiété.

Les combats sont terminés et le Général de Lattre de Tassigny qui est venu rejoindre le général de MONTSABERT, le Libérateur de Marseille, décide que pour fêter cette libération, aura lieu une grande revue à laquelle les unités de la Première Armée qui ont libéré Marseille, vont défiler, suivis par les F.F.I.

Dès 9 heures du matin, on nous fait mettre en rang devant la Mairie, car nous devons défiler sur le Vieux Port, devant les personnalités, avec à leur tête le Général de TASSIGNY.

Les heures passent 9h, 10h, 11h, le soleil commence à taper dur, mon casque est brûlant. Heureusement, les bistrots du port nous ravitaillent en eau.

Enfin, à midi et demi, l’ordre nous est donné de faire mouvement Nous défilons dans les premiers et nous faisons une très bonne impression, non seulement aux autorités, mais encore au public, et malgré les applaudissements nous entendons les réflexions :
- Tu as vu leurs tenues ? Tu as vu leurs armements ?
Contrastant, avec le négligé et le manque de tenue de nos suivants.
Puis ce furent les adieux à notre P.C., où Madame ABBO nous avait préparé un petit repas d’adieu, et c’est le cœur gros que nous nous sommes quittés, tant de choses, tant de dangers nous avaient réunis.

Une voiture me déposa devant chez moi, au Rond- Point du PRADO, et je me trouvais en présence d’un colonel, que je saluais et me présentai, comme on me l’avait appris à la P.M.S.

Il commença à m’interroger sur l’activité de mon groupe, sur mon activité pendant la résistance, sur l’arrestation de mon frère et quand il apprit que j’avais été l’agent de liaison du Général Schmitt dans l’Armée secrète, il me dit :
- Venez dîner à la popote ce soir, vous nous raconterez tout cela.
Il faut dire que beaucoup d’officiers étaient originaires d’Afrique du Nord, et n’étaient pas très au courant des exactions des Allemands.
J’étais encore tout transpirant et plein de poussière, je crus bon, après avoir pris une douche, m’être rasé, de m’habiller le plus correctement possible.

À l’heure dite, je me présentais à la popote, et fus reçu par le Colonel
- Que venez vous faire ici ?
- Mais mon Colonel, c’est vous qui m’avez invité tout-à-l’heure.
- Ah c’est vous ? Qu’est ce que c’est que cette tenue ? Faites-moi le plaisir de revenir dans la même tenue que vous portiez tout à l’heure, je ne veux pas de civils à ma popote.
Par la suite, les officiers présents furent très intéressés par mes récits de l’occupation.

© Extrait de l'ouvrage Mémoire d'un Juste.

24/11/2011
Auteur : Ivan Beltrami Lien :

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Familles hébergées, cachées, aidées ou sauvées par Ivan Beltrami
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1 Débarquement en Provence et Libération du midi de la France (Le débarquement en Provence et la libération des villes de Toulon, Saint-Tropez, Aix en Provence et Marseille en août 1944. Film composé d'images : du débarquement anglo-américain et français en Provence les 14 et 15 août 1944… )
2 Les enfants et amis Abadi (Voir le site Les enfants et amis Abadi, remarquable !
Odette Rosenstock et Moussa Abadi avec le concours de Monseigneur Paul Rémond, Archevêque-Évêque de Nice, ont créé le réseau Marcel pour lutter contre le nazisme et les lois antijuives de Vichy. Ils ont caché et sauvé, dans le diocèse de Nice, 527 enfants juifs de 1942 à 1944.
« Les Enfants et Amis Abadi » est une association loi 1901 créée le 4 mai 2000 par Jeannette Wolgust. Elle a pour but de réunir les amis et les enfants cachés par Odette et Moussa Abadi, afin de préserver et perpétuer leur mémoire, et plus généralement de préserver et perpétuer la mémoire de la Shoah. )
3 Artistes et intellectuels réfugiés dans la région marseillaise en 1940-1942 (Robert Mencherini. « Artistes et intellectuels réfugiés dans la région marseillaise en 1940-1942 : un jeu d’ombres entre survie et engagement ». [actes du colloque] Déplacements, dérangements, bouleversement : Artistes et intellectuels déplacés en zone sud (1940-1944), Bibliothèque de l'Alcazar, Marseille, 3-4 juin 2005 organisé par l'Université de Provence, l'Université de Sheffield, la bibliothèque de l'Alcazar (Marseille). Textes réunis par Pascal Mercier et Claude Pérez. )
4 Camp de Saliers. 1942-1944. Une mémoire en héritage. (Histoires et mémoires du camp d'internement pour Nomades de Saliers (Bouches-du-Rhône) ayant accueilli près de 700 voyageurs, sinti, manouches, gitans, yeniches, mais aussi forains, dont 26 ne sont pas revenus… Na bister! (N'oublions pas!) )

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