Pierre Lefrançois

	Pierre Lefrançois source photo : Coll. privée crédit photo : D.R.
	Pierre et Georgette Lefrançois, le 19 novembre 1938 source photo : Coll. privée crédit photo : D.R.

Pierre* et Georgette* Lefrançois se marient le 19 novembre 1938. Le jeune couple s'installe d'abord à Notre-Dame-de-Courson où en 1939 va naître Pierrette leur premier enfant.
Pierre est mobilisé le 1er septembre 1939. Fait prisonnier lors de la débâcle, il parvient à s'évader et rentre en Normandie.
Saint-Martin-de-Bienfaite est occupée dès le 27 juin 1940 par une garnison allemande, le château faisant office de Kommandantur.
Pierre* n'accepte pas la défaite et l'occupation et s'engage dans la résistance.

La famille d'Ariel Eder décide de quitter Anvers, en Belgique à la fin de l'été 1942 pour la Suisse et choisissent d'effectuer le voyage séparément.
Madame Eder parvient à gagner la Suisse avec l'aide de passeurs et de cheminots. Monsieur Eder fera le voyage à pied. Ils y trouveront refuge jusqu'à la fin de la guerre.
Quelques jours après leur fuite, la Gestapo visite leur immeuble afin d'y arrêter tous les Juifs. Les Eder, ne feront pas partie des 25.257 personnes arrêtées et déportées à Anvers entre le 4 août 1942 et le 31 juillet 1944.
Leur fils unique, Ariel Eder avait été confié aux voisins de l'étage supérieur, le couple Elza et Hugo Mortelmans, des musiciens puis part rejoindre ses parents en Suisse via Marseille sous le faux nom de Henri Reder.
"Un passeur m'a pris en charge au départ d'Anvers. Je me suis retrouvé dans un bar, Le Rancho au 58 de l'avenue de Wagram à Paris. Gardez-moi ce gosse quelques jours, a lancé le passeur au patron du bar, Lucien Sigust, qui m'emmènera chez Emilienne Lefrançois. Le passeur n'est jamais revenu".

Emilienne Lefrançois décide d'envoyer Henri-Ariel chez son frère René à Saint-Martin-de-Bienfaite.
"Un ou deux jours après mon arrivée chez René et Paulette je vois arriver un frère à René, Pierre*, assis sur une charrette, tirée par la jument Bichette. Il venait de Notre-Dame-de-Courson à Saint-Martin-de-Bienfaite pour aménager la maison, juste à côté de celle de René, afin de pouvoir y amener sa petite famille, Georgette* et Pierrette. Son sourire, la chaleur envoûtante qui émanait de lui lorsqu'il me caressait; sa manière de m'adresser la parole, dont je ne pigeais pas un mot, car je ne parlais toujours pas le français; tous ces facteurs m'ont poussé instinctivement à l'appeler "Papa" au bout de quelques jours.
Pierre* installe sa petite famille dans la dite maison et moi je passe habiter chez le couple Georgette* et Pierre*."
Pierre* et Georgette* Lefrançois n'ont pas hésité bien longtemps. "Oui", ils allaient s'occuper du petit Henri, le protéger, l'aimer comme si il était leur propre enfant, à leurs risques et périls durant ces jours sombres de l'occupation allemande, comme toute la famille contribuera au sauvetage du petit Henri.
En arrivant chez les Lefrançois, Henri ne parlait ni ne comprenait le français. Il n'avait aucune pièce d'identité. Il fallait à tout prix cacher son origine juive.
Un des frères de Pierre*, l'Abbé Paul Lefrançois, résistant de la première heure, rédige un faux certificat selon lequel : Pierre Lefrançois*, en épousant Georgette Suzanne*, accepte d'adopter son fils Henri, né hors du mariage.
En mai, Georgette* donne naissance à un petit garçon. Le bébé meurt au bout d'une semaine.
Pierre*, est un membre du réseau Jean-Marie Buckmaster de Normandie. Depuis le débarquement des alliés, le réseau est en pleine activité.
Le 13 juin, Pierre Lefrançois* sera tué au cours d'une mission, Georgette Lefrançois*, qui venait de perdre son bébé et son mari continuera à s'occuper d'Ariel Eder jusqu'en février 1945.

Georgette* et Pierre Lefrançois* essayent de retrouver la trace des parents via la Croix rouge française. Mais le seul nom en leur possession était le nom : Henri Reder. Avec l'aide de la Croix rouge Suisse, les parents d'Henri cherchent à savoir ce qu'il était advenu de leur fils. Ils suggèrent d'entamer les recherches sous le nom fictif d'Henri Reder ainsi que sous mon vrai nom d'Ariel Clément Eder.
En février 1945, Eli Sternbuch, de Saint-Galles en Suisse, arrive à Saint-Martin-de-Bienfaite. Dans les larmes, Henri, redevenu Ariel Eder va quitter sa maman adoptive et la Normandie pour retrouver ses vrais parents. En 1961 Ariel partira vivre en Israël.

Si pour moi, Pierre* fut "mon héros" Georgette fut "ma bonne fée". Dès le premier jour de notre rencontre, en automne 1942 jusqu'à mon départ de Saint-Martin-de-Bienfaite, en février 1945, ils m'ont donné plus d'amour et de chaleur que chaque enfant a besoin à cet âge. Pour moi, c'était comme si je retrouvais des parents avec en prime une petite sœur, Pierrette, qui m'est très chère jusqu'à ce jour.

Lien vers le Comité français pour Yad Vashem