Alexandre Rabinovitch
Alexandre Rabinovitch est né en 1888 en Russie. A 22 ans, il débute la traversée de l'Europe à pied et arrive à Paris en novembre 1910.
Il est domicilié dans le Xe arrondissement où il occupe différents emplois (cannier, puis garçon de magasin).
Il épouse
Marie le 11 août 1914 alors qu’il a déjà une première fille, prénommée
Flore née le 31 mai 1913.
Le 21 août 1914,
Alexandre Rabinovitch s’engage dans la Légion étrangère pour la durée de la guerre. Affecté au 2e régiment de marche du 2e étranger fin octobre 1914, il participe aux combats dès octobre dans l’Aisne. Le 15 mars 1915, il est condamné par le conseil de guerre du 2e régiment de marche du 2e régiment étranger à la peine de 10 ans de travaux publics pour « refus d’obéissance sur un territoire en état de guerre et de siège ».
Dans le même régiment, une rébellion éclate fin juin 1915 : 27 légionnaires sont mis aux arrêts dont 11 soldats identifiés comme « juifs » et 9 comme « arméniens ». Ces 27 légionnaires sont traduits devant le conseil de guerre, le 21 juin 1915, qui les condamne pour révolte et refus d’obéissance : 18 soldats sont condamnés aux travaux publics (de 5 à 10 ans) et 9 à la peine de mort. Les exécutions ont lieu le 22 juin 1915. Ces légionnaires, dont Alexandre Rabinovitch a partagé le quotidien, sont l’objet de vexations antisémites de la part de leurs supérieurs qui sont « des sous-officiers de la Légion venus d’Algérie et pleins de préjugés à leurs égards, ils [les légionnaires] essuient de multiples vexations ».
Alexandre Rabinovitch arrive 1er avril 1915 à Orléansville (Chlef) en Algérie où il est incarcéré jusqu’en novembre 1916 soit environ un an et huit mois pendant lesquels il est affecté à des travaux de voieries ou d’autres tâches de force dans les conditions de vie effroyables, décrites par Albert Londres au début des années 1920.
Alexandre Rabinovitch est rejoint par certains de ses camarades de régiment au bagne, à « Biribi », c’est-à-dire dans les bagnes coloniaux de l’armée française en Afrique du Nord.
Alexandre Rabinovitch est ensuite transféré au dépôt des détenus à Collioure en métropole, entre novembre 1916 et mars 1918, soit pendant presqu’un an et demi. Il est réintégré au 1er régiment étranger le 7 mars 1918 et immédiatement envoyé en première ligne.
Il est blessé par balle et évacué le 18 juillet 1918 puis cité à l’ordre du régiment en mai 1919 pour acte de bravoure et décoré de la Croix de guerre, étoile de bronze.
Alexandre Rabinovitch est finalement libéré de ses obligations militaires le 10 juin 1919. Il rentre à Paris et retrouve sa place de garçon de magasin puis commence à faire du commerce en tant que marchand ambulant en bonneterie à Paris.
Il a ouvert la voie à ses frères et sœurs : Élie Rabinovitch le rejoint en février 1920 à Paris et le suit à Hirson, leur sœur Blanche (née en 1904) et leur mère Zelda (née en 1864) les rejoignent à Lille depuis Lodz en 1930.
En janvier 1921, il quitte Paris pour Hirson dans l’Aisne (02) où son commerce prospère.
L’entreprise de
Alexandre Rabinovitch prospère et la famille s’installe à
Roubaix au début des années 1930. Il ouvre la boutique «
Chez Flore », du nom de sa fille aînée, située 20 place de la Liberté.
Le domicile familial se trouve dans les quartiers plus cossus qui jouxtent le parc Barbieux, boulevard de Cambrai.
Avec la guerre et l’Occupation, les persécutions reprennent. Le fonds de commerce de bonneterie de
Roubaix « Chez Flore » est aryanisé et
Alexandre Rabinovitch est radié du registre du commerce de Roubaix, le 4 mai 1942.
Alexandre Rabinovitch, son épouse et ses enfants (
Flore,
Yolande,
Hélène et
Henri) ne se cachent pas. Il est ancien combattant, médaillé, de nationalité française depuis 1923, a une situation et une réputation. Il obtient même du tribunal civil de Lille, le 14 mars 1941, la modification officielle patronymique de « Rabinovitch » pour « Raby ».
Alexandre Rabinovitch est arrêté dans les rues de Roubaix, sur le chemin de la piscine, par un soldat allemand le 24 avril 1943 pour « non port de l’étoile ». Transféré directement à la prison de Loos jusqu’au 12 mai 1943, il est déplacé à la caserne Dossin à Malines (Belgique).
Entre temps, ses enfants
Flore et
Henri (alors âgés de 30 et 21 ans) écrivent à la préfecture et même au maréchal Pétain pour obtenir sa libération ou a minima retarder le transfert de leur père vers la Belgique.
En vain,
Alexandre Raby est interné à Malines dès le 12 mai, il y reste près de deux mois et demi avant d’être déporté le 31 juillet 1943 par le convoi XXI pour Auschwitz. Ce convoi arrive sur la Judenramp le 2 août 1943. Alexandre Raby alors âgé de 55 ans est gazé à l’arrivée à Birkenau.
Flore est arrêtée le 19 mars 1944 par la Feldgendarmerie. Elle passe par la prison de Loos puis est enregistrée à Malines le 26 mai 1944. Elle est déportée à Auschwitz le 31 juillet 1944 (convoi XXVI, n092). Elle survit et revient à Roubaix en 1945 et tente de relancer l’affaire familiale
Élie Rabinovitch et Peirel Jajubowki
Élie Rabinovitch, fils de Moses et Freida nee Warschawska, qui avait suivi son frère de Paris à Hirson, puis à Lille au début des années 1930, épouse
Peirel née Jakubowski en avril 1933.
Elle les a rejoints en juin 1931 et le couple
Élie et
Peirel vit modestement en exerçant la profession de marchands ambulants, même si
Élie a longtemps été employé comme électricien avant de se fixer à Lille. Entre 1924 et 1931, il travaille dans différentes entreprises dans toute la France :
Paris,
Vichy,
Montceau-les-Mines,
Angoulême,
Hirson,
Châtelguyon.
Arrivé à
Lille,
Élie Rabinovitch fait une demande de naturalisation qui est ajournée par le ministère de la Justice qui motive cette décision par « un manque de stabilité apparente » d’Élie avant 1933. Il obtient alors un statut d’étranger A (réfugié) fin août 1939 en tant que russe apte au service actif et marchand ambulant.
Élie Rabinovitch est arrêté immédiatement après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne, le 22 juin 1941. Convoqué au commissariat et retenu par la police allemande comme « juif et russe », il restera incarcéré en France et en Belgique jusqu’à son exécution.
En représailles à une série de sabotages durant le mois de mars 1942, cinq otages, dont quatre résistants communistes, sont désignés par la préfecture du Nord et envoyés à la caserne Négrier à
Lille, le 20 mars 1942. Les cinq otages sont fusillés par l’occupant au fort du Vert-Galand le 31 mars 1942 puis inhumés sommairement au terrain d’aviation de
Marquette-lez-Lille.
Son épouse
Peirel est arrêtée le 28 aout 1941 avec ses frères
Gabriel et
Zélig par les autorités d’occupation. Elle reste trois mois à la prison de Loos puis est libérée brièvement avant d’être internée une première fois à la clinique psychiatrique d’Esquermes à Lille. Entre juin et septembre 1942, elle retourne à son domicile mais suite aux plaintes des voisins à propos des bruits nocturnes qu’elle occasionne et la crainte d’un suicide, elle est placée d’office en hôpital psychiatrique, le 25 septembre 1942, par un arrêté municipal pour « affaiblissement intellectuel léger, dépression et hypocondrie ».
Peirel est transférée le 7 janvier 1943 vers
Bailleul (59) en tant que « juive polonaise » sur les registres de l’hôpital.
Son internement est signalé début octobre 1942 par l’administrateur provisoire d’
Élie Rabinovitch, M. Singer, nommé pour procéder à « l’aryanisation » des modestes biens du couple.
Peirel passe alors dans la catégorie des « malades indigentes » à partir du 1er octobre 1943, car le fruit de la vente de son alliance, en avril 1943, ne couvre plus ses frais de pension.
1
Peirel bénéficie de colis alimentaires réguliers envoyés par sa nièce Flore Raby jusqu’à son arrestation en mars 1944.
Marie Rabinovitch prend des nouvelles de
Peirel à la Libération mais son état général ne lui permet pas d’envisager de quitter le service de psychiatrie.
Peirel décède de mort naturelle en 1964 à l’hôpital psychiatrique de
Bailleul à l’âge de 69 ans.
Gabriel et Zélig Jakubowski
Gabriel loge Zélig Jakubowski dans le modeste immeuble qui abrite son café-restaurant au rez-de-chaussée (24 places assises pour les clients) est également sa résidence principale (au premier étage).
Gabriel et Zélig Jakubowski sont arrêtés en même temps que Peirel le 28 août 1941 au domicile de Gabriel, qui tient un restaurant à Lille, rue Saint Étienne. Gabriel est l’aîné de la fratrie Jakubowski, il apparaît comme restaurateur à Lille en avril 1938, et cette fratrie arrive dans les années 1920 dans le Nord.
Zélig Jakubowski est le seul à faire une demande de naturalisation.
En octobre 1939, il s’engage dans la Légion mais sa carrière militaire est de courte durée car il est rapidement réformé, à titre définitif, pour raison médicale en janvier 1940 et renvoyé dans le Nord. Néanmoins, entre temps, il est naturalisé jusqu'à la loi du 22 juillet 1940.
Le 12 août 1941, le préfet du Nord propose de procéder à la liquidation du café-restaurant qui était jusque-là le seul réservé à « l’usage des israélites » par ordonnance de l’OFK 670 du 4 décembre 1941. L’occupant donne son accord le 21 août 1941 et le préfet répercute l’information à l’administrateur provisoire qui s’exécute dans la semaine.
L’arrestation de Gabriel, Zélig et Peirel a lieu le 28 août 1941.
Gabriel est déporté avec ses frères Michel et Zélig, depuis Malines le 4 août 1942 (soit un an après son arrestation) par le Convoi I vers Auschwitz. Gabriel et Michel disparaissent sans laisser de traces. Zélig, 31 ans, immatriculé à Auschwitz (N° 56581), survit six mois. Il décède le 1er septembre 1943.