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Seine-Maritime

Région :
Normandie
Département :
Seine-Maritime

Préfets :
Roger Verlomme
(1938 - 1940) Préfet de la Seine-Inférieure
René Bouffet
(1940 - 08/1942) Préfet de la Seine-Inférieure et à partir de 1941 Préfet régional de la région de Rouen (Calvados, Eure, Manche, Orne et Seine-Inférieure (= Seine-Maritime). Arrêté et révoqué par la Résistance le 19 août 1944 (1896-1945)
José Bourgeois
(1941 - 1942) Préfet délégué de la Seine-Inférieure
André Parmentier
(1942 - 19/08/1944) André Auguste Parmentier, Préfet régional de la région de Rouen (Calvados, Eure, Manche, Orne et Seine-Inférieure (= Seine-Maritime). Arrêté et révoqué par la Résistance, il est relevé de sa condamnation pour faits de Résistance (1896-1991)
Directeur de cabinet : Jean Spach

André Pujes
(1942 - 1944) Préfet délégué de la Seine-Inférieure
Louis Dramard
(1944 - 1944) Louis Marie Charles Dramard, Préfet régional de la région de Rouen (Calvados, Eure, Manche, Orne et Seine-Inférieure (= Seine-Maritime)
Paul Haag
(1944 - 1944) Préfet de la Seine-Inférieure
Pierre Guerin
(1944 ) Préfet délégué de la Seine-Inférieure
Henri Bourdeau de Fontenay
(29/08/1944 - 31/03/1946) Commissaire régional de la République de la région de Rouen (Calvados, Eure, Manche, Orne et Seine-Inférieure (= Seine-Maritime) (1900-1969)

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Yves Lecouturier Yves Lecouturier
Shoah en Normandie - 1940-1944

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Paulette Ganoune

Texte pour ecartement lateral

Rouen 76000 Seine-Maritime
Nom de naissance: Pauline, Sarah Ganoune
Date de naissance: 14/04/1931 (Rouen)
Aidé ou sauvé par : - Georges Lauret
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Paulette-Ganoune
Gaby et Paulette à l’hôpital général de Rouen en 1943.
source photo : Arch. fam. Paulette et Gaby Ganon
crédit photo : D.R.

Histoire

L’histoire exemplaire d’une famille juive rouennaise

Je suis née le 14 avril 1931 à Rouen et ma sœur Gaby le 1er avril 1932 à Rouen également. Si nous sommes là, aujourd’hui, soixante ans après la libération des camps de concentration et d’extermination, c’est parce que nous avons été sauvées par l’un de ceux que nous appelons Justes. Pour lui, et pour toutes les victimes de la Shoah, nous voulons vous raconter notre histoire.

Ma grand-mère Linda Ganon et son mari vivaient en Turquie avec leurs neuf enfants : Bohorah (dite Anna), Raphaël, Samuel, Nessim (Nisso), Rebecca, Judith, Elie (Liéto), Isaac et Esther. Après la mort de mon grand-père, la famille vient en France en 1927. Seule, Rébecca ne viendra pas en Europe mais ira en Uruguay.

Dans les années 30, Linda, ses enfants et leurs conjoints vivaient à Rouen, quotidiennement en contact. Mais la législation antisémite française aboutissant à la déportation et à l’extermination anéantira cette vie de famille :
— Samuel sera déporté à Buchenwald.
— Ma grand-mère et son fils Liéto, réfugiés en zone non occupée, seront arrêtés et déportés. Elle mourra en gare de Drancy, Liéto sera assassiné à Auschwitz.
— Mon père, arrêté à Rouen, déporté à Drancy, sera assassiné à Auschwitz.
— Mes cousines Renée et Lina, qui avaient à peu près notre âge, étaient réfugiées avec leur mère en zone non occupée ; elles seront toutes les trois déportées et assassinées à Auschwitz.

En 1930, Raphaël, mon père, épouse Linda Alalouf, immigrée elle aussi avec sa famille quelques années auparavant. En 1939 ils font une démarche auprès de la Préfecture pour obtenir la nationalité française. Mais la procédure est interrompue parce que mon père doit subir une intervention chirurgicale. Lorsqu’il fait à nouveau sa demande, c’est trop tard, la guerre approche.

Pendant la seconde guerre mondiale, nous sommes partis en exode, l’été 1940, à Arcachon. Malheureusement, nous avons dû revenir chez nous à Rouen, pour rouvrir notre magasin. Le commerce était difficile à cette période : on avait du mal à se procurer de la marchandise.

En 1941, paraissent les lois raciales visant les Juifs. Nous n’avions pas le droit d’aller dans les jardins publics, d’utiliser les cabines téléphoniques, d’entrer au lycée. Nous devions respecter un couvre-feu : les rues nous étaient interdites après 20 heures.

Nous avons dû nous faire recenser à la mairie ou à la préfecture. Nous avons obéi à la loi, parce que nous n’avions pas honte d’être juifs et que nous ne voulions pas être en infraction. On a apposé sur nos pièces d’identité un tampon : JUIF. Sur la vitrine du magasin de nos parents, était collée une affiche disant que nous étions des commerçants juifs. Ceci était fait pour que les clients n’y viennent plus. Même après cette mesure, certains soldats allemands entraient dans la boutique. Il n’aurait pas fallu pour eux qu’ils soient surpris par un de leur chef. Un peu plus tard notre commerce nous sera confisqué.

Fin mai 1942, une ordonnance allemande rend obligatoire le port de l’étoile jaune pour les juifs âgés de plus de 6 ans et résidant dans la zone occupée. Quand nous allions à l’école, nous essayions de cacher notre étoile. Un jour que je courais vers la boulangerie la plus proche de notre appartement, quelqu’un m’a dit : « Tu n’as pas mis ton étoile ! » J’ai eu très peur. Le 6 mai 1942, on a frappé à la porte, pour venir arrêter mon père. Mon père s’est caché dans la maison. Ma mère a ouvert au policier français et lui a dit : « Mon mari n’est pas là, il est parti rendre visite à sa mère. » Nous habitions rue Victor Hugo, notre grand-mère place saint Marc. Le policier a laissé un collègue en faction sur le trottoir devant chez nous et il est allé chez notre grand-mère. Pendant ce temps, mon père est sorti de notre appartement pour aller se cacher dans le grenier d’où il aurait pu s’enfuir. Le policier est revenu, il n’avait trouvé personne chez ma grand-mère. Il s’est mis à fouiller longuement notre appartement Pourquoi a-t-il fait preuve d’un tel zèle ? Il a interrogé ma mère jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus et qu’elle appelle mon père : « Viens ! Viens ! » Mon père est descendu, il a supplié les policiers de le laisser. J’ai accompagné mon père quand il a été emmené au commissariat. Je suis restée auprès de lui de 3 heures à 6 heures du matin. Lorsqu’une camionnette est arrivée, on m’a arrachée de ses bras.

Il restera 6 mois à Drancy ; il a réussi à se cacher plusieurs fois lors de départs de convois pour Auschwitz. Il nous a écrit jusqu’à la veille de son départ. Par l’intermédiaire de l’UGIF (Union générale des Israélites de France, créée par la loi du 29 novembre 1941), nous pouvions envoyer des colis à notre père. Il est déporté à Auschwitz le 30 septembre 1942.

Drancy, Mercredi 30 Septembre 1942 Ma chère petite femme et mes chères filles chéries Je t’écris cette carte en te faisant savoir comme je suis en bonne santé pour moi ne te fais pas de mauvais sang du tout ma chérie hier mardi j’ai reçu ton colis qui m’a fait grand plaisir surtout que je n’avais rien,ça tombe bien. Ma chère petite femme et mes bien aimées filles, ce matin, mercredi 30, je pars à destination inconnue. Je te jure que je suis fort et courageux, j’espère que tu le seras de ta part. Je t’assure que bientôt je reviendrai et nous oublierons tout cela, tu peux être tranquille, je vais pour travailler, je suis entouré des amis, tu essayeras de faire quelque chose si c’est possible pour Mr Lebrun, ma chérie, j’espère que tu prendras précaution pour tes affaires, j’ai remis à mon cousin … un pantalon et une paire de chaussures. J’espère que tu as reçu un colis contenant le sac de couchage, sans cela tu le réclameras à l’U.G.I.F. Embrasse Maman chérie, merci pour le gâteau turc et ton poulet et tout le reste car c’est le dernier maintenant surtout n’envoie plus rien. Départ sûr, embrasse ma grande fille Paulette, sois gentille avec maman chérie, embrasse bien fort ma petite Gaby poupée, mon pauvre frère Lieto et tous les amis, amis Burstein, Me Berki, j’ai rejoint son mari. Je t’embrasse affectueusement dans l’espoir de notre grand jour de se revoir bientôt, ton petit mari qui pense toujours…

Quelques jours avant le Noël qui a suivi, notre institutrice nous a demandé : « Les enfants dont le père est prisonnier, levez le doigt. Vous avez droit à un colis ! » Comme je levais le doigt en même temps que quelques camarades, elle a précisé : « Toi ce n’est pas pareil ; c’est racial ! » Je n’ai toujours pas oublié cette parole.

Le 13 janvier 1943, 2 hommes, un policier et un inspecteur de police sont venus nous chercher. Pour tromper notre méfiance, ils nous ont dit qu’ils voulaient nous donner une contravention parce que nous avions laissé la lumière allumée. Ma mère a essayé de les dissuader : elle ne pouvait pas croire que des policiers français, qu’elle voyait passer tous les jours devant chez elle, soient venus pour nous arrêter ; elle ne le croirait que s’ils revenaient accompagnés d’un Allemand. Elle ajouta, à travers la porte, qu’elle était alitée, qu’elle ne pouvait se déplacer : elle venait de faire une fausse couche. Un peu plus tard, nous avons dû suivre les deux policiers. Maman avançait extrêmement lentement, elle avait emporté une chaise sur laquelle elle s’asseyait fréquemment. Quand nous fûmes près du Commissariat de l’Hôtel de Ville, nous aperçûmes la file de nos coreligionnaires qui montaient la rue Louis Ricard. Portant un maigre baluchon, ils étaient emmenés à la gare. Notre grand-mère et Liéto étaient parmi eux.

[…]Vu la délégation de Mr Le Préfet de la Seine Inférieure en date du 15 Janvier 1944, nous appréhendons et mettons en état d’arrestation la dame Ganon née Saul Linda, laquelle sera conduite au centre d’accueil à Rouen rue Poisson, en vue de son transfert au camp de Drancy[…]

Nous sommes entrées dans le commissariat ; après avoir rédigé un procès verbal, le fonctionnaire a demandé : « Qu’est-ce qu’on fait de ces gens-là ? Les autres sont déjà partis. »

Maman ayant précisé ses problèmes de santé, on a fait venir une ambulance pour la conduire à la maternité. Arrivée à l’hôpital, ma mère a supplié qu’on ne lui enlève pas ses enfants. On l’a rassurée : nous devions être conduites dans le service qui accueillait les enfants abandonnés ou malades. C’était tard dans la nuit : une religieuse nous a donné un petit lit pour nous deux. L’hôpital subissait également les restrictions de la guerre : il y avait plusieurs enfants par lit. Pendant qu’on s’occupait de nous, des infirmières interrogeaient Maman. Elle continuait à déclarer la même chose, en ajoutant qu’elle voulait voir le médecin responsable du service. C’était le docteur Lauret, NOTRE SAUVEUR. Quand il a voulu examiner Maman, elle lui a dit la vérité : « Je ne suis pas malade, on est venu m’arrêter avec mes deux filles parce que nous sommes juifs. » Le docteur l’a rassurée en lui disant qu’il la prenait dans son service. Un peu plus tard, un médecin allemand est venu pour examiner Maman. Il n’a pas osé contredire le Professeur qui avait « trouvé » à sa nouvelle patiente une maladie indécelable. Le médecin allemand a sans doute deviné la supercherie, il dira au Professeur Lauret quelque temps après : » Je pars sur le front de l’est. Mon remplaçant ne sera pas forcément aussi bienveillant que moi. »

Suite aux recherches qui lui ont été demandées au sujet de familles juives, le maire informe que Linda Ganon, mère de Gaby et Paulette est hospitalisée, malade, à l’hôpital de Rouen.

Nous apprendrons par la suite que d’autres Justes sont intervenus dans la région de Rouen. Le maire d’une commune à l’ouest de Rouen a dissuadé une famille venue se faire recenser lors de la publication des lois antisémites. Cette famille restera dans la région pendant toute la guerre, sans jamais être inquiétée. Beaucoup de Protestants aideront nos coreligionnaires à se cacher.

Quant à nous, nous étions au milieu des autres enfants : les religieuses disaient que nous étions malades.

Comment occupions-nous nos journées ? Les rares leçons qui existaient étaient destinées aux très jeunes enfants. Nous n’avions ni livres ni jouets. On se promenait dans la cour de l’hôpital ; on allait à la pharmacie de l’hôpital chercher les médicaments. On tricotait des chaussettes et des gants. On allait voir Maman tous les jours. Nous étions très dorlotées par les religieuses. Peut-être espéraient-elles nous convertir. Pendant le mois de mai, nous allions tous les jours à la messe. Nous savions les prières au moins autant que les petits catholiques.

Lors des bombardements sur Rouen, en avril 44, nous avons été transférées à l’Hôpital de Darnétal. Quand nous allions rendre visite à Maman à l’Hôpital de Rouen, nous suivions la rivière du Robec, au milieu des jardins maraîchers.

L’été 44, le jour de la Libération a été un jour de joie : nous ne savions pas qu’on ne reverrait pas notre papa. Nous avons appris sa mort l’année suivante. Le soutien psychologique n’existait pas à cette époque ; nous nous sommes senties bien seules. Quand nous avons quitté l’hôpital toutes les trois, nous sommes retournées chez nous. Notre appartement était occupé ; nous avons été relogés dans un appartement voisin, qui avait appartenu à des gens déportés depuis lors.

Extrait de "Shoah à Rouen, 1940 - 1944", un livret réalisé par les élèves de 3ème de Chantal Dossin, professeur d’histoire, du collège Hector Malot de Mesnil-Esnard.

Paulette Ganon © Le site Histoire-Géographie de l’académie de Rouen

21/04/2011

asso 5751

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