Un archiviste périgourdin met à jour l'histoire de la persécution des juifs réfugiés en Dordogne de 1940 à 1944. Bernard Reviriego est attaché de conservation aux archives départementales de la Dordogne, spécialisé dans les documents sonores. Elie Barenfeld, 79 ans, est le fils d'un boucher casher d'origine Russe. Il y a trois ans, le second a sollicité l'aide du premier pour rétablir une vérité qui semblait ignorée de tous : la persécution, la détention et la déportation de plus d'un millier de juifs réfugiés en Dordogne au lendemain de la déclaration de guerre, puis de l'invasion allemande de 1940.
Monsieur Barenfeld affirmait avoir été arrêté puis détenu dans un bâtiment de l'abbaye de Chancelade, en compagnie de dizaines d'autres juifs pensant, comme lui, trouver abri et quiétude en zone « libre ». Evadé, rescapé, Elie Barenfeld s'enquerra de ses compagnons d'infortune dans plusieurs courriers qui recevront la même réponse : « il n'y avait pas de juifs à Chancelade ».
C'est Bernard Reviriego qui découvrira la première preuve de la vérité en exhumant des archives le signalement de la disparition du « juif » Elie Barenfeld. Retrouvant ensuite les archives administratives de la préfecture de la Dordogne sous Vichy, il reconstituera, à l'aide de ces milliers de documents administratifs, mémos des collaborateurs du préfet, lettres d'élus municipaux des diverses communes du département, circulaires ministérielles et autres, la chronique d'une persécution passée sous silence par l'histoire officielle d'après-guerre, trop occupée à glorifier l'héroïsme et le courage – bien réels ! - des résistants de Dordogne.
Cette chronique, regroupement méticuleux de milliers de documents d'archives, lus, inventoriés et analysés par Bernard Reviriego prend aujourd'hui la forme d'un livre édité par les Archives départementales de la Dordogne et les éditions Fanlac, dont la réputation de sérieux et de qualité n'est plus à faire. Les juifs en Dordogne, 1939-1944 , est donc le récit de deux aventures. Celle, dramatique, de plus d'un milliers de juifs réfugiés au delà de la ligne de démarcation, rattrapés par la haine – allemande et française - et déportés vers les camps et celle, en filigrane, d'un archiviste amoureux de la vérité qui trois années durant se consacrera entièrement à cette oeuvre de justice.
On y apprend donc que l'essentiel de la population juive du département de la Dordogne etait composée de réfugiés - ou « repliés » comme on disait alors – qui aviant fui l'Alsace au lendemain de la déclaration de guerre de 1939. Que ces populations furent recensées, classifiées ( non-juifs, juifs français, juifs étrangers, etc...) et dispersées entre logements individuels, chez l'habitant et, pour une bonne part des hommes valides, en GTE (Groupements de Travailleurs Etrangers). Ces GTE, créés au départ pour employer – de force – la main d'oeuvre gratuite des réfugiés espagnols, accueillaient les juifs avant leur départ vers les camps. On y voit également le zèle méticuleux des fonctionnaires français de ce temps dans l'accomplissement de leur tâche, le préfet d'alors se vantant même de devancer les demandes des ses autorités de tutelle en terme d'arrestation de juifs ! On y voit la souffrance de ces milliers (10 000 ou 12 000 selon les sources) de persécutés ; on y voit celle des populations autochtones sous la coupe de la terrible division Brehmer chargée de réprimer la résistance et qui, ne pouvant se saisir des maquis, arrêtait et exécutait sommairement de simples civils. Et on y trouve enfin un mémorial aux victimes de ces persécutions.
L'ouvrage, au delà de l'analyse d'archives, a demandé à son auteur de nombreuses recherches annexes. Recherches de survivants ou de leurs descendants, recoupements avec les listes de déportés établies au lendemain de la Libération et enfin, de précieux interviews que l'archiviste a regroupés dans un CD, donnant sinon un visage, du moins une voix à l'histoire vivante ressuscitée par cette enquête.
Remercions donc Elie Barenfeld d'avoir un jour questionné Bernard Reviriego et remercions ce dernier d'avoir su l'entendre. Rendons grâce également aux élus et fonctionnaires du département de la Dordogne d'avoir permis que se fasse ce douloureux mais indispensable travail de mémoire, pour notre plus grand bénéfice et celui de ceux qui nous suivront.
Extrait de la préface de Serge Klarsfeld Le travail de Bernard Reviriego sur le sort des Juifs de Dordogne de 1939 à 1944 correspond parfaitement à ce que j'envisageais il y a une dizaine d'années/une recherche extrêmement rigoureuse et méthodique, s'appuyant sur une documentation considérable et inédite, le souci de ne jamais oublier l'aspect humain de la tragédie qui s'est déroulée et le recours permanent aux témoignages d'époque. L'histoire des Juifs du département de la Dordogne est écrite. C'est une œuvre importante et exemplaire. Si c'était le cas pour tous les autres départements de France, nous disposerions d'une centaine d'ouvrages qui permettraient probablement d'élaborer de nouvelles synthèses concernant le sort des Juifs de France, confirmant ou infirmant les travaux de référence en place aujourd'hui.
L'avis de l'AJPN : Un livre remarquable et incontournable à qui s'intéresse à la très riche histoire des Juifs en Dordogne entre 1939 et 1945.
Liens externes[Ajouter un lien vers un article d'intérêt ou un site internet] 1 Notre Dame de Sion : les Justes (La première religieuse de Sion à recevoir ce titre en 1989 est Denise Paulin-Aguadich (Soeur Joséphine), qui, à l’époque de la guerre, était ancelle (en religion, fille qui voue sa vie au service de Dieu). Depuis, six autres sœurs de la congrégation, ainsi qu’un religieux de Notre-Dame de Sion ont reçu la même marque de reconnaissance à titre posthume. Ils ont agi à Grenoble, Paris, Anvers, Rome. L’action de ces religieuses et religieux qui ont sauvé des Juifs pendant la deuxième guerre mondiale mérite de ne pas être oubliée. Et il y en a d’autres, qui, même s’ils n’ont pas (encore ?) reçu de reconnaissance officielle, ont œuvré dans le même sens, chacun à leur place. )
2 L'histoire des Van Cleef et Arpels (Blog de Jean-Jacques Richard, très documenté. )
3 Résistance à la Mosquée de Paris : histoire ou fiction ? de Michel Renard (Le film Les hommes libres d'Ismël Ferroukhi (septembre 2011) est sympathique mais entretient des rapports assez lointains avec la vérité historique. Il est exact que le chanteur Selim (Simon) Halali fut sauvé par la délivrance de papiers attestant faussement de sa musulmanité. D'autres juifs furent probablement protégés par des membres de la Mosquée dans des conditions identiques. Mais prétendre que la Mosquée de Paris a abrité et, plus encore, organisé un réseau de résistance pour sauver des juifs, ne repose sur aucun témoignage recueilli ni sur aucune archive réelle. Cela relève de l'imaginaire. )
4 La Mosquée de Paris a-t-elle sauvé des juifs entre 1940 et 1944 ? une enquête généreuse mais sans résultat de Michel Renard (Le journaliste au Figaro littéraire, Mohammed Aïssaoui, né en 1947, vient de publier un livre intitulé L’Étoile jaune et le Croissant (Gallimard, septembre 2012). Son point de départ est un étonnement : pourquoi parmi les 23 000 «justes parmi les nations» gravés sur le mémorial Yad Vashem, à Jérusalem, ne figure-t-il aucun nom arabe ou musulman ? )
5 Paroles et Mémoires des quartiers populaires. (Jacob Szmulewicz et son ami Étienne Raczymow ont répondu à des interviews pour la réalisation du film "Les garçons Ramponeau" de Patrice Spadoni, ou ils racontent leur vie et en particulier leurs actions en tant que résistants. On peut le retrouver sur le site Paroles et Mémoires des quartiers populaires. http://www.paroles-et-memoires.org/jan08/memoires.htm. (Auteur : Sylvia, Source : Canal Marches) ) 6 Les grands entretiens : Simon Liwerant (Témoignage de Simon Liwerant est né en 1928. Son père Aron Liwerant, ouvrier maroquinier né à Varsovie, et sa mère Sara née Redler, seront arrêtés et déportés sans retour. )
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