Le couple Marie* et Charles Monnier*, sans enfants, résidait à Beauchamps (Somme). Charles Monnier* était garde-champêtre.
En 1938, Marie Monnier* avait pris en nourrice Jacques Wenig, petit parisien de 2 ans et de santé fragile.
Zysman Wenig est né le 15 janvier 1913 à Kònskie (un petit village à 20 Kms de Lodz) de Israël Isaac Wenig et Esther Rivka Erenstein. Il est le dernier d'une fratrie de 7 enfants dont 3 mourront en bas âge. Il vit à Konskie jusqu'à 4 ans, au moment du décès de sa mère puis à Przed Bòrz jusqu'à 8 ans.
Son père se remarie en 1923 et la famille déménage à Lodz en laissant Zysman et Perla (sa soeur aînée) au village pour liquider les affaires. Il commence à travailler avec son père à l'âge de 8 ans dans la cordonnerie. A dix ans, il va une ou deux années à l'école de Lodz, en demi-journées. Son père quitte sa femme et comme il n'a plus de maison, il met son fils (il a alors 13 ans) à la rue et le place dans une usine où il reste la nuit comme gardien. Il travaille l'après-midi comme apprenti chez un tailleur. Le tailleur décède et Zysman part travailler chez un ouvrier qualifié.
La saison pour l'activité de tailleur pour dame étant très courte, il est obligé de multiplier les petits boulots en morte saison: il est tour à tour boulanger (ça ne dure pas longtemps car il s'endort la nuit!), distributeur de prospectus pour une cartomancienne qui l'emploie aussi comme "bonne à tout faire" en échange de nourriture, rabatteur pour un magasin de tissus... Le peu qu'il gagne est économisé pour pouvoir émigrer en France et ce avant 18 ans afin d'échapper au service militaire.
Zysman Wenig émigre en 1931 et arrive à Paris au mois de juillet au moment de l'Exposition Coloniale. Il a obtenu en Pologne une carte de séjour de 1 an renouvelable.
Il arrive chez sa soeur (émigrée en 1920 via l'Allemagne) au 90 rue du Temple dans le Marais alors surnommé le "Pletzel". Il y reste une année puis trouve une petite chambre au 71 rue du Temple (devenu le Musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme). Il y restera jusqu'à son mariage, en 1935, avec Hélène affectueusement nommée "Khayè" qui travaille avec lui comme finisseuse et avec qui il déménagera au 100 rue du Temple.
Son oncle, Bernard Erenstein (le frère de sa mère), qui l'emploie officieusement comme tailleur, demande une carte de travail pour lui qu'on lui refuse à cause de l'assassinat de Paul Doumer. Il risque l'expulsion. Il se dit alors qu'il pourrait s'engager dans l'armée. On n'en veut pas dans l'armée car il est juif polonais. Il essaye alors la Légion Etrangère d'où il est également débouté : Il est trop "gringalet".
L'oncle lui donne alors du travail qu'il exécute dans sa chambre avec une machine à coudre qu'on lui a prêté. Hélène travaille avec lui. Elle tombe enceinte. Ils se marient fin juillet 1936. Voyage de noces de 3 semaines à la frontière belge. Jacques leur premier fils naît le 22 novembre 1936. Grâce à sa naissance, Zysman obtient une carte de travail de 10 ans. Une première demande de naturalisation est refusée car Hélène a dû avorter juste après la naissance de Jacques et est fichée par la police. Il sera finalement naturalisé en 1955. (Décret du 16/12/1955). Leur deuxième fils, Roger, naît le 9 avril 1940.
En 1940, Marie* et Charles Monnier*, partis sur la route de l’exode, avaient renvoyé Jacques chez ses parents qui venaient juste d’avoir un second fils, Roger.
Le 14 mai 1941, Zysman Wenig, juif étranger, est arrêté lors de la rafle dite du billet vert. Interné au Camp de Pithiviers, il écrit presque chaque jour de longues lettres à Hélène, sa femme, sa « chère âme lumineuse ». Inlassablement, il transmet à son épouse sa formidable envie de vivre, son courage et sa détermination à l'idée de la revoir.
Le couple échange essentiellement en yidiche, leur langue maternelle. La censure du camp, qui ne maîtrisait pas cette langue vernaculaire de la communauté juive ashkénaze, interdit aux internés de l'utiliser. Mais les messages parviennent tant bien que mal à passer, souvent à l'aide d'intervenants extérieurs (employés civils, ouvriers, personnels de la Croix-Rouge, etc.) acceptant de prendre des risques par humanisme… ou appât du gain.
Au lendemain du départ forcé de son mari, Hélène n'hésite pas à parcourir en tandem les 90 kilomètres la séparant de Pithiviers. Elle vient lui apporter de la nourriture, se mêlant aux familles qui s'agglutinent contre l'enceinte du camp pour se faire entendre du père ou du fils interné. Chacun lance, par-dessus les barbelés, du pain, de la viande, des œufs… Une pagaille d'ailleurs décrite dans la lettre du lundi 4 mai 1942 de Zysman. Reste leur amour plus fort que les barbelés...
Déporté à Auschwitz le 25 juin 1942 par le convoi n° 4, Zysman travaillera comme menuisier, coiffeur et autre et survivra en partie grâce au fait qu'il parle à la fois yiddish, allemand, polonais et français. Il finit par retrouver ses proches en 1945.
Restée seule avec ses deux garçons, Hélène Wenig s’adressa à nouveau à Marie* et Charles Monnier*, rentrés chez eux. Le couple accepta de garder les deux enfants malgré la présence d’une garnison allemande dans le village et le fait qu’une partie de leur maison avait été réquisitionnée pour loger des soldats.
Le couple vivait très modestement mais Charles Monnier* réussissait toujours à obtenir de la farine, du sucre et du beurre pour nourrir «ses piots». Les garçons étaient présentés comme leurs petits-enfants alors que tous les habitants du village savaient pertinemment qu’ils n’avaient pas de descendants. Cette population fut solidaire.
Fin décembre 1942, Jacques partit rejoindre sa mère qui avait trouvé un travail de cuisinière à Compiègne. Il fut placé dans une autre famille à Compiègne tandis que Roger resta chez Marie* et Charles Monnier* jusqu’à la Libération.
Robert* et Charlotte Ruffin* accueille Jacques comme leur filleul. Il les appelle parrain et marraine. Ils le traitent comme s’il était véritablement leur fils tout au long de son séjour. Il va à l’école communale où il poursuit une scolarité normale sans être inquiété.
Dans le cadre de leur commerce, Robert* et Charlotte Ruffin* reçoivent des soldats Allemands, mais Jacques ignore tout de leurs activités secrètes.
Khayè, sa mère vient le voir aussi souvent qu’elle le peut.
Jacques reste chez les Ruffin jusqu’à la libération de Compiègne en août 1944.
Les Wenig furent réunis après le retour des camps du père mais malheureusement son grand amour Hélène de 9 ans son aînée atteinte de la maladie de Parkinson choisit de se suicider en 1949 pour ne pas imposer sa maladie.
Marie* et Charles Monnier* continuèrent à être les « grands-parents » des garçons ainsi que des enfants de Zysman Wenig remarié avec Sara Lerman après le décès de Hélène.
Les Wenig ont rendu hommage à la bravoure et à la générosité de leurs sauveurs en apposant une plaque commémorative sur leur tombe en 1997.
Le 9 août 2004, l'institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné à