Albert Delord

	Le Pasteur Albert Delord posant pour la photo dans son Église. source photo : Arch. fam. Haering crédit photo : D.R.

Albert Delord* est consacré pasteur en 1935.

Démobilisé en 1940, Albert Delord* est appelé à occuper le poste vacant de pasteur de la communauté protestante de Carmaux (Tarn).
La paroisse protestante n’était pas grande, mais il y avait énormément de réfugiés de l’est et aussi beaucoup d’enfants de différentes nationalités dont personne ne s’occupait.

Ils n'ont pas de radio et ne lisent pas de journaux. Ce n’est que beaucoup plus tard qu'il entendra parler d’un certain Général de Gaulle et du sort des Juifs en Europe.

En 1941, Paul Haering*, dit "Père-Loup", évangéliste, arrive à Carmaux pour le seconder. Ce dernier est plus particulièrement en charge de la jeunesse protestante et des scouts unionistes ouvert aux enfants à partir de sept ans.
Ils sont en relation avec la "résistance" et avec l'un de ses chefs (Monsieur Cavalier) ingénieur aux mines de Carmaux et membre de l’Église réformée.

Un beau matin de mai 1941, Albert Delord* et Paul Haering* accueillent une famille juive chargée de valises qui demande asile. Ils apprennent de leur bouche que le gouvernement français veut les livrer aux nazis pour être enfermés dans les camps. Le ciel leur tombe sur la tête ! Albert Delord* va aussitôt chez le seul juif français qu'il connaissait et lui dis de dire à ses coreligionnaires qu'il se mettait à leur service. Ils vont accueillir cette famille juive et toutes celles qui suivront.
Albert Delord* et Paul Haering* créent alors un réseau pour les cacher principalement à la campagne, et dans des foyers sûrs, accueillants et discrets et organisent des vacances pour les enfants.

Albert Delord* leur ouvre sa maison et cherche des contacts pour leur venir en aide. Il sollicite également de l'aide au Secours Quaker et au Secours Suisse.
Il convoque quelques paroissiens sur lesquels il est sûr de pouvoir compter et partage avec eux ses préoccupations. Leurs adhésions fut dès le premier jour totale. Chacun selon ses capacités et sa situation se chargea d’un secteur de notre activité : guerre, renseignements, faux papiers, secours social. Ce réseau va tenir trois ans sans une seule arrestation !

Paul Haering* et Suzanne* se marient le 29 octobre 1942 à Carmaux. Suzanne* seconde alors Albert Delord* et Paul Haering* dans toutes les activités clandestines avec une très grande discrétion et beaucoup d'efficacité.

En 1942 une garnison allemande vient s'installer à Carmaux. Il faut mettre à l'abri ceux qui risquent d'être arrêtés par les occupants.
Ils accueillent des juifs, des sarrois et des enfants de résistants de la région. La plupart avait de fausses identités (surtout les enfants juifs). Plusieurs de ces camps ont duré deux mois et il emmenait jusqu'à deux cent campeurs.
Le premier grand centre de vacances fut celui de Sauveterre-d'Aveyron. Les plus jeunes étaient logés dans un hôtel désaffecté réquisitionné grâce au fils Mangin (fils du général Mangin), qui était alors secrétaire général de la préfecture de Rodez.
Plus tard, ils s'installeront pour les vacances dans les dépendances du château de Lautrec, près de Castre dans le Tarn. Ce lieu était en réalité un centre clandestin de retour à la terre pour les juifs sionistes qui tentaient de rejoindre la Palestine en passant par l'Espagne, grâce à une filière bien organisée.
Un autre centre de vacances était situé à Vabre (Tarn).

A Lautrec, Albert Delord* fait la connaissance du Dr Joseph Jaffé qui se cachait avec sa femme dans un village des environs. Il a accepté de tenir le rôle d'intendant et de médecin. Grâce à lui, les enfants mangèrent tous à satiété et aucun ne fut malade.

Avec quelques enfants de la paroisse et de nombreux autres enfants venus d'ailleurs, le pasteur Haering* créé un groupe unioniste et ouvre plusieurs colonies de vacances dans la région : en juillet 1942 aux Brayes (près du Chambon-sur-Lignon où plus de 4000 juifs ont été cachés) et encore une aux Barraques en juin 1943. Là, le ravitaillement en denrées alimentaires était le souci constant. Il arrivait de temps à autre de trouver devant la porte le matin, un cageot de légumes apporté là par un paysan sympathique, et ils sont même autorisé à aller cueillir des cerises !

Hermann Draer, jeune juif de 22 ans, né en 1920 en Allemagne, dû quitter brusquement l’Aveyron où il était réfugié parce que les gendarmes de Naucelle s’intéressaient à lui. Harassé, il frappe un soir à la porte du pasteur Delord*, à Carmaux.
- Voilà, je suis pris de court. Je ne sais où aller.
- Tenez, lavez-vous. Je vous prépare quelque chose à manger. Vous allez dormir ici et, demain, vous irez chez mon père, Philadelphe Delord, dans le Gard. Il dirige une léproserie à la Chartreuse de Valbonne, située à Bagnols-sur-Cèze. Vous y serez à l’abri. Les allemands ont une peur noire de la lèpre. Ils n’approchent jamais le secteur.
Il y restera quelques temps avant de partir pour la Drôme, se louer comme domestique dans une métairie de Montmeyran.¹

En 1943, le pasteur Haering* commence à fabriquer des faux papiers d’identité pour les donner aux Juifs.

Les Pidhorz, juifs, habitaient à Piennes (54), un petit village minier à forte population étrangère où ils tenaient un petit commerce de confection, tissus.
Ils avaient deux enfants, Louis, né en 1937 et Régine, née en 1940 à Piennes.
Lorsque la guerre est déclarée, M. Pidhorz s'engage et est incorporé à Septfonds (Tarn-et-Garonne). Démobilisé à l'armistice, il vient rejoindre sa famille à Carmaux.
Craignant pour la sécurité de leurs enfants, les Pidhorz décident de les placer. Mais après deux essais, Mme Pidhorz confie sa fille, Régine, âgée de 2 ans, à une famille recommandée par le pasteur Albert Delord* : Isidore* et Alice Ribas*, des protestants sans enfant qui la cacheront avec deux autres fillettes juives dans leur maison du 11, rue des Saules à Carmaux. Les parents gardent avec eux leur fils plus âgé, ils pourraient s'enfuir avec lui en cas de danger. Louis est envoyé en vacances dans les camps des scouts protestants.

Carmaux a été libéré en août 1944.

Fin 1944, Albert Delord* fut appelé à diriger la léproserie de la Chartreuse de Valbonne (créé par son père Philadelphe Delord). Albert Delord* avait entre-temps épousé Edwige..., une suissesse.
Paul Haering* le remplacera au poste de pasteur de Carmaux.

Albert Delord* dira : Quand aujourd’hui je regarde à ce temps, j’ai l’impression d’avoir simplement été le rassembleur des bonnes volontés.

Lien vers le Comité français pour Yad Vashem