Préfets :
Paul Dupuy
(1936 - 11/1941) Préfet des Vosges
Edmond Jean Schmidt
(21/09/1940 - 04/11/1946) Préfet de Meurthe-et-Moselle à compétence régionale. En janvier 1942 il est promu préfet de Meurthe-et-Moselle, de la Meuse et des Vosges, sous tutelle de la Feldkommandantur
André Parmentier
(11/1941 - 09/1942) André Auguste Parmentier, Préfet des Vosges. Arrêté et révoqué par la Résistance en 1944, il est relevé de sa condamnation pour faits de Résistance (1896-1991)
Jean Spach, directeur de cabinet
Albert-René Daudonnet
(09/1942 - 1944) Albert René Daudonnet, Préfet des Vosges. Accusé d'aider la résistance, il est arrêté par la Gestapo le 14/05/1944 et libéré le 01/05/1945.
Georges Parisot
(1944 - 1946) Georges Nicolas René Robert Parisot, Préfet des Vosges
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| Centre d'internement |
Camp de Vittel
durant la Seconde Guerre mondiale (WWII)
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Texte pour ecartement lateral Commune : 88800 Vittel
Sous-préfecture : Neufchâteau - Vosges
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Période d'activité: 1940-1944
Superficie: Composé de plusieurs hôtels, du Parc thermal et du Casino
Population internée: Civils étrangers et Juifs |
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Plaque apposée par la Fédération des sociétés juives de France, le 6 février 1955
source photo : Arch.
crédit photo : D.R. |
Histoire
Le camp de Vittel « accueillait » des possesseurs de passeports américains ou britanniques. Plusieurs milliers de personnes connaîtront le camp de Vittel, soit pour un internement de longue durée, soit très brièvement comme camp de transit vers une destination d’échange.
27/08/2009
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Origine et situation du camp de Vittel
En 1939, Vittel, station thermale réputée, dispose d’une capacité hôtelière importante, les dépliants publicitaires de l’époque évoquent plus de 2000 chambres. Certaines sont luxueuses, d’autres plus modestes. Le commandement français, à la recherche d’une structure d’hébergement située près de la ligne de front probable, crée à Vittel, à la fin de l’année 1939, "l’hôpital d’évacuation n° 5".
C’est le début d’une affectation militaire du complexe hôtelier de Vittel, qui durera près de 5 années, jusqu’à la Libération de la ville par les troupes du général Leclerc.
A l’origine, 11 hôtels dispersés sur le site, tiennent lieu d’hôpitaux de campagne, mais très rapidement, au mois de juin 1940, après l’offensive ennemie et devant l’afflux de blessés, les moyens médicaux bien mal répartis, sont regroupés dans les locaux du seul "hôtel Continental", au numéro 80 de l’avenue Bouloumié. L’hôtel est alors rebaptisé par l’administration militaire française : "HCC, Hôpital Complémentaire Continental".
Des centaines de soldats y sont soignés, ainsi que les victimes civiles des bombardements. En moins d’une année, de décembre 1939 au mois d’octobre 1940, 160 blessés rendent leur dernier soupir à l’hôtel "Continental"1 : 28 civils, dont 7 enfants, 129 soldats français, dont 43 appartiennent aux troupes coloniales, et aussi, 3 soldats allemands.
Peu après l’armistice du 22 juin 1940, au début du mois d’août, le commandement allemand prend le contrôle de l’hôpital Continental qui est alors réaffecté en "hôpital fermé pour prisonniers de guerre".
En fait de prisonniers de guerre, les soldats français de métropole seront très rapidement expédiés en Allemagne et ne sont retenus prisonniers à Vittel que les soldats indigènes de l’armée française, tirailleurs sénégalais et soldats Martiniquais essentiellement, qui tout au long de l’occupation sont assignés par les allemands aux petites tâches ingrates du camp. En contrepartie, ils jouissent d’une relative liberté de circulation dans le camp et les vitellois les croisent même parfois dans la ville.
Dès l’armistice, Berlin donne l’ordre de procéder à l’arrestation de tous les civils anglais se trouvant sur le sol français. Les Britanniques font de même, au nom de la sécurité intérieure, à l’encontre des citoyens allemands se trouvant sur les territoires de la Couronne et notamment en Palestine alors sous mandat britannique.
En France, les citoyens anglais sont rassemblés au camp de Besançon pour les femmes et les vieillards, et dans les camps de Saint-Denis et de Compiègne pour les hommes.
Les conditions de détention à camp de Besançon sont épouvantables. Nourriture très insuffisante et avariée, couches de paille à même le sol, aucune commodité concernant l’hygiène la plus élémentaire. Le surpeuplement, la promiscuité, le froid et la saleté favorisent le développement de la vermine, et aussi l’apparition et la diffusion de maladies.
Chaque jour qui passe, l’on déplore le décès de nombreux détenus âgés ou fragiles.
Les Allemands, pressés par le CICR, mais surtout par Winston Churchill qui menace de transférer les prisonniers allemands à l’extrême nord du Canada, cherchent une alternative médicalisée, au camp de Besançon et l’ensemble hôtelier qui jouxte l’hôpital fermé pour prisonniers de guerre, installé dans les murs de l’hôtel Continental de Vittel, s’impose à eux comme une évidence. Aussi, au mois d’avril 1941, l’hôpital et les hôtels avoisinants sont inclus dans une enceinte hermétique, délimitée par un réseau de barbelés de plus de trois mètres de haut.
L’entrée du camp est située avenue Bouloumié, par une porte étroitement gardée par un détachement de soldats allemands, à hauteur de la villa Sainte Marie. Les détenus nationaux, anglais, canadiens et américains seront essentiellement logés dans 6 hôtels :
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L’hôtel des Thermes,
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Le Central Hôtel,
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L’hôtel des Sources,
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L’hôtel Continental,
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L’hôtel Cérès,
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Le Grand Hôtel.
Par la suite, les détenus juifs occuperont principalement les quatre hôtels situés en marge du camp :
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L’hôtel de la Providence,
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Le Nouvel Hôtel,
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Le Splendid Hôtel, (actuellement centre hospitalier de Vittel)
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L’hôtel Beau Site.
L’hôpital qui tient également lieu de maternité est transféré au Palace Hôtel qui concentre tous les moyens médicaux.
Ainsi, est né le camp de prisonniers de Vittel. Il fait partie d’un ensemble de stalags placés sous l’autorité du commandement allemand de la zone interdite. Les autres camps de cet ensemble sont situés à Nancy, Vesoul, Le Donon, Luxembourg et Châlons-sur-Marne.
Mais, seul le camp de Vittel a une vocation très particulière, celle de recevoir exclusivement des prisonniers civils anglais et canadiens et son appellation officielle devient : "Centre d’internement pour prisonniers civils britanniques".
Dans les faits, la spécificité britannique du camp sera étendue par la suite à tous les ressortissants civils des nations alliées au fur et à mesure de leur entrée en guerre.
Le chemin de ronde qui ceinture le parc et les hôtels est parcouru jour et nuit par des soldats allemands en armes.
Le camp de Vittel est placé sous la Kommandantur d’un officier d’artillerie d’origine autrichienne, le commandant Otto Landhauser, assisté du capitaine Steffahn (que les Vittellois surnommeront avec justesse "peau de vache") et du sous-officier Erwin Serve. Les soldats sous leurs ordres ont étés retirés du combat par manque d’efficacité ou pour cause de blessures.
Malgré une apparente bonhomie du commandement, ce sont tous des soldats aux ordres, n’hésitant pas à sanctionner et même à expédier discrètement les prisonniers indociles vers des camps situés en territoire allemand aux conditions de vie infiniment plus dures.
Landhauser est en liaison régulière avec Delcker chef de l’état-major administratif du district militaire de Dijon, mais plus encore avec Heinz Rothke et Aloïs Brunner les commandants successifs du camp de Drancy. Il semble que le commandement allemand considère le camp de Vittel comme une extension, un satellite ou un "fournisseur" potentiel du camp de Drancy.
L’obéissance des soldats allemands du camp de Vittel est conditionnée par la crainte qu’un évènement malheureux dans le camp, une épidémie ou évasion massive par exemple, ne se traduise, pour eux, par un transfert au front et le commandant Landhauser redoute plus que tout, une mutation en Russie. Dans cette éventualité redoutée, il tente même de s’initier aux rudiments de la langue, auprès de détenus soviétiques.
Le 1er mai 1941, arrivent en provenance de Besançon, près de 2 000 femmes et enfants britanniques, des religieuses canadiennes très nombreuses, ainsi que plusieurs dizaines de vieillards isolés dont les religieuses ont la charge.
Tous ces prisonniers arrêtés en France, où beaucoup sont établis, se sont laissés surprendre par la rapidité de la débâcle. Toutes les couches sociales sont représentées, des riches épouses de propriétaires d’écuries de courses aux prostituées anglaises de Pigalle.
Dans un rapport du mois de février 1942, Landhauser précise que selon sa discrète enquête, parmi ces anglaises, seulement 33 sont juives dont 8 originaires de Palestine ou possédant des documents d’immigration vers la Palestine2.
Cette précision prendra par la suite une grande importance.
29/11/2012
Auteur : Jean Camille Bloch
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La vie au camp de Vittel
En dehors de la privation de liberté et du respect d’un minimum de discipline, le camp de Vittel n’a absolument rien de commun avec un camp de concentration et encore moins avec un camp d’extermination, les conditions de vie et de survie y sont infiniment moins rudes.
A l’inverse du pain moisi de Besançon, à Vittel le pain frais est livré régulièrement et en quantité suffisante.
Une cuisine centrale, alimentée par les Allemands, fournit invariablement de la soupe, des pommes de terre et quelques spécialités charcutières germaniques. L’essentiel de la nourriture des prisonniers est apportée par les colis de la Croix- Rouge, omniprésente, de sorte que l’alimentation, en quantité, est probablement bien supérieure à celle de la population locale soumise au rationnement et aux aléas du marché noir.
Au travers des barbelés, les détenus organisent un système de troc avec les habitants. On échange le contenu constant des colis de la Croix- Rouge, notamment les cigarettes, contre des légumes et des fruits frais.
Ces échanges sont très mal perçus par les inspecteurs du CICR, mais encore davantage par le commandement du camp dont les soldats se fournissent largement en denrées et cigarettes, dans les colis de la Croix-Rouge.
Compte tenu des nombreuses salles de bain et cabinets de toilette dont disposent les hôtels, les conditions d’hygiène sont satisfaisantes, il n’y eu jamais à Vittel de prolifération de vermine ou de maladies consécutives à une hygiène sommaire.
Pour les objets de première nécessité qui peuvent nous paraître futiles, mais qui prennent une tout autre dimension lorsqu’ils font défaut, tels que casseroles, réchauds, etc., les internés font preuve d’une imagination sans bornes, en constituant de petits ateliers où d’habiles vieillards transforment les boîtes de conserves vides en de précieux ustensiles.
Les problèmes de santé ne sont pas négligés et pris en charge dans un hôpital servi par des médecins et des infirmières prisonniers. Citons, en particulier, pour leur efficacité et leur grand courage, les médecins français René Pigache et Jean Lévy ainsi qu’un médecin écossais, le docteur Menteith.
Selon de nombreux témoignages, le docteur Lévy, jeune prisonnier de guerre Français et juif, est un peu l’âme du camp. Outre sa qualité d’excellent chirurgien, il est le soutien des plus affligés et le peu de liberté dont il jouit pour soigner des militaires allemands, en dehors du camp, en fait le correspondant et un allié actif de la Résistance locale. Son dévouement et son courage ont permis de sauver plusieurs internés voués à la déportation.
La pratique des cultes est admise. Le camp dispose d’une petite église, d’un prêtre catholique et de pasteurs anglicans. Par la suite, le premier contingent important de prisonniers juifs, comprendra plusieurs rabbins de grand renom dans ses rangs et les fêtes juives seront célébrées avec les moyens du bord.
Cette communauté anglaise captive reconstitue inconsciemment, au cœur des Vosges, un microcosme britannique. Il y a là les femmes très aisées, qui se comportent comme des "ladies", monnayant tous les avantages qu’elles peuvent obtenir tels la dispense de corvées et des femmes plus modestes, préoccupées par le sort de leurs maris et de leurs frères qui se battent quelque part en Europe ou en Afrique.
Des clans se forment par affinités. Les jalousies, les mesquineries vont bon train, alimentées par l’oisiveté ambiante.
Les prostituées elles, se sont réorganisées au tour d’une ancienne tenancière de maison close et monnayent leurs charmes auprès des prisonniers indigènes et des soldats allemands.
Fort heureusement, sous l’impulsion de quelques femmes admirables, de nombreuses activités s’organisent : des conférences sont données, une bibliothèque est constituée, des chorales préparent des concerts, des compétitions sportives sont mises sur pied, les cours de musique et de langues ont du succès ainsi que les pièces de théâtre montées par les internés. Un cinématographe dispense régulièrement de vieux films français et Landhauser y impose quelques films antisémites tel Le juif Süss.
La vie s’organise pour tuer l’ennui et pour oublier, ne serait-ce qu’un instant, les proches dont on est sans nouvelles.
Avec la venue de prisonniers anglais et américains en provenance de camps allemands, 12 mariages chrétiens sont célébrés et, jusqu’à la Libération, on compte plus de 40 naissances1.
Le comité local de la Croix-Rouge est dirigé par une personnalité de Vittel, Madame Germaine Bouloumié, héritière du fondateur des thermes et qui sera par ailleurs, après-guerre, présidente de la Société des eaux pendant 27 ans.
Rendons hommage à cette grande dame qui jusqu’à la libération, ne ménage pas ses efforts pour venir en aide à tous les internés.
Au mois d’octobre 1941, elle établit le rapport suivant2 :
"Le ravitaillement reste toujours très largement assuré par les colis reçus régulièrement des Croix-Rouges canadienne et anglaise. Nous sommes encore chargés de faire parvenir au camp de Troyes 5 à 600 kilos de conserves que les internés de Vittel envoient à leurs compatriotes moins favorisés.
A ce jour nous avons déjà livré aux internés britanniques 5 000 mètres de tissu, 1200 paires de bas, du coton à tricoter et à repriser, des gants et serviettes de toilettes, des chaussures, etc. et nous attendons encore de nouveaux arrivages de tissus, bas, lingerie ces jours-ci.
Les internés ont d’ailleurs reçu d’Amérique et d’Angleterre d’importantes quantités de vêtements et de tissus et paraissent donc être pourvus pour cet hiver d’un vestiaire suffisant…
En ce qui concerne les indigènes, j’ai organisé, grâce à la bonne volonté de l’ouvroir vittellois, le raccommodage et l’entretien des vêtements et linge des prisonniers noirs actuellement cantonnés à Vittel. Je crois que c’est une mesure indispensable à prendre partout où il y a des prisonniers indigènes, pour leur permettre de passer l’hiver avec des vêtements en bon état."
09/06/2010
Auteur : Jean Camille Bloch
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Les objectifs allemands du camp de Vittel
Dans sa définition de camp de prisonniers civils, le camp de Vittel recouvre pour le haut commandement allemand un double objectif.
1er objectif - Constituer un "réservoir" de prisonniers négociables
Les allemands, envisagent ces prisonniers civils comme des marchandises que l’on peut troquer contre tel ou tel avantage.
Ils échafaudent même, en 1941, l’idée farfelue d’échanger leurs prisonniers anglais contre une paix séparée avec cette Nation.
Le projet ayant fait long feu, ne restait plus que la possibilité d’échange contre des citoyens allemands détenus par les alliés. D’autant plus que les États-Unis décident, à la même époque, invoquant des risques d’espionnage et un danger pour la sécurité du pays et de ses alliés, la détention d’environ 2 000 citoyens allemands résidant en Amérique du Nord et de 4 000 autres Allemands installés en Amérique latine. Les Britanniques font de même sur tous les territoires du Royaume.
En Palestine sous mandat britannique, environ 2 000 Allemands, hommes et femmes sont détenus par les Anglais. Leurs familles pressent les autorités allemandes d’accélérer leur retour. C’est la raison pour laquelle, tout au long du conflit, les prisonniers juifs titulaires de passeports palestiniens, seront particulièrement ménagés en vue d’un éventuel échange.
Pris à son propre piège, Hitler confie à Heinrich Himmler la responsabilité de mener les négociations d’échanges. Le stratège nazi fait alors accélérer les arrestations pour disposer du plus grand "réservoir" possible de prisonniers négociables. Mais les autorités anglaises craignant les incidents entre communautés arabe et juive en Palestine, rechignent à délivrer des autorisations, aussi les titulaires de documents d’immigration vers la Palestine sont-ils peu nombreux.
Les "stocks allemands" ainsi constitués sont transférés dans deux camps destinés à accueillir cette monnaie d’échange, Vittel et le sinistre camp de Bergen-Belsen, qui ne sera converti en camp d’extermination qu’à partir du mois d’avril 1943.
Au total, ce sont plusieurs milliers de personnes qui connaîtront le camp de Vittel, soit pour un internement de longue durée, soit, comme camp de transit vers une destination d’échange. La population captive de Vittel, fluctue tout au long du conflit entre 2500 et 3500 personnes.
Les négociations s’enlisent rapidement, Himmler exigeant au départ, l’échange d’un prisonnier détenu à Vittel ou à Bergen-Belsen contre quatre prisonniers allemands détenus par les alliés.
Après de longs mois de négociations, la situation ne se débloque que très partiellement permettant quelques rares échanges. Le premier échange significatif, n’eut lieu à Vittel, qu’à la fin de l’année 1943.
100 femmes anglaises détenues à Vittel, prennent le chemin de la Suède, pour y être échangées contre une centaine d’infirmières militaires allemandes détenues par les alliés. Il faudra ensuite attendre le débarquement allié pour que les allemands acculés militairement et manquant d’effectifs, consentent à un échange de 1000 prisonniers anglo-américains contre des soldats et des civils allemands dont nous ignorons le nombre. L’échange se déroula à Lisbonne.
Globalement, selon les observateurs avisés, la politique d’échange de prisonniers est un échec retentissant. Les alliés qui détiennent des milliers de prisonniers civils allemands ne craignent pas de ce fait pour le sort des leurs et par ailleurs, ils sont plus préoccupés par la stratégie militaire et la victoire finale. Ils ne jettent pas dans la négociation les efforts nécessaires en vue d’épargner, peut-être, des centaines de vies à Bergen-Belsen et à Vittel. Le sort des détenus juifs, minoritaires, n’est visiblement pas une priorité.
Un rapport récent, commandé par le gouvernement Belge confirme que les alliés se sont désintéressés du sort des prisonniers et notamment de celui des 30 000 déportés juifs arrêtés en Belgique3.
Les prisonniers anglais de Vittel seront bientôt rejoints par des prisonniers américains et, plus tardivement, par des otages juifs polonais, russes, belges, hollandais et bien d’autres.
Bien que la population du camp de Vittel concerne des milliers de personnes détenues le plus souvent pendant plusieurs années, beaucoup seront libérées saines et sauves en septembre 1944, beaucoup à l’exception des prisonniers juifs polonais.
Himmler écrit, au mois de décembre 1942, à leur propos4 :
"... Ces juifs devront travailler mais rester bien portants et en vie ; ces juifs sont pour nous des otages d’une grande valeur et je pense que leur nombre atteindra environ dix mille..."
S’il est exact que le commandement allemand souhaite échanger ses citoyens détenus en Palestine contre des juifs Palestiniens, les autres échanges de prisonniers juifs ne sont qu’une sinistre supercherie destinée à rassurer les organisations internationales, comme le démontre de nombreuses notes internes du commandement. On apprit après-guerre, à la lecture des courriers de la Gestapo, que les allemands classifiaient les juifs en trois catégories5 :
I Les juifs des États-Unis et de Grande-Bretagne dont la Palestine,
II Les juifs d’autres nationalités ou à la nationalité douteuse,
III Les juifs apatrides.
Seule la première catégorie pouvait donner lieu à un échange et était de ce fait théoriquement intouchable, pour les autres catégories, les allemands entretenaient l’illusion à des fins diplomatiques.
Les détenues juives palestiniennes étaient d’autant plus protégées, que le commandement allemand en France, se plaint auprès de Landhauser de ne pas avoir assez de femmes juives palestiniennes à échanger contre des prisonnières allemandes internées en Palestine6.
2ème objectif - Être "l’alibi" du respect des conventions internationales
Par ses conditions de vie qui, apparemment, respectent les accords de Genève concernant la détention de prisonniers de guerre, le camp de Vittel est la «vitrine» des autorités allemandes pour justifier aux yeux de la planète tout entière leur prétendue "humanité".
Les falsificateurs de l’histoire et de la mémoire, s’appuyant sur des rapports du CICR, en ont d’ailleurs fait leur étendard, pour tenter de démontrer que les nazis n’étaient point des barbares et que les juifs, par contre, étaient d’incorrigibles pleurnicheurs.
Même parmi la population juive des différents camps de détention en France, en Allemagne ou en Pologne, le courrier qui parvient à circuler présente Vittel comme une sorte de paradis sur terre. La seule évocation du camp de Vittel est synonyme de conditions de détentions idylliques et d’un avenir prometteur. Cette représentation qui n’est pas totalement injustifiée, à condition de ne pas être juif, a perduré jusqu’à nos jours.
Comme nous avons tenté de le souligner, Vittel est l’exception des camps allemands dans tous les territoires soumis à l’hégémonie du Reich.
Dans la perspective d’un échange, il est nécessaire de garder les prisonniers en vie et la présence permanente de la Croix-Rouge, soucieuse de rassurer les États-Unis et l’Angleterre, n’autorise pas les mauvais traitements.
Les nazis tournent d’ailleurs un film de propagande dans le camp de Vittel et diffusent largement, au monde entier, les images choisies de cette sorte de "appartement témoin" des camps nazis.
09/06/2010
Auteur : Jean Camille Bloch
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L'arrivée des Juifs polonais
Le 23 janvier 1943, arrivent à l’hôtel de la Providence, 198 juifs polonais de Varsovie, suivis, le 22 mai, de 61 autres juifs, combattants et survivants des ghettos, dans lesquels chacun a perdu une grande partie de sa famille.
L’hôtel de la Providence se situe avenue de Châtillon à l’écart des grands hôtels du parc, mais très rapidement, au travers des fenêtres et de part et d’autre, des contacts vont s’établir avec quelques occupants anglais et américains des hôtels voisins.
A la même époque, sont également arrivés au camp de Vittel des prisonniers juifs en provenance des camps de Drancy, de Gleiwitz en Silésie et des camps de Westerbork au Pays-Bas et Malines en Belgique. Tous ces captifs sont d’origine polonaise et possèdent des autorisations d’immigration.
Quelques jours plus tard, au mois de février, sont internées des femmes juives russes puis des femmes juives libyennes accompagnées de nombreux enfants, ex otages de l’Afrika Korps de Rommel.
Nous estimons que le nombre de détenus juifs, à cette époque, se situe entre 400 et 450. Les différents documents que nous avons réunis, ne nous permettent d’en identifier formellement que 334.
Lanhauser informe à plusieurs reprises Aloïs Brunner, qui à son tour en informera Eichmann, que le camp est surpeuplé et qu’il ne peut plus accepter pour le moment d’autres prisonniers juifs7.
L’enlisement des négociations d’échange n’a pas permis de libérer suffisamment de places.
Gentil docteur Jekyll avec les détenus chrétiens, il se révèle impitoyable mister Hyde avec les juifs, mais toujours très prudemment en prenant garde qu’il n’y ait pas de témoins étrangers à ses forfaits.
C’est pourtant bien sous sont commandement que la totalité des femmes et des enfants lybiens de Vittel sont transférés vers les camps d’extermination où tous perdront la vie. C’est encore lui qui 1943 et toujours dans la plus grande discrétion transfère à Auschwitz au moins une détenue jugée indocile, d’origine polonaise, qui avaient obtenu sa nationalité anglaise par mariage, comme nous le rapporte Madeleine White-Steinberg.
Dans le camp, Landhauser fait tout ce qui lui est possible pour différencier, dès leur arrivée, le traitement des juifs de celui des autres internés et il voit d’un très mauvais oeil se tisser des liens avec quelques prisonnières anglaises.
Les dévoués médecins du camp sont priés de se désintéresser de la santé de ces prisonniers8 et les anglaises qui font preuve de compassion voient s’abattre sur elles, menaces et tracasseries de tous ordres.
Il est par ailleurs curieux de constater qu’alors que le taux de mortalité du camp de Vittel est globalement extrêmement faible, en quelques mois, 20 détenus juifs polonais font l’objet d’un acte de décès en mairie de Vittel, dont 4 enfants de moins de 11 ans9. Il est vrai qu’il s’agit d’une population particulièrement fragilisée et le traitement différencié ne pouvait qu’aggraver sa situation sanitaire.
Ces nouveaux arrivants, exténués, affligés, fantomatiques aux dires des détenus anglo-américains, ont été réunis par les nazis, à la prison de Pawiak puis à l’hôtel Polski de Varsovie, dans la perspective d’un échange contre des citoyens allemands détenus par les Américains. C’est du moins ce que les Allemands leur ont laissé espérer.
Ils sont tous en possessions de passeports ou de documents d’immigration délivrés par des pays sud-américains.
La rumeur de l’hôtel Polski s’était vite répandue dans le ghetto et, sortant de leurs cachettes, près de 2 100 juifs polonais, acculés, désespérés, se jettent dans le piège, dernier espoir de survie dans le cadre d’un échange de prisonniers.
Une commission d’enquête de la gestapo procèdera sur place à un prétendu examen des documents. Près de 300 personnes seront alors transférées à Vittel, 1400 personnes à Bergen-Belsen et 400 autres détenteurs de documents sont transportés dans les ruines du ghetto pour y être aussitôt fusillées. Seuls les "transférés" de Vittel resteront provisoirement en vie, ceux de Bergen-Belsen seront rapidement expédiés à Auschwitz.
Exécution immédiate pour les uns, espoir de survie pour les autres, comment cette sélection a-t’elle été effectuée ? Sur la base de quels critères les documents ont-ils été acceptés ou refusés ? Nous l’ignorons et il n’est pas certain qu’il y ait une réponse logique aux décisions nazies.
09/06/2010
Auteur : Jean Camille Bloch
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L'intégration au camp
Pour ces survivants des ghettos, les conditions de subsistance dans le camp de Vittel, sont infiniment plus confortables, mais le cœur est chargé des souffrances encore proches. Les pensées de ces malheureux sont ailleurs, là où ils ont vécu l’enfer, là où ils ont perdu une partie de leur famille.
Une détenue, Mary Berg, note dans son journal10 :
"Plus le temps passe, plus le souvenir des parents et des amis que j’ai laissés au ghetto me poursuit, je revois leurs visages anxieux et j’ai souvent des cauchemars".
Le poète et dramaturge Itzhak Katzenelson11 traduit bien cette désespérance. Indifférent à toute autre chose, il vit et revit, le passé tragique de sa famille exécutée à Varsovie. Dans son journal intime de Vittel, il écrit : "Mon fils Zwi et moi sommes maintenant à Vittel, je suis arrivé sans mes chers fils et ma femme Hanna. Si seulement Hanna était avec moi, si seulement Benzikel et Benjamin étaient ici, je crains que ma solitude ne me rende fou. Zwi seulement ne me suffit pas, le monde autour de moi est ici sombre et désolé".
Par la suite, Katzenelson se ressaisira, écrira en quelques mois à Vittel plusieurs pièces de théâtre et un poème magnifique devenu célèbre le chant du peuple juif assassiné. Ces écrits seront sauvés et feront le tour du monde. Une partie, sera cachée par d’autres détenus dans des bouteilles vides enterrées sous un arbre du parc, où ils seront retrouvés après la libération du camp. D’autres écrits sont sortis en fraude du camp, par Françoise Rabichon une vitelloise qui y travaillait comme lingère.
Tous les témoignages sont unanimes, le sort des prisonniers juifs polonais, n’est pas la préoccupation première de la majorité des autres prisonniers plus soucieux de leur confort personnel et de ne pas mettre en danger les avantages acquis dans le camp.
Encore une fois, comme elles ont organisé les activités du camp, quelques prisonnières anglaises courageuses et généreuses, véritables résistantes à l’oppression nazie, vont prendre les choses en mains pour alléger la souffrance de ces nouveaux arrivants.
Madeleine WHITE, Sofka SKIPWITH*, Laura HANNAGAN, Mary BERG et quelques autres, organisent à leur intention des cours d’anglais, dans l’éventualité où ces déracinés pourraient aller vivre dans un pays anglo-saxon et les intègrent également aux activités diverses du camp.
La majorité de ces prisonniers, ne s’exprime qu’en yiddish ou en Polonais.
L’école du camp tenue par les religieuses canadiennes et fréquentée presque exclusivement par les enfants juifs polonais sera à l’origine de frictions entre les communautés du camp. Selon Hillel Seidman, des incidents ont lieu entre les détenus juifs et les religieuses canadiennes qui se sont assigné pour mission de convertir les petits enfants juifs polonais.
Néanmoins, après que des universitaires polonais aient repris en charge l’instruction de ces enfants, les tensions s’apaisent et il y eut jusqu’au drame une période de bonne cohabitation. Les artistes et musiciens polonais internés apportent une contribution modérée aux activités culturelles du camp.
Au mois de décembre 1943, à l’approche de Noël, tous les enfants du camp organisent un spectacle à la fin duquel ils entonnent un vieux chant révolutionnaire la Varsovienne, en l’honneur des juifs polonais internés, ce qui entraîne la colère de la direction allemande du camp et des sanctions à l’encontre des organisatrices anglaises.
Landhauser ne tolère pas le moindre signe de compassion envers les détenus juifs.
29/11/2012
Auteur : Jean Camille Bloch
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Les documents d'immigration
Tous ces détenus provisoirement épargnés sont porteurs de passeports, de titres de propriétés foncières ou de promesses d’autorisations d’immigration vers l’Amérique du Sud, obtenus, soit en bonne et due forme et par précaution au début de la guerre, soit parfois par corruption de fonctionnaires.
Un certain nombre de ces documents sont même entièrement faux, contrefaits par des organisations juives américaines et entrés en contrebande en Pologne.
Comble de cynisme, des quantités de documents interceptés en Pologne par les Allemands, qu’ils soient vrais ou faux, sont revendus par ceux-ci à l’hôtel Polski, à prix d’or et aux plus offrants.
Le coût d’un document, bien que l’on ignore tout de son authenticité, est extrêmement élevé pour l’époque, les témoins parlent couramment de 1500 dollars.
1500 dollars pour acquérir un espoir de survie, les familles acculées vendent jusqu’à leurs alliances et leurs dents en métal précieux pour les obtenir.
Afin de ne pas éveiller les soupçons, les allemands utilisent des intermédiaires juifs qui espèrent ainsi "sauver leur peau", c’était le cas de deux internés de Vittel.
L’un d’eux qui poursuivra sa collaboration avec les Allemands à Vittel, aurait été fusillé par les résistants vosgiens, selon des témoignages locaux qui n’ont pu être recoupés par des documents. Le second dont plusieurs témoins rapportent qu’il dissimulait dans ses poches bijoux et pierres précieuses, réussit à s’évader du train qui le menait à Auschwitz, dans des circonstances non éclaircies. Il est plausible d’imaginer que le contenu de ses poches a joué un rôle dans cette évasion rarissime.
Personne n’est dupe quant à la validité de certains documents et surtout pas les nazis "qui tirent les ficelles". Mais la perspective de satisfaire aux directives d’Himmler et la cupidité, priment sur les états d’âme et les soupçons.
En ce qui concerne les détenus juifs polonais de Vittel, toutes les origines de documents d’immigration n’ont pu être retrouvées, mais sur la base des 259 origines recensées avec certitude, trois pays tiennent une place importante et constituent les principaux pourvoyeurs, il s’agit du Paraguay, du Honduras et du Costa-Rica :
La parcimonie des autorités anglaises à délivrer des passeports pour la Palestine, à contraint toutes ces familles à se retourner vers des représentations d’Amérique Latine apparemment moins exigeantes.
Les principales sources de ces documents se situent dans les Consulats de Suisse. Le contenu des documents est souvent très sibyllin, l’on retrouve souvent la formulation suivante :
"Faisant suite à vos démarches, vous êtes reconnus citoyens de notre état".
Il est difficile de déterminer, si tous ces diplomates en poste en Suisse étaient des humanistes ou à contrario des nervis du Reich, car il ne fait aucun doute que l’opération "passeport pour des juifs" a été montée de toutes pièces par les autorités nazies, sur ordre d’Himmler. Tous les historiens s’accordent sur ce point. Il y avait d’ailleurs eu un dramatique précédent en Pologne avec des autorisations délivrées par l’Office d’émigration vers la Palestine, basé à Constantinople.
Les consuls du Paraguay et du Honduras à Berne voulaient prendre sincèrement et de bonne foi, leur part au sauvetage des juifs, en délivrant gratuitement des visas, mais avaient-ils l’aval de leurs gouvernements respectifs ? Le consul de Cuba, un certain José Alberni, avait lui, monté une véritable entreprise commerciale, exigeant 75000 francs par visa (500 dollars).
Non seulement Alberni ne fournit pas les documents, mais de plus, il se montra violent avec les demandeurs bernés qui exigeaient la restitution de leurs maigres économies.
Pour compliquer encore la situation, un bon nombre de destinataires de ces documents, seront tués au cours du siège et de l’insurrection des ghettos. Les familles des disparus, vont en faire bénéficier d’autres candidats au départ qui se présentent ainsi à Vittel, sous de fausses identités.
Les organisations juives polonaises, acculées, font en sorte que chaque document soit utile, que chaque document soit un espoir de sauver au moins une vie. Pour les juifs de Pologne, il n’existe pas d’autre alternative.
Le docteur Hillel Seidman, l’un des acteurs de la résistance du ghetto de Varsovie et par la suite témoin essentiel, nous explique dans l’un de ses ouvrages Journal du ghetto de Varsovie par quel concours de circonstances il a été dirigé sur Vittel :
"i>J’étais en contact avec les juifs détenus à la prison de Pawiak par l’entremise de groupes de résistants. Une famille incarcérée munie d’un passeport familial sud-américain, la famille Eisenzweig, me proposa de me joindre à eux. J’ai fait établir des documents prouvant mon appartenance à cette famille et c’est comme cela que je suis devenu paraguayen sous le patronyme d’Eisenzweig. Je me suis alors rendu à la section des étrangers de la gestapo qui m’interna aussitôt à Pawiak. C’était un coup de chance, car il était infiniment plus sur d’être interné à Pawiak, que de se maintenir dans le ghetto. Je passe ici, sur tous les dangers que nous avons vécus à partir de cet internement, (ndlr : il fait certainement référence à ses amis qui dans les mêmes circonstances ont été fusillés ou déportés à Auschwitz) mais finalement j’ai été transféré avec 400 autres détenteurs de documents, au camp de Compiègne en France, puis de Compiègne à Vittel dans les Vosges.
09/06/2010
Auteur : Jean Camille Bloch
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La résistance interne
Au début de l’année 1943, personne dans le camp de Vittel, à part Landhauser et ses lieutenants, n’a connaissance du sort des ghettos polonais, pas plus que l’on imagine un seul instant l’existence de camps d’extermination. L’idée la plus répandue est que les juifs, au pire, sont envoyés en Allemagne, pour y travailler dans des usines. C’est d’ailleurs la version officielle des autorités allemandes, version reprise par Landhauser lorsque les détenus anglo-américains le pressent de questions.
Quelques détenus polonais, qui eux n’ont plus aucune illusion concernant leur avenir, racontent leur tragique histoire aux résistantes anglaises, leur demandant de témoigner après-guerre de l’horreur des ghettos et de l’extermination de trois millions de juifs polonais. Les récits se suivent, plus insupportables les uns que les autres.
Un petit enfant raconte à Madeleine White comment il a été extrait par des paysans d’une fosse commune dans laquelle il avait été jeté avec ses parents et dont il était le seul survivant. Puis, caché dans une valise, remis à une famille juive en partance pour Vittel, famille qui venait de perdre dans le ghetto de Varsovie un enfant mort de privations.
Les quelques dames anglaises sont stupéfaites par ces révélations à l’opposé des discours de Landhauser, dont elles avaient pourtant remarqué l’attitude hostile à l’égard des juifs du camp. Elles prennent conscience de la gravité de la situation et du danger qui guette en priorité ces nouveaux détenus de Vittel.
Il s’agit bien de quelques dames seulement, sept ou huit au grand maximum, en y incluant Rosy qui gère la petite épicerie du camp. Le reste de la population du camp se satisfait des propos rassurants du commandant.
Dès lors, les quelques anglaises rebelles et courageuses, tentent d’organiser la résistance interne. Elles le font en liaison avec la Résistance locale à l’extérieur du camp, par l’intermédiaire du docteur Levy et de quelques ouvriers autorisés à effectuer des travaux dans le camp.
Leur action revêt deux aspects :
Organiser des évasions, en particulier celles des enfants, Alerter les instances internationales sur la présence de ces juifs polonais à Vittel.
Elles recensent scrupuleusement les caches possibles dans tous les recoins et greniers des hôtels, mémorisent les rondes des gardiens, cachent les outils nécessaires pour franchir les rideaux de barbelés, lesquels outils ont été ostensiblement "oubliés" dans le camp par les ouvriers vitellois.
En ce qui concerne les évasions, elles mettent sur pied un projet très ambitieux de transfert massif des enfants vers la Suisse. Malheureusement le projet qui implique des complicités rémunérées, nécessite des moyens financiers importants et la vente de leurs bijoux est loin d’y subvenir.
Elles révisent alors leur plan à la baisse, dans un nouveau projet d’évasion coordonné avec la Résistance locale qui propose de cacher douze enfants dans des fermes vosgiennes reculées.
Tout est prêt, mais il n’avait pas été prévu que les familles qui avaient déjà perdu des enfants dans les ghettos, refusent de se séparer de leurs enfants survivants, une seule famille accepte pour sa petite fille qui sera sauvée.
Peu après, un bébé suivra le même chemin. Après avoir découpé les rangées de barbelés, le bébé confortablement installé dans un colis vide de la Croix-Rouge, a été remis entre des mains anonymes qui disparurent dans la nuit de Vittel. L’opération réussie sera renouvelée à plusieurs reprises pour extraire des adultes et un pilote néo-zélandais.
Il est possible selon différents récits, d’estimer au total à une quarantaine de personnes le nombre d’évadés du camp de Vittel, en majorité des prisonnières anglo-américaines non-juives. L’étroite surveillance et l’isolement organisé des détenus polonais rendent les projets d’évasion les concernant, beaucoup plus délicats.
L’autre mission que ce sont assignée ces authentiques résistantes, consiste à alerter les organisations juives internationales et les autorités alliées, sur la présence à Vittel de cette communauté juive polonaise qu’elles pressentent en grand danger. Elles ne cessent de multiplier les actions en ce sens, entre l’été 1943 et le mois de juin 1944.
Tout ceci dans la plus grande clandestinité compte-tenu des risques de dénonciation et de la surveillance particulière dont elles font l’objet par la Kommandantur du camp, laquelle surveillance se traduit par des fouilles et des brimades de plus en plus fréquentes à leur encontre et par des menaces répétées de transfert en Allemagne.
L’une d’entre elles, prétextant une hospitalisation à Nancy, entre en contact avec le Grand Rabbin Paul Haguenauer. Elle lui transmet les récits des juifs polonais, l’écrasement des ghettos, les camps d’extermination, etc.. Elle supplie le Grand Rabbin de fuir et de faire fuir la communauté de Nancy. Mais tout cela paraît tellement insensé, tellement inconcevable que Paul Haguenauer refuse d’ y croire. On connaît la suite, il périra à Auschwitz avec sa famille et une partie de la Communauté juive de Nancy.
Les messages destinés aux alliés sont codés par d’anciens résistants de Varsovie, certains sont écrits sur du papier à cigarettes et insérés dans des gélules médicamenteuses confectionnées par les médecins complices.
Des suppliques sont envoyées au monde entier : "sauvez les ultimes juifs de Varsovie !".
Les messages partent dans ces capsules faciles à avaler en cas de contrôle, ou cousues dans les vêtements de visiteurs.
Les Allemands qui accumulent les défaites et voient se profiler un débarquement massif des alliés en France, accentuent encore davantage la répression anti-juive. Les Vosges n’échappent pas à cette volonté des nazis et le camp de Vittel non plus.
A la fin de l’année 1943, la situation se détériore brutalement. Berlin envoie à Vittel, une commission fantoche composée de prétendus experts chargés de vérifier l’authenticité des documents d’immigration qui sont alors confisqués par Landhauser. Comme l’on pouvait le pressentir, tous seront jugés illégaux, les authentiques comme les faux.
Au mois de févier 1944, à l’occasion d’une visite conjointe de diplomates suisses et du représentant du CICR, le rabbin Marcus ROTTENBERG, rabbin de la communauté orthodoxe d’Anvers, qui au nom des détenus juifs du camp sollicitait la protection de ces hautes personnalités, s’est vu répondre avec cynisme :
"Votre situation ne relève pas de notre compétence".
Les internés polonais sont transférés de l’hôtel "Providence" dans les locaux de l’hôtel "Beau Site" (aujourd’hui hôpital de la station thermale de Vittel), pour y être isolés et aussi maltraités selon le témoignage d’un riverain du "Beau Site".
Les internés n’ignorent pas, grâce a des courriers reçus de camps allemands, que tous leurs amis juifs polonais de la prison de Pawiak et de l’hôtel Polski, ont été fusillés ou exterminés à Auschwitz dès le mois d’août 1943, après le passage d’une commission d’enquête similaire.
En Suisse, par contre, personne n’est au courant de cette commission et les consulats continuent de déverser des centaines de passeports dans les pays occupés, où ils sont systématiquement retirés du courrier par les autorités allemandes.
La situation s’achemine vers une issue fatale, aggravée par les gouvernements sud-américains qui refusent de reconnaître l’authenticité des documents en possession des internés et, par conséquent, leur immigration, et ce, malgré les pressions internationales initiées par les organisations juives des pays alliés, alertées par les messages clandestins.
Le Vatican alerté lui aussi par ces messages, réagit par son secrétaire d’Etat, le cardinal Maglione et le nonce apostolique Bernardini. Les deux prélats ne ménagent pas leurs efforts pour faire fléchir les gouvernements sud-américains mais en vain. L’un après l’autre, chaque pays se défile, regrette ou impose des conditions de dernière minute irréalisables.
Le comité international de la Croix-Rouge tente lui aussi de faire fléchir les autorités par l’intermédiaire de sa délégation allemande. La réponse de cette dernière, en date du 15 mars 1944, est sans ambiguïté :
"Les services compétents ne sont pas en mesure d’accorder de traitement privilégié ni en particulier l’immigration à des juifs probablement pour la plupart de nationalité ex-polonaise qui se seraient procuré d’une façon ou de l’autre des passeports dits de complaisance d’États d’Amérique centrale ou du Sud".
La Croix-Rouge allemande, ne fait que reprendre mot pour mot, la position des autorités nazies10.
Aux yeux des allemands, ces juifs que le monde entier abandonne à leur sort, ne représentent rien, aucune valeur d’échange, il faut donc leur appliquer le "traitement non privilégié" que l’on peut traduire en langage nazi, par l’élimination physique.
Le courrier paranoïaque échangé entre Brunner et Eichmann, quelques mois plus tôt, démontre assez clairement qu’il n’avait jamais été envisagé d’échanger de juifs autres que ceux possédant des autorisations palestiniennes11 :
Au camp d’internement de Vittel se trouvent environ 150 juifs de Varsovie (ndlr : en réalité plus de 280). Ceux-ci ont été transférés de Varsovie à Vittel en raison de leur appartenance à un pays d’Amérique du Sud.
La majorité de ces juifs ont négocié avec de l’argent leur appartenance à ces pays, toutefois ils n’ont jamais vu les soi-disant pays.
Il n’est pas acceptable que des documents soient délivrés aux pires criminels de Varsovie et le plus souvent par des juifs d’Amérique du Sud qui occupent les consulats de Suisse.
Nous devons de toute manière montrer à la Suisse que personne ne peut faire sortir du Reich des criminels juifs.
Je demande que l’on fasse contrôler ces documents par une commission officielle de fonctionnaires.
Signé : Aloïs Brunner
Il ne faut pas non plus exclure que certains gouvernements sud-américains, si prompts à cacher tant de criminels nazis après-guerre, furent complice de l’opération "passeports pour des juifs polonais" et que des consuls de bonne foi, furent eux-mêmes abusés par leurs gouvernements.
Dans ce désintérêt planétaire des autorités militaires et officielles pour la cause des détenus juifs polonais de Vittel, il faut signaler l’initiative restée malheureusement sans suites, d’un petit pays, l’Irlande. En effet le gouvernement Irlandais, certainement destinataire des appels «au secours» clandestins, propose au début de mois de janvier 1944, aux autorités allemandes d’accueillir 500 enfants juifs…et spécifiquement 200 familles juives polonaises du camp de Vittel, c'est-à-dire en fait, la totalité des juifs polonais du camp12.
Les nazis ne répondront pas à cette demande humanitaire, démontrant ainsi, s’il en était nécessaire, que le sort des juifs de Vittel était scellé de longue date.
09/06/2010
Auteur : Jean Camille Bloch
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Le premier convoi
Le mois de mars 1944, connaît, sur tout le territoire français, un déchaînement à l’égard des juifs, d’une ampleur inégalée jusque là. Dans le département des Vosges le commandement allemand planifie la rafle systématique de tous les juifs encore en vie. Aucun village, aussi reculé soit-il, n’y échappera. Le préfet nommé par Vichy, Albert Daudonnet qui appartient à une organisation de Résistance fera tout ce qui lui est possible pour sauver des vies, mais en vain. Il sera lui-même arrêté.
A Vittel, les détenus polonais enfermés à l’hôtel "Beau-Site" sont avisés par Landhauser de leur prochain transfert vers une destination inconnue. Beaucoup n’ont alors plus qu’une seule pensée, se cacher dans le camp ou se suicider par tout moyen. Ils examinent les différentes possibilités, le nombre de caches est restreint, certains tentent de se procurer du poison.
L’un d’entre-eux, qui réussit à se cacher, écrira plus tard :
"Nos protecteurs supposés nous ont livrés à la cruauté des Nazis. Nous qui venions de l’enfer polonais, savions ce que signifiait la «destination inconnue». Nous ne voulions pas subir le chemin du retour vers les chambres à gaz. La mort en France, de notre propre volonté, était plus digne et préférable à nos yeux".
Dans la nuit du 17 au 18 avril 1944, Félix AIZENSTADT et Sluzim DUDELZAK, avec des complicités internes et externes, avaient réussi leur évasion.
Ber BASKIND rejoint une cache ou une main anonyme le fournira en nourriture jusqu’à la libération du camp. De même que Sasha HEYMAN cachée par une internée anglaise, miss TILNEY.
Le 18 avril 1944 à l’aube, ironie tragique, veille du jour anniversaire de la révolte du ghetto de Varsovie, l’hôtel "Beau Site" est cerné par la troupe allemande, c’est la panique parmi les détenus polonais.
Les témoins aperçoivent de nombreux corps tomber sur la pelouse depuis les fenêtres des étages. Tamar BENJACOB, l’épouse du grand rabbin de Varsovie est tuée sur le coup, d’autres ne seront que gravement blessés, membres et côtes brisés. Il avait plu dans la nuit et la pelouse détrempée avait quelque peu amorti la chute des corps. Le docteur BAUMINGER distribue le poison, mais il est en quantité très insuffisante. Plusieurs personnes en avalent, seuls le médecin et son épouse en décèdent, les autres, dont leur fille Félicia et la famille EISENZWEIG, sont gravement intoxiqués.
Quatre détenus réussissent à se cacher dans un four qui cuisait du pain azyme pour la Pâques juive. Ils seront sauvés d’extrême juustesse par les médecins du camp.
169 personnes au moins, dont Itzhzak Katzenelson et son fils Zwi quittent Vittel, ce jour-là, pour Drancy.
Après un court internement à Drancy, 10 jours plus tard, le 29 avril, elles retournent dans leur pays de souffrances, à Auschwitz, plus précisément, convoi numéro 72, pour y être gazées dès leur arrivée.
Ce convoi numéro 72, se compose de 1004 personnes au total. Plusieurs dizaines de réfugiés juifs alsaciens des villes et de la campagne vosgienne en font également partie ainsi que 27 enfants de moins de 10 ans.13 et 14
L’un des plus jeunes déportés de France, Akadius DUDELZAK n’aura vécu en tout que 3 mois, et cela en captivité, au camp de Vittel où il est né.
Comment ne pas évoquer également Adam WENTLAND, jeune juif polonais qui vécut une authentique histoire d’amour au camp. La veille il avait épousé une jeune fille américaine du camp. Landhauser lui signifia que ce mariage ne lui donnait aucun droit particulier et l’ajouta sur la liste des condamnés.
Après le départ du convoi, Landhauser, s’en prit aux anglaises soupçonnées d’avoir aidé ces malheureux. Sofia SKIPWITH* et plusieurs autres ont été isolées dans leurs chambres pour un mois.
09/06/2010
Auteur : Jean Camille Bloch
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Le second convoi
Après le départ du premier convoi, les fausses alertes vont se succéder.
Mais dans la nuit du 15 au 16 mai 1944, parvient de la gare voisine de Vittel jusqu’au camp, le bruit sourd des marteaux clouant des planches.
Le 16 mai au matin, 52 personnes, au moins, sont réunies, tous les détenus polonais n’ayant pas fait partie du premier convoi, y compris les malades sur des civières, les survivants de suicides et les enfants. A pied, ils rejoignent les wagons dont toutes les issues ont été condamnées, destination Drancy.
Les témoins remarqueront que les femmes avaient revêtus leurs plus beaux vêtements et s’étaient discrètement maquillées comme pour se rendre à une invitation mondaine.
Le 30 mai, le convoi numéro 75 quitte Drancy pour Auschwitz, les internés de Vittel sont tous gazés, dès leur arrivée. Le convoi 75 comprenait également un millier de déportés dont 12 réfugiés de la campagne vosgienne.15 et 16
Les médecins du camp, une fois de plus, ont pris de grands risques, en faisant passer pour mourantes plusieurs femmes hospitalisées qui furent ainsi sauvées.
C’est notamment le cas de Stella GELLER dont nous avons rencontré le fils Franklin qui ignorait tout de son passé vittelois.
Franklin GELLER est né le 21 avril 1944 au camp de Vittel, juste après le départ du premier convoi de déportés. Sa famille originaire de Bielitz en Silésie était composée de son père Conrad ingénieur, de sa mère Stella et de ses grands parents paternels Adolphe et Erna. Le grand-père Adolphe GELLER a succombé dans le ghetto de Varsovie, les 3 survivants avaient acquis des passeports paraguayens. Le chef de famille Conrad et la grand-mère Erna font partie du 2e convoi.
Stella qui a développé une phlébite consécutive à l’accouchement est hospitalisée et le docteur Levy réussit à convaincre les allemands que sa fin est proche. En vain, les soldats allemands rechercheront le bébé, caché par une infirmière anglaise dans une pile de draps. Tous deux échapperont à la déportation. Stella perdra la vie accidentellement, peu après, avant d’avoir pu révéler à son fils, la tragique histoire familiale.
Comme il l’avait fait lors du premier convoi, Landhauser consigna tous ceux qui étaient intervenus pour tenter de porter secours aux déportés, comme ces deux américains qui contestaient la version de Landhauser qui n’avait de cesse d’expliquer qu’il ne s’agissait que d’un changement de camp.
Au cours du transport vers le camp de Drancy, deux détenus, Nicolas ECK et Lydia HEYMAN réussissent à fausser compagnie à leurs gardiens, en gare du Nord à Paris.
09/06/2010
Auteur : Jean Camille Bloch
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Le troisième convoi
Certains historiens, dont Adam Rutkowski, ont évoqué un troisième convoi de détenus de Vittel, qui aurait quitté la gare de Vittel, le 17 août 1944. Notre enquête démontre que c’est inexact. Il y a bien eu un départ de convoi à cette date, mais il ne concernait pas les détenus du camp de Vittel. Voici les faits que nous avons reconstitués :
Le 15 août au soir, était arrivé en gare de Vittel un train en provenance de Chaumont. Ce convoi numéro 78 à destination d’Auschwitz, a quitté Lyon le 11 août et comprend des prisonniers du fort Montluc.
Son long périple et le détour par Vittel, ne sont dus qu’aux sabotages de grandes lignes de chemin de fer par la Résistance Française.
Madame Bouloumié, directrice de la Croix Rouge locale, prévenue par le chef de gare, découvre l’horreur : sans eau, sans nourriture depuis 3 jours, couverts de vermine, les détenus sont dans un état pitoyable. Certains portent les stigmates de leur torture.
Landhauser, refuse à madame Bouloumié l’autorisation de venir en aide à ces "juifs, terroristes, communistes, peu intéressants" selon ses propres termes, rapportés par Germaine Bouloumié.
C’est mal connaître cette dernière qui à force de persuasion obtient l’autorisation du chef de convoi, un lieutenant de la gestapo un peu plus humain ou réaliste que Landhauser, de faire descendre les prisonniers sur le quai de la gare.
Les pompiers actionnent une lance pour que chacun puisse faire une brève toilette. Les résistantes anglaises font passer en cachette, sous les barbelés, biscuits, conserves, cigarettes et savons.
L’officier de la gestapo qui visiblement ne se fait plus d’illusions quant à l’issue du conflit, indique à madame Bouloumié que le convoi comprend : 200 femmes, 12 enfants en bas âge et 438 hommes, en majorité des juifs, mais aussi des résistants. Au total près de 700 personnes au départ du convoi, mais avec des décès en cours de transport.
Il y a de nombreux malades dont deux sont mourants, des femmes enceintes, des bébés en pleurs, une femme de 94 ans.
Madame Bouloumié réussit à convaincre l’officier de télégraphier à Paris, afin qu’au minimum, enfants, vieillards et malades restent au camp de Vittel. L’autorisation est refusée, probablement par Eichmann ou Brunner, avertis par Landhauser des "largesses" du chef de convoi.
Les détenus remettent à Germaine Bouloumié des lettres pour leurs familles et le 17 août, le convoi reprendra sa route vers Epinal.
308 personnes arriveront à Auschwitz le 22 août, 128 seront gazées immédiatement selon les archives d’Auschwitz. Près de 400 personnes avaient été transférées en gare d’Epinal et très certainement dirigées sur le camp du Struhtof.
La guerre était perdue pour les Allemands, la libération du camp de Vittel était imminente. Ce jour là, Landhauser avait la possibilité d’épargner près de 700 vies, mais son aveuglement inconditionnel aux thèses nazies en décida autrement.
Madame Bouloumié se souviendra jusqu’à la fin de sa vie de ce jeune père d’un bébé de 18 mois, qui avait vu mourir son épouse dans le train et dont les cheveux avaient blanchis en quatre jours.
09/06/2010
Auteur : Jean Camille Bloch
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La fin du camp de Vittel
On s’achemine vers la fin du camp de Vittel.
Les titulaires de passeports palestiniens seront épargnés et quitteront le camp de Vittel dans la nuit du 30 juin, pour rejoindre, à près un long trajet passant par Vienne et Istamboul, le port d’Haïfa17.
Le 2 septembre 1944, devant l’avancée des troupes alliées et la Résistance de plus en plus menaçante, le commandant Landhauser et sa troupe désertent subrepticement le camp qui sera placé sous la responsabilité des résistants locaux.
Le 12 septembre, la 2ème DB de Leclerc investit le camp et le général prononce une courte allocution : "Je vous dois une visite. L’Angleterre nous a offert l’hospitalité en 1940 et nous a généreusement soutenus. L’Amérique nous a donné des armes et combat sur notre sol. Je suis heureux qu’il soit donné à un général Français de vous rendre la liberté".
Pas un mot pour les malheureux juifs polonais et pour cause, leur drame s’est déroulé dans la plus grande discrétion et retombera d’ailleurs très vite dans l’oubli...
Landhauser, sera fait prisonnier, jugé par un tribunal militaire, et... acquitté sur les témoignages extrêmement favorables de détenus britanniques qui n’avaient rien constaté des épisodes sombres du camp.
A l’issue de notre enquête, nous contestons formellement cette appréciation qui consiste à présenter Landhauser comme une sorte de « gentleman allemand». Landhauser était bien un criminel nazi fourbe, il porte une lourde responsabilité dans la déportation de plusieurs centaines de personnes. Sa stratégie personnelle était basée sur la division, la tromperie et le mensonge, elle lui a somme toute bien réussie... Fort de son acquittement, il poussa l’indécence jusqu’à revenir à Vittel avec son épouse, quelques années plus tard, pour visionner un film tourné à l’intérieur du camp par le prêtre catholique.
De nombreux hommages furent rendus à des hommes et des femmes d’honneur et de courage, je veux évoquer ici les Résistants Vosgiens ainsi que les médecins et infirmières du camp, en particulier le docteur LEVY.
Parmi les résistantes anglaises, Sofka Skipwith* a reçu, en 1998, à titre posthume, la médaille des Justes parmi les Nations pour avoir contribué au sauvetage de vies juives.
Quant au CICR qui, il est vrai, a mis tout en oeuvre pour tenter de sauver les internés polonais de Vittel, il publie, au mois de décembre 1947, un rapport parfaitement contraire à la vérité18 : "... il apparut que la plupart des internés de Vittel, étaient porteurs de passeports de complaisance ; ces internés se trouvèrent en conséquence menacés d’être déportés. Le CICR intervint en leur faveur par l’entremise de sa délégation à Berlin et obtint qu’ils soient maintenus à Vittel. Quelques-uns seulement furent déportés..."
Deux plaques commémoratives rappellent aux passants, le drame de Vittel. L’une en mémoire des juifs polonais a été inaugurée en 1955 par la Fédération des Sociétés Juives de France, elle se trouve contre la façade de l’hôtel de la Providence. L’autre en souvenir des prisonniers anglais et américains a été apposée par la municipalité sur le mur de la villa Sainte-Marie.
29/11/2012
Auteur : Jean Camille Bloch
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Le bilan du camp de Vittel
En raison de la destruction (ou de la disparition) d’une partie des archives allemandes, mais aussi compte tenu de l’incertitude concernant l’identité de certaines victimes, ce bilan, ne peut pas être considéré comme exhaustif. Il n’est que la traduction chiffrée des rares documents incontestables qui ont pu être retrouvés et analysés.
La réalité est sans aucun doute, encore plus cruelle.
Pour clore cette intervention, nous citerons deux phrases, la première est de Madeleine WHITE, qui s’est éteinte à Paris il y a quelques mois :
"Combien de fois après la guerre n’ai-je entendu cette phrase : Oh ! toi tu étais à Vittel, c’était un paradis !, je préférai ne pas répondre et repensais le cœur serré à ceux que j’y avais connus et qui sont morts gazés à Auschwitz".
La seconde est d’Hillel Seidmann, qui a survécu en se cachant dans le four à pain puis pendant plusieurs mois dans des chambres vides :
"A la libération du camp, je me suis précipité à la synagogue de Vittel qui avait été ré ouverte. Je n’ai pas pu prononcer la bénédiction, car elle se récite obligatoirement à plusieurs et j’ai seulement réalisé à cet instant précis, que j’étais seul, terriblement seul".
09/06/2010
Auteur : Jean Camille Bloch
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Bibliographie
Revues du Centre de Documentation Juive Contemporaine, Le monde Juif, différents articles d’Adam Rutkowski et de Madeleine Steinberg.
Hillel Seidman, Du fond de l’abîme, éditions Pocket Terre Humaine, 2002.
Mary Berg, Le ghetto de Varsovie, Journal de Mary Berg, éditions Albin Michel, 1947.
Claude Poinsot, Le camp des internés de Vittel, numéro spécial de La Maison du Patrimoine de Vittel, n°22 de septembre 2004.
Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la déportation des juifs de France, 1978.
Yad-Vashem, Shoah Resource Center.
Mémorial de la Shoah, http://www.memorialdelashoah.org/
09/06/2010
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Famille Ajzenstadt :
Nationalité Polonais
Félix, évadé, sauvé, Romana, 35 ans et Marceli, 10 ans
(Source: Juifs des Vosges 1940-1944 )
Famille Bauminger :
Nationalité Polonais
Kalman, 69 ans, et son fils Yoel, médecin (fils de Kalman et d'Amalia), 38 ans, se suicide à Vittel.
Héléna née Khaia, sauvée
Léon, 36 ans
Martin
(Source: Juifs des Vosges 1940-1944 )
Famille Berger :
Nationalité Polonais
Abraham, 36 ans et Eugénia, 19 ans.
(Source: Juifs des Vosges 1940-1944 )
Famille Blumenkopf :
Nationalité Polonais
Aron, 59 ans et son épouse Rywka née Kandel, 58 ans, et leurs enfants Juda Leib, Nuchim Nathan, 27 ans (tente de se suicider à Vittel) et Ruchla Rozia, 29 ans.
Chaya
Christina, 5 ans, née le 16/06/1938 à Varsovie, elle sera déportée sans retour de Drancy à Auschwitz par le convoi n° 72 le 29/04/1944 qui transporte 1 004 personnes, dont 179 enfants.
Hélène
(Source: Juifs des Vosges 1940-1944 )
Famille Hulland :
Nationalité Britannique
Harry Hulland et son fils James sont capturés par les nazis les 24 et 17 juillet 1940 à Arques (France). Internés à Lille (France), Liège et Huy (Belgique), Tost (Allemagne), Giromagny (France) puis Vittel (France) le 3.7.1944 où ils rejoignent leur épouse et mère ainsi que leur fille et soeur, initialement internées à Troyes (France).
(Source: Les oubliés de 39-45 - Les Britanniques internés à TOST, KrREUZBURG, GIROMAGNY et WESTERTIMKE )
>> les 8 familles
internées, par nom <<
Liens externes
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1 Journal de guerre de Charles Altorffer
2 Site officiel de la Commune de Montigny-les-Monts
3 Site non officiel de la commune d' Auxon (Démarches administratives, histoire du village, cartes postales et photos anciennes.
)
4 Saint-Dizier la période 1939-1945 en photos (La ville de Haute-Marne la période 1939-1945 en photos )
5 Histoire de Lièpvre de 1870 à 1945.
Chronologie [Ajouter]
12/04/1939 -
Décret du 12 avril 1939 sur la création des CTE (Compagnies de Travailleurs Étrangers).
22/06/1940 -
L'armistice met fin aux combats. L'Alsace est occupée par l'Allemagne nazie. L'administration civile de l'Alsace est confiée au Gauleiter de Bade-Alsace, Robert Wagner, avec pour mission de gagner en une décennie la population alsacienne à la cause du national-socialisme.
13/07/1940 -
Le Gauleiter Robert Wagner décide d'expulser les Juifs restés en Alsace, et de confisquer tous leurs biens, intérêts et droits au profit de l'État.
14/07/1940 -
Les Alsaciens non Juifs sont autorisés à rentrer chez eux.
27/09/1940 -
Loi du 27 septembre 1940 sur la création des GTE (Groupements des Travailleurs Étrangers).
22/02/1941 -
Décret du 22 février 1941 sur les sanctions à appliquer dans les GTE (Groupements des Travailleurs Étrangers).
16/03/1941 -
Le gauleiter Bürckel, responsable, entre autre, de l'Alsace Lorraine, demande aux Mosellans se reconnaissant Français une déclaration d'option.
08/04/1941 -
Départ vers la France des Mosellans se reconnaissant Français.
29/07/1941 -
L'allemand devient la langue obligatoire en Alsace-Lorraine.
25/12/1944 -
L'Alsace étant annexée et les déboires de l'armée allemande sont fréquents. Le 2 décembre 1944, toutes les unités des forces terrestres, de l'air et des Waffen-SS sont placées sous le haut commandement du Reichsführer-SS Heinrich Himmler et doivent coute que coute empêcher que les Forces de Libération traversent le Rhin. Ce sera le début de la "Poche de Colmar" Heinrich Himmler en personne vient galvaniser ses troupes et sera signalé à Wuenheim durant la Nuit de Noël 1944 où il passera la nuit au presbytère du villageWuenheim France
06/02/1945 -
Les troupes de 1ère Armée Française sont arrêtées sur la rivière de la Doller depuis quelques semaines. Il a beaucoup neigé en ce début d'année 1945. Fin janvier l'état major décide de reprendre les combats pour éradiquer la "Poche de Colmar" Au Sud des combats ont lieu à l'Ochsenfeld et dans les rues de Cernay. Le 4 février au petit matin les Allemands quittent Wuenheim et font sauter le pont au bas du village. Vers 14 heures le 4ème RSM et le 1er RTM libèrent le village et poursuivent vers Soultz Guebwiller et quelques éléments arrivent même à entrer dans RouffachWuenheim France
07/05/1945 -
Le général Jodl et l'amiral Freideburg signent la capitulation sans condition au quartier général d'Eisenhower à Reims, en présence de représentants britanniques, français, américains et soviétiques. La reddition entrera en vigueur le 8 mai à minuit.
02/11/1945 -
Ordonnance du 2 novembre 1945 sur la dissolution des GTE (Groupements de Travailleurs Étrangers).
Témoignages, mémoires, thèses, recherches, exposés et travaux scolaires
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Paul Joseph dit Joseph Bourson Arrêté comme otage et fusillé le 11 juin 1944 à Mussidan (Dordogne), Blog
2 pages,
réalisation 2011
Auteur :
Alain LAPLACE
Article rédigé à l'occasion de mes recherches généalogiques, puis la mise en ligne d'un blog (http://majoresorum.eklablog.com)dédié à la famille BOURSON qui a été expulsée en 1940 du village de Vigy (Moselle) et réfugiée à Mussidan (Dordogne) et les villages alentours où elle a vécu toute la durée de la guerre. Plusieurs personnes natives de Vigy faisaient partie des 52 otages fusillés le 11 juin 1944.
Paul Ernest dit Paul Bourson Farouche opposant au régime nazi, Exposé
2 pages,
réalisation 2011
Auteur :
Alain LAPLACE
- terminal
Article extrait d'une étude généalogique sur la famille BOURSON de Vigy (Moselle) et alliés (http://majoresorum.eklablog.com)
Notes
- 1 - Registres d’état-civil de la commune de Vittel.
- 2 - Archives Départementales des Vosges, comptes-rendus de la Préfecture, rapport des activités de la Croix-Rouge Française, en date du 16 octobre 1941.
- 3 - Etude confiée en 2004, par le Sénat Belge, au Centre d’Etudes et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines. Editeur : Rudi Van Doorslaer-Bruxelles.
- 4 - Archives du Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC), extrait du procès Eichmann, doc n°1.164.
- 5 - CDJC, fonds "Gestapo France", lettres des mois de juillet et aôut 1943, du SS-Untersturmführer Werner de la Sipo de La Haye, en charge du camp de Westerbork, demandant des transferts de prisonniers juifs vers Vittel.
- 6 - CDJC, fonds "Gestapo France", échanges de courriers entre Delcker, chef de l’état-major
administratif du district militaire de Dijon avec le commandant Landhauser du camp de Vittel, du 30.01.1942 au 15.02.1942.
- 7 - CDJC, fonds "Gestapo France", lettres des mois de juillet et aôut 1943, du SS-Untersturmführer Werner de la Sipo de La Haye, en charge du camp de Westerbork, demandant des transferts de prisonniers juifs vers Vittel.
- 8 - Ainsi, une note interne du médecin-chef du camp, en date du 22.02.1944, signale que tous les internés devront se rendre à la pesée mensuelle obligatoire, à l’exclusion des nouveaux arrivés de Pologne. (document aimablement communiqué par madame Kwasniowski de Vittel)
- 9 - Registres d’état-civil de la commune de Vittel.
- 10 - CDJC, cote x61, lettre de Hartmann à Bachmann.
- 11 - CDJC, fonds "Gestapo France", cote 56185, lettre de SS-Hauptsturmführer Brunner de la Sipo de Paris, adressée au SS-Obersturmbannführer Adolf Eichmann, en date du 23.08.1943.
- 12 - 13)CDJC, fonds "Gestapo France", échanges de courriers au sein de la Sipo-SD à Paris, entre le 22.01.1944 et le 18.02.1944.
- 13 - Jean-Camille Bloch: Juifs des Vosges 1940-1944, 1200 martyrs presque oubliés, éditions Jean Bloch, 2007.
- 14 - Serge Klarsfeld : Le mémorial de la déportation des juifs de France, édition de 1978.
- 15 - Jean-Camille Bloch, Juifs des Vosges 1940-1944, 1200 martyrs presque oubliés, éditions Jean Bloch, 2007.
- 16 - Serge Klarsfeld, Le mémorial de la déportation des juifs de France, édition de 1978.
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| *** Kommandantur de Vittel Déposée le 20/07/2015
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Où se trouvait précisément la Kommandantur de Vittel (commandant Landhauser) ?
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: "Rien a signaler mais grande envie DE VOUS REMERCIER PUOR VOTRE TRAVAIL EXCEPTIONNEL!
Bravo! " Y. G.
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