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Aisne

Région :
Hauts-de-France
Département :
Aisne

Préfets :
Amédée Bussière
(19/05/1940 - 20/05/1942) Préfet de l'Aisne après l'offensive allemande. Nommé le 21 mai 1942 préfet de police de Paris (1886-1953)
(08/08/1940 - 12/05/1942) Jean François Quenette, Préfet de l'Aisne et Préfet régional de Saint-Quentin (Aisne, Somme, Oise, Ardennes) à partir de 09/1941 (1903-1971).
Émile Pelletier
(12/05/1942 - 27/03/1943) Émile Amédee Pelletier, Préfet de la région de Laon-Saint-Quentin (Aisne, Ardennes, Oise et Somme) (1898-1975)
Gaston Umber
(27/03/1943 - 08/06/1944) Gaston Jules Antoine Mumber, Préfet de la région de Laon-Saint-Quentin (Aisne, Ardennes, Oise et Somme) (1897-1970)
Roger Homo
(08/06/1944 - 1944) Roger Marie Calentin Paul Homo, Préfet de la région de Laon-Saint-Quentin (Aisne, Ardennes, Oise et Somme) (1892-1977)
Pierre Pène
(1944 - 1946) Commissaire régional de la République de la région de Laon-Saint-Quentin (Aisne, Ardennes, Oise et Somme) (1898-1972)
Hyacinthe Tomasini
(18/11/1944 - 22/06/1945) Préfet de l'Aisne
Jacques Samana
(22/06/1945 - 24/09/1946) Préfet de l'Aisne
* (24/09/1946 - 09/05/1947) Préfet de l'Aisne
René Hudeley
(09/05/1947 - 02/11/1950) Préfet de l'Aisne

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Alain Marx

Texte pour ecartement lateral

Fère-en-Tardenois 02130 Aisne
Date de naissance: 1928 (Soissons (02))
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Histoire

Témoignage

Jeudi 13 décembre 2012
Stéphane Amélineau, Léa, Marie-Charlotte, Marie, Julien et les élèves reçoivent Alain Marx, le petit-fils d’Alphonse Scheuer, juif arrêté à Fère-en-Tardenois.

Stéphane Amélineau : Votre Grand-père est bien né le 18 juillet 1872 à Consenvoye.
Alain Marx : Oui, dans la Meuse, près de Verdun.
S.A : Depuis quand habitait-il à Fère-en-Tardenois ?
A.M : Avant la guerre de 1914, il habitait à Fismes. Vous savez que le village de Fismes a été très fortement touché lors de la première guerre mondiale et totalement rasé en 18 par les Allemands. [Nda : Fismes, village de la Marne, à la limite de l’Aisne, entre Soissons et Reims, en plein sur la ligne de front pendant cette longue guerre de position]. De la maison de mes aïeuls, il ne restait qu’un pan de mur d’1 m 50. En 1920, il a pu se faire dédommager et il préféra s’installer à Fère qui avait des axes de communications moins touchées pour son travail.
S.A. : En 1914, il avait 42 ans, il n’était peut-être pas mobilisable pour le front.
A.M. : Oui mais de par son métier, marchand de bestiaux, il était affecté au ravitaillement des troupes.
S.A. : Votre grand-père était marié…
A.M. : … oui il était marié à Marcelle LONDONCHUTZ, ma grand-mère, qui était originaire de Rambervillers, dans les Vosges.
S.A. : Dans les documents que nous avons pu rassembler concernant votre grand-père, il est désigné comme veuf…
A.M. : …oui, ma grand-mère est décédée en août 1940. Pendant l’Exode, à côté Moulins dans l’Allier. Elle a fait ce qu’on appelle aujourd’hui un AVC. A l’époque on disait une congestion cérébrale. A minuit elle parlait à mon grand-père. A 5 heures du matin il s’est réveillé, elle était allongée à côté de lui sans bouger d’un millimètre… Est-ce le stress de l’évacuation ? Elle avait 58 ans !
S.A. : Vos grands-parents avaient deux enfants, une fille et un garçon dont nous ne connaissons pas à ce jour le prénom de ce dernier.
A.M : C’est ça ! La fille, c’était ma mère, Yvonne, qui est née le 3 mars 1903 et décédée en 1993. Et le garçon, mon oncle Georges SCHEUER. Lui, est né le 20 décembre 1904 et décédé en 1997.
S.A : Vous-mêmes, vous êtes né…
A.M. : … en 28.
S.A. : Fréquentiez-vous souvent vos grands-parents ?
A.M. : Plus que ça, je vivais chez eux ! Ma mère, Yvonne, a divorcé, j’avais 5 ans. Nous avons quitté Soissons où nous habitions avenue de la Gare. Il y avait des écuries parce que mon père était marchand de chevaux. Ma mère a donc pris son gosse sous le bras puis elle est retournée chez ses parents. Chose qui se faisait déjà à l’époque.
S.A. : Quels souvenirs avez-vous de cette période d’avant-guerre ?
A.M. : Oh et bien c’est mon grand-père, c’est lui qui m’a élevé. J’avais deux hommes pour m’élever, mon grand-père et mon oncle Georges. Mon père je ne le voyais plus. Je l’ai revu, j’avais 17 ans… [Nda : en 1945, juste après la guerre] On ne se connaissait pas ! J’ai donc grandi dans cette petite commune rurale, Fère-en-Tardenois, à l’époque 2 500 habitants. Tout le monde se connaissait. Déjà pour une raison simple, il n’y avait ni télé ni radio. Les gens qui avait des radios c’était déjà rare alors la télévision, n’en parlons pas ! Les gens se recevaient ! C’était tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. C’était l’apéritif, c’était une partie de cartes. C’était convivial !
S.A : D’un point de vu religieux, est-ce que votre grand-père était croyant, pratiquant ?
A.M. : Non ! Une fois par an, pour le nouvel an ! Ça s’arrête là. Et nous, pas du tout. Ni ses enfants, ni moi. Je suis agnostique alors ça ne me gêne pas.
S.A. : Ce sont donc les Nazis et le gouvernement de Vichy qui vous ont rappelé que vous étiez Juifs !
A.M. : Oui tout à fait.
S.A. : Si vous aviez à définir le tempérament et le caractère de votre grand-père, que diriez-vous ?
A.M. : Sévère. Juste. Mais malgré tout, jovial ! Il aimait l’ordre, le faisant respecter. Il aimait recevoir. Il était apprécié par tout le monde, parlant à tout le monde. Il faisait beaucoup de choses pour la commune. Tous les ans il faisait une distribution de Pot-au-feu aux indigents de la ville, à son compte personnel. Ce n’était pas forcément de la philanthropie mais il estimait que ces gens étaient dans le besoin et que lui pouvait le faire.
S.A. : Ces affaires prospéraient correctement ?
A.M. : Normalement. Comme quelqu’un qui travaille beaucoup, de 6 heures du matin à 8 heures le soir.
S.A. : N’avait-il pas ressenti, avant que les Allemands arrivent, le moindre soupçon d’antisémitisme ? Les habitants savaient-ils qu’il était Juif ?
A.M. : Non, non ! Les gens le savaient peut-être mais c’était comme si cela n’existait pas.
S.A. : Quand nous consultons les archives concernant la spoliation, l’aryanisation et la tentative de vente des biens immobiliers de votre grand-père par un administrateur provisoire en 1941-1942… Je soumets sous les yeux de monsieur MARX les copies des trois documents des archives départementales évoquées plus haut.
A.M. : …oui, une partie a été vendue. Les pâtures ont été achetées par Monsieur Jean F. de Serches. [Nda : 15 km à l’Est de Soissons, 17 km au nord de Fère-en-Tardenois]. Les biens étaient gérés par Monsieur PERRIER.
S.A. : L’administrateur provisoire.
A.M. : Oui c’est cela.
S.A. : Votre grand-père connaissait ce monsieur PERRIER ?
A.M. : Juste une connaissance, pas même un ancien client. Il s’adresse aux élèves et précise : On n’avait plus le droit de travailler ni de posséder quelques choses. L’administrateur provisoire était chargé de vendre nos biens et récupérer l’argent. Notre commerce s’est arrêté en 1940. Je vérifie dans le rapport du sous-préfet en date du 9 juin 1941(AD021763). Il donne une précision : En effet Monsieur SHCEUER a, sur l’ordre des Autorités Allemandes, cessé son commerce le 23 janvier 1941. Mais laissons poursuivre le témoignage de Monsieur MARX.
A.M. : La maison a été occupée par les Allemands. Il n’y avait pas de gestion spéciale puisque c’était le "Casino".
S.A. : Le casino ? Ils ont transformé la maison de votre grand-père en Casino ?
A.M. : Ce qu’on appelle en allemand "Casino", ce n’est pas une salle de jeux, c’est un endroit où se retrouvent officiers et sous-officiers pour faire… disons : bombance et tout le reste ! On a récupéré notre maison après la guerre. Ma mère, Yvonne, qui était à Paris est revenue tout de suite. Moi j’étais dans l’Isère. Mon oncle était dans le Lyonnais. Quand elle est arrivée dès qu’elle a pu, la maison était occupée par les F.F.I. Elle a fait les démarches nécessaires pour qu’ils veuillent bien s’en aller. On était toujours vivant, donc qu’ils veuillent bien rendre les lieux.
Il me confirme que c’est bien la maison principale au 1, avenue de la Gare, l’adresse indiquée sur l’annonce de vente en août 42 (cf. p.183). Elle ne sera finalement jamais vendue. Les Allemands conservèrent ce lieu pour la ripaille et la bonne chère jusqu’en 1943. Monsieur SCHEUER et sa famille vivaient dans une maison en location avant de pouvoir retourner dans propre domicile après le départ des Allemands, affectés ailleurs, et ce jusqu’à son arrestation en janvier 44.
S.A : Pouvons-nous revenir, si vous le voulez bien, sur votre itinéraire et celui de votre famille depuis l’Exode à l’été 40 ?
A.M. : Nous sommes tous partis ensemble, vers la Normandie car mon grand-père avait des amis à Avranches. D’Avranches nous sommes descendus dans le centre de La France, à Moulins dans l’Allier. J’avais un grand oncle qui habitait Moulins. La ville était à la limite de la ligne de démarcation, côté occupée. On était de l’autre côté de Moulins, dans un petit pays qui s’appelait Brésolles, à 5 km, qui lui était dans la zone dite "libre". On m’a inscrit à la rentrée de 40 au collège à Cusset, près de Vichy [Nda : environ 60 km au Sud de Moulins]. Je suis resté un an. Ensuite je suis revenu à Fère, j’étais au collège à Château-Thierry.
S.A. : Pendant que vous étiez en pension à Cusset, votre grand-père est retourné à Fère ?
A.M : Quand il était encore à Brésolles, on lui avait dit que sa maison était toujours debout. Il décide de revenir. Au départ on nous avait dit : "Votre maison a sauté, elle a été bombardée". C’était faux. Une maison à côté avait pris un obus mais pas la nôtre. Donc mon grand-père avait dit : "On rentre à la maison !". Moi je suis revenu après [Nda : été 41], au collège à l’époque de Château-Thierry, le collège Jean de La Fontaine, pour l’année 41/42. En septembre, je devais me cacher alors je suis allé à Lyon où je n’ai pas fait toute l’année scolaire au lycée de la Martinière car il n’y avait plus de zone « libre ». Je suis à nouveau revenu. C’était la fin de l’année 43. Je ne suis pas reparti, j’en avais marre, voilà ! On m’a mis dans un collège de Crézancy (à côté de Château-Thierry) où j’y suis resté 2 mois, je connaissais le fils du directeur de ce Collège. Il s’appelait monsieur BLANCHARD. Un jour il m’a dit : Il faut que tu t’en ailles… ça craint ! Alors j’ai été planqué dans une ferme entre Fère-en-Tardenois et Fismes où on est venu me prévenir par un ami que mon grand-père venait d’être arrêté. Là, je suis parti à Fismes chez un ami qui m’a emmené une nuit de l’autre côté de Reims chez des amis à lui. Et le lendemain je prenais le train pour retrouver ma mère, Yvonne, à Paris. Parce que ma mère a échappé à l’arrestation. Elle était partie faire des courses. Mon grand-père faisait la sieste à 1h30 de l’après-midi. Ça c’est donc passé entre 13h30 et 14h. Ma mère avait donc une course à faire, peut-être chez les GAUDEAUX (sourit-il en regardant l’élève Léa GAUDEAUX). Quand elle est revenue, les Allemands étaient en train d’entourer la maison avec un gendarme Français. Elle a fait demi-tour et est partie vers la gendarmerie de Fère pour savoir. Le chef de la Brigade de la Gendarmerie a pris ma mère sous le bras et lui a dit :
- Sauvez-vous tout de suite, je ne vous ai pas vu !
- Mais mon père… rétorqua-t-elle.
- Laissez votre père tranquille et sauvez-vous, dépêchez-vous !
Ce gendarme c’était Monsieur DESMET. Il est décédé maintenant mais il a fait énormément de travail pendant la guerre sans jamais le dire. Il a sauvé la vie de ma mère, moyennant quoi c’est quelqu’un de très bien !
Le gendarme Français qui était avec les Allemands quand ils ont arrêté mon grand-père, il suivait. Je crois qu’il a croisé ma mère dans la rue et il a fait comme s’il ne l’avait pas vu. Il a continué tout droit sans manifester quoique ce soit. Je ne sais plus comment il s’appelait, je n’ai peut-être même jamais su. Ma mère est allée chez des amis qui l’ont emmenée à Dormans [Nda : à une vingtaine de kilomètres de Fère] où elle a pris le train pour Paris. Là-bas elle a retrouvé des amis puis elle a pu sous-louer un appartement jusqu’à la Libération.
S.A. : Avait-elle pu se munir de faux papiers ?
A.M. : Oui, on a pu lui procurer des faux papiers. Ces mêmes amis ont pu faire parvenir une lettre de ma mère à mon grand-père le temps qu’il était interné à Drancy [Nda : entre le 6 et le 20 janvier 1944] pour essayer de le faire sortir comme quoi il était malade et pour l’hospitaliser à Paris. Cette lettre est arrivée le lendemain du départ de mon grand-père vers Auschwitz. Ils ont été déportés dans la nuit [Nda : rassemblés dans la nuit, les 1147 juifs, dont Alphonse SCHEUER, du convoi n°66 du 20/1/44, ont quitté la gare de Paris-Bobigny à 6 heures du matin].
S.A. : Quel a été le sort de votre oncle Georges ?
A.M. : Lui a quitté Fère en 1941 parce que mon grand-père et lui avaient été arrêtés comme otages parce qu’il y avait eu des lignes téléphoniques qui avaient été coupées. Le maire de Fère à l’époque s’appelait Monsieur CANARD. Alors ils ont passé huit jours en prison à Fère-en-Tardenois. Le fameux gendarme DESMET les faisait sortir tous les soirs quand il se savait tranquille, sans avoir les Allemands dans les pattes. Il les emmenait dans son appartement qui était dans la Gendarmerie pour que mon grand-père et mon oncle soient au chaud et mangent chaud. Au bout de ces huit jours, ils ont été relâchés. Mon oncle a quitté Fère pour aller à Lyon. Il a pu aller à Riom en Auvergne, dans le département du Puy-de-Dôme où il a réussi à être inspecteur des viandes à l’abattoir de Riom. Là aussi il avait pu se munir de faux papiers.
Je rappelle aux élèves que les Juifs devaient se faire recenser suite à l’ordonnance du 27 septembre 1940. Les autorités tamponnaient alors à l’encre rouge la mention JUIF sur les papiers officiels, après avoir enregistré, noms, adresses, nationalité, etc. C’était le premier acte d’une irréversible tragédie.
A.M. : Moi j’ai quitté Fère en 41 parce que je n’étais pas recensé. Pareil, le gendarme DESMET est venu nous voir pour nous dire : "Il faut qu’Alain s’en aille sinon il se fera dénoncer." C’est comme ça que je suis parti au bahut à Lyon. Pour y parvenir, j’ai pu franchir clandestinement la ligne de démarcation près d’Angoulême.
S.A. : Vous étiez un jeune adolescent, à un âge où on a quand même conscience de ce qui se passe…
A.M. : Ah oui ! J’avais 14 ans et oui on vieillit très vite, d’un coup dans ces circonstances. On oublie d’être adolescent.
S.A. : Est-ce que vous, votre grand-père, votre mère ressentiez cet antisémitisme d’Etat ?
A.M. : On ne le ressentait pas dans notre petite ville !
S.A : Vous étiez au courant des rafles qui avaient lieu depuis 1942.
A.M. : C’était Paris ou dans les grandes villes mais dans un petit pays comme Fère, nous ne ressentions pas cette menace et je n’ai jamais entendu la moindre réflexion antisémite à Fère. Jamais, ma mère non plus, elle me l’aurait dit !
S.A : En ce début d’année 44, les Allemands décident d’organiser une rafle dans le Sud de l’Aisne dont Fère-en-Tardenois…
A.M : …Il y avait un couple avec leur fille qui habitait à Fère ; je ne sais ce qu’ils sont devenus ou s’ils ont été arrêtés. Je ne pense pas car ils avaient quitté Fère avant la rafle, c’était Monsieur et Madame FREISS. Ils avaient un magasin comme marchands de vêtements de travail. Leur magasin était là où se trouvait l’Union Immobilière. [Nda : Monsieur MARX s’adresse à Léa et aux autres élèves qui connaissent bien
mieux que moi la ville de Fère. Concernant la famille FREISS j’ai effectivement retrouvé leur nom dans les archives départementales concernant les spoliations. Ils ont échappé aux déportations car ils ne sont mentionnés sur aucune des listes des convois].
S.A. : Vous ne vous attendiez donc pas à être arrêté ?
A.M : On se doutait, tout le monde avait dit à mon grand-père qu’il s’en aille : "Allez-vous en, allez-vous en !". Pour mon grand-père, du moment que son fils était à l’abri et que sa femme était décédée en 40, plus rien n’avait d’importance. Puis à son âge, il ne craignait plus rien. A l’époque 70 ans c’était vieux !
S.A. : Ce 4 janvier 1944, en début d’après-midi les Allemands arrivent en camionnette…
A.M. : …C’était un camion-plateau, avec juste des petites rehausses, sans bâche, à ciel ouvert. Et vous pouvez imaginer qu’en janvier il ne faisait pas très chaud ! Alors on m’a dit, parce que moi je n’y étais pas, ils sont allés à Villers-Cotterêts, arrêter Monsieur et Madame RAMBACH.
S.A. : Nous connaissons cette famille avec qui nous avons eu plusieurs entretiens avec leur belle-fille. Avec les RAMBACH, ont été arrêtés Suzanne et Thérèse UHRY. Monsieur ZISMAN de Parcy-et-Tigny était également dans ce camion-plateau. Ces six personnes sont emprisonnées le jour même à Château-Thierry. Ils y sont restés enfermés jusqu’au 6 janvier, date de leur internement à Drancy.
A.M. : Je savais qu’il était à la prison de Château-Thierry car on avait un ami qui lui apportait des couvertures, il s’appelait Monsieur Emile VAUTRIN. Monsieur MARX se tourne vers Léa. La femme d’Emile VAUTRIN était une demoiselle GAUDEAUX. C’était la cousine de ton grand-père.
Léa : Ah bon ? Je ne savais pas.
A.M. : Comment il l’a su pour mon grand-père ? Je ne sais pas mais aussitôt, il est venu lui apporter des couvertures. A l’époque il travaillait pour la BP [Nda : British Petroleum implantée en France depuis 1920. Monsieur VAUTRIN était alors directeur du dépôt de Château-Thierry] et donc il était bien vu par tout le monde. Tout le monde lui faisait des courbettes pour avoir un litre d’essence. Il avait des ouvertures un peu partout. Pour nous c’était un ami intime de la famille. Les GAUDEAUX, les VAUTRIN, c’était des amis intimes de mes grands-parents et leurs enfants étaient des amis intimes de mes parents. Au moins cinq soirs sur sept, c’était l’apéritif tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre. C’était cadré, c’était telle heure et si tu étais en retard tu te faisais engueuler !
S.A. : Le 6 janvier votre grand-père se trouve à Drancy. Connaissez-vous ce document ? Je lui tends une copie de la fiche d’Internement d’Alphonse SCHEUER (F9/5727 Archives Nationales)
A.M. : Non, Je ne crois pas.
Je lui explique la nature des informations portées sur cette fiche. Nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance, nationalité "Français d’origine", profession, domicile, son état civil au moment de l’arrestation : "V2E" : Veuf 2 Enfants. La date de son entrée à Drancy : 6.1.44 et la provenance. [Nda : En plus des six juifs arrêtés entre Fère, Parcy et Villers, sept autres individus provenant de Château-Thierry et 10 d’Abbeville entreront dans ce camp ce jour-là qui porteront les effectifs à 1501. A la veille du convoi 66 du 20 janvier 1944, les effectifs du camp de Drancy atteignirent 2 182 présents.]
A.M. : Tout est noté !
S.A. : Oui, scrupuleusement. Voyez 10985 correspond à son numéro d’enregistrement au camp que l’on retrouve sur sa fiche de dépouillement où on lui a extorqué 450 francs…
… sur cette même page 38, on remarque trois autres SCHEUER. Ces noms vous disent-ils quelques choses ?
A.M. : SCHEUER est un nom très répandu dans l’Est de la France. Fernand SCHEUER, j’en ai connu un qui était toujours vivant et qui habitait Sedan. C’est surement du cousinage. Chez mon grand-père ils étaient cinq enfants. Il avait des cousins qui habitaient en Argonne, ils étaient six enfants dont un qui a été maire de Vouziers (dans les Ardennes) pendant 40 ans. Un autre qui était à Sedan, un autre à Provins. Tout çà ce sont des cousins qui ont tous disparus. Il y a 27 membres de ma famille qui sont partis dans les camps et ne sont pas revenus ! Si bien que je n’ai plus de famille… J’avais des cousins à Lyon mais ils sont décédés depuis.
S.A : Nous avons trouvé une page de témoignage dans la base de données en ligne du Yad Vashem concernant votre grand-père. Elle est signée par une Madame Denise FRANCK dans les années 90. Son grand-père était cousin de votre grand-père précise-t-elle.
A.M. : Je sais que mon grand-père fréquentait des FRANCK qui étaient aussi de l’Est, de la région de Nancy. Je suppose que c’est ça.
S.A. : Quand ou comment avez-vous appris la nature du camp d’Auschwitz et ce qu’il a pu advenir de votre grand-père ?
A.M : Juste après la guerre quand quelques-uns sont revenus et on commencé à parler. Ils sont partis "en Allemagne", à l’époque on disait "partis en Allemagne". Où ? Comment ? Ma mère, à Paris, en faisant quelques recherches à Drancy on lui avait dit : "Ils sont partis à Auschwitz, Haute-Silésie en Pologne". On n’a jamais su s’il est arrivé vivant ou mort. Du fait de son âge, son état de santé qui n’était pas florissant et des conditions du "voyage" ; la seule chose qu’on peut espérer, et dans cette situation on se limite à peu de choses, c’est qu’avant son arrivée il soit mort.
Je résume à monsieur Marx, les informations publiées par Monsieur Serge KLARSFELD dans son « Calendrier » concernant ce convoi n°66 du 20 janvier 1944.
S.A. : Ce train part, ce jeudi-là, de la gare de Paris-Bobigny à 6 heures du matin. Il emporte 632 hommes et 515 femmes dont 221 enfants de moins de 18 ans. C’est-à-dire 1147 personnes. A l’arrivée à Auschwitz-Birkenau dans la nuit du samedi 22 et du dimanche 23 vers minuit, 236 hommes furent sélectionnés pour travailler dans le camp ainsi que 55 femmes. Le reste du convoi fut immédiatement gazé. En 1945 il y avait 72 survivants de ce convoi. Effectivement, vu sa santé, son âge, car les SS choisissaient sur la rampe uniquement des hommes et des femmes sans enfants, entre globalement 18 et 40 ans pour travailler, votre grand-père n’aurait pu entrer dans le camp…
A.M. : …L’issue était la même pour lui, à l’arrivée c’était la sélection pour la chambre à gaz. Puisqu’on n’a pas su, c’est toujours ce qu’on a pensé et espéré, qu’il soit mort pendant le trajet.
Matricule 10985 : Alphonse SCHEUR, 944è nom sur 1147 ! (Archive du Mémorial de la Shoah)
S.A. : Avez-vous songé, ou peut être êtes-vous déjà allés en Pologne à Auschwitz, sur des sites mémoriels ou le Mémorial de la Shoah à Paris ?
A.M. : Non ! Pour le Mémorial de la Shoah j’y suis allé une fois au début quand ce s’est créé. Je suis allé aussi au Yad Vashem de Jérusalem lors de vacances en 1968. C’était un an après la guerre des Six jours [Nda : victoire de l’armée Israélienne contre une coalition Arabe dans le cadre des nombreux conflits Israélo-arabes depuis la création de l’Etat juif en 1948]. Il y avait une ambiance assez extraordinaire. Je me suis dit je suis là, il faut que j’y aille… J’avoue que je ne me sens pas très à l’aise quand je visite ces endroits… Devant ce mur de noms… Je ne suis vraiment pas à l’aise…
S.A. : Je voudrais profiter de cet entretien pour vous demander votre accord afin que justement, ces noms sur ce mur, dont celui de votre grand-père, reprennent en quelque sorte « vie » dans le cadre de mon travail avec ces jeunes en acceptant que nous racontions dans une publication son histoire, votre histoire.
A.M. : Oui, je ne vois aucun inconvénient.
S.A. : Avez-vous en votre possession des photographies de votre grand-père, de votre mère ?
A.M. : De ma mère j’en ai sûrement. De mon grand-père, j’ai cherché avant notre entretien mais je n’en ai pas retrouvé. Ma mère en avait. Où les a-t-elle rangées ? Je ne sais pas. Si j’en retrouve une, je vous la ferai parvenir.
S.A. : Si vous avez des photographies d’avant-guerre de votre famille, d’une scène de la vie quotidienne à Fère, de la maison de vos grands-parents ou de leurs pâtures ; tout cela nous intéresse.
A.M. : La photo des bâtiments, c’est facile à faire, ils sont encore là ! Je charge donc mes élèves vivant à Fère, d’aller prendre des clichés pendant les vacances de Noël. Ils acceptent volontiers. Ils conviennent d’un rendez-vous pour faire les reporters-photographes.
S.A : A propos de photo, accepteriez-vous que l’on en prenne une de vous avec les élèves ?
A.M. : D’accord mais je ne suis pas très photogénique.
S.A. : Détrompez-vous !
A.M : Votre professeur, il est du genre flatteur, dit-il goguenard en s’adressant aux élèves
Après cette petite séance photographique réalisée dans la bonne humeur je propose à Monsieur Marx de récupérer les copies des documents d’Archives que j’ai rassemblées à ce jour concernant son grand-père. Il s’arrête sur l’annonce publiée en aout 1942 de la vente des biens immeubles d’Alphonse SCHEUER :
A.M : Je sais que la pâture a été vendue à un certain monsieur F. de Serches. C’est la pâture derrière l’église. L’annonce n°2 n’a jamais été vendue car c’était occupé par les Allemands (voir la raison exprimée plus haut) et l’annonce n°3 non plus car elle était occupée par du personnel de la maison. C’était une petite maison accolée aux bâtiments d’exploitation. Mais çà, en montrant l’annonce n°1, Monsieur F. l’avait acheté. Il nous a envoyé une facture au printemps 1945 comme quoi il avait fait des travaux d’aménagement pour amener de l’eau dans un coin de la pâture où il n’y en avait pas. Une facture de travaux de grue… je peux vous dire qu’il n’a pas été payé ! On était passé au tribunal à l’époque pour récupérer ce bien. Ça a été rondement mené par un avocat de Château-Thierry, Jean MENARD, qui a fait diligence. La demande de restitution a été déposée et dans les 15 jours qui suivaient, la restitution eut lieu.
S.A : Et ce monsieur F. ?
A.M. : Monsieur F. s’est assis sur ce qu’il avait acheté et les travaux qu’il avait effectué pendant l’occupation. Il a eu l’audace de nous envoyer la facture. Je dis bien « l’audace ». J’ai revu ce monsieur d’ailleurs à la Bourse de Soissons, le café de la Bourse, (devenu aujourd’hui une enseigne de recrutement d’intérimaires). Dans ce café de la Bourse se retrouvait tout le gratin agricole du Soissonnais les samedis après-midis. On est en 1946, j’avais 18 ans, j’ouvrais enfin ma gueule et quand ce monsieur m’a tendu la main pour me saluer, je lui ai répondu : « Je ne mets pas la main dans le fumier ! »
Nous abordons, à travers cette anecdote, l’outrecuidance et l’hypocrisie de certains comportements après la guerre.
A.M. : Oh vous savez, après la guerre, une vingtaine de personne m’ont dit : « Mais ton grand-père il n’avait qu’à venir chez nous ! » Pour vous donner un exemple, pendant les vacances scolaires d’été sous l’occupation, mon grand-père m’ordonnait de ne pas rester trainer à Fère-en-Tardenois et d’aller faire les moissons. Donc j’étais allé dans une ferme, pas très loin de Fère. C’était un vieux copain de mon grand-père, parait-il. Et puis le soir je pensais coucher sur place. Le patron me dit : « Il faut que tu rentres à Fère parce qu’on n’a pas de place pour te coucher ». Il y avait dix chambres quand même dans la ferme ! Bon bah je rentre. Je prends mon vélo et je demande à mon grand-père :
-« Et pour demain matin ? »
-« Pour demain tu restes ici à couper du petit bois, il ne faut pas me prendre pour un imbécile ! »
Je suis venu une journée là-bas, à la place d’un commis qu’il aurait payé. Il m’a donné à manger d’accord mais quand même ! Non ! Après la guerre, ce même homme me dit : « Mais si ton grand-père était venu à la maison », sous-entendu il serait encore en vie parce qu’on l’aurait caché. Je n’ai pas répondu. Si je réponds ça va aller trop loin ! Alors il ne valait mieux pas que je réponde. J’avais 18 ans, et puis juste après les épreuves de l’occupation… je n’étais pas gentil. A cet âge on ne réfléchit pas, on est parfois ridicule et avec les années on ne le ferait plus mais ça fait du bien ! Par exemple, j’ai eu des mots avec des gendarmes à Fère. Je leur avais dit :
-« Vos prédécesseurs étaient des gens formidables et vous, vous n’allez pas m’emmerder parce que je n’ai pas mis ceci ou pas fait cela ! Ça suffit ! »
-« Vous savez à qui vous parlez, répondit un des gendarmes. »
-« Oui, à un gendarme. Et alors ? N’allez pas plus loin sinon je vais dire des choses pas très agréables.»
Le chef est arrivé, ça s’est calmé. Parmi eux il y en avait un qui était à Château-Thierry pendant la guerre et il avait un passé qui n’était… pas très joli. J’ai fini par dire : « Essayez d’avoir un peu de mémoire ! »
Il y a de tout dans la vie, toujours. Il suffit de passer au milieu de tout çà ! Comme disait un de mes amis, je n’ai pas de rancune avec les années qui passent mais j’ai de la mémoire.
L’entretien arrive à sa fin, nous saluons chaleureusement monsieur MARX pour son témoignage.
A.M : Ça vous convient, ça vous va malgré le peu que je vous ai donné ?
S.M. : Peu ? Non, c’est beaucoup. Vous nous avez beaucoup appris. Avec les élèves on essaye de faire parler les archives mais grâce à vous, on a du vivant.

13/01/2013
Auteur : Stéphane Amélineau Lien : CDI Lycée Saint-Rémy SOISSONS

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Les persécutions des Juifs victimes de la Solution Finale à Berck sur Mer pendant la 2de Guerre mondiale , Mémoire ou thèse 60 pages, réalisation 2014
Auteur : Cyril Brossard - terminal
Étude réalisée à la suite d'un voyage d'études à Auschwitz-Birkenau et suite à une demande d'élèves de Terminales ES du lycée Jan Lavezzari. Etude qui sert aussi à la préparation au CNRD 2014-2015 dont le thème est la découverte des camps de concentration, le retour des déportés et la découverte du système concentrationnaire nazi.
Histoire des Communautés Juives du Nord et de Picardie , Mémoire ou thèse 148 pages, réalisation 2009
Auteurs : Frédéric Viey, Franck d'Almeyda - terminal
Cette Histoire des Juifs du Nord et de Picardie relate le quotidien des Juifs dans le Nord de la France à partir du Moyen-Âge jusqu'à nos jours. Durant la Seconde Guerre Mondiale, les Communautés Juives de ces régions ont payé un lourd tribu en perte humaine : la déportation et l'exécution après être passé par le Camp des Malines. Aujourd'hui dans toutes les Communautés un monument rappelle les sacrifices faits par le Peuple Juifs. Après la Seconde Guerre Mondiale, la population juive de France est exsangue. Les survivants vont essayer de faire revivre leur patrimoine religieux et culturel.


Liens externes [Ajouter un lien vers un article d'intérêt ou un site internet]
1 la Famille Angel (Histoire tragique d'une famille qui a tenté d'échapper à son destin en se sauvant de Lille, vers la Loire Atlantique )
2 François Molet (François Molet, né à Beaurevoir le 14 mars 1905 est fusillé le 7 avril 1942 au Mont-Valérien. )
3 René Wallard (Page facebook du livre qui est en préparation sur son histoire.
Titre du livre "Dis leur de ne jamais pardonner". )

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