La Juvaquatre de Raoul Laporterie source photo : Arch. fam. crédit photo : D.R.
	Raoul Laporterie source photo : Yad Vashem Photo Archive crédit photo : D.R.

Raoul Laporterie* est commerçant à Mont-de-Marsan et maire de Bascons, dans les Landes, petite commune de zone libre, située à quelques kilomètres de Mont-de-Marsan.
Raoul Laporterie* a obtenu un laissez-passer pour se rendre quotidiennement à son magasin de Mont-de-Marsan, en zone occupée.
Cette facilité lui permet de faire passer les lettres d'une zone à l'autre. Ce n'est pas assez. Il a imaginé de ressusciter une vingtaine de ses administrés pour lesquels les Allemands lui ont, sans y voir de malice, délivré des ausweis, et pour lesquels il a établi des cartes d'identité presque complètes. Seule la photo manque encore.
Une photo, c'est la seule chose qu'il réclame instamment de ses correspondants. Pas d'argent. Il n'acceptera jamais d'argent.

Il sauve ainsi seize cents réfugiés chrétiens ou juifs en les passant en zone libre à bord de sa vieille Juvaquatre immatriculée 2134 HU 2. Il fait aussi "passer" du courrier, des vêtements, des bijoux, de l’argent et même, un jour, le trousseau d’une mariée.

Il ne refuse jamais son aide, qu’il s’agisse de réunir des amoureux séparés par la ligne de démarcation, de faire passer des fugitifs ou des hommes d’affaires d’une zone à l’autre, ou plus simplement d’aider ceux qui cherchent des renseignements sur le sort de parents ou d’amis dans l’autre secteur.

"Monsieur, lui écrit Mlle Alsberghe, qui habite Tourcoing, j'ai eu cet après-midi votre adresse par une amie el j'ose croire que vous m'excuserez de prendre la liberté de vous demander un service qui n'est pas sans danger pour vous.
Si vous croyez pouvoir faire parvenir cette lettre, vous me rendriez très heureuse, car mon fiancé est sans nouvelles depuis un mois... ".
Raoul Laporterie* fait un paquet des dizaines de lettres que le facteur lui apporte et les glisse sous les coussins de sa Juvaquatre.

Pour franchir la ligne de démarcation, les passagers de sa voiture ont besoin d’un laissez-passer. Le maire dispose d’un grand nombre de formulaires en blanc, il y appose la photo de ses passagers, auxquels il recommande de rester calmes et de paraître naturels lors des contrôles.

Le poste de contrôle est situé à la sortie de Mont-de-Marsan, sur la route d'Aire-sur-l'Adour, dans un creux de terrain. Les Autrichiens le connaissent bien et le laissent passer sans embûche. Pourtant, s’il avait été pris en flagrant délit, non seulement d’utilisation frauduleuse de documents officiels mais aussi accompagné de Juifs qu’il tentait de faire passer d’une zone à l’autre, il risquait la prison et la déportation.

Parfois aussi, il héberge des fugitifs en instance de passage venus le voir à Mont-de-Marsan ou bien règle la note de l’hôtel pour eux.

Il aide aussi la famille Kannengieser.
En 1939, les habitants de Bartenheim (68) sont évacués vers les Landes. Le 1er septembre, l’appariteur de la mairie leur apprend qu'ils devront partir dans la journée, avec 30 kg de bagages par famille, alors que rien n’avait été préparé.
Monsieur Kannengieser était déjà parti pour l’armée. Son épouse, Madame Kannengieser, et leur fils René, âgé de 8 ans ont pu bénéficier de la complicité d’un cousin qui disposait d’une voiture et les conduit jusqu’à Champlitte (70). De là, ils embarquent dans les wagons à bestiaux, direction Bascons, dans les Landes.
Le maire de Bascons, Raoul Laporterie*, les prend sous son aile. Les Kannengieser sont logés dans la commune, tandis que la plupart des Bartenheimois étaient hébergés à Tartas, de l’autre côté de Mont-de-Marsan.

Malgré l'accueil chaleureux, les alsaciens sont traités de "boches", et les populations ne se comprenaient pas, les Alsaciens s'exprimaient en dialecte et les Landais en patois. Mais au bout de quelques jours, en s'aidant des mains, ils finissent par y arriver. De nombreux Alsaciens apprennent le français à Bascons.

En septembre 1940, la plupart des Alsaciens rentrent en Alsace occupée, à l'exception des juifs.

Résistant, Raoul Laporterie* se vit décerner en 1945 la croix de guerre pour ses activités pendant l’Occupation. À cette occasion, plusieurs Juifs qui lui devaient la vie, lui remirent une lettre de remerciement et de louange.

Le 18 mars 1976, l'institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné à Raoul Laporterie* le titre de Juste parmi les Nations.

René Kannengieser sera maire de Bartenheim de 1980 à 2001. Il est à l'origine du jumelage entre Bascons et Bartenheim.
Trente ans après son père René Kannengieser, c'est son fils Bernard Kannengieser qui sera élu maire de Bartenheim le 20 juin 2020.

Lien vers le Comité français pour Yad Vashem

Rescue Story

17/02/2012
Lien : Yad Vashem