Marc Abou

Maurice Mayoud*, qui habitait Saint-Laurent-de-Chamousset (Rhône) était propriétaire du café-restaurant "La Carrière de la Patte" et d'une petite ferme contiguë. 

Dans une baraque située dans la cour de cette ferme il cacha près de vingt Juifs : la famille Zemmour, de Lyon, ainsi que les Dahan, les Abou et les Cohen-Bacri de Saint-Fons - familles d'ouvriers marocains juifs des usines Rhône-Poulenc arrivés dans la banlieue industrielle de Saint-Fons dans l'entre-deux guerres.¹

Un certain nombre d'entre eux avaient fait la connaissance de Maurice Mayoud* alors qu'ils venaient se ravitailler à Saint-Laurent-de-Chamoussetpendant les premiers mois de l'Occupation. 

En août 1942, la police de Vichy procéda à des arrestations de Juifs dans la zone sud. Des Juifs de Saint-Fons se réfugièrent alors à Saint-Laurent-de-Chamousset, tandis que leurs épouses continuaient à travailler à l'usine pour nourrir leur famille. Les enfants venaient à la ferme apporter à leur père argent et tickets d'alimentation. 
La situation s'aggrava avec les ravages commis par un collaborateur Alsacien affecté par la Gestapo à la lutte antijuive, Charles Goetzmann surnommé Le Boiteux, à Saint-Fons. 

Charles Goetzmann et sa complice Jeanne Hermann ont été accusés au cours de leur procès, ouvert devant la cour de justice du Rhône le 21 juin 1948 d’avoir livré à la Gestapo, de mai à août 1944, pour quelques milliers de francs de primes², une centaine de Juifs de la banlieue sud lyonnaise, principalement des Juifs de Saint-Fons. L’acte d’accusation leur impute au moins 26 opérations montées contre des Juifs, tous déportés, avec un tragique bilan : plus de cinquante personnes parmi eux sont mortes en camps d’extermination .
Charles Goetzmann, conduits à Saint-Fons par des renseignements avait un logement situé rue du Petit Bois. De sa fenêtre, il repérait les Juifs qui se rendaient à la synagogue les jours de culte, se rendait chez eux, les dépouillait de leurs valeurs et bijoux sous la menace de son pistolet puis les livrait à la Gestapo.³

La famille de Moïse Abou
Moïse Abou né à Tafilalet (Maroc) en 1980 et son épouse Saida née Benhamou à Ain ElArba (Algérie) en 1890 habitaient à Saint-Fons. ils avaient 7 enfants Lucie Marie épouse Derhy née en 1918 à Oran, Marcelle née en 1926 à Oran (Algérie), Prosper né 1930 à Lyon, Marc né en 1933 à Lyon, Jacques, Joséphine et David Abou.

Lucie épouse Dehry est arrêtée le 11 juillet 1943 à la gare des à Lyon. Motif: franchissement clandestin de la frontière... Internée à la prison Montluc le 11/07/1943. Transférée à Drancy le 30 /07/1943, Lucie est déportée sans retour à Auschwitz (Pologne) le 02/09/1943 par le convoi n° 59.

Au printemps 1944, Prosper, âgé de douze ans, jouait dans la rue, lorsqu'une voiture s'arrêta devant sa maison située 12 rue Anatole France. Charles Goetzmann dit "Le Boiteux" et sa maîtresse Jeanne Hermann, en sortirent et se dirigèrent vers l'appartement des Abou alors que Moïse Abou était absent. Ils en redescendirent encadrant Saida Abou et sa fille Marcelle. Toutes deux furent déportées le 11 août 1944 par le convoi n° 78 de Lyon vers Auschwitz. Marcelle survécut aux camps. Libérée le 09/05/1945, elle est rapatriée le 14/06/1945 tandis que sa mère ne reviendra pas.

La ferme Mayoud
A la suite de ce drame, les femmes commencèrent elles aussi à chercher refuge, avec leurs enfants, dans la ferme Mayoud dont Suzanne Cohen Bacriet ses soeurs Louise épouse Abou et Esther épouse Zemmour. 

Les adultes, qui n'avaient pas de faux papiers d'identité, n'osaient plus sortir et les enfants effectuaient divers travaux pour gagner un peu d'argent afin de nourrir leur famille. Il se trouva des gens pour avertir Maurice Mayoud*, sur un ton menaçant, qu'on savait qu'il cachait des Juifs. Il continua courageusement à leur donner asile. 

Le 5 septembre 1997, l'institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné à Maurice Mayoud* le titre de Juste parmi les Nations.