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Région :
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Préfets :
Jean Roussillon
(16/08/1940 - 31/07/1943) Préfet régional de la région d'Angers (Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe et la partie occupée de l'Indre-et-Loire) (1896-1970)
Philibert Dupard
(17/09/1940 - 06/07/1943) 1890-1944) Préfet de Loire-Inférieure
(1942 - 1943) Préfet de Loire-Atlantique. Résistant, dénoncé par la Milice, il est arrêté par la Gestapo et déporté à Neuengamme (1899-1945). Charles Donati
(01/08/1943 - 10/08/1944) Charles Guérin Joseph Louis Donati, Préfet régional de la région d'Angers (Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe et la partie occupée de l'Indre-et-Loire) (né en 1891)
Michel Debré
(10/08/1944 - 01/04/1945) Michel Debré dit Jacquier, Commissaire de la république de la région d’Angers (Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe et la partie occupée de l'Indre-et-Loire) (1912-1996)
Alain Savary
(01/04/1945 - 11/05/1945) Commissaire de la république de la région d’Angers (Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe et la partie occupée de l'Indre-et-Loire) (1918-1988)
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Hôtel de ville source photo : Commune de Châteaubriant crédit photo : D.R. |
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La commune des Castelbriantais
Châteaubriant est une commune situé au nord de la Loire-Atlantique, à 55 km de Rennes, 70 km de Nantes, 50 km d'Ancenis et 73 km d'Angers.
Lors du recensement de 1936, la commune comptait 8 271 habitants et en comptera 9 276 en 1946.
En 1939, Châteaubriant, une cité de 8112 habitants, coule des jours tranquilles dans la Vallée de la Chère, au pied du Château érigé par Brient 1er, au centre d’un cercle de forêts.
Petite ville de province, elle a dépassé les caractéristiques d’un gros bourg rural.
Sous-préfecture du département de Loire-Inférieure (alors partie de la Bretagne), elle tient le rôle de ville-centre par rapport aux bourgs environnants, elle offre de nombreux services administratifs (liés à la présence de la sous-préfecture), une gare SNCF-voyageurs et une gare SNCF-marchandises, une gare routière, un hôpital et un autre établissement hospitalier de renommée mondiale (où le docteur André BERNOU, assisté de Lucienne MARECAUX, réalise des miracles dans les soins donnés aux tuberculeux), un commerce bien développé, un gros marché le mercredi, une foire annuelle renommée, des banques, des écoles primaires, un Cours Complémentaire et même des bains-douches publics. D’un point de vue culturel, elle dispose d’une bibliothèque municipale, d’un cinéma, de deux hebdomadaires (le Journal de Châteaubriant et le Courrier de Châteaubriant).
Protégée, mais non coupée du monde et de ses troubles, elle compte alors, selon le Sous-Préfet de l’époque, 900 ouvriers, 300 commerçants, 250 fonctionnaires (enseignement et PTT), 150 artisans et une centaine de professions libérales, contre seulement 125 exploitations agricoles. Les ouvriers travaillent essentiellement à l’usine Huard (machines agricoles et fonderie), à la fonderie Leroy et au dépôt SNCF.
La vie sociale est importante : vie syndicale (forte implantation CGT à l’usine Huard, dans les fonderies et au dépôt SNCF), vie associative (harmonie municipale, groupes de théâtre, association d‘Anciens Combattants, sociétés sportives et nombreuses autres associations, comme l’Amicale Laïque dont 29 militants seront victimes de la barbarie nazie), vie religieuse (Paroisses, Cercle Catholique, Voltigeurs, écoles ...).
Le marché tient un rôle important, il diffuse les nouvelles et assure le lien entre ville et campagne. Chaque année en septembre, la Foire de Béré réunit tout le pays.1
07/07/2021
L'arrivée des Républicains Espagnols
Dès le début de la guerre civile espagnole, des Républicains et leurs familles fuient le pays pour se réfugier en France.
236 Espagnols, femmes et enfants souvent originaires du Pays Basque et des Asturies, transportés par des bateaux anglais, arrivent à Ancenis.
D'autres réfugiés seront accueillis dans des installations de fortune à Châteaubriant puis dirigés vers le camp de la Forge à Moisdon.2
Quelque 110 Espagnols sont regroupés en hâte au rez-de-chaussée de la mairie transformé en centre d’hébergement pour un mois, puis dans la salle Lutétia (ancienne salle de bal) et en divers entrepôts de la ville où sont installées les cuisines et les couchettes. Le maire, Ernest Bréant, fait acheter des couvertures, cuisinières, batteries de cuisine. Le Sous-Préfet Raymond Arnaud, avec son épouse, gère les denrées alimentaires que la concierge de la sous-préfecture, Madame Cassin, va porter aux Espagnols dans sa brouette.
Les Castelbriantais sont plutôt réservés voire réticents, mais sous l’impulsion du maire et du sous-Préfet quelques-uns apportent du linge, en particulier pour les bébés, tout en regardant d’un drôle d’air ces « rouges » sûrement partisans du communisme. Mais la dignité des réfugiés, « leur attitude pleine de sagesse » comme dit le sous-Préfet, impressionnent favorablement la population locale. Les autorités ecclésiastiques, Le Journal de Châteaubriant et même Le Courrier de Châteaubriant, s’emploient à changer le regard des Castelbriantais. Diverses manifestations de solidarité, dont des soirées dansantes et des représentations théâtrales, sont organisées au Marché Couvert au bénéfice de ces malheureux.
Pendant ce temps-là, les autorités s’activent à préparer des camps (des planches pour faire des lits, 620 paillasses, 600 kg de paille) aux anciennes ardoisières de Juigné- les-Moutiers et aux anciennes Forges de Moisdon.
A la fin mai 1939, environ 800 réfugiés espagnols, venant de tout le département, y sont parqués et leur seule présence (pourtant essentiellement des femmes et des enfants) effraie la population de Moisdon : dans ce milieu rural, les « rouges » ne pouvent être acceptés et, sauf exception, la population de Moisdon ne manifeste aucune sympathie pour les réfugiés (singulièrement, d’ailleurs, les habitants de Moisdon ne participeront guère, plus tard, à la Résistance contre l’Occupant).
Les Espagnols ne restent pas longtemps dans la région : après l’entrée en guerre de la France, contre l’Allemagne, en septembre 1939, le gouvernement français organise l’expulsion progressive de ces réfugiés, sauf de ceux qui, comme Fernandez Diez, se sont engagés dans l’armée française. Les camps sont officiellement dissous à la fin du mois d’octobre 1939.
Quelques Espagnols restent cependant à Châteaubriant, fréquentent ses écoles et ses clubs de football et y fonderont par la suite une famille. Certains seront enrôlés par l’Allemagne dans l’organisation Todt (qui construit le mur de l’Atlantique). D’autres réussiront à s’évader, à rejoindre les maquis et la France Libre.3
07/07/2021
Lien : Telles furent nos jeunes années
Les Juifs à Châteaubriant
Châteaubriant : pendant la guerre seules quelques familles de « Juifs » habitent Pendant la guerre, seules quelques familles de « Juifs » habitent Châteaubriant, résidents locaux ou réfugiés.
Les PICKS ont été accueillis dès le printemps 1938 : la montée du nazisme leur faisait déjà envisager la persécution (Ils ont été logés boulevard de la République dans la maison de Mme Affilé, avant de partir aux USA).
Une liste de recensement faite en 1940 relève 31 noms dans la région, sans indiquer le lieu de résidence. Les Juifs, ou supposés Juifs, sont très surveillés : un rapport de la brigade de gendarmerie de St Julien de Vouvantes signale, par exemple, l’arrivée, en juin 1942, d’une juive polonaise, Bickel Ryfka : elle sera arrêtée un mois plus tard.
A Châteaubriant les plus connues sont les familles Sinenberg, Rimmer, Pach, Averbuch, Israël et Kohn.
En juillet 1942, une grande rafle de Juifs a lieu en Loire-Inférieure : 98 arrestations dont 4 dans la région de Châteaubriant : Jean Pach médecin, (qui sera déporté à Auschwitz), Fischel Rimmer Bickel Ryfka, et Jacob Ravitsky.
Nouvelle rafle le 9 octobre 1942. Les listes signalent cinq arrestations à Châteaubriant : M. et Mme Kohn, Bien Rimmer et ses deux enfants Robert 6 ans et Bella 16 mois. Bien Rimmer réussit à faire prévenir ses voisins, Auguste* et Marie Mousson* qu’elle est prisonnière à la caserne Richemond à Nantes. « il faut récupérer les enfants » disent Auguste* et Marie Mousson*. Marie Mousson* et sa fille se rendent alors à Nantes. Les enfants seront ainsi sauvés. Après la guerre, Jules Moch, Ministre de l’Intérieur, écrira à Marie Mousson* : « Vous avez en toute circonstance servi avec dévouement et désintéressement la cause de la France. Je suis heureux, au nom du gouvernement, de vous remercier de votre belle attitude et de vous transmettre l’expression de la Reconnaissance Française ». [Les noms d’Auguste* et Marie Mousson* figurent depuis janvier 1994 à Yad Vashem, « la montagne de la mémoire », dans le « Jardin des Justes » qui ont aidé et protégé des Juifs durant la guerre en France]
Fischel Rimmer, 38 ans, sera déporté sans retour par le convoi n° 8, d'Angers vers Auschwitz. Bien Rimmer sera envoyée à Drancy et déportée sans retour vers Auschwitz par le convoi n° 40.
A partir du 7 juin 1942, adultes et enfants de plus de 6 ans, y compris sur les bancs de l’école, portent l’étoile jaune, cousue ostensiblement sur la poitrine. Les Juifs n’ont plus ni le droit de travailler (sauf dans les emplois subalternes et manuels sans contact avec le public) ni d’aller dans les cafés ou les fêtes, ni de conduire un véhicule, leurs comptes bancaires sont bloqués, les « biens israélites » sont recensés pour être vendus à des « aryens ». Il arrive qu’une « bonne âme », maniant la délation, signale une ferme à Jans et une autre à Soudan, appartenant à des Juifs ; Il arrive aussi que, dans un autobus, un Français mal éduqué s’exclame en voyant l’étoile : « dire qu’il nous faut voyager en compagnie de Juifs ». Ceux qui le peuvent font valoir que, si les chefs de famille sont juifs, les mères sont « aryennes » et que, n’ayant que deux grands-parents juifs, ils ne tombent pas sous le coup de la loi. Les familles Sinenberg et Kohn se rendent ainsi à la kommandantur qui demande au commissaire de police de surseoir à la remise de l’insigne.
08/07/2021
Source : Telles furent nos jeunes annees
Lien : Châteaubriant, Histoire et Résistance
L'exode
A Châteaubriant en mai 1940, l’exode amène des Français du Nord et de l’Oise, (et notamment des personnes handicapées, évacuées d’un établissement spécialisé), des Belges, des Parisiens encore, des Normands, avec le triste cortège qui caractérise tout exode : bicyclettes, charrettes à bras, charrettes attelées, piétons harassés, rares automobiles. Tous véhiculent la terreur : « La puissance des Boches est irrésistible. C’est cuit, nous avons perdu la guerre ! ». Ils jettent encore plus la panique quand, rappelant les souvenirs de leurs pères, ils racontent que les Allemands coupent les mains des hommes et violent les femmes.
29 mai 1940 : l’immeuble du "Cercle Catholique" (actuellement l'hôtel "Le Châteaubriant") est mis à disposition du Comité d'Accueil des Réfugiés. Les Scouts, dirigés par Jean GAUCHET et Etienne DE TUGNY, s’occupent de l’accueil, et des cantines et comptoirs de vivres installés à la Mairie et aux six entrées de Châteaubriant sur les routes qui mènent à la Bretagne et au Sud-Loire. Les industriels locaux et le directeur des Terrasses fournissent et transportent du matériel, s'efforçant de trouver du travail aux réfugiés. La population se fait tirer l’oreille : « Monsieur le Maire regrette que le public ne mette pas plus d'empressement à loger les réfugiés » est-il écrit dans les compte-rendus de Conseil Municipal.
A leur tour, pris de panique, nombre de Castelbriantais fuient, les uns dans la campagne environnante, d’autres jusqu’au delà de la Loire. Ils reviendront plus tard quand ils sauront que les Allemands se comportent « correctement », affirmation exacte au début de la guerre.
Devant cette débandade, le maire, Ernest Bréant, siège jour et nuit à la mairie, attendant les ordres, prêt à prendre les mesures qui s’imposent. Il faut faire venir tous les jours des quantités importantes de denrées, des tonnes de pommes de terre, pâtes, pâté de campagne, bouillon Kub, sucre. Le maire réquisitionne les boulangers (farine, sel, levure, mazout) pour nourrir toute la population sédentaire ou passagère. A sa demande, les conseillers municipaux, du moins ceux qui n’ont pas fui, se relaient pour l’aider à tenir tête et à prévenir toute éventualité.
La "défense passive" s'organise, une circulaire préfectorale demande de trouver des abris ou de creuser des tranchées pour les enfants des écoles et la population. Le maire rétorque "qu'en raison de la situation en cuvette de la ville, il est difficile de creuser des tranchées sans s'exposer à l'inondation" et encourage avec insistance les Castelbriantais à creuser des tranchées particulières dans les jardins ... mais le problème demeure pour les habitants du centre-ville ! Deux sirènes d'alarme sont proposées pour prévenir les habitants : celles de l'usine HUARD et de l’usine de confection M. DURAND RICHER.
07/07/2021
Lien : Telles furent nos jeunes années
L’arrivée des Allemands
10 juin 1940, le gouvernement décide de quitter Paris qui, le lendemain, est déclarée « ville ouverte ». 14 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Paris.
14 juin 1940, des troupes anglaises passent par Châteaubriant, remontant vers le Nord. La ville respire ... et se laisse à nouveau gagner par la panique quand les Anglais redescendent le lendemain et le surlendemain, en direction du port de Saint- Nazaire, abandonnant et brûlant des camions sur le bord des routes, et en particulier en forêt du Gâvre.
Le 16 juin 1940, le maréchal Pétain demande l’armistice. Une réunion de crise se tient à la sous-préfecture de Châteaubriant, avec une délégation d’Anciens Combattants venus voir s’il faut, ou non, engager les Castelbriantais à rester sur place. Alors, selon les dires du Sous-Préfet Lecornu, le Chef d’Etat-Major de la Région demande à être reçu en même temps que les Anciens Combattants. Il a ordre, dit-il, d’organiser « le réduit breton », « le premier récif sur lequel viendra déferler la première vague d’assaut allemande ». Avec quelles armes ? « Vous prendrez vos fusils de chasse, vous mettrez en travers de la route les charrues, tracteurs agricoles, tous les obstacles lourds que vous pourrez trouver ». Il envisage d’empiler des bottes de paille aux entrées de la ville et de les enflammer pour barrer la route aux Allemands. Cette idée provoque la colère des Anciens Combattants qui savent qu’on ne résiste pas ainsi et que ces bottes de paille donneraient au contraire l’idée de mettre le feu à la ville. La proposition tourne court. Bientôt le « réduit breton » est abandonné : le gouvernement quitte Paris pour Bordeaux.
Le 17 juin 1940, un bombardement allemand coule le Lancastria dans le port de Saint Nazaire, faisant 4000 à 7000 morts. Ce navire a quitté Plymouth le 15 juin 1940 avec mission d’embarquer des troupes anglaises et polonaises, mais aussi des civils. A 15h48 l'attaque aérienne allemande envoie une salve de bombes; l'une d'elles tombe dans la cheminée et explose dans la salle des machines où un incendie terrible se déclare, une nappe de mazout se propage sur l'eau. Le Lancastria gîte, chavire et coule en 24 minutes. Le sauvetage est extrêmement difficile. Dans l’eau, le mazout est partout, collé aux vêtements, aux cheveux ; il s’incruste vers le haut des narines et dans les poumons. L’horreur la plus terrible : l’avion de la Luftwaffe continue à mitrailler les survivants dans l’eau et sur le bateau qui coule. Les jours suivants, les noyés arrivent "par grappes" sur les plages du littoral. Ils sont inhumés au cimetière militaire (The war Cimetery) à Pornic. Des rescapés du Lancastria, débarqués à Saint- Nazaire, sont capturés par les Allemands et internés. D’autres réussissent à s’échapper. Marie ROLLAND, de Guémené Penfao, par exemple, recueille et cache 47 membres de l’équipage. Ces 47 hommes regagnent l’Angleterre par petits groupes, aiguillés par sa main ferme.
Le 17 juin 1940, l’armée française en déroute passe jour et nuit par Châteaubriant où circulent les plus folles rumeurs : « A Rennes, un train de réfugiés et un train de troupes ont sauté : 6 000 victimes » colporte-t-on.
Le 17 juin 1940, le maréchal Pétain demande à l’adversaire « les moyens de mettre un terme aux hostilités ». Jean HUARD se souvient : « Cétait la consternation à la maison ». Jean Guéhenno, dans son « Journal des années noires », écrit ce jour-là : « Voilà, c’est fini. Un vieil homme qui n’a même plus la voix d’un homme, mais parle comme une vieille femme, nous a signifié à midi trente que cette nuit il avait demandé la paix ... Je ne croirai jamais que les hommes soient faits pour la guerre. Mais je sais qu’ils ne sont pas non plus faits pour la servitude ». Le soir même Churchill s’adresse à la nation anglaise : « Désormais nous sommes les seuls champions du monde qui restent sous les armes pour défendre la cause du monde ».
18 juin 1940, vers 9h30, deux side-cars allemands arrivent par la route de Vitré. Les jours suivants viendront des colonnes blindées, bruyantes mais disciplinées, arrivant par les routes de Rennes, de Vitré et de Laval, et même un détachement de cavalerie avec de lourdes voitures à cheval. Une Kommandantur est établie à Treffieux, et une autre à Châteaubriant. Dans cette ville les Allemands s‘emparent de la mairie (où le drapeau français est amené par l’agent de ville Jean BOUCHET), de la gendarmerie, de la poste, des banques, de la perception, des écoles, de tout ce qui assure la vie sociale et économique de la ville. Bruits de bottes.
Ils envahissent aussi la Sous-Préfecture. « Deux motocyclistes paraissant surexcités se présentent devant la porte en fer du logis de Sous-Préfet. La porte ne s’ouvrant pas assez vite, ils se jettent dessus avec leur moto » se souvient Georgette CASSIN qui en était terrorisée. Un officier allemand s’installe au rez de chaussée du logis.
Le drapeau du IIIe Reich flotte sur la mairie. Le drapeau français est désormais interdit. Les Allemands coupent les lignes téléphoniques. Châteaubriant est isolée du reste de la France. « Non, se souvient M. HUARD, ils ont oublié le téléphone de la gare. C’est de là que le Sous-Préfet, M. LECORNU, peut alerter la Préfecture ».
Une affiche allemande rappelle que « le territoire français, occupé par les troupes allemandes, est placé sous l’administration militaire allemande. (...). Les troupes ont reçu l’ordre de ménager les populations et leurs biens si elles restent tranquilles (...). J’attends de la sagesse et de l’intelligence de la population qu’elle s’abstienne de toute action irréfléchie, de sabotage de toute nature et de résistance passive ou même active contre l’armée allemande ».
07/07/2021
Lien : Telles furent nos jeunes années
L'Occupation
Le gros des troupes allemandes se contente de traverser la ville, seuls restent une trentaine de gendarmes allemands et d’interprètes. Ils logent chez l’habitant, choisissant les plus belles maisons, les pièces les plus confortables. Ils sont chez eux. Aimables au début, ils essaient d’amadouer la population, de démentir les bruits qui ont pu courir sur eux, de prendre des photos "couleur locale" pour renforcer la propagande de Goebbels qui veut prouver la bonne entente, la bonne « collaboration » des Français et des Allemands. Le mot « collaboration » n’a pas pris encore le sens qu’on lui donnera plus tard.
Le viol, qui restera impuni, d’une jeune réfugiée belge par un soldat allemand, aux environs de Châteaubriant, sous les yeux de son mari tenu en respect sous la menace des armes, rappelle aux Français qu’il vaut mieux se tenir sur ses gardes. L’Allemand est l’Occupant.
Le mouvement des troupes, chantant et faisant l’exercice au pas cadencé (avec le fameux "pas de l’oie"), serre le cœur et les poings des Castelbriantais. La cérémonie de « la relève » devant la Kommandantur, avec la pompe qui la caractérise, attire les quolibets (discrets). Avec deux autres jeunes, Jean CHRETIEN, n’hésite pas à « porter un coup » au respect dû à l’armée allemande, en allant déposer un étron dans la guérite de la sentinelle, entre deux de ses passages. Il faut toute la diplomatie du maire Ernest BREANT pour apaiser la colère du chef de la Kommandantur. C’était seulement le début de l’Occupation : l’incident n’eut pas de suites fâcheuses. Mais l’acte en lui-même, symbole de dérision, fait encore rire les Castelbriantais plus de 60 ans après.
Les Allemands installent leur « feldgendarmerie » à Châteaubriant, d’abord au château de la Trinité, puis à la banque Couchot (dans le bâtiment où se trouve maintenant le Crédit Industriel de l’Ouest, à l’angle des rues Aristide Briand et Pasteur).
A Treffieux, la kommandantur occupe la maison des dames Bricaud-Gardé, raconte René PHILIPPOT. « Deux sections d’Allemands séjournent dans la commune. La section motorisée, la plus nombreuse, loge d’abord chez l’habitant puis réquisitionne cinq maisons. Un hangar est construit pour loger les camions. La section des aviateurs, une quinzaine d’hommes, réquisitionne la maison personnelle de Jean TROVALET et établit son poste d’observation à « La Claie des Bois » sur la route d’Issé à un kilomètre du bourg de Treffieux. Les soldats allemands manœuvrent dans la cour de l’école des filles. La statue de Jeanne d’Arc les gêne. Les Allemands veulent la faire disparaître, mais le curé de Treffieux leur explique que Jeanne d’Arc a "bouté les Anglais" hors de France. "Gut, Gut" disent les Allemands ! La statue ne fut pas déboulonnée »
Partout, même si elles ne séjournent en ville que quelques jours, les troupes allemandes se livrent à un véritable pillage : elles sont logées chez l’habitant, notamment dans les maisons des Castelbriantais qui ont fui. ‘‘Belegt’’ est-il marqué sur les murs, ce qui signifie « occupé ». Là, elles font main basse sur tout ce qu’elles peuvent trouver : bas de soie, étoffes fines, parfums, vins, vivres, etc ...qui partent par le train vers l’Allemagne. Les maisons modestes n’échappent pas à l’Occupation. Une famille de la Cité Carfort, à Châteaubriant, vit à quatre personnes dans trois pièces en enfilade : une cuisine, une chambre pour les parents, une chambre pour les deux jeunes filles : elle doit mettre la chambre des jeunes filles à disposition de deux Allemands, tandis que le père, la mère et les deux jeunes filles s’entassent dans la même pièce. Quand les deux Allemands rentrent le soir, souvent ivres, ils traversent cette chambre pour se rendre dans la leur et personne n’est rassuré. Les jeunes filles ne sont pas tranquilles non plus quand il leur faut, en pleine nuit, se rendre aux « cabinets d’aisance », placés, comme souvent à l’époque, au fond du jardin.
Les Allemands s’empiffrent de vin, d’alcool, de nourriture : au point que l’un d’entre eux mourra un jour d’indigestion. Les Castelbriantais en font des gorges chaudes ! L’Allemand fut enterré au pied du château du côté de la Torche.
A l’école Nazareth, les Allemands installent leur infirmerie. Les enfants sont priés d’aller ailleurs. Dans la cour de l’école les Allemands jouent au ping-pong. « Tout nus » disait-on. Ils étaient sûrement torse nu, mais cette tenue choquait les Castelbriantais peu habitués à cette décontraction. Un simple exemple : nombre de femmes âgées de Châteaubriant portaient encore la coiffe traditionnelle.
07/07/2021
Lien : Telles furent nos jeunes années
L'armistice
21 juin 1940 : Hitler remet aux négociateurs français les conditions de l’armistice. dans le wagon de Rethondes, celui-là même où fut signé l’armistice de 1918.
22 juin 1940 : avec l’accord du maréchal Pétain, le général français Hutzinger et le maréchal allemand Keitel, signent la convention d’armistice franco-allemande. Bref soulagement : la guerre est finie, il n’y aura plus de morts, croit-on. Mais vite le soulagement laisse place à l’angoisse et à la colère : la France a perdu la guerre. Les hommes sont prisonniers, les deux tiers du pays sont occupés. Les frais d’entretien des troupes d’Occupation incombent à la France (celle-ci doit verser 400 millions de francs par jour à la Wehrmacht, 10 000 têtes de bétail et 1000 tonnes de beurre par semaine, 700 000 tonnes de charbon par mois). Les usines d’armement, les aciéries, l’industrie automobile et les houillères doivent travailler pour le Reich. Les réfugiés politiques allemands doivent être livrés au Reich.
23 juin 1940 : de Gaulle lance un nouveau message radiodiffusé : « il faut qu’il y ait un idéal. Il faut qu’il y ait une espérance. Il faut que, quelque part, brille et brûle la flamme de la résistance française ». Le 28 juin 1940 un communiqué du gouvernement britannique reconnaît le Général de Gaulle comme « chef de tous les Français libres ».
10 juillet 1940 : l’Assemblée Nationale vote les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain pour promulguer une nouvelle Constitution de l’Etat Français (il n’est déjà plus question de République), garantissant les droits du travail, de la famille et de la patrie. En septembre Pierre LAVAL déclarera au journal Belge « la Légion » : La République a cessé d’exister en France.
12 août 1940 : le Conseil Municipal de Châteaubriant accorde à 116 nouveaux réfugiés l'aide médicale gratuite et des assurances sociales. Les boulangers sont « mobilisés » pour fournir du pain aux prisonniers de guerre. Il faut réquisitionner plusieurs wagons de blé.
5 septembre 1940 : une indemnité spéciale de 10 francs par jour est attribuée aux soldats démobilisés qui n'ont pu être réembauchés par leur employeur et aux ouvriers licenciés par manque de travail.
23 septembre 1940 : apparition des cartes de pain et de viande.
3 octobre 1940 : le gouvernement de Vichy promulgue la loi sur le statut des Juifs. (une nouvelle loi sera publiée le 2 juin 1941)
24 octobre 1940 : entrevue de Montoire entre Hitler et Pétain. Celui-ci espère obtenir des concessions en échange de la politique de collaboration. Il n’obtient rien. Laval dira le 23 mai 1941 « l’émouvante surprise » qu’il a ressentie lors de cette entrevue. « La collaboration est dans l’ordre naturel des choses. Elle est indispensable à la France comme elle est utile à l’Allemagne »
30 octobre 1940 : Pétain proclame : « J’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration ».
9 novembre 1940 : dissolution de la CGT.
07/07/2021
Lien : Telles furent nos jeunes années
Résistance morale
10-11 novembre 1940 : cinq Anciens Combattants castelbriantais placent un drapeau tricolore au Monument aux Morts (voir pages 35 et D10).
4 décembre 1940 : Sept prisonniers de guerre sont embauchés à l'hospice de Châteaubriant. Des chômeurs, armés d’un bâton, sont affectés au gardiennage des ponts, chacun à raison de deux heures par nuit, pour empêcher les « sabotages » et éviter aux Castelbriantais, obligés de circuler, de tomber dans l'eau. (Du fait du couvre- feu et de la « défense passive » les becs de gaz ne sont plus allumés à partir de 22 heures).
Décembre 1940 : une page ronéotypée de l’Humanité comporte la déclaration de Jacques Duclos : « Jamais le peuple de France ne sera un peuple d’esclaves ». «C’est le signal d’une réorganisation de la cellule du Parti Communiste à Châteaubriant , mis à mal au début de la guerre avec la répression et le départ au front de plusieurs de ses membres » raconte Michel Prodeau. Mis à mal aussi par l’attitude pour le moins surprenante de « l’Humanité clandestine » qui, le 9 juillet 1940, par exemple, écrivait : « Il est particulièrement réconfortant en ces temps de malheurs, de voir de nombreux travailleurs parisiens s’entretenir amicalement avec les soldats allemands, soit sur la rue, soit au bistro du coin. Bravo, Camarades, continuez, même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants ».
C’était le temps d’un débat intense au sein du Parti : les staliniens de la direction clandestine (Jacques Duclos), croyaient en la possibilité d’une prise de pouvoir, et imposaient une ligne neutraliste qui ne recueillait pas l’approbation d’autres communistes viscéralement antifascistes, comme Benoît FRACHON (dirigeant de la CGT) et Charles TILLON. Celui-ci écrit, le 18 juillet 1940, dans le manifeste du PCF de la région de Bordeaux : « Notre devoir est de nous unir pour conquérir notre patrie, de nous unir pour libérer son territoire » (cité dans le manuel d’histoire de F. Lebrun, pour les classes de Terminale, Ed. Belin 1983).
07/07/2021
Lien : Telles furent nos jeunes années
La méfiance de la population
1er janvier 1941 : proclamation d’Hitler au peuple allemand « Périsse tout Etat qui se sera appuyé sur les démocraties ».
25 janvier 1941 : la défense passive s'organise à Châteaubriant. Sous la direction du capitaine des pompiers, Lucien MENUET, 31 chefs d'îlots sont nommés ; chacun assisté de deux adjoints, veille à l'obscurcissement des lumières, et dirige les habitants vers les abris, des caves aménagées à cet effet.
6 février 1941 : apparition des bons de chaussures.
7 avril 1941 : 1250 enfants de St Nazaire sont accueillis par Châteaubriant, en raison des bombardements aériens qu'a subis le port. Ils sont hébergés provisoirement dans les écoles de la rue de la Victoire et à l'école privée Nazareth, avant d'être répartis dans des familles.
20 juin 1941 : Ernest BREANT, qui a démissionné 4 mois auparavant, est prié de poursuivre sa tâche de maire. Lui sont adjoints sept nouveaux conseillers municipaux pour remplacer ceux qui sont décédés. Le docteur André BERNOU organise le service médical de la Croix Rouge.
8 juillet 1941 : le Préfet de Loire-Atlantique informe les castelbriantais qu'il met en vente l'effigie du Maréchal Pétain. Il est question de "l'intérêt artistique et social de cette édition".
12 août 1941, le maréchal Pétain met en garde les Français : « De plusieurs régions de France, je sens souffler un vent mauvais. L’inquiétude gagne les esprits, le doute s’empare des âmes, l’autorité de mon gouvernement est discutée (...) La radio de Londres et certains journaux français ajoutent à ce désarroi des esprits ... Il faut vaincre la résistance de tous les adversaires de l’ordre nouveau, briser leurs entreprises, en décimant les chefs ».
07/07/2021
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La propagande
Châteaubriant vit ainsi sous l’Occupation allemande. Au début les Castelbriantais ont cherché à distinguer, parmi les soldats occupants, ceux qui sont Allemands et ceux qui sont Autrichiens parce que ces derniers, généralement enrôlés de force après l’Anschluss, expriment parfois leur désaccord avec les méthodes nazies. Mais rapidement, le climat se dégrade. Chacun se méfie de son voisin. N’est-il pas de la « cinquième colonne » chargée d’infiltrer la population ?
Les Castelbriantais se divisent : il y a d’un côté ceux qui n’acceptent pas la défaite et l’Occupation. De l’autre il y a les Vichystes et les partisans de la Collaboration. Même sur les bancs des écoles, les enfants, mis en garde par leurs parents, se méfient de leurs camarades. Des enfants juifs, portant l’étoile jaune (par exemple le jeune Ernst KOHN) côtoient le fils du Capitaine Leclercq (celui-ci s’engagera dans la LVF, voir page 37).
La ville est inondée d’affiches du Maréchal Pétain, montrant le vieil homme (84 ans), considérablement rajeuni et viril, plein de prestance sur son grand cheval blanc. Dans les écoles on chante « Maréchal, nous voilà » et les enfants reçoivent des biscuits à la caséine « au nom du Maréchal Pétain ». Le drapeau tricolore a été remplacé par trois drapeaux, bleu, blanc, rouge, assortis de la Francisque, emblème évoquant une hache de guerre. [Le Francisme fut une ligue de tendance fasciste fondée en 1933. Dissoute par Léon Blum en 1936, elle fut reconstituée et devint le Parti Franciste, un des organes de la Collaboration sous l’occupation allemande].
La ville subit une intense propagande à la gloire de l’armée allemande. L’affichage est massif. Au cinéma, que dirige Marcel BLAIS (qui mourra en Déportation), les « actualités » célèbrent les victoires allemandes (ou présentées telles). En dehors des lieux spécifiquement utilisés par les troupes d’Occupation, des organisations comme « le secours national » entretiennent des sentiments pro-allemands.
Au marché, Jean GILOIS (voir p.59) entend les marchands de goualantes (souvent un accordéoniste et une chanteuse) reprenant des chansons à la gloire de Vichy ... mais aussi quelques chansons nostalgiques (« J’attendrai le jour et la nuit, j’attendrai toujours ton retour ... ») émouvant particulièrement les nombreuses femmes restées seules [les mêmes marchands de goualantes prendront le virage, plus tard, à la Libération, avec des chansons à la gloire de l’Amérique et de la France libérée « C'est une fleur de Paris, du vieux Paris qui sourit, car c'est la fleur du retour, du retour des beaux jours.Pendant quatre ans dans nos cœurs, elle a gardé ses couleurs, Bleu, Blanc, Rouge, avec l'espoir elle a fleuri, Fleur de Paris »]. Malgré les Allemands, on chante aussi avec Maurice Chevalier : « Ca sent si bon la France ... ».
La propagande pro-allemande passe sous couvert de « redressement national ». Le gouvernement veut supprimer les départements pour rétablir les Provinces dont les enfants des écoles doivent réciter la liste. Il n’est plus question de République mais d’Etat Français. Les syndicats sont interdits, on envisage de rétablir les Corporations. On remet en honneur les traditions et le sport. « La journée du serment de l’athlète ». est organisée à Châteaubriant, y compris à l’école publique. Paulette Blond-Fontaine se souvient : « Nous étions au terrain de sports de la Ville en Bois. C’était après le départ des prisonniers de guerre. Ce jour-là nous avons fait plein de sports différents, exécuté des danses folkloriques, et défilé devant la tribune. C’est le premier défilé que je voyais. Moi j’étais contente. Mon père, quand il a appris cela, le soir, est entré dans une violente colère ». Un peu partout, les instituteurs et animateurs de mouvements de jeunes, sont priés de propager les « nouvelles valeurs », celles du « redressement national ».
07/07/2021
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45 000 prisonniers en quatre camps
Au cours de leur avancée, les troupes allemandes ont raflé par centaines, sur les routes, tous les "restes" de l’armée française défaite : « tous les soldats ramassés dans les casernes de Nantes et environs furent dirigés sur Châteaubriant, grand lieu d’internement où les pauvres infortunés ne comptaient rester que quelques jours et être libérés » dit Alfred Gernoux. La ville de Châteaubriant a été choisie parce qu’elle est un nœud ferroviaire important, tout en étant éloignée des grandes villes.
Les soldats français arrivent à pied « harassés, loqueteux, tristes, abattus, comme soumis », encadrés de quelques hommes munis de revolvers et aboyant des ordres, raconte Alfred Gernoux. Les premiers sont parqués dans le champ de Courses de Choisel, au nord de la ville. Ils n’ont rien à manger. Les gens du quartier récoltent du pain pour le leur donner. De 8112 habitants que comptait la ville avant la guerre, on passe rapidement à près de 60 000, dont environ 45 000 prisonniers, plus les réfugiés de passage, et tous ceux qui viendront rendre visite aux prisonniers.
Il y aura quatre camps, que les prisonniers devront aménager eux -mêmes :
Le camp « A », au Moulin Roul, sur la route de Châteaubriant-Soudan, est, selon Alfred Gernoux, le « plus pittoresque des camps. Indochinois, Marocains, Africains, Français y étaient mêlés ». On estime qu’il a regroupé un temps, quelque 7000 hommes. Certains viennent de la « Brigade Maillard » qui a combattu en Belgique, sur la Somme et sur la Seine, jouant le rôle d’arrière-garde pour permettre aux troupes françaises de se replier en bon ordre. Les prisonniers logent sous des toiles de tente de l’armée. Certains bricolent des abris avec des branchages coupés dans les arbres de la propriété. On voit quelque temps de superbes chevaux arabes dans les prairies au bord de la Chère. Quelques rares Allemands, logés au manoir du Moulin Roul, se font photographier avec fierté en compagnie des chevaux quasiment sauvages, mais la plupart en ont peur. Les soldats prisonniers s’amusent d’ailleurs à les lâcher dans le bas de la prairie. Le spectacle des chevaux se battant entre eux affole les gardiens !
Les prisonniers, eux, s’efforcent de vivre du mieux qu’ils peuvent dans ce lieu insalubre et inondable. A la suite des fortes chaleurs de juin, une série d’orages entraîne des déluges d’eau. Transformé en marécage, ce camp sera évacué rapidement.
Le camp « B », situé dans les marais de la Courbetière, a dépassé, certains jours, plus de 7000 hommes dont un petit îlot d’Anglais. Les conditions d’hygiène sont précaires. Pour trouver l’eau potable qui manque, des « corvées » se rendent à la fonderie Huard (occasions d’évasions). Plus malsain que celui du Moulin Roul, ce camp est évacué rapidement.
Le camp « S », à la Ville en Bois, au terrain de sports, renferme aussi jusqu’à 7000 hommes dans des « cabanes disjointes, faites de pièces et de morceaux, de vraies cages à lapins ». Par malchance, il pleut souvent au cours de l’automne 1940, « et les toiles de tente, en nombre insuffisant, sont remplacées, si on peut dire, par des couvertures vite trempées qui laissent passer l’eau de pluie, goutte à goutte » raconte Alfred Gernoux. Dans ce camp, comme dans les autres, les détenus sont très malheureux, en particulier les Africains habitués à d’autres climats.
Le camp « C », le plus important, demeurera jusqu’à la fin de la guerre. Il est situé à « Choisel », à la sortie de Châteaubriant, sur la route de Fercé. Un sol caillouteux, au sommet d’une petite colline. Le propriétaire, René ORAIN, a disposé de 24 heures pour quitter les lieux avec sa famille et transporter ses animaux à La Rousselière, à la sortie de Châteaubriant sur la route de Rougé. (un certain nombre d’animaux mourront en route, étouffés). A cette période de juin il fait si chaud que les prisonniers se couvrent la tête avec du foin. Toute une barge de foin disparaîtra ainsi. Au début, en guise de sanitaires, les prisonniers creusent une tranchée dans le sol. Des baraques en bois seront construites progressivement, au fil des mois, et même une infirmerie et une baraque-chapelle.
Au bout de deux jours, M. et Mme HOGREL et leurs filles, sont priés de déguerpir, en 90 minutes : voisine du camp de Choisel, leur maison abritera, un temps, les gestionnaires du camp et les guichets de contrôle des soldats prisonniers.
Des prisonniers de guerre, en trop grand nombre sans doute, ne peuvent être parqués dans les camps de Châteaubriant. Ils gagnent alors, à pieds, la commune de Treffieux, où, sur le coup de midi, ils sont parqués, le temps d’un bref casse-croûte, une fois dans un pré à droite en entrant dans le bourg, une autre fois dans « le pré Dauffy », derrière la scierie Marchand (actuellement garage Réthoré), au bord du Don, juste après le pont, à droite en quittant Treffieux vers Nozay. Là des camions les embarquent. Direction inconnue. L’Allemagne peut-être ?
Les officiers sont logés à Châteaubriant, à l’école St Joseph ou au château (le couchage du côté du Tribunal, la cuisine dans les anciennes écuries des gendarmes, qui se trouvaient alors sur la façade ouest de la courtine du château médiéval). Les officiers ne manquent pas d’argent, mais certains d’entre eux ont perdu tous leurs effets, au point que Mme CASSIN, la concierge, doit assurer les courses (brosses à dents, vin, etc).
« Il y avait au château, habitant la chapelle, la famille V. avec ses poules, ses lapins et le jardin potager à l’emplacement de la cour gravillonnée actuelle. Les officiers ont pris la barrique de piquette du père V » raconte Georgette CASSIN. Rapidement la famille CASSIN, 15 jours après l’arrivée des Allemands, est priée de déménager, en deux heures, pour que sa maison serve de poste de garde pour les Occupants. « ils avaient un gros chien. Un jour qu’il s’était caché dans les arbustes le long de la maison, il a été blessé d’un coup de baïonnette par la sentinelle qui croyait avoir affaire à un évadé. Par la suite le chien a changé de camp : il s’est mis sous la protection des officiers français prisonniers ! » dit Georgette CASSIN.
Quelques officiers réussiront à s’échapper en passant par la maison du Sous-Préfet, avec des vêtements civils fournis, notamment, par Madame ROUSSEL, institutrice. Les autres sont rapidement embarqués vers Laval puis Nuremberg, à la fin de l’été 1940. Parmi ces officiers, l’amiral de Penfentenyo, d’une vieille famille bretonne, chargé d’organiser la défense de Lorient, est arrêté et amené à Châteaubriant. Chaque jour il est convoqué à la Kommandantur. Il traverse la ville encadré de deux soldats allemands, digne mais triste dans son uniforme d’amiral. « Mes parents décident de lui faire porter un témoignage de sympathie. Mon jeune frère, Yves-Marie, âgé de 5 ans, est chargé de lui porter une fleur quand il passera entre ses deux gardiens. Ce qui fut fait. Etonnement de l’Amiral, et des deux soldats décontenancés par ce geste. L’Amiral prit la fleur, je ne me souviens pas s’il embrassa l’enfant. C’était dans les jours qui suivirent l’arrivée des Allemands. La Résistance commençait ... » raconte Emile LETERTRE.
La nourriture des réfugiés et des prisonniers est un problème quotidien. Des cheminots de la gare de Soudan s’avisent que des trains entiers de munitions mais aussi de vivres, ont été abandonnés par les Anglais, notamment en gare de Châteaubriant et dans la forêt du Gâvre. « Une expédition est aussitôt organisée par la sous-préfecture et la mairie du Gâvre, qui empruntent la camionnette du boulanger. En plusieurs voyages ils rapportent 100 bidons de 20 kg d’Astra (margarine), un camion de haricots rouges et des cigarettes anglaises » raconte le Sous-Préfet LECORNU qui bénéficiera aussi « de vingt bidons de vingt gallons d’essence d’avion ». Les denrées sont cachées dans les dépendances du château, derrière des bottes de paille, dans le grenier de Monsieur CASSIN. « Il y avait du lait concentré et du café. Quand ma mère en a demandé un peu, il lui a été répondu, par la femme du Sous- Préfet, que le "café national" était bien meilleur pour la santé » dit encore Georgette Cassin.
07/07/2021
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La population solidaire
Toute la ville de Châteaubriant vit au rythme des prisonniers de guerre. Derrière la mairie, la « gare routière » (gare Drouin à l’époque) ou plutôt ce qui en tenait lieu, ne connaîtra jamais plus une telle animation : visites de nombreuses familles, venues en car, à pieds, ou à bicyclette, avec des colis alimentaires, des livres, des vêtements.
Les camps sont en principe inabordables, la route de Fercé est en principe interdite, mais ceux qui habitent en ville avancent le prétexte d’aller chercher du bois à La Galissonnière ou d’aller cultiver des champs sur la butte de La Chevalerie. De l’autre côté du camp de Choisel, le petit chemin de Deil, creux à souhait, permet de rejoindre le camp par l’Est et, avec un peu d’habileté et beaucoup de chance, d’envoyer un message ou un petit colis, lestés par une pierre. Les voitures de service, de santé, ou de visiteurs autorisés, se révèlent d’excellents meubles à double tiroir et double fond !
Certains dimanches, les gamins sont autorisés à rencontrer leur père, plus près des grillages : leurs chaussettes cacheront les messages. Une femme, allant visiter son mari prisonnier, cache des lettres dans les langes de son bébé. Ainsi des billets de prisonniers, des courriers, des mandats arrivent à destination : la population castelbriantaise est solidaire.
En limite Sud du Camp de Choisel, dans le garage de la dernière maison avant le camp, Mme HOGREL improvise un parloir. Des rendez-vous, cinq minutes seulement, sont officiellement organisés entre les prisonniers et leur épouse, à condition d’attendre patiemment son tour dans le champ voisin (parfois la journée pour rien).
Les prisonniers de Choisel se regroupent par affinités pour partager les vivres, varier les menus, organiser des achats, cuisiner. Chaque foyer de Châteaubriant entretient une cellule : pain, viande, livres, vêtements civils.
Paulette Blond se souvient d’un mot d’ordre lancé dans la cité ouvrière appelée « Cité de Carfort » proche du Camp de Choisel : « Mettez sur le fil les vêtements que vous voulez donner ». Le soir les familles étendent ainsi le linge. Le lendemain matin, il a disparu, "récupéré" par les prisonniers.
07/07/2021
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L'eau
Les soldats prisonniers ne pensent guère à s’évader. Ils s’attendent à être démobilisés rapidement. Certains, pourtant, franchissent la limite sud du camp : les riverains voient bien, au matin, des traces de pas dans le jardin, qu’ils s’empressent d’effacer avant d’aller au travail. Certaines évasions sont dramatiques : le Sergent-Chef Laurent GIBRAT, de St-Laurent-de-Cerdans, (Pyrénées Orientales), tombe sous les balles allemandes en voulant s’évader du camp « C » dans la nuit du 20 au 21 août 1940. Un camarade de camp écrit pour lui un poème :« O pauvre cher enfant, à l’âme inassouvie / Qui dans l’étouffement de la captivité / De fuir nourrissait trop la dévorante envie .... ».
Des moyens d’évasions, plus sûrs, sont mis en place : « Par les corvées d’eau, de bois dans les forêts avoisinantes, par la gendarmerie, les interprètes, les services de bureau ... tout un réseau d’échanges s’était mystérieusement développé » raconte Paul Huard.
En effet la ville de Châteaubriant éprouve de grosses difficultés pour alimenter les camps de prisonniers, notamment en eau : la ville de Nantes doit même prêter des camions-citernes qui s’approvisionnent dans les communes autour de Châteaubriant. Régulièrement des prisonniers sont envoyés en ville en « corvée d’eau » place de la Pompe (à proximité du Café Suisse, rue Aristide Briand), au lavoir de la Rue de la Vannerie ou à l’usine Huard (machines agricoles, fonderie). Ces « corvées d’eau » auxquelles nul ne rechigne, permettent d’échanger du courrier et favorisent des rendez-vous entre les prisonniers et leur famille. « Chez Huard, on s’efforçait même de faire boire les sentinelles allemandes pour faciliter le plus de rendez-vous possible » racontent des ouvriers de l’époque.
Ces corvées d’eau permettent les évasions. Paul Huard se souvient : « On habillait les prisonniers de « bleus » donnés par les ouvriers et à 11 h 45 on déclenchait la sirène de fin du travail. Les prisonniers sortaient dans le flot des ouvriers et ... adieu ... les Allemands ne les trouvaient plus. Comme il n’y avait pas encore de fichiers bien établis, et comme les fiches étaient tenues par des Français, il suffisait de faire disparaître celles des évadés ».
Maurice MARCHAND, ajusteur à la Fonderie Huard, raconte : « Chaque jour des prisonniers du camp « B » venaient chercher de l’eau à la fonderie, avec une citerne dans un camion bâché. (...) Les contacts se nouèrent très vite (...) avec la bénédiction tacite de la Direction de l’usine. Nous avions aménagé un lieu de rendez-vous dans l’atelier de modelage : certains prisonniers purent y passer quelques moments intimes avec leur femme. Il fallait évidemment déjouer la vigilance des gardes allemands. Comme ceux-ci cherchaient à se documenter sur la production de la fonderie, rien de plus facile que de les y encourager complaisamment. Cette manœuvre prit de l’ampleur sous l’impulsion du syndicaliste René ADRY et de trois gradés prisonniers à la Courbetière (...) dont le caporal Georges VETELE de Châteaubriant(...).». Au départ de la Courbetière, deux candidats à l’évasion se tapissaient derrière la citerne. A la fonderie, pendant que les gardes, jamais les mêmes, étaient en visite, les ouvriers donnaient aux soldats des bleus de travail et les camouflaient dans les ateliers, après avoir brûlé leurs effets militaires dans les cubilots. Les évadés quittaient alors la fonderie au plus vite, grâce à une échelle installée sur la rivière de Chère qui borde l’usine (cité par Michel Prodeau).
René ADRY, originaire d’Auxerre, participe en 1925-26, en tant que militant communiste, à des actions contre la guerre au Maroc, au point d’être pourchassé par la police. Risquant d’être arrêté, il quitte son emploi et se réfugie chez « les gens du voyage » en travaillant dans un manège d’auto-tamponneuses. S’étant marié, il quitte ses amis forains et trouve du travail à la fonderie Huard. Cet épisode de sa vie lui vaudra le surnom de « Romano »
Toujours à la Fonderie Huard, avec la complicité active des syndicalistes comme René ADRY (CGT), Maurice MARCHAND (CGT) et d’autres, « on cachait la corvée d’eau dans l’étuve, qui en principe, servait à sécher les moules de fonderie. Jamais les Allemands n’ont pensé à chercher là ». Ces évasions collectives sont reprochées au chef d’entreprise Paul Huard : « Vous avez 24 heures pour les retrouver, sinon vous partez à leur place » s’entend-il dire un jour par le Feldcommandant, un certain SCHNEIDER. Il faut l’intervention du Sous-Préfet, expliquant que M. Huard est un civil et que la seule solution pour les Allemands est de porter plainte. C’est le début de la guerre et de l’Occupation et surtout, ce Schneider n’est pas un dur, un nazi : les choses se tassent. Selon M. Huard, il semble que Schneider aurait été exécuté à la fin de la guerre par la Gestapo.
D’autres actes individuels permettent l’évasion de prisonniers : « Un prisonnier français se trouvait à la Ville en Bois, sur la route de Nantes, seul avec sa brouette. De l’autre côté de la route, une sentinelle allemande. Passe un autocar de transports en commun qui s’arrête juste entre les deux. Quand le car est reparti, l’Allemand s’est retrouvé seul, un peu éberlué » raconte Paul Huard. Présence d’esprit, courage : la population cherche à aider les prisonniers.
07/07/2021
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Les Nomades
Très peu de temps après l’entrée en guerre de la France, un décret du 4 octobre 1939 concerne la protection des ouvrages fortifiés et des établissements militaires et maritimes. Le Préfet maritime de la Cinquième Région prescrit l’éloignement de la zone spéciale de protection créée autour de la base navale de Quiberon dont dépend notamment Le Croisic. Sont visées « les personnes susceptibles de fomenter des troubles, de se livrer à des actes d’espionnage, à des entreprises de sabotage » comme l’écrit le Préfet de La Loire-Inférieure le 28 novembre 1939.
Il est décidé alors de réunir, soit à Moisdon-la-Rivière, soit à Juigné-les-Moutiers, « les romanichels, au nombre de 45, hébergés dans la propriété Sainte Barbe au Croisic, et les Russes Blancs, soit environ 20 hommes et 50 femmes et enfants groupés à Saint Nazaire ».
Le Préfet demande au Sous-Préfet de Châteaubriant de faire connaître les conditions dans lesquelles « ces indésirables » pourraient être rassemblés avec une surveillance efficace. Le Sous-Préfet de Châteaubriant, dès le 29 novembre 1939, répond « que le propriétaire de la Forge de Moisdon-la-Rivière a repris son établissement pour l’exploitation du minerai pour lequel il est titulaire d’une commande militaire ». Il propose donc l’ancien camp des Espagnols à Juigné-les-Moutiers où restent encore une cuisine collective et du matériel de couchage. « Il y aurait lieu de prévoir l’entourage du camp par un réseau de fils de fer barbelés et sa garde au moins par une section militaire ». Le Sous-Préfet demande dans quelles conditions seront nourris « ces suspects » : « Si on les autorise à aller faire eux-mêmes leurs provisions dans les villages environnants, toute garde devient illusoire ». Il suggère enfin d’enfermer dans ce camp les Espagnols de l’arrondissement de Châteaubriant.
Le 6 avril 1940 un décret interdit la libre circulation des Nomades en France pour la durée de la guerre. Le 25 octobre 1940 est réquisitionné le « Domaine de la Forge » à Moisdon-la-Rivière. Un mois plus tard 116 nomades, venus de Pontivy, débarquent du train à Issé : 32 hommes, 28 femmes et 56 enfants dans des verdines (roulottes) acheminées jusqu’à Moisdon par un tracteur. Les familles en roulotte s’y entassent parfois à 11 ou 12 dans un espace restreint. Les isolés sont logés en dortoirs dans la Grande Halle impossible à chauffer. (voir plan page D 34).
L’administration n’hésite pas à écrire : « Le Chef de Camp ne perdra jamais de vue que les Nomades ont des habitudes de malpropreté et de négligence (...) et par tempérament, la manie de la rapine, celle du gaspillage et de la réclamation (...) ». « Les Nomades sont, par atavisme, amoraux ».
Durant l’hiver 1940-41, très dur, le camp de Moisdon se révèle inhabitable : le site est très encaissé, très humide, la plupart des roulottes sont orientées au Nord-Est. Les dortoirs, aménagés dans les anciennes halles à charbon, ne voient jamais le soleil et la hauteur des toitures interdit toute possibilité de chauffage. Du 27 février 1941 au 6 mars 1941, après le départ des prisonniers de guerre, tous les Nomades (soit 335 personnes) sont transférés au Camp de Choisel. (voir plan page D 6).
Le Sous-Préfet écrit au Préfet : « Pour faciliter la surveillance, éviter que les Nomades se répandent dans le camp et y pillent tout selon leurs coutumes, une séparation de fils de fers barbelés a été aménagée pour délimiter la partie du camp attribuée aux Nomades ». A l’intérieur de cette enceinte, la baraque 3 sert de pouponnière et de salle à manger des enfants. Les baraques 4,5,6,7,8,9 sont les dortoirs des Nomades [par la suite le bâtiment 9 sera réservé à la « réception » « pour y loger provisoirement, et jusqu’à épouillage et désinfection, tous les nouveaux arrivants »].
Le bâtiment 10 est transformé en atelier familial. La cuisine est au 11. Le réfectoire est au 12. Quant au bâtiment 13 il est le magasin à literie, épicerie, atelier du tailleur et du cordonnier. Il y a aussi une baraque-chapelle. « Les roulottes seront parquées hors de la vue » vers le bâtiment M 2, utilisé comme réserve de vivres. (voir pages D6 et D 8.) (archives de Loire-Atlantique 43 W 159)
Selon Mme Gaby COSSON-LEROY, le camp est ainsi organisé : dans le fond, derrière les baraques, dans les « verdines » (roulottes), vivent les « romanichels », comme on disait, qui ne parlent pas le français. « Nous n’avons jamais pu avoir de contacts avec eux » dit-elle. « Ils vivaient à part, portant encore leur costume traditionnel et ne se mêlant pas aux autres ».
[Même au camp, ils ont gardé leur mode de vie, ce qui n’est pas sans poser problème. On voit un jour une vive querelle entre deux familles : l’une a mangé le coq de l’autre ...].
Les Nomades français s’entassent dans les baraques, avec leurs nombreux enfants.
« Un prêtre réfugié, l’abbé MAMET a pris contact avec Mme NOUVEL, femme d’un avoué de Châteaubriant. Elle est venue me demander de l’aide. Munies d’un laisser- passer, nous longions les baraques réservées aux prisonniers politiques et nous allions faire le catéchisme aux enfants tziganes dans la baraque-chapelle » raconte Gaby COSSON-LEROY. « C’était assez pittoresque. Un souteneur, grande balafre sur le visage, faisait office de sacristain. Un harmonium accompagnait les chants des enfants. Ceux-ci était très mignons ... mais très remuants aussi. Un jour ils nous ont chanté, a cappella, un chant admirable ». (voir document D 8). Ces cours de catéchisme ne durent pas longtemps : les Allemands interdisent qu’on pénètre ainsi au camp. De toutes façons, avec le retour de l’été, 339 nomades sont renvoyés par camions à Moisdon, avec 75 indésirables de droit commun, le 7 juillet 1941.
Le 8 décembre 1941 l‘assistante sociale principale évoque la précarité tragique des conditions matérielles du camp de Moisdon. A part quelques familles, « toutes les autres sont parquées comme des bêtes dans deux grands baraquements de bois, repoussants de saleté, où jamais ne pénètrent ni le soleil ni l’air. Dans cet immense taudis aussi sombre à midi que le soir, vivent des êtres humains. Deux ou trois caisses contenant chacune une paillasse et quelques lambeaux de couverture, sont superposées les unes au dessus des autres pour abriter une famille entière. Les cheveux en broussailles, la figure et les mains noires, les pieds nus sur le sol boueux, le corps recouvert de quelques haillons, de pauvres enfants, innocentes victimes, s’étiolent dans cette atmosphère de vice et de saleté ».
L’assistante sociale sollicite un secours d’urgence : des vêtements et du linge. Puis elle suggère de soustraire les enfants à ce qu’elle considère comme un « milieu vicieux ». Elle s’interroge cependant sur la dislocation de la vie familiale : « le sentiment maternel chez la Nomade est très développé et cette mesure prise à leur égard va à l’encontre des sentiments qu’il est un devoir de développer dans tout individu. Ne pourrait-on solutionner le cas, en créant à proximité du Camp des Nomades, un quartier spécial pour les enfants et les adolescents ? ».
Son désir de « former la jeunesse élevée jusqu’alors dans la malpropreté physique et morale » est si fort qu’elle propose la création d’un Centre de jeunesse : « Ecole pour les enfants d’âge scolaire ; Jardin d’enfants pour ceux de 3 à 6 ans ; Crèche pour ceux de 0 à 3 ans ; Ouvroir que fréquenteraient les grandes fillettes ; Atelier de bricolage pour les jeunes gens »
« Les enfants, selon leur âge et leur sexe, coucheraient dans des dortoirs auxquels seraient annexés lavabos et douches. Les parents seraient autorisés chaque jour, à une heure déterminée, à pénétrer dans le quartier des enfants, à la condition toutefois qu’ils aient préalablement consenti à passer à la douche ». L’assistante sociale estime que la gestion de ce camp « ne peut être confiée qu’à une élite » « un ordre religieux (qui) aura assez d’abnégation et d’autorité pour entreprendre une tâche aussi lourde » (source : archives de Loire-Atlantique 43 W 155)
Le 12 décembre 1941, deux personnes rendent un rapport au Sous-Préfet : Moisdon « est inhabitable en cette saison à cause de l’humidité et des crues possibles. [le camp] est, d’autre part, très difficile d’accès pour les provisions, les visites de médecin, etc » (cité dans Etudes Tziganes)
Le chef de camp, lui, renvoie la responsabilité sur les nomades eux-mêmes : « Il faudra des générations pour obtenir de ces dégénérés sans moralité et sans respect, un résultat positif »
Le 13 mai 1942, les nomades de Moisdon sont dirigés vers le camp de Mulsanne (Sarthe).
07/07/2021
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Ernest Bréant
Maire de Châteaubriant (10/12/1919-20/09/1940) (1880-1944) Républicain. conseiller général (1925-1931), député (1928-1936), sous-secrétaire d'État à l'Intérieur (1930-1931) Chronologie [Ajouter] Témoignages, mémoires, thèses, recherches, exposés et travaux scolaires
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Jeanne-Yvonne Riveret (Conquereuil)
2 Familles réfugiées à Châteaubriant
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17/07/1942 / 1946
Famille Averbuch
- La famille Averbuch vient de Paris, se réfugier à Châteaubriant dès septembre 1939. Elle est hébergée au 33 rue de la Victoire (à l’extrémité Est de l’actuelle rue Marcel Viaud, non loin de la Rue Michel Grimault), chez Cyprien et Anna Roul. Madame Averbuch est enceinte ; elle donnera naissance à un petit Marcel, né à la Maison maternelle de Gastines à Issé en avril 1940. La famille avait deux autres enfants : Paulette née en 1923 et Jacques né en 1930. En septembre 1940 les parents et leurs enfants rentrent à Paris.
Le 17 juillet 1942 les cinq Averbuch sont pris dans la rafle du Vel d’Hiv’, mais Jacques et Marcel restent sur le quai avec Paulette qui ne figure pas sur les listes par un concours de circonstances inexpliqué. Ils regagnent leur appartement. Paulette télégraphie à la famille Roul et tous les trois reviennent vivre à Châteaubriant jusqu’en septembre 1946, d’abord dans la famille Roul, puis à la fin de la guerre chez les Pelon dans la rue Aristide Briand. La famille Roul, malgré les risques encourus les accueille généreusement et sera d’une totale discrétion à leur sujet.
Monsieur et Madame Averbuch seront déportés à Auschwitz d’où ils ne sont jamais revenus.
10/10/1942 / 1946
Famille Rimmer
- En juillet 1942, Fischel Rimmer, 38 ans, né le 17 novembre 1903, est arrêté parce que Juif le 10 juillet 1942 et déporté sans retour le 20 juillet 1942 par le convoi n° 8, d'Angers vers Auschwitz. Dans la nuit du 10 octobre de la même année, la Gestapo vient arrêter son épouse Bien Rimmer. Elle sera internée avec ses 2 enfants Robert (6ans) et Bella (1 an et demi). Auguste* et Marie Mousson* arrive à convaincre leur mère de lui confier ses enfants et le commandant du camp accepte de les laisser partir car ils étaient nés en France.
Bien Rimmer sera envoyée à Drancy et déportée sans retour vers Auschwitz par le convoi n° 40.
4 Familles arrêtées (Châteaubriant)
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1944
Famille Buffetrille - Frédéric Buffetrille est né le 16 septembre 1899 à Nantes (Loire Atlantique), de nationalité française, agent d’affaires à Chateaubriand, sous-officier du réseau de renseignement Famille 2 (agent P2) entré le 1er septembre 1943, arrêté, détenu à la prison du « Pré-Pigeon » à Angers, transféré à Compiègne le 20 juillet 1944, déporté à Buchenwald puis à Neu-Stassfurt où il décède le 20 mars 1945.
Source : Résistance 60
15/07/1942
Famille Pach - Jean, 34 ans, Roumain, né le 15 juin 1908 à Bucarest, médecin à Châteaubriant. Arrêté parce que Juif, il sera déporté sans retour le 20 juillet 1942 par le convoi n° 8, d'Angers vers Auschwitz (827 déportés, 14 survivants à la Libération).
Déportation : 20/07/1942
convoi no 8
15/07/1942
Famille Rimmer ou Riemmer - Bien et Fischel Rimmer, des Juifs de Pologne, avaient fui leur pays avant la Seconde guerre mondiale pour se réfugier en France, où Robert, l’aîné de leurs enfants naquit en 1936. Ils habitaient Lens (Pas-de-Calais) où ils avaient un magasin de tissus. Lorsque les Allemands occupèrent le nord de la France en juin 1940, le secteur fut déclaré zone militaire interdite et les Rimmer partirent pour Chateaubriant (Loire-Atlantique), où ils avaient également un magasin de tissus. Leur fille, Bella, vit le jour au début de 1941.
En juillet 1942, Fischel Rimmer, 38 ans, né le 17 novembre 1903, est arrêté parce que Juif le 10 juillet 1942 et déporté sans retour le 20/07/1942 par le convoi n° 8, d'Angers vers Auschwitz (827 déportés, 14 survivants à la Libération). Son épouse Bien Rimmer sera arrêtée le 10 octobre 1942 et déportée sans retour de Drancy vers Auschwitz par le convoi n° 40 le 04/11/1942. Leurs deux enfants seront protégés par Auguste* et Marie Mousson*.
Déportation : 20/07/1942
convoi no 8
26/01/1944
Famille Sinenberg - Marcel Sinenberg, né le 11/09/1890 à Varennes-en-Argonne (Meuse), négociant en bestiaux, son épouse Marcelle née Alphen le 13/05/1891 à Toul (Meurthe-et-Moselle), et leurs enfants Jean, né le 04/12/1920 à Châteaubriant, André, né en 1932 à Châteaubriant, et Claudette, née en 1940 à Châteaubriant, très malade, ainsi que les frères de Marcel, René Sinenberg, également négociant en bestiaux, né le 10/09/1900 à Reims, et Alfred Sinenberg, né le 25/08/1901 et son fils Paul Sinenberg né en 1932 de mère catholique, habitaient 1 rue du Faubourg Saint-Michel à Châteaubriant. Ils sont arrêtés par les Allemands parce que juifs le 26 Janvier 1944, Marcel Sinenberg et amené à la Kommandatur (installée à la banque Couchot). Enfermés dans le bordel « A notre idée » de la rue Pasteur, il y retrouvent leurs cousins, arrêtés comme eux : treize personnes en tout, 9 de la famille Sinenberg, 4 de la famille Israël.
Vers 16 heures, départ vers Nantes (à la caserne Richemond) dans un fourgon sans fenêtre de la maison Decré (grand magasin nantais) et le lendemain vers Drancy. Un wagon spécial est réquisitionné pour le transport des Juifs de la région Ouest. Dans ce train des enfants très jeunes, encore au biberon, ont été séparés de leurs parents. Alfred Sinenberg, restera à Drancy jusqu’à la Libération, le 20 août 1944. Ses frères été déportés à Auschwitz. Marcel Sinenberg, sa femme Marcelle née Alphen et René Sinenberg sont morts gazés. Le jeune Jean Sinenberg (20 ans) est mort d’épuisement.
Charles et Juliette Israël ainsi que les époux Averbuch sont morts en déportation, de même que les juifs Polonais Rimmer.
Déportation : 10/02/1944
convoi no 68
20/10/1941 -
Le lieutenant-colonel Hotz, chef de la Kommandantur de Nantes, est exécuté par deux jeunes résistants Parisiens, Gilbert Brustlein et Guisco Spartaco, rue du Roi-Albert, près de la cathédrale de Nantes. En représailles, les Allemands fusillent 48 otages (16 à Nantes, 27 à Châteaubriant et 5 au Mont-Valérien) puis 50 au Camp de Souges à Saint-Médard-en-Jalles près de Bordeaux.
15/07/1942 -
Rafle du 15 au 20 juillet 1942 par la police allemande et les gardiens de la paix du commissariat central de Nantes. 98 Juifs seront raflés en Loire-Atlantique, 28 dans l'arrondissement de Nantes, 4 dans celui de Châteaubriant, 66 dans celui de Saint-Nazaire dont 51 Français (La Baule 21, Le Pouliguen 9, Pornichet 2, Guenrouët 1, Pornic 16, Sainte-Marie-sur-Mer 4, Tharon 9, Saint-Nazaire 3). La plupart seront déportés par le convoi n° 8 parti d'Angers vers Auschwitz le 20/07/1942. 827 déportés, 14 survivants.
09/10/1942 -
Rafle du 9 octobre 1942, par la police allemande de sûreté : 13 arrestations à Nantes, 11 à Mauves, 5 à Gorges et 5 à Châteaubriant.
2 Site internet sur le Camp de la Forge de Moisdon-la-Rivière (Histoire du Camp de la Forge de Moisdon-la-Rivière. )
3 Le camp de Beauregard à Clefs (Site personnel en cours de réalisation )
4 Site Communal (Site officiel de la Mairie de Draché )
5 A Bléré, la ligne de démarcation est toujours dans les mémoires (Cet article résume bien la position de Bléré et le role heroique de ses habitants
Journal La Nouvelle République. 25 Aout 2007 )
6 la Famille Angel (Destin croisés des familles Angel et Delépine, originaires du nord et toutes deux réfugiées à Tharon plage )
7 "Lettre à Esther" (La vidéo retrace l'histoire de la famille Angel depuis son arrivée en France début XX°, son intégration en France, l'arrestation et la déportation à Auschwitz (convois 8 et 34) de cette famille réfugiée à Pornic et Tharon. "Enfances volées": vidéo retraçant la déportation de Rachel Angel et de Victor Pérahia, avec le témoignage de celui-ci )
8 juifs sarthois arrêtés déportés
- 1 - Telles furent nos jeunes années.
- 2 - Les Espagnols internés à Moisdon-la-Rivière
- 3 - Le Pays Castelbriantais sous l’Occupation 1939-1945, édition Les dossiers de la Mée, 2009, p. 7.
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