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Département :
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(1944 - 1946) Préfet de la Seine (1892-1971)
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Texte pour ecartement lateral

Albert Pachulski

Texte pour ecartement lateral

Paris 75010 Paris
Date de naissance: 03/06/1930 (Paris)
Date de décès: 2020
Parcours : Château Le Masgelier - Suisse
Aidé ou sauvé par : - Marie Bertrand
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Histoire
Entre 1918 et 1922, dix membres de la famille Pachulski quittent Lubartów (Pologne) pour Paris. Les parents, Mathis Pachulski né en Pologne en 1877 et Ruchla née Cweijman à Lubartów en 1877 arrivent en 1918 et sont rejoint dans le 11e arrondissement de Paris, au 33 rue de l’Orillon en 1922 par leurs huit enfants : Perla, Abraham, Madeleine, Moszek, Nunsen Judko, Louise, Max et Herszek.

Abraham Pachulski né à Lubartów en 1899 épouse Rywka Mindla née Mlynska en 1895 en Pologne.
Ils auront 6 enfants : Léon et Dora nés en 1924, Marie née en 1926, Albert né en 1930, Sarah née en 1933 et Maurice né en 1936.
Abraham Pachulski a un atelier de confection pour hommes et a plusieurs employés.

Léon épouse Dwora née Zajacs en 1922 en Pologne et ils s'installent 12 rue Saint-Gilles, dans le 3e arrondissement de Paris.

Début 1942, Abraham Pachulski et sa famille habitent rue des petites écuries dans le 10e arrondissement. Abrahamdécide d’envoyer sa femme et ses enfants en zone libre en espérant pouvoir les rejoindre plus tard mais malheureusement il est arrêté lors de la rafle du Vel d’Hiv et sera déporté sans retour de Drancy à Auschwitz (Pologne) par le convoi 22 du 21 août 1942.

Rywka et ses enfants passent la ligne de démarcation de nuit avec un passeur et séjournent dans plusieurs lieux de cache à Pau, Argelès-sur-Mer et enfin à Tarbes.

La gestapo débarque chez Rywka pour arrêter Léon son fils aîné qui avait rejoint le maquis. Comme il n’est pas là ils l’arrêtent-elle pour la questionner. En fait elle sera déportée sans retour le 20/11/1943 de Drancy à Auschwitz par le convoi 62.

La gestapo fait irruption à nouveau chez les Pachulski et arrêtent en pleine nuit les deux plus grandes filles Marie (1926) et Dora (1924) pour les interroger et elles aussi seront déportées dans le même convoi que leur mère et ne reviendront pas.

Léon et Dwora sont arrêtés à Tarbes le 23 novembre 1943 et seront déportés de Drancy à Auschwitz (Pologne) par le convoi n° 64 du 07/12/1943. Seul Léon rentrera à Paris.

Léon passe par les camps d’Auschwitz et de Buchenwald, à partir du 21 décembre 1943, puis placé dans un commando de travail du complexe industriel de la Buna (Buna-Werke) jusqu’à sa libération par les Américains le 19 avril 1945. Il survit. Son épouse Dwora survit mais décède à l'hôpital de Riesa en Allemagne en 1945.
Marie entre dans le camp de travail des femmes en tant que couturière (Schneiderin) fin novembre 1943. Elle décède deux mois plus tard, le 19 janvier 1944.

Grâce à une organisation, les autres enfants sont conduits dans la Creuse au Château Le Masgelier (maison d’accueil pour enfants juifs loué par l’OSE), sous la surveillance des Allemands avec de jeunes moniteurs pour les encadrer. Puis en novembre 1943, en raison des menaces grandissantes, les enfants dont les Pachulski doivent fuir à nouveau.

Les Pachulski sont amenés à Villedieu-sur-Indre. Marie Bertrand*, deux fois veuve de guerre et sans enfant va d’abord accueillir Sarah Pachulski née en 1933, puis Maurice Pachulski né en 1936 et enfin Albert Pachulski né en 1930.

Ils auront tous des noms d’emprunt afin de prendre le moins de risques possible. Sarah est donc désormais "Jeanne" et elle et ses frères portent le nom de "Pelletier". Ils sont inscrits sous cette fausse identité à l’école mais sont dispersés dans plusieurs familles. Grâce à la bonté de Marie Bertrand* ils ont pu tous être rassemblés et vivre chez elle. Ils mangeaient à leur faim, Marie Bertrand* leur confectionnait des habits.
Elle va s’occuper d’eux, leur donner les soins nécessaires, les choyer jusqu’en mai 1944 où l’OSE (Œuvre au secours des enfants) vient les chercher pour les amener à Lyon puis en Suisse.

Ce fut un grand déchirement pour les enfants et pour Marie Bertrand*, mais la Gestapo était sans cesse à leur poursuite.

Ils arrivent à Lyon en mai 1944 où ils restent trois semaines dans l'une des villes les plus dangereuses où la Gestapo sévissait et les contrôles et les arrestations étaient quotidiens.
Après avoir dormis dans des endroits insolites comme des préaux d’école, des salles de classes pour ne pas être repérés et rester en vie, ils arrivent à passer en Suisse.

Le 20 mai 2011, Villedieu-sur-Indre a rendu un hommage aux Justes qui avaient œuvré dans ce village en présence des familles des Justes et des personnes sauvées.

Le 21 septembre 2022 Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah, a décerné à Marie Bertrand*, le titre de Juste parmi les Nations.

28/01/2012

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L'arrestation de ma mère et de mes soeurs

Moi, je faisais du trafic, du troc au lieu d’aller à l’école. J’allais voir les paysans à la campagne. Je m’étais mis d’accord avec une boulangère et je lui proposais des œufs en échange de pain blanc. Comme on avait un peu d’argent, j’achetais aux paysans et j’échangeais. Ce n’était pas pour me faire de l’argent mais pour faire à manger.
Malheureusement, un jour, les allemands sont arrivés chez nous, début septembre 43. Ils cherchaient Léon Pachulski. Alors ma mère, Rywka Mindla, puisqu’elle parlait l’allemand, leur dit : "prenez moi mais laissez mon fils tranquille". Alors le mec lui a répondu "ne vous inquiétez pas, on va vous prendre".
Ils ne trouvaient pas Léon et bien ils ont pris ma mère à la place. Mon frère avait vu les allemands arriver et était monté se cacher au grenier. Moi je l’avais vu passer mais je n’avais rien dit. J’étais avec mes sœurs et les allemands nous ont dit de ne pas nous inquiéter, que notre mère allait bientôt revenir. Quand ils sont partis, je les ai suivi en vélo jusqu’à la Kommandantur. Ils me dirent qu’ils allaient juste la questionner au sujet de Léon et de l’argent qu’on nous avait fait parvenir puis qu’ils la relâcheraient.
Alors je suis retourné à la maison, j’ai foncé au grenier, dans lequel il y avait un sac en chiffon avec tout l’argent et les bijoux qu’on avait gardé. J’ai demandé à mon frère ce qu’on allait faire. Il m’a répondu qu’il fallait cacher le sac ici et que dès que cela irait mieux, on reviendrait le chercher et on partirait en Espagne.
Alors on a cherché où cacher le sac. C’était dur car il y avait un tas de choses mais rien pour faire une cachette. Il y avait un paquet de maïs séchés, j’ai mis le sac tout au fond, dessous, en me disant que ce n’était pas pour longtemps et qu’on reviendrait très vite.
On est redescendu, les allemands étaient partis. On a vu mes sœurs qui s’étaient un peu affolées mais comme ils leur avaient dit de ne pas s’inquiéter et que leur mère allait revenir bientôt, elles gardaient confiance.
Cinq jours après, les allemands sont revenus avec deux personnes de l’UGIF (Union Générale des Israélites de France) organisation juive française qui gardaient les enfants juifs français lorsque leurs parents étaient dans l’incapacité de s’en occuper). Ils nous ont dit que nous trois, les enfants (Sarah, Maurice et moi Albert), nous allions à l’UGIF et que mes deux sœurs, Marie et Dora allaient retrouver ma mère. Ils ont fouillé partout mais il n’y avait plus d’argent dans la maison. Ça s’est donc bien passé dans la mesure où ils n’ont pas trouvé d’argent. Ils nous ont emmenés à la gare de Tarbes pour aller à Limoges, puis de Limoges à Guéret, au Château Le Masgelier (dans la région du Limousin, département de La Creuse).
Il n’y avait que des enfants français surveillés par des moniteurs et de temps en temps la gendarmerie qui passait. On avait chacun une petite valise. Moi, j’ai hésité ; le train avait du retard, il y avait un monde fou. Alors j’ai demandé à aller acheter des illustrés pour le trajet. On m’a répondu d’accord.
J’étais dehors. Je suis allé jusqu’à chez moi, j’ai pris mon vélo, pour aller devant la Kommandantur et là, je me suis posé la question : je rentre ou je ne rentre pas ? Et puis je me suis dit que j’avais mon petit frère et ma petite sœur, que je ne pouvais pas les laisser tout seuls, alors j’ai laissé le vélo, je suis reparti à pied vers la gare qui n’était pas loin. J’ai raconté que je m’étais trompé de chemin pour justifier l’heure ou les deux heures que j’avais passé hors de la gare.
Est-ce que je pouvais laisser mon petit frère et ma petite sœur ? J’aurais pu aller dans le maquis, j’étais assez gonflé. Mon grand frère Léon faisait partie d’un réseau de maquisards donc je les connaissais bien. Pourtant, je ne savais pas que dans leur groupe il y avait un donneur de juifs...
Mais bon, je suis resté et on est parti au Château Le Masgelier. Et puis ils sont venus pour m’arrêter les enfants Pachulski uniquement, pas les autres.

29/01/2012
Auteur : Albert Pachulski

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Le Château du Masgelier

La directrice était prévenue de leur arrivée. Elle est venue me voir et elle m’a dit : "Albert, demain la gestapo vient te chercher. Alors ton frère Maurice et ta sœur Sarah, on va les envoyer chez des paysans mais toi on est obligé de te garder car s'ils ne te trouvent pas, ils vont ramasser tout le monde". Alors je leur ai demandé ce qu’ils allaient faire de moi. La directrice m’a répondu que j’allais aller à l’hôpital, qu’ils allaient m’opérer de l’appendicite, comme ça, la gestapo ne pourrait pas m’emmener. Par contre, ils voudraient certainement me poser des questions. Donc vers 19 h, une voiture traction "gazogène" m’a amené à l’hôpital de Guéret, ils m’ont donné à boire mais pas à manger et le matin à 6 h, direction le bloc. Ils m’ont fait une grande cicatrice de huit ou neuf agrafes pour simuler une péritonite, et à 8 h pile, le chef de la Gestapo, un dénommé Peter, et deux gars dont un interprète, sont arrivés.
Ils voulaient sortir le lit dans le couloir. Mais les chirurgiens leur ont dit que je venais de me faire opérer, que je n’étais pas transportable mais que si ils voulaient, ils pouvaient m’interroger dans la chambre. Alors ils ont tiré un rideau pour séparer la chambre puisqu’il y avait un autre gars dans un second lit. Ils me parlaient en allemand, je comprenais mais je demandais à l’interprète de me traduire. Et puis j’étais ensuqué après l’anesthésie au chloroforme. J’ai même vomi. Le chef de la gestapo s’est assis sur le rebord de mon lit. L’interprète m’a dit : "il va vous poser des questions sur votre frère Léon". Alors moi je lui ai répondu que je ne savais pas où était mon frère et il m’a rétorqué que pour mon frère, ce n’était pas important mais que je devais leur dire où se trouvait l’argent de la famille Pachulski, parce ce que le Weber il avait porté plainte contre mon père, comme quoi il avait tout piqué.
Mon père avait deux voitures qu’il nous avait fait parvenir. Alors ils sont remonté jusqu’à nous en suivant le parcours des voitures. Et c’est comme ça qu’ils ont su où nous trouver.
Ils avaient déjà arrêté mon frère Léon et sa femme. Il était dans le maquis mais était allé voir sa femme. Il a été dénoncé et on les a arrêtés.
Moi je n’étais pas au courant de tout ça alors je leur disais que je ne savais pas où était l’argent, que c’était peut-être mon frère qui l’avait pris. Et à mon frère, ils lui avaient posé les mêmes questions, ils l’avaient tabassé, l’avaient passé à la baignoire et lui leur disait qu’il ne savait rien.
Après la guerre, on s’est raconté cet épisode ; moi je le chargeais et lui me chargeait aussi et on a compris pourquoi les gars de la Gestapo étaient si énervés.
A un moment, celui qui était dans ma chambre d’hôpital m’a donné une baffe, et là, j’ai vomi, sur sa main ou sur sa veste, je ne sais pas et j’ai entendu "Arschloch von yuden". J’ai demandé à l’interprète "mais qu’est-ce qu’il dit ?" L’interprète m’a traduit : "pourriture de juif". J’ai continué à dire que je ne savais rien. Puis, pour vérifier que je n’étais réellement pas en état de les suivre, que je ne simulais pas, il a retiré le drap, le pansement et il a vu ma cicatrice, rouge et gonflée. Le chirurgien a dit à l’interprète que son chef était un sauvage, mais l’interprète n’a pas traduit.
Ils ont voulu savoir dans combien de temps j’irais mieux et le chirurgien a répondu qu’il fallait compter 8 jours. Alors ils ont dit qu’ils reviendraient me chercher 8 jours plus tard.
Ensuite, un homme est venu me voir pour me prévenir qu'on allait me déménager rapidement afin d’éviter de me faire embarquer. Effectivement, le lendemain matin, on me transporta dans les sous-sols de l'hôpital, près des cuisines, où je suis resté jusqu'en janvier. Pendant cette période, j'ai pu être gâté et chouchouté par le personnel de l'hôpital. Quand la gestapo est revenue pour m’arrêter, les médecins ont prétexté que d’autres personnes étaient déjà venues me chercher.

29/01/2012
Auteur : Albert Pachulski

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De Pachulski à "Pelletier"

Un matin, une femme vint me prévenir que je devais désormais, changer de nom et m'appeler "Pelletier". La Gestapo était toujours à ma recherche. Elle me rassura sur les petits Sarah et Maurice et me dit qu’elle devait me conduire dans un village du Berry, à Bouesse, près d'Argenton-sur-Creuse, chez des paysans à qui je devais dire être un orphelin de guerre en convalescence après une opération de l'appendicite avec complications.
J'arrivai donc chez ces personnes qui tenaient l'auberge du village et qui se nommaient Débordes. Ils avaient deux fils, dont l'un travaillait en Allemagne dans les STO, l'autre était ouvrier agricole dans le village. Seul l'instituteur du village M. Garin était au courant de ma situation. J'allais donc à l'école du village et j'aidais au service dans l'auberge des Débordes.
La vie dans ce petit village de 200 habitants ne semblait pas trop affectée par la guerre. Le jeudi j'aidais la résistance en portant des messages à Argenton-sur-Creuse. Là, je croisais beaucoup d'Allemands mais avec l'inconscience de la jeunesse, je passais de partout et de plus, personne ne me posait de questions. J'étais un gamin en culottes courtes.
Je me souviens que dans ce village il y avait deux petits gamins juifs de six et huit ans qui avaient été placés chez le forgeron par leurs parents. Ils y étaient fort mal traités et souvent les autres gamins de l'école se moquaient d’eux. Je prenais alors régulièrement leur défense ce qui ne manquait de surprendre les autres.
En avril 1944, M. Garin disparut. On ne sut jamais ce qu'il devint. À peu près à la même époque, j’eus de nouveau la visite de la personne qui m'avait amené dans le village. Elle venait m'annoncer que bientôt, je pourrais revoir mon frère et ma sœur. C'est pour cette raison que je partis à Châteauroux, qui était à une trentaine de kilomètres. Deux personnes me prirent en charge et m'amenèrent dans un village dont j'ai oublié le nom, où je retrouvais les deux petits. Nous étions très heureux de nous revoir. Ils me posèrent de nombreuses questions au sujet de nos parents et je leur répondis qu'après la guerre nous serions tous réunis. Puis je retournais à Bouesse, toujours en compagnie de la même personne. Mon frère et ma sœur devaient partir en Suisse dans les jours à venir. Je devais d'ailleurs les rejoindre plus tard. Cela se passait fin avril 1944.
Pendant tout le mois de mai j'attendis le moment de passer en Suisse. Trois fois je me rendis à Châteauroux à la suite de messages me disant de préparer mes bagages et me fixant rendez-vous dans un hôtel près de la gare. Mais chaque fois le passage pour la Suisse était bloqué je devais attendre. Je savais que Maurice et Sarah étaient déjà passés avec une trentaine d'enfants. J'appris plus tard qu'il y avait eu plusieurs convois de 20 et même 40 enfants arrêtés à la frontière entre le premier et le 24 mai.
Enfin le 25 mai 1944 je reçus une lettre pour m'annoncer mon départ. Je pris donc le car comme d'habitude pour Châteauroux, où j'arrivais vers midi. Puis, toujours avec la même jeune femme, nous montâmes dans une chambre d'hôtel où elle récupéra toutes les photos que je possédais de ma mère et de mes sœurs, sauf quelques-unes que j'ai pu subtiliser et que je possède encore aujourd'hui. Elle prit également mes vêtements, sauf deux ou trois qu’elle mit dans un petit baluchon. Puis elle m'expliqua qu'il ne fallait pas que je sois trop chargé et que je ne devais garder aucune trace de mon passé car il pouvait arriver n'importe quoi pendant le trajet.
Elle me recommanda de bien donner "Pelletier" comme nom de famille est de dire que je rejoignais une colonie de vacances vers Annecy. Et surtout, que j'étais orphelin de guerre. Nous prîmes le train pour Lyon ; le voyage dura toute la nuit et nous arrivâmes à la garde de Perrache en fin de matinée.
La gare était pleine d'allemands, le temps était très maussade ; une grande tristesse m'envahit alors. Je retrouvais l'un des enfants de mon âge avec lesquels j'avais été au Château Le Masgelier. Nous nous regroupâmes autour de deux moniteurs. Nous devions être une dizaine. Ils nous accompagnèrent dans une maison voisine de la gare où nous retrouvâmes d'autres enfants. Là j'entendis parler de la rafle de la Maison d'Enfants d'Izieu.
Nous devions partir le lendemain matin pour Annecy puis passer en Suisse par Saint-Julien-en-Genevois.
Après une nuit dans un grenier rudimentairement aménagé, nous nous dirigeâmes par petits groupes vers la gare pour prendre le train en direction d'Annecy. Nous arrivâmes à Annecy en fin de matinée. Deux moniteurs et une femme nous emmenèrent dans une ferme à l'extérieur d'Annecy qui avait été aménagée en auberge, avec un réfectoire et des dortoirs dans les dépendances. Nous devions y rester une seule nuit, nous y demeurâmes plusieurs jours.

29/01/2012
Auteur : Albert Pachulski

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La Suisse

Le 28 mai 1944, deux hommes nous réunirent pour nous faire toutes les recommandations nécessaires au passage vers la Suisse. Ensuite un car devait venir nous prendre vers midi. Nous étions censés être une colonie de vacances en excursion. Nous avions un petit casse-croûte dans nos sacs et chaque grand avait en charge un petit car il y avait des enfants de trois et quatre ans. Nous étions entre 25 et 30 enfants.
Le car nous déposa à 2 km environ après Saint-Julien-en-Genevois. Deux hommes armés de mitraillettes nous firent descendre du car et nous demandèrent de nous mettre deux par deux en colonne. Nous devions marcher en direction d'un bois tout en chantant. Sous couvert de ce bois, les deux hommes nous attendaient. Pendant cette marche d'environ 1 km, les grands prirent bien soin des petits, les filles les plus âgées pleuraient en silence. Plus nous approchions, plus les hommes nous faisaient signe d'accélérer. Nous finîmes en courant puis nous marchâmes dans le bois pendant 100 ou 200 m, jusqu'à une clairière ou nous pûmes enfin nous reposer en cassant la croute. L'un des hommes expliqua alors aux plus grands, qu'une fois arrivée au bout du bois, il y aurait un champ de 400 m environ à traverser. Puis, un fossé, une ligne de rails et enfin des barbelés pour passer la frontière. Mais il fallait faire très attention car à 50 cm au-dessus des rails, il y avait un fil de fer relié à une sonnette dans une cabane à 500 m. Ils nous souhaitèrent bonne chance et nous recommandèrent de courir le plus vite possible jusqu'au fossé.
Et nous voilà parti, arrivés devant le fameux champ, nous le trouvâmes immense. Nous prîmes tous un petit, soit par la main, soit sur le dos, et alors commença la cavalcade jusqu'au fossé. La, nous vîmes le fil de fer, que nous passâmes soit par dessous soit par-dessus. Nous fîmes passer les petits par-dessus. Une fois arrivées devant les barbelés, les filles se mirent à hurler ; les autres étaient prêts de faire demi-tour, car nous nous trouvions devant des soldats qui ressemblaient étrangement aux Allemands. Ces derniers se mirent à crier : "ne partez pas, nous sommes Suisses, regardez nos casques, ils sont différents de ceux des Allemands". "Dépêchez-vous la patrouille Allemande ne va pas tarder".
Alors ce fut la ruée, chacun passait comme il pouvait, par-dessus, par-dessous, nous faisions passer des petits en écartant les barbelés. Puis les soldats nous dirent de nous cacher en silence derrière une cabane. Deux minutes plus tard, une patrouille allemande avec un chien passa.
Une demi-heure après, un camion militaire vint nous chercher. Il nous conduisit dans un centre de tri, dans la banlieue genevoise.
Dans ce centre, on sépara les filles et les garçons, puis tout le monde dû passer à la douche, et enfin remplir un questionnaire sur son âge, sa religion, etc. avant de pouvoir enfin nous restaurer. Deux de mes compagnons furent reconduits à la frontière, car ils avaient plus de 16 ans ; les suisses avaient signé un accord avec l'Allemagne, dans lequel ils s'engageaient à accepter de fermer les yeux sur les enfants de moins de 16 ans, âge à partir duquel ils étaient considérés comme des hommes de combat ! Chose étrange, car deux convois d'enfants avaient été arrêtés juste avant le nôtre. Nous restâmes deux jours dans ce camp dénommé "le bout du monde".
Ensuite on nous dirigea vers le centre Henri Dunant. C'était un ancien hôtel fermé qui se trouvait en face du palais des nations. Nous fûmes mis en quarantaine, mais je pus revoir mon frère Maurice et ma sœur Sarah deux fois par jour, à travers la vitre qui séparait le réfectoire en deux. Là nous apprîmes le débarquement du 6 juin 1944 ; ce fut une véritable fête car nous croyions que la guerre allait bientôt finir. Mais quelle erreur ! Cela dura encore un an au moins.
D'autres convois d'enfants arrivèrent, encore, au centre Henri Dunant pendant cette période. Il y eut aussi des convois arrêtés à la frontière, car les passages étaient de plus en plus difficiles. Nous interrogions les nouveaux qui nous racontaient que les Américains n'avançaient pas aussi vite qu'on le pensait. Les Allemands continuaient à arrêter les juifs et les résistants. D'ailleurs les suisses recevaient maintenant également des résistants et des réfugiés adultes, ils avaient abandonné leur accord avec les allemands.
À la fin de cette quarantaine, je pu enfin retrouver mon frère Maurice et ma sœur Sarah ; nous ne nous étions plus revus depuis 10 mois et cela nous avait paru très long.
Pendant le mois de juillet, des enfants furent envoyés dans des homes d'enfants à travers toute la Suisse. Nous fûmes envoyés à côté de Chazière-Villard. En route nous croisâmes des Anglais et des Américains dans des camions, il s'agissait d'aviateurs. Leurs avions avaient été abattus et ils avaient réussi à passer en Suisse. Ils nous distribuèrent des chewing gum. Le home d'enfants de Huemaz était un grand chalet en pleine montagne, avec des chambres de quatre, ce qui nous changeait des dortoirs de 30 ou 40 enfants. Nous sommes restés là tous les trois jusqu'à la fin mai 45.

29/01/2012
Auteur : Albert Pachulski

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Le retour de Léon

Au mois d'avril, je reçus une lettre de la Croix-Rouge m'annonçant que mon frère Léon était sain et sauf. Il avait été libéré du camp d'Auschwitz, mais nous ne savions pas ce que cela voulait dire. Nous n'avions pas encore entendu parler des camps de la mort. Il est venu nous voir au mois de juin 1945 à Genève par l'intermédiaire de l'Armée du Salut et de la Croix-Rouge. Nos retrouvailles furent très émouvantes. Sarah, Maurice et moi ne savions plus quoi dire devant cet homme au crâne rasé et un peu voûté. Lorsque nous nous étions quittés il me dépassait d'une tête, maintenant c'était moi qui le dépassais. Nous fûmes hébergés à l'Armée du Salut. Tout le monde lui posait des questions, il nous racontait des choses effroyables et incroyables. Les gens étaient sceptiques, jusqu'au moment où il retira sa chemise et nous montra son dos zébré de coups de fouet, reçus une quinzaine de jours avant sa libération, pour avoir volé un bout de pain. Quand nous lui demandâmes des nouvelles de nos parents et de nos sœurs, il nous laissa un peu d'espoir de les revoir, mais il nous dissimulait la vérité car il savait qu'ils étaient morts. Il nous l’apprit six mois plus tard, après notre retour en France.
Nous fûmes plusieurs enfants du Home de Huemaz à être envoyé dans un camp semi-disciplinaire à Saint-Gall en Suisse allemande, car nous nous étions révoltés de ne pouvoir rentrer en France pour participer à la libération. Plusieurs parmi nous avait essayé de s'échapper par le lac Léman ; mais sur une dizaine, un seul avait réussi. Nous sommes restés dans cette maison dénommée Speicher.
Certains moniteurs faisaient partie de la Hagana clandestine. Ils entraînaient les plus grands, au-dessus de 14 ans, pour partir en Palestine. C'était très dur. Nous dormions sous des tentes, à même le sol et nous faisions des marches de nuit. Ils voulaient nous former pour la libération de la future Israël. Quelques-uns de mes camarades partirent en 1947 de France sur l'Exodus.
Après la guerre, quand les allemands arrivèrent à Zurich, les Suisses les applaudirent. Il faut savoir que les Suisses étaient pro-allemands. Si les Suisses ont pu sauver des enfants juifs c'est parce qu'il y avait des accords entre les Allemands et les Suisses. En effet, tout l’or que les Allemands avaient récupéré dans les camps, sur les cadavres au sortir des chambres à gaz, était remis à la Suisse en échange d'armes. Cela faisait beaucoup d'or, car dès que les gens passaient dans les chambres à gaz, les nazis retiraient les dents en or sur les cadavres. Ils prenaient tout, les bijoux, les montres, tout ce qui avait de la valeur.
Lorsque j'étais en Suisse, un jour, il y eu un train de roulements à billes qui partaient vers l'Allemagne. Les Anglais le bombardèrent en prétextant s'être trompés avec l'Allemagne. Ils s’excusèrent en disant que la frontière allemande était très proche et qu'ils pensaient avoir attaqué un train allemand.
Après la guerre mon frère m'a raconté son calvaire. Mais il ne le raconta qu'à moi. En effet, personne ne le croyait.
Enfin nous sommes rentrés en France en novembre 1945.

29/01/2012
Auteur : Albert Pachulski

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L'orphelinat de la baronne de Rothschild

Nous avions été pris en charge par la baronne de Rothschild qui était la représentante d'un organisme juif américain. Pourquoi elle et non l’OSE (œuvre de secours aux enfants) ? J'appris plus tard que toutes les organisations juives voulaient avoir des enfants orphelins de guerre et déportés pour satisfaire leur image de marque.
Il y a une anecdote dont je me souviens, c’était pendant que j’étais à l’orphelinat. Un jour, on a reçu des costumes d’Amérique. Quand il y avait des choses qui arrivaient, nous les grands, on allait dans une espèce de hangar au bout du château. Il était fermé mais on arrivait toujours à ouvrir.

Et donc là, on voit des caisses, on les ouvre et nous découvrons des costumes rayés, bleu ciel et blanc. On se dit alors que les américains étaient dingues. Ça rappelait tout à fait les uniformes de déportés. Mais ça ne faisait rien, on était quatre copains, on a regardé dans les caisses pour voir ce qu’il y avait d’autres, on a trouvé des rations K américaines (ration de combat qui tire son nom du docteur Ancel Keys, qui en a eu l’idée) avec du chocolat, des cigarettes, du fromage, un imperméable... On a pris la moitié des vêtements, les costumes et on a tout vendu aux puces. Le matin, je partais avec un sac plein. Je disais que c’était des affaires que j’apportais à nettoyer chez mon frère. Alors personne ne me disait rien.

On rentrait et on sortait comme on voulait de l’orphelinat. On n’était pas prisonnier. Il n’y a que les petits qui restaient la journée sur place car ils ne savaient pas où aller mais eux aussi ils dévalisaient tout ce qu’ils pouvaient dans l’économat. Il fallait bien bouffer !

29/01/2012
Auteur : Albert Pachulski

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La réalité de la guerre

À l'époque, personne ne racontait ce qui s'était passé dans les camps. On se le racontait qu'entre nous bien sûr, mais c'est tout. Léon n'a pas voulu me dire tout de suite comment mon père était mort. Mais un peu plus tard, il m'a raconté : c’était huit jours après son arrivée au camp. Quand on tapait sur mon père, il rendait les coûts. Un jour ils se sont mis à quatre ou cinq capots pour le tabasser ; mon père s'est alors jeté contre les fils barbelés électrifiés et la mitrailleuse l’a coupé en deux.
J’ai également appris pour ma mère et ma sœur Dora. Quand les gens arrivaient au camp on leur disait : les valides d'un côté, ceux qui ne peuvent pas marcher, sur le camion. Alors ma mère a dit qu'avec ses jambes, elle ne pouvait pas marcher. Ma sœur Dora n'a pas voulu la laisser seule bien que ma mère lui ai dit d'aller avec ma sœur Marie et là, elles sont parties directement à la chambre à gaz. Pour Marie c'était différent. Elle était vivante jusqu'à la libération. Elle était dans le même camp que Simone Veil (d'ailleurs, dans son livre, elle parle de ma sœur). Mais avec les conditions d’hygiène déplorables dans les camps, Marie est morte du typhus.

29/01/2012
Auteur : Albert Pachulski

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Cet article n'est pas encore renseigné par l'AJPN, mais n'hésitez pas à le faire afin de restituer à cette commune sa mémoire de la Seconde Guerre mondiale.


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Etoile jaune: le silence du consistoire centrale , Mémoire ou thèse 7 pages, réalisation 2013
Auteur : Thierry Noël-Guitelman - terminal
Lorsque la 8e ordonnance allemande du 29 mai 1942 instaure l'étoile jaune en zone occupée, on peut s'attendre à la réaction du consistoire central. Cette étape ignoble de la répression antisémite succédait aux statuts des juifs d'octobre 1940 et juin 1941, aux recensements, aux rafles, aux décisions allemandes d'élimination des juifs de la vie économique, et au premier convoi de déportés pour Auschwitz du 27 mars 1942, le consistoire centrale ne protesta pas.


Liens externes [Ajouter un lien vers un article d'intérêt ou un site internet]
1 Juifs en psychiatrie sous l'Occupation. L'hospitalisation des Juifs en psychiatrie sous Vichy dans le département de la Seine (Par une recherche approfondie des archives hospitalières et départementales de la Seine, l'auteur opère une approche critique des dossiers concernant des personnes de confession juive internées à titre médical, parfois simplement préventif dans le contexte des risques et des suspicions propres à cette période. La pénurie alimentaire est confirmée, influant nettement sur la morbidité. Ce premier travail sera complété par un examen aussi exhaustif que possible des documents conservés pour amener une conclusion. )
2 Héros de Goussainville - ROMANET André (Héros de Goussainville - Page ROMANET André )
3 Notre Dame de Sion : les Justes (La première religieuse de Sion à recevoir ce titre en 1989 est Denise Paulin-Aguadich (Soeur Joséphine), qui, à l’époque de la guerre, était ancelle (en religion, fille qui voue sa vie au service de Dieu). Depuis, six autres sœurs de la congrégation, ainsi qu’un religieux de Notre-Dame de Sion ont reçu la même marque de reconnaissance à titre posthume. Ils ont agi à Grenoble, Paris, Anvers, Rome. L’action de ces religieuses et religieux qui ont sauvé des Juifs pendant la deuxième guerre mondiale mérite de ne pas être oubliée. Et il y en a d’autres, qui, même s’ils n’ont pas (encore ?) reçu de reconnaissance officielle, ont œuvré dans le même sens, chacun à leur place. )
4 L'histoire des Van Cleef et Arpels (Blog de Jean-Jacques Richard, très documenté. )
5 Résistance à la Mosquée de Paris : histoire ou fiction ? de Michel Renard (Le film Les hommes libres d'Ismël Ferroukhi (septembre 2011) est sympathique mais entretient des rapports assez lointains avec la vérité historique. Il est exact que le chanteur Selim (Simon) Halali fut sauvé par la délivrance de papiers attestant faussement de sa musulmanité. D'autres juifs furent probablement protégés par des membres de la Mosquée dans des conditions identiques.
Mais prétendre que la Mosquée de Paris a abrité et, plus encore, organisé un réseau de résistance pour sauver des juifs, ne repose sur aucun témoignage recueilli ni sur aucune archive réelle. Cela relève de l'imaginaire. )
6 La Mosquée de Paris a-t-elle sauvé des juifs entre 1940 et 1944 ? une enquête généreuse mais sans résultat de Michel Renard (Le journaliste au Figaro littéraire, Mohammed Aïssaoui, né en 1947, vient de publier un livre intitulé L’Étoile jaune et le Croissant (Gallimard, septembre 2012). Son point de départ est un étonnement : pourquoi parmi les 23 000 «justes parmi les nations» gravés sur le mémorial Yad Vashem, à Jérusalem, ne figure-t-il aucun nom arabe ou musulman ? )
7 Paroles et Mémoires des quartiers populaires. (Jacob Szmulewicz et son ami Étienne Raczymow ont répondu à des interviews pour la réalisation du film "Les garçons Ramponeau" de Patrice Spadoni, ou ils racontent leur vie et en particulier leurs actions en tant que résistants. On peut le retrouver sur le site Paroles et Mémoires des quartiers populaires. http://www.paroles-et-memoires.org/jan08/memoires.htm. (Auteur : Sylvia, Source : Canal Marches) )
8 Les grands entretiens : Simon Liwerant (Témoignage de Simon Liwerant est né en 1928. Son père Aron Liwerant, ouvrier maroquinier né à Varsovie, et sa mère Sara née Redler, seront arrêtés et déportés sans retour. )

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