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Région :
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Département :
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(1944 - 1946) Préfet de la Seine (1892-1971)
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Texte pour ecartement lateral

Jacob Cukier

dit Jacques Cullérier
Texte pour ecartement lateral

Paris 75020 Paris
Nom de naissance: Jacob Michel Cukier
Date de naissance: 21/03/1933 (Paris)
Aidé ou sauvé par : - Georges Charmaison - Marie-Angèle Charmaison Profession: Chirurgien
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Jacob-Cukier
Jacob Cukier et Georges* and Marie-Angèle Charmaison*
source photo : Jacob Cukier
crédit photo : D.R.
Histoire

Témoignage de Jacob Cukier

Bien que la mémoire implique imprécisions, émotions et oublis, un fait est certain, ma vie à Bollène, petite ville de 5.000 habitants à l’époque de la guerre, fut rythmée par ce qui se passait ailleurs, en France et dans le monde. Je ne l’ai compris que bien plus tard.

Je me présente : Jacob Michel Cukier.
Ma mère Frymet est née en 1896, en Pologne, à Pzrytyk, petite bourgade du centre du pays, à environ 80 kms au sud de Varsovie et à 20 kms au nord-est de Radom dans une famille très peu observante. Son père, Michel Straussman était ‘feltcher’, une sorte d’officier de santé. Elle a perdu sa mère très tôt, probablement de tuberculose pulmonaire. Elle était belle, tendre et dévouée.
Mon père, Moszek Cukier, d’une personnalité écrasante, d’une intelligence fulgurante, capable d’analyser une situation en quelques instants et à même de prendre une décision immédiate, est né dans le même village en 1901. Son père, Yaakov, encore plus écrasant que lui, cumulait les fonctions de Shochet, de Rosh Yeshivah (une petite!) et de juge que les paysans polonais aimaient à solliciter pour régler leurs conflits en totale confiance en son sens de justice et d’équité. Il était censé devenir rabbin, comme son grand-père ; mais, la révolution soviétique venue, il devint (très transitoirement) communiste au point de couper ses papillotes, de partir servir dans la cavalerie cosaque avant de comprendre que le communisme ne servait en rien la cause des juifs. Il partit donc en Palestine où il exerça mille métiers, apprenant l’Yvrith, l’arabe et l’anglais. Il devint rosh du kibboutz qui construisit les rues de Tel-Aviv. Il y fit venir sa fiancée et c’est le grand Rabbin de Tel-Aviv de l’époque qui les a mariés. J’ai conservé la ketoubah et le Houmach (les cinq livres de Moïse qu’il connaissait par cœur) dont il ne s’est jamais séparé, même quand il dut se cacher durant la guerre. Arrivé en France en 1930, il apprit le français au point de lire des livres dans cette langue dont il ne connaissait rien à son arrivée. N’ayant pas appris de métier, il devint, comme tant de juifs arrivé à cet époque, tailleur de gilets.
Revenus à Paris après la guerre, sans le sou, ils se sont remis à travailler comme des fous pour me permettre de rattraper, dans une école privée, les années perdues et me permettre de me consacrer à mes études à la faculté de Médecine. Dieu sait que leurs moyens étaient limités, mais je me souviens les avoir entendus me dire qu’en ce qui concerne l’achat de livres d’études, je disposais de crédits ‘illimités’ !
Ma mère, Frymet Cukier, est décédée en 1979, mon père, Moszek Cukier, en 1989.
Je suis donc né en 1933, année ou Adolphe Hitler nommé chancelier d’Allemagne, va précipiter le monde dans la guerre la plus meurtrière de tous les temps : pour les juifs de France, une catastrophe : sur 240.000 juifs, 83.000 vont disparaître dans la tourmente.

Si j’ai échappé au massacre, c’est grâce aux hommes et femmes de bonne volonté de Bollène, et tout particulièrement grâce aux époux Charmaison*, Georges* et Marie-Angèle* qui m’ont caché dans leur ferme au péril de leur vie. Cacher un juif était à cet époque passible de peine de mort.

Né à Paris, comment suis-je arrivé à Bollène (Vaucluse) à l’âge de sept ans ?
1er Septembre 1939, Hitler envahit la Pologne. Le 3 Septembre, la France et la Grande Bretagne déclarent la guerre à l’Allemagne. Mon père, alors âgé de trente huit ans veut s’engager volontaire, mais, comme il est polonais, il ne peut servir dans l’armée française et sera versé d’office dans la section polonaise de l’armée française. Le voilà donc parti de la maison.

Le 10 Février 1940, l’unité polonaise dans laquelle servait mon père vient s’établir à Bollène. Ma mère et moi l’y rejoignons. Le 10 mai, les troupes allemandes déferlent sur la France. Mon père part au combat. Les semaines passent. Nous restons sans nouvelles de mon père. Le 22 juin 1940, l’affaire est officiellement réglée, la France battue, mais non encore totalement envahie, signe un armistice avec l’Allemagne1.
Mon père n’est toujours pas de retour. Mort ? Prisonnier? Sinon, il devrait être libre et déjà revenu. Après plusieurs semaines d’attente, mon père réapparaît, en civil. Que s’était-il donc passé ?

Il n’avait pas été fait prisonnier. Descendu à Marseille après l’armistice, il se présente à la gendarmerie devant la commission de démobilisation et leur dit : « voici mon fusil, mes munitions, mon uniforme. Messieurs, au-revoir ». Pas du tout ! Un gendarme lui met les menottes aux poings ! Seuls « les membres des forces armées françaises » non faits prisonniers pouvaient retourner chez eux. Les soldats polonais, eux, n’étant pas des membres français des forces armées françaises, devaient être remis aux autorités allemandes comme prisonniers de guerre. La Pologne avait été battue. Tous les soldats polonais ayant servi dans l’armée française devaient être remis aux allemands comme prisonniers de guerre.
Que fait un juif les menottes aux poings pour échapper à son sort ? Il demande à faire pipi. Il saute par la fenêtre et le voilà libre. Par des chemins détournés, mais en évitant de se cacher, empruntant des grandes routes, au vu et au su de tout le monde, il finit par revenir à Bollène.

Le Maréchal Pétain, avait reçu les pleins pouvoirs. Comme chef de l’état français il mettait toute son administration au service de l’Allemagne. Collaborer, telle fut la devise du gouvernement mis en place par le Maréchal à Vichy. Ce fut là un des drames de la France. L’administration française a continué à fonctionner, mais sous les ordres d’un gouvernement qui avait choisi de collaborer avec l’ennemi.

Les juifs deviennent l’objet d’une violence silencieuse, administrative. Les fonctionnaires indifférents, appliquaient contre les individus légalement privés de tout droit des lois édictées par un état qui n’était plus qu’un état de droit dépravé. La vie de chaque juif devenait un combat quotidien entre le pouvoir de toute une administration (gouvernement, préfecture, justice, police ….) et un individu impuissant qui, pour échapper aux griffes de l’administration n’avait d’autres ressources que la ruse et la fuite, comme la souris qui veut échapper au chat. Pour survivre, il fallait faire vite, ne pas hésiter, agir immédiatement, avoir de la chance et trouver de l’aide.

Nous vivons donc à Bollène ; un Bollène libre de toute occupation militaire2.

Ma vie à Bollène à ce moment là est apparemment normale.
Je vais à l’école. Comme tous les enfants des écoles de France, je chante: "Maréchal, nous voilà, tu nous a redonné l’espérance …". J’ai des copains avec qui je joue, avec qui je me bagarre, et qui sont devenus mes meilleurs amis.
Sous les platanes du cours de l’Écluse, les jeux de boules n’avaient plus de secrets pour moi. Les amoureux avaient les leurs. Ils s’en allaient sous les platanes rejoindre une forêt voisine. Que se passait-il dans la forêt ? L’Internet, la télévision n’étaient pas là pour m’informer !
J’acquiers l’accent du Midi. Mon père travaille comme manœuvre aux usines de briques réfractaires Valabrègue. Quand nous étions souffrants, Mme le Docteur Marianne Basch3 venait nous soigner à domicile, parfois accompagnée de son fils André. Elle allait devenir un personnage clef dans mon sauvetage et plus tard dans mes études de Médecine.

En réalité, la vie à Bollène n’est pas normale.

Nous avons faim.
L’armée allemande réquisitionne la plus grande partie de la production agricole. Cartes de rationnement des produits de base et des vêtements font leur apparition en Les voitures sont affublées d’énormes machines noires à l’arrière, les gazogènes.
Les pommes de terre disparaissent des étalages. Topinambours et rutabagas les remplacent. Un marché noir se développe ; à prix élevé on peut tout acheter. Mes parents n’en ont pas les moyens. Le Maire de la ville, Mr Cuillerai, essaie de nous aider. Un lopin de terre nous est alloué que nous cultivons, mon père et moi. Il fallait trouver du fumier, et je courrais derrière les chevaux, armé d’une pelle et d’un seau pour recueillir les crottes. Je n’étais pas le seul. La compétition était rude entre petits garçons guettant le même crottin. Mon père et moi passons des heures à la pèche ; le plus souvent des goujons, rarement un brochet, la fête ! Le grenier de la maison est transformé en clapier à lapins.

La vie à Bollène, non seulement n’est pas normale, mais commence à être dangereuse.

Dangereux d’écouter radio Londres, passible d’une amende et d’un mois de prison. Nous nous retrouvions le soir chez des amis juifs qui possédaient une radio. L’émission commençait par trois coups de grosse caisse répétés deux fois (Boum Boum Boum …. Boum Boum Boum) suivis de "Ici radio Londres, les français parlent aux français". Le brouillage par les autorités de Vichy aussitôt activé n’arrivait pas à masquer la voix de Maurice Schumann reconnaissable entre toutes. J’ai adoré cette émission ! Et pour cause ! Un soir, les deux jeunes filles de la maison, âgées entre dix-huit et vingt ans sont descendues en soutien-gorge, ne prêtant pas attention à un petit garçon de sept ans. Quelle révélation ! Quelle émotion !

Dangereux d’écrire. Le courrier est ouvert et surveillé par les collaborateurs actifs regroupés au sein de le Légion Française des Combattants 4.

Dangereuse pour les juifs surtout. Nous vivions sur un volcan. L’éruption n’allait pas tarder. Sarah Hendl Strausman, ma tante, que j’adorais, sœur de ma mère, arrivée en France de son village natal polonais après 1936, vivait avec nous dans une petite maison dont la porte principale donnait sur le Cours de l’Ėcluse et dont la porte arrière s’ouvrait sur une petite rue. Le 26 août 1942 au matin, à 5 heures, nous sommes réveillés par des gendarmes français qui viennent arrêter ma tante. Ils sont devant la porte de devant. Je demande à ma tante si elle a commis quelque chose de répréhensible. Elle m’affirme le contraire. Je lui suggère de fuir par la porte arrière. Elle commet l’erreur qui va lui coûter le vie, elle hésite. Elle est embarquée avec huit autres juifs, et emmenée au camp de concentration des Milles, à 300 kms de Bollène par une entreprise locale de transports, appartenant à un certain Georges Cruon 5. Rapport du commissariat de police de Bollène établi le même jour. "Ce matin à 5 heures en collaboration avec les services de gendarmerie, rafle au cours de laquelle 9 polonais juifs ont été dirigés sur le camp des Milles.". Le 11 septembre elle sera transférée au camp de Rivesaltes. Elle nous adresse une lettre désespérée. Dans ma tête de petit garçon avait germé l’idée d’aller à Rivesaltes moi-même pour soudoyer un gendarme. Hélas, ma mère n’avait aucun bijou et nous étions sans argent. Deux jours plus tard elle est emmenée en train jusqu’à Drancy. Le 16 septembre, par le convoi n° 33 elle quitte Drancy pour Auschwitz. Elle ne reviendra pas. Elle avait 29 ans.

Les juifs sont ramassés comme on ramasse des ordures. La France de Vichy, devançant les demandes allemandes promeut une politique raciale anti-juive spécifiquement française.
En septembre 1940, dans leur ordonnance contre les juifs de la zone occupée, les allemands avaient défini les juifs par leur religion 6. Deux lois de Pétain allaient définir les juifs par leur race. L’antisémitisme racial devenait légal ! L’obsession antisémite et xénophobe de Pétain allait se traduire par quatre lois.
Première loi en Octobre 1940, retrouvée annotée de la main de Pétain, applicable à tous les juifs qu’ils soient français ou étrangers, définis par leur race 7. Les fonctions publiques leur sont interdites. Mon père, simple manœuvre n’était pas concerné.
Deuxième loi en juillet 1941, loi d’aryanisation, d’épuration économique n’est rien d’autre qu’une confiscation par l’état des biens commerciaux et industriels possédés par des juifs. Mes parents n’ayant aucun bien n’étaient pas concernés.
Troisième loi du 18 octobre 1940 sur les ressortissants étrangers de race juive 8 les livre à la merci des préfets qui pouvaient les arrêter et les emprisonner dans des camps de concentration. Mes parents, juifs polonais se trouvaient directement menacés.
Quatrième loi, le 2 Juin 1941, (deuxième loi raciale) portant statut des juifs, modifie la première et l’aggrave 9. L’éventuelle conversion à une autre religion ne sert à rien. La non-appartenance à la religion juive doit être établie par preuve.
Cette obsession anti-juive aboutira à la création en Mars 1941 d’un véritable ministère de la chasse aux juifs : le Commissariat Général aux Questions Juives (CGQJ) avec à sa tête Xavier Vallat, secrétaire d’état. Simultanément, promulgation d’une autre loi, imposant aux juifs un recensement avec obligation faite aux juifs de se déclarer 10, la non-déclaration étant passible d’un internement dans les camps spéciaux, même pour les français. Mes parents m’ont dit ne pas s’être déclaré. En revanche, le m et l’adresse de ma tante, eux, figurent sur le ficher manuscrit – que j’ai eu entre les mains- de "l’état nominatif des JUIFS de nationalité étrangère résidant en Vaucluse au 1er juillet 1941". Elle ne pouvait échapper au filet qui se resserrait autour des juifs étrangers entrés en France après le 1er janvier 1936.

De fait, la solution européenne du problème juif prônée par Xavier Vallat avait déjà commencé en En Pologne, puis en URSS.

La France de Pétain y participe activement en déportant les juifs étrangers arrêtés par la police française. La France est le seul pays qui ait procédé à de telles livraisons aux nazis de juifs arrêtés en zone non occupée. 17 mars 1942 : premier des 67 convois en partance de Drancy qui allaient déporter 67.000 juifs à Auschwitz. 16 et 17 juillet : rafles du Vél d’ Hiv; 26 Août : arrestation de ma tante, sous mes yeux.
La méticulosité de l’organisation des arrestations en zone non occupée vous laisse pantois. Une véritable chasse à l’homme. Les 5, 15, 18 et 24 Août le gouvernement donne aux préfets des instructions en vue de l’arrestation des juifs étrangers. Le préfet de Vaucluse établit alors un plan avec l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussées et le Commandant de gendarmerie ! Le 30 Août, une circulaire demande de retrouver la trace de tous les juifs étrangers qui se sont soustraits aux ‘mesures de regroupement’. Le préfet fait alors procéder à des rafles et des vérifications d’identité, en Avignon et dans les plus petites agglomérations alentour où pourraient se trouver des israélites fuyards. Les 2, 3 et 5 Septembre la police procède à des vérifications inopinées dans les hôtels, cafés et pensions de familles de la région. Diffusion dans les départements limitrophes de bulletins de recherche des juifs introuvables en Vaucluse. Les 3 et 5 Septembre, en Avignon, vérification de l’identité des voyageurs qui entrent ou sortent de la ville 11.
Ces arrestations indignent une grande partie de la population.
Le rapport de police mentionné plus haut (à l’occasion de l’arrestation de ma tante) en témoigne : « La population (de Bollène ) s’émeut des arrestations opérées dans les milieux israélites ». Le commissaire de police de Bollène écrit : « Les arrestations des juifs ont soulevé l’opinion… ». Au cours d’un sermon, en l’église de Bollène, un prédicateur se fait l’avocat des israélites persécutés. Vingt quatre préfets de Zone non-occupée signalent que « la majorité est bouleversée et indignée ».
Le haut clergé du Vaucluse lui, oublieux de l’histoire du Comtat Venaissin où le Pape protégeait ses juifs, reste muet, mais des hommes d’Église importants vont courageusement élever la voix : À Toulouse le 23 août 1942, Monseigneur Jules-Géraud Saliège* ; à Montauban, le 26 août Monseigneur Pierre-Marie Théas* Évêque12.
Vichy n’en poursuit pas moins sa politique anti-juive. Le 9 novembre 1942, mes parents, comme tous les juifs étrangers, sont assignés à résidence et interdits de déplacement sans autorisation de la police. Le port d’une étoile jaune, obligatoire en zone occupée nous fut épargné au prix de deux mesures aussi redoutables : nouveau recensement en décembre et apposition sur les cartes d’identité et sur les cartes d’alimentation du tampon JUIF en grosses lettres de 1 cm. Ce tampon « JUIF » équivalait à un marquage particulièrement efficace lors des vérifications d’identité par la police. Ne pas se déclarer, alors que les mairies savaient qui était juif, vous privait de carte d’alimentation. Il fallait bien se nourrir. Mes parents se sont déclarés avec 140.000 autres juifs dont les noms ont enrichi les fichiers de la police. Les arrestations se multiplient. Sur le territoire français la police allemande ne disposait que 2.400 policiers. C’est la police et la gendarmerie françaises qui durent accomplir le sale travail. Le Service d’Ordre Légionnaire 13 leur prêtera main forte.

Nous survivons. Trois mois passent.

Le 17 novembre 1942 : changement de décor. Apparaissent des soldats qui semblaient sortir d’une opérette avec leurs chapeaux de feutre ornés d’une plume. L’armée italienne occupe Bollène. Un millier de soldats italiens encadrés d’une trentaine d’officiers. Ils ont l’air bon-enfants.
Pourquoi les troupes italiennes sont-elles arrivées à Bollène ? Le 8 Novembre 1942, des troupes anglo-américaines débarquent en Afrique du Nord. Confronté à la perspective d’un débarquement possible des troupes alliées sur la côte méditerranéenne, le 11 Novembre 1942, Hitler donne l’ordre d’occuper la Zone non occupée, qui devient la Zone Sud. Seulement, il n’a plus les hommes pour le faire, d’où l’arrivée des italiens à Bollène.

Pour nous, ce fut une bouffée d’air frais. Ils refusent d’appliquer les lois antijuives de Vichy. Non seulement n’arrêtent-ils pas les juifs, mais ils les protègent. Ils libèrent des juifs arrêtés par la Milice.
Je garde le souvenir de la nouvelle de la reddition de la 6e armée allemande à Stalingrad en février 1943. Je me promenais sous les platanes du cours du Lez et je me suis mis à marcher d’un pas plus léger. Souvenir précis d’enfant. Je me souviens aussi avoir entendu les bombardiers américains volant très haut, en route pour lâcher leurs bombes sur l’Allemagne et j’ai vu sur le sol les paillettes de métal que ces avions semaient pour tromper les radars des canons anti-aériens.
La Résistance s’enhardit. Mon père m’a raconté avoir participé à des actes de sabotage des voies ferrées, qui feront partie de "la Bataille du Rail". Beaucoup de jeunes bollénois se cachent dans les forêts et rejoignent les maquis 14. Les paysans de la région de Bollène, comme bien d’autres en France apportent de la nourriture à ces jeunes gens cachés dans l’attente de recevoir de armes 15. Les Alliés débarquent en Sicile en Juillet 1943 16.

Le 8 Septembre 1943 la radio annonce la capitulation de l’Italie. Les troupes italiennes quittent Bollène. Je les ai vus s’entasser dans les camions. Pour mes parents, il était évident que les allemands n’allaient pas tarder. La situation des juifs persécutés par la Milice 17 en collaboration directe avec les SS et la Gestapo allait devenir intenable. Il fallait prendre une décision immédiate et me cacher. Je n’ai jamais vu l’arrivée des allemands. J’étais caché, subrepticement mis en lieu sûr.

Une nouvelle page s’ouvrait dans ma vie, celle d’un enfant caché chez deux paysans des alentours de Bollène, Georges* et Marie-Angèle Charmaison* qui m’ont hébergé, nourri, blanchi, protégé pendant toute une année dans leur ferme, dans le quartier de l’Étang, route de Mondragon. Ils l’ont fait au péril de leur vie, sans demander la moindre rétribution. Et ils n’étaient pas riches, loin de là.

Témoignage rédigé pour l'AJPN le 23/07/2011.

09/01/2022
Auteur : Jacob Cukier

[Compléter l'article]

Comment suis-je arrivé chez les Charmaison* ?

À vrai dire, je ne le sais pas. J’aurais pu l’apprendre plus tard. Il n’en fut rien. Mes parents et moi n’avons jamais, je dis bien, jamais dit un seul mot sur cette période et je ne sais donc pas de façon certaine comment mes parents ont organisé mon sauvetage, ni même comment ils ont assuré leur propre survie. Je ne peux qu’essayer de reconstituer l’histoire.
Fin 1942 et dans les premiers mois de l’année 43, deux personnes courageuses décident de recueillir des enfants de déportés de la région parisienne : Madame le Docteur Marianne Basch et Monsieur André Rombeau. Marianne Basch, initiatrice du projet, je l’ai bien connue. André Rombeau, lui, je ne l’ai jamais vu. Il fut de ces français qui n’ont jamais collaboré. Aussi, quand Marianne Basch est venue soigner la famille Rombeau, André Rombeau et elle étaient-ils faits pour s’entendre.
Marianne Basch avait besoin d’une liste de familles bollénoises de confiance, prêtes à accueillir ces enfants. Elle demande à André Rombeau de l’aider 18. C’est lui qui établit ce véritable réseau d’entraide. À qui d’autre qu’à Marianne Basch mes parents auraient-il pu s’adresser pour me cacher ? J’imagine que les Charmaison* devaient figurer sur la liste.
Je n’ai gardé aucun souvenir du jour où je fus séparé de mes parents pour atterrir chez des étrangers.
Les Charmaison* savaient que j’étais juif ; ils n’en ont dit mot à personne ; leurs enfants non plus. Ils avaient fait croire que j’étais un petit neveu venant de l’Ariège 19. Les agriculteurs alentour l’avaient admis. J’avais changé de nom : "Jacques Cullérier", et pour rien au monde aurais-je répondu au nom de Jacob Cukier. Mes parents m’avaient fait la leçon. J’avais compris.
Georges Charmaison*, de petite taille, un peu rondouillet, souriant, tranquille, aimait la nature et les animaux. Marie-Angèle* plus mince, toujours vêtue de noir faisait bien plus vieille. Tous deux d’une gentillesse extrême m’ont traité comme le petit-fils qu’ils n’ont jamais eu. Quand des personnes venaient leur rendre visite, ce qui était rare, Marie-Angèle* me prenait par la main et me conduisait dehors, l’air de rien, pour me soustraire à la curiosité qui aurait pu me trahir. J’ai appris plus tard qu’ils étaient communistes.
La ferme était petite, flanquée d’une remise dont l’étage servait de grenier à foin. On y accédait par une échelle. Quand les gendarmes faisaient leur ronde, je grimpais à toute vitesse me cacher dans le foin. Le souvenir de l’arrestation de ma tante me hantait. Elle avait été arrêtée par les gendarmes et n’était pas revenue ; j’avais peur d’être emmené par les gendarmes pour ne pas revenir. Plus de soixante ans plus tard, quand je suis venu revoir la ferme, l’échelle était toujours là, exactement à la même place !
Pour les moissons, le seul cheval de la ferme n’aurait pas eu la force de tirer une moissonneuse-batteuse. Les Mégier leur prêtaient leurs deux chevaux qu’amenait Gilbert Mégier, le fils des voisins les plus proches, alors âgé de 16 ou 17 ans et qui se souvient parfaitement des événements de l’époque. J’observais les moissons de loin, ce qui surprenait les moissonneurs habitués à se voir entourés d’enfants. Prudence et crainte devaient sans doute me rendre méfiant et m’incitaient à éviter des rencontres inopinées.
Je ne garde de cette période que des souvenirs heureux, André Mégier, lui, se souvient de moi comme d’un petit garçon en pleurs. La première fois qu’il m’a vu, Madame Charmaison était sortie de sa chambre, me tenant par la main, répétant en patois provençal : "je ne sais plus qu’en faire, je ne sais plus qu’en faire !". Celui dont elle ne savait plus que faire, c’était moi, en pleurs.
Mon père ne montait jamais. Ma mère, prétendant faire une promenade, est venue une fois ou deux durant toute l’année où je fus caché. Elle passait devant la maison. Je n’allais pas la voir et elle ne me faisait aucun signe. Nous étions convenus de ne pas nous reconnaître.
Dans la journée, je faisais fonction de berger. Le soir, par beau temps, Georges Charmaison* m’apprenait à lire les configurations des étoiles.
Les Charmaison élevaient un cochon. On l’appelait Adolphe ! Un des plus beaux souvenirs date du jour où on l’a tué.
J’ai appris un peu de patois. Je n’allais pas à l’école. L’école buissonnière était quotidienne. Ainsi s’écoulèrent les mois de cette année entre Septembre 1943 et Août 1944, mois durant lesquels je n’ai vu ni milicien ni allemand. J’étais bien caché !

En bas, à Bollène, la situation reste tendue. Les dénonciations se poursuivent. Georges Cruon devient le chef de la milice de Bollène et transmet à Avignon une liste de juifs de Bollène 20.
Mes parents exposés comme juifs étrangers pouvaient se faire arrêter à chaque instant. Pourquoi ne l’ont-ils pas été ? Qui sait ? Bienveillance de la municipalité qui n’a dénoncé personne ? Simplement la chance ? La girouette du vent de l’histoire ? La police ne voulait plus participer à la chasse aux juifs.
La Gestapo et les SS durent s’appuyer sur cette organisation collaboratrice parallèle abominable, la Milice, dont les membres se recrutaient parmi les anciens de la Légion Française des Combattants et surtout parmi la pègre, les malfrats et les repris de justice. Les miliciens armés travaillent main dans la main avec les SS et la Gestapo pour arrétéer des juifs et des résistants. Ce fut le cas de la rafle du 13 Septembre 1943 au cours de laquelle 7 patriotes bollénois ont été arrêtés, parmi eux André Rombeau. Déporté au camp de Buchenwald, il y fut assassiné. Le 1er Décembre 1943, Mme le docteur Basch réussit à échapper à la Gestapo venue l’arrêter.
La population de Bollène prend très mal toutes ces exactions, "la population du Vaucluse leur (aux juifs) marque une certaine sympathie et déplore ouvertement les mesures dont ils sont l’objet" 21.

Témoignage rédigé pour l'AJPN le 23/07/2011.

08/08/2011
Auteur : Jacob Cukier

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Mon retour à Bollène

Vers la mi-août 1944, l’armée allemande est en déroute. Le 6 juin, le jour D, les troupes alliées débarquent en Normandie. Les 14 et 15 août, deuxième débarquement allié sur les côtes de Var. Mes parents, Moszek et Frymet Cukier sont dans leur petite maison et vers le 17 août mon père, depuis le soupirail de la cave, aperçoit une compagnie d’une vingtaine de SS faisant des allées et venues, comme s’ils étaient devenus fous. Après un dernier passage en direction du pont, mon père entend une immense explosion, sans doute la destruction du pont. Il était clair qu’ils ne reviendraient plus. Les allemands ne sont plus là. Les troupes alliées ne sont pas encore arrivées, mais Bollène est libre.

Mes parents viennent me chercher. Là non plus, je n’ai aucun souvenir de ce jour. Nous avions survécu, mais une personne qui m’était chère manquait à l’appel : ma tante. Sa disparition restera comme une ombre portée sur toute la durée de vie de mes parents. Nous n’en avons jamais parlé.
En ville c’est la jubilation. Les gens dansent dans les rues. Presque tous les hommes arborent un brassard des forces françaises de résistance. Les femmes qui ont eu des relations avec les soldats allemands sont promenées dans les rues, tête rasée, sous la huée de la foule. J’ai entendu les crépitations de mitraillette venant du cimetière où l’on exécutait des collaborateurs. Soudain, les soldats américains arrivent. Leurs tanks sont apparus, le 25 août 1944. Les tourelles étaient ouvertes, les soldats assis sur les tanks. Les voilà qui s’arrêtent, sautent à terre. Les tentes s’élèvent de l’autre côté de la rue. La première était la cantine. Je m’y aventure. Un immense soldat noir me sourit de toutes ses dents et, devant moi, avec ses dents, ouvre une boîte. Je ne comprends mot de ce qu’il me dit, mais je saisis qu’il m’offre la boîte. La gelée sentait bon. Brandissant la boîte, je me précipite à la maison. Le corned beef n’a pas fait long feu.

Paris s’était soulevé du 18 au 24 août 1944 et le 25 les allemands de Paris capitulent.

Nous sommes rapidement remontés à Paris. J’ai dû retourner à l’école. Le bon temps de l’école buissonnière de Bollène était bel et bien terminé. Après avoir survécu, il fallut reconstruire.

Jamais je ne pourrai exprimer toute ma reconnaissance à tous les bollénois qui nous ont témoigné leur solidarité, à André Rombeau et Madame le Docteur Marianne Basch qui m’ont permis d’être accueilli par les Charmaison, et surtout à Georges* et Marie-Angèle Charmaison* qui m’ont adopté comme si j’avais été leur petit-fils, au péril de leur vie. Ils ont pris ce risque tout simplement pour parce que leur conscience leur a dicté de venir en aide à leurs semblables en perdition.
Je ne suis jamais revenu les voir. C’est soixante ans après les événements, alors qu’ils n’étaient déjà plus de ce monde que je me suis remis à penser à eux. J’en ai honte. Mais que faire ? Sans doute ce que je fais maintenant : parler d’eux et les faire honorer.
En leur honneur, j’ai obtenu en 1996, en leur nom, pour la ville de Bollène la médaille des « Justes parmi les Nations ». Une plaque de commémoration fut à cette date apposée à l’entrée de la mairie de Bollène.

Merci à eux. Merci à eux. Merci à tous les français non-juifs d’avoir aidé les Juifs et merci à eux et à la résistance juive en France d'avoir permis aux trois quarts des juifs de France de survivre.

Témoignage rédigé pour l'AJPN le 23/07/2011.

08/08/2011
Auteur : Jacob Cukier

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Etoile jaune: le silence du consistoire centrale , Mémoire ou thèse 7 pages, réalisation 2013
Auteur : Thierry Noël-Guitelman - terminal
Lorsque la 8e ordonnance allemande du 29 mai 1942 instaure l'étoile jaune en zone occupée, on peut s'attendre à la réaction du consistoire central. Cette étape ignoble de la répression antisémite succédait aux statuts des juifs d'octobre 1940 et juin 1941, aux recensements, aux rafles, aux décisions allemandes d'élimination des juifs de la vie économique, et au premier convoi de déportés pour Auschwitz du 27 mars 1942, le consistoire centrale ne protesta pas.


Liens externes [Ajouter un lien vers un article d'intérêt ou un site internet]
1 Témoignage de Jacob Cukier à Bollène (Dans le cadre d’une thématique sur "la transmission de la mémoire", Le lycée Lucie Aubrac, sous la houlette de Mme Crevits professeur d’histoire et géographie responsable du projet, a accueilli le mercredi 18 mai, Jacob Cukier pour un témoignage poignant. )
2 Juifs en psychiatrie sous l'Occupation. L'hospitalisation des Juifs en psychiatrie sous Vichy dans le département de la Seine (Par une recherche approfondie des archives hospitalières et départementales de la Seine, l'auteur opère une approche critique des dossiers concernant des personnes de confession juive internées à titre médical, parfois simplement préventif dans le contexte des risques et des suspicions propres à cette période. La pénurie alimentaire est confirmée, influant nettement sur la morbidité. Ce premier travail sera complété par un examen aussi exhaustif que possible des documents conservés pour amener une conclusion. )
3 Héros de Goussainville - ROMANET André (Héros de Goussainville - Page ROMANET André )
4 Notre Dame de Sion : les Justes (La première religieuse de Sion à recevoir ce titre en 1989 est Denise Paulin-Aguadich (Soeur Joséphine), qui, à l’époque de la guerre, était ancelle (en religion, fille qui voue sa vie au service de Dieu). Depuis, six autres sœurs de la congrégation, ainsi qu’un religieux de Notre-Dame de Sion ont reçu la même marque de reconnaissance à titre posthume. Ils ont agi à Grenoble, Paris, Anvers, Rome. L’action de ces religieuses et religieux qui ont sauvé des Juifs pendant la deuxième guerre mondiale mérite de ne pas être oubliée. Et il y en a d’autres, qui, même s’ils n’ont pas (encore ?) reçu de reconnaissance officielle, ont œuvré dans le même sens, chacun à leur place. )
5 L'histoire des Van Cleef et Arpels (Blog de Jean-Jacques Richard, très documenté. )
6 Résistance à la Mosquée de Paris : histoire ou fiction ? de Michel Renard (Le film Les hommes libres d'Ismël Ferroukhi (septembre 2011) est sympathique mais entretient des rapports assez lointains avec la vérité historique. Il est exact que le chanteur Selim (Simon) Halali fut sauvé par la délivrance de papiers attestant faussement de sa musulmanité. D'autres juifs furent probablement protégés par des membres de la Mosquée dans des conditions identiques.
Mais prétendre que la Mosquée de Paris a abrité et, plus encore, organisé un réseau de résistance pour sauver des juifs, ne repose sur aucun témoignage recueilli ni sur aucune archive réelle. Cela relève de l'imaginaire. )
7 La Mosquée de Paris a-t-elle sauvé des juifs entre 1940 et 1944 ? une enquête généreuse mais sans résultat de Michel Renard (Le journaliste au Figaro littéraire, Mohammed Aïssaoui, né en 1947, vient de publier un livre intitulé L’Étoile jaune et le Croissant (Gallimard, septembre 2012). Son point de départ est un étonnement : pourquoi parmi les 23 000 «justes parmi les nations» gravés sur le mémorial Yad Vashem, à Jérusalem, ne figure-t-il aucun nom arabe ou musulman ? )
8 Paroles et Mémoires des quartiers populaires. (Jacob Szmulewicz et son ami Étienne Raczymow ont répondu à des interviews pour la réalisation du film "Les garçons Ramponeau" de Patrice Spadoni, ou ils racontent leur vie et en particulier leurs actions en tant que résistants. On peut le retrouver sur le site Paroles et Mémoires des quartiers populaires. http://www.paroles-et-memoires.org/jan08/memoires.htm. (Auteur : Sylvia, Source : Canal Marches) )
9 Les grands entretiens : Simon Liwerant (Témoignage de Simon Liwerant est né en 1928. Son père Aron Liwerant, ouvrier maroquinier né à Varsovie, et sa mère Sara née Redler, seront arrêtés et déportés sans retour. )

Notes

- 1 - D’après l’article quatre de la convention d’armistice "Les forces armées françaises … devront être démobilisées et désarmées ….". Article 20 : "Les membres des forces armées françaises qui sont prisonniers de guerre de l'armée allemande resteront prisonniers de guerre jusqu'à la conclusion de la paix" Ceux non faits prisonniers étaient donc libres de revenir à la vie civile.
- 2 - La France avait été coupée en deux. La zone occupée par les allemands sous l’autorité de gouverneur militaire de Paris se situait au nord d’une ligne de démarcation, la zone non occupée (aussi appelée zone ‘nono’), au sud. L’Italie signe un armistice séparé le 24 juin et occupe les départements des Alpes, la Savoie et Menton. Bollène échappe à l’occupation armée, et vit, comme toute la zone non occupée sous la juridiction du gouvernement de Vichy.
- 3 - Fille de Marius Moutet et belle-fille de Victor Basch un des fondateurs de la Ligue des Droits de l’Homme. Son époux, Georges Basch, officier dans l’armée française, n’ayant pas supporté le débâcle s’est suicidé le 20 juin 1940. Mme Marianne Basch vient alors s’installer comme médecin à Bollène. Elle fut après la guerre mon professeur de gynécologie et nous n’avons jamais évoqué la période de la guerre.
- 4 - Mise en place par le Maréchal Pétain dès mars 1940, cette organisation des anciens combattants avait pour mission est de "régénérer la Nation, par la vertu de l’exemple du sacrifice de 1914-1918", pour "la défense de l'unité de la Nation et de l' Empire, la restauration des valeurs spirituelles et morales, la défense du vrai socialisme tel qu'il découle des enseignements du Maréchal et de la tradition française, la lutte contre les idéologies étrangères".
- 5 - La facture des frais réclamés à la préfecture de Vaucluse par l’entreprise de transport de Mr Georges Cruon, depuis Bollène jusqu’au Camp des Milles a été conservée aux Archives d’Avignon. Elle fait état d’une tournée de ramassage en date du 26 Août 1942. 313 kilomètres. 4.266 francs et 20 centimes.
- 6 - § 1 - Sont reconnus comme juifs ceux qui appartiennent ou appartenaient à la religion juive, ou qui ont plus de deux grands-parents (grands-pères et grands-mères) juifs. Sont considérés comme juifs les grands-parents qui appartiennent ou appartenaient à la religion juive.
- 7 - Article premier - Est regardé comme juif … toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif.
- 8 - Article 1er. – Les ressortissants étrangers de race juive pourront, à dater de la promulgation de la présente loi, être internés dans des camps spéciaux par décision du préfet du département de leur résidence.
- 9 - Article 1er. – Est regardé comme Juif :
1° Celui ou celle, appartenant ou non à une confession quelconque, qui est issu d'au moins trois grands-parents de race juive, ou de deux seulement si son conjoint est lui-même issu de deux grands-parents de race juive.
Est regardé comme étant de race juive le grand-parent ayant appartenu à la religion juive ;

2° Celui ou celle qui appartient à la religion juive, ou y appartenait le 25 juin 1940, et qui est issu de deux grands-parents de race juive.
La non-appartenance à la religion juive est établie par la preuve de l'adhésion à l'une des autres confessions reconnues par l'État avant la loi du 9 décembre 1905.
Le désaveu ou l'annulation de la reconnaissance d'un enfant considéré comme Juif sont sans effet au regard des dispositions qui précèdent.
- 10 - Art. 1°. – Toutes les personnes qui sont juives au regard de la loi du 2 juin 1941 portant statut des juifs doivent, dans le délai d’un mois à compter de la publication de la présente loi, remettre au préfet du département ou au sous-préfet de l’arrondissement dans lequel elles ont leur domicile ou leur résidence, une déclaration écrite indiquant qu’elles sont juives au regard de la loi, et mentionnant leur état-civil, leur situation de famille, leur profession et l’état de leur biens.
Art. 2°. – Toute infraction aux dispositions de l’article 1° est punie d’un emprisonnement de un mois à un an et d’une amende de 100 à 10.000 Fr., ou de l’une de ces deux peines seulement, sans préjudice du droit pour le préfet de prononcer l’internement dans un camp spécial, même si l’intéressé est Français.
- 11 - Communication personnelle de Isaac Levendel.
- 12 - Des scènes douloureuses et parfois horribles se déroulent en France, sans que la France en soit responsable. A Paris, par dizaines de milliers, des Juifs ont été traités avec la plus barbare sauvagerie. Et voici que dans nos régions on assiste à un spectacle navrant; des familles sont disloquées; des hommes et des femmes sont traités comme un vil troupeau et envoyés vers une destination inconnue, avec la perspective des plus graves dangers. Je fais entendre la protestation indignée de la conscience chrétienne et je proclame que tous les hommes, aryens ou non-aryens, sont frères parce que créés par le même Dieu; que tous les hommes, quelle que soit leur race ou leur religion, ont droit au respect des individus et des Etats. Or les mesures antisémitiques actuelles sont un mépris de la dignité humaine, une violation des droits les plus sacrés de la personne et de la famille.
- 13 - Le Service d’Ordre Légionnaire est créé en 1942 pour remplacer la "Légion Française des Combattants et Volontaires de la Révolution Nationale" qui elle-même avait remplacé en 1941 la "Légion Française des Combattants’"
- 14 - L’Allemagne, privée de sa main-d’œuvre, mobilisée, exige le transfert vers ses usines d’un grand nombre d’ouvriers raflés en territoires occupés. Le programme de ‘Relève’ qui consistait à promettre le retour d’un prisonnier de guerre en échange de trois ouvriers volontaires pour aller travailler en Allemagne échoue. Pierre Laval, premier ministre de Vichy crée alors le ‘Service de Travail Obligatoire’, expédition forcée de tous les jeunes français par année de conscription. Ce service remplaçait le service militaire obligatoire militaire d’avant la guerre. Six cent mille jeunes seront ainsi déportés vers les usines allemandes, mais, un grand nombre refusent de partir et se cachent, dans les forêts, dans les montagnes. C’est l’origine des maquis qui fourniront la future force de combat des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI).
- 15 - Communication personnelle de Gilbert Mégier.
- 16 - Le régime fasciste de Mussolini s’effondre. Alors que la Sicile est presqu’entièrement aux mains des Alliés, le 25 Juillet, Mussolini démis de ses fonctions est arrêté. Le général Badoglio le remplace à la tête du gouvernement italien et négocie un armistice qui sera signé en secret le 3 Septembre. Les Italiens non seulement cessent de combattre les Alliés, mais s’engagent à combattre les allemands.
- 17 - En janvier 1943, le Service d’Ordre Légionnaire moribond avait été remplacé par la Milice, sous les ordres de Joseph Darnand. Cette organisation devient une police secrète de Vichy, totalement indépendante. Ses membres doivent prêter un serment en vingt et un points dont "Contre la dissidence gaulliste ….. Contre la lèpre juive. …. Pour la pureté française". Joseph Darnand, son chef, prête personnellement serment de loyauté envers Hitler.
- 18 - Communication personnelle de Mme Michelle Massonnet, qui se souvient de la conversation entre Marianne Basch et son père André Rombeau.
- 19 - Communication personnelle de Mr Gilbert Mégier, un voisin proche de la ferme des Charmaison*.
- 20 - Communication personnelle de mon ami Isaac Levendel auteur du livre Un hiver en Provence, paru aux Éditions de l'Aube en 1996.
- 21 - Note du commissaire spécial des Renseignements Généraux. A.D.Vaucluse 3W29 qui m’a été signalée par Isaac Levendel.

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