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Paris

Région :
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Département :
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(14/05/1941 - 01/06/1942) Amiral François Marc Alphonse Bard, Préfet de police de la Seine (1889-1944)
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René Bouffet
(19/08/1942 - 19/08/1944) Préfet de la Seine. Arrêté et révoqué par la Résistance le 19 août 1944 (1896-1945)
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(1944 - 1946) Préfet de la Seine (1892-1971)
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Texte pour ecartement lateral

Roger Goldberg

Texte pour ecartement lateral

Paris 75000 Paris
Nom de naissance: Léon Roger Goldberg
Date de naissance: 03/04/1933 (Paris)
Aidé ou sauvé par : - Armandine Chassaing - Ferdinand Chassaing
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Histoire

Témoignage de Roger

Roger Goldberg, né à Paris le 3 avril 1933, avait donc une dizaine d'années à Montsûrs, où il est resté de Pâques 1943 à août 1944, à la libération de Paris.

Ma famille et les Bomblat étaient voisins de marché : j'ai des photos où l'on voit ma mère, Monsieur Bomblat et Sarah [la fille aînée de la famille Bomblat] en train de vendre, devant leur étalage, à La Courneuve. C'est comme ça qu'ils se sont connus, à moins que ce ne soit à Saint-Ouen, où mes grands-parents maternels habitaient, rue des Entrepôts, et où je sais qu'ils ont habité aussi.
Les deux familles, les Klébanoff-Goldberg et les Bomblat, se fréquentaient, mais je ne sais pas si avant Montsûrs je voyais beaucoup Henri.

Juste avant la guerre, ils habitaient Faubourg Saint-Martin.
- Ils étaient de la même génération ?
Mes parents étaient un peu plus jeunes que les Bomblat. Je ne sais pas quand les Bomblat sont venus habiter Paris. Pour nous, c'est en 1939 que nous y sommes venus, juste après notre exode à La Rochelle. Cet exode, il nous a fallu cinq jours pour en revenir, après la signature de l'armistice. C'est la seule fois pendant la guerre où j'ai dit à ma mère : j'ai faim, parce qu'il n'y avait rien à manger pendant ce retour. Un soldat m'a donné un morceau de chocolat.

Plus tard, mon père a été arrêté, le 14 mai 1941.
Donc, mes parents et les Bomblat se fréquentaient ; se fréquenter, à cette époque, ça voulait dire passer un moment ensemble autour d'un verre de thé, et puis bavarder, puisque ça, c'était permis.
Je me rappelle qu'un soir, ça devait être l'hiver 1940 puisque mon père n'avait pas encore été arrêté, mes parents étaient chez les Bomblat ; ma mère avait déjà mis son manteau pour partir, mais elle a continué à parler, à parler... pendant un bon moment. C'était un hiver très rigoureux. Et quand elle est sortie, elle a pris froid, et a eu une très grave pleurésie. Elle a été longtemps très gravement malade. Il n'y avait pas d'antibiotiques bien sûr, et on n'avait pas de chauffage. Pour la soigner, on lui a fait des ventouses scarifiées, ça je m'en souviens encore.

Après, en 1941, le malheur est arrivé ; mon père a été arrêté, et le malheur a voulu que Sarah Bomblat soit aussi arrêtée quelques mois plus tard. C'est là que Monsieur Bomblat, qui connaissait quelqu'un, un client je crois, puisqu'il était fabricant de chemises et faisait de la vente en gros, est entré en contact avec lui. Ce Monsieur Chassaing*, si mes souvenirs sont exacts, avait dit à Monsieur Bomblat que s'il avait des problèmes, il pourrait le loger à Montsûrs.

- Donc, il agissait en toute connaissance de cause ? Monsieur Chassaing* savait-il qu'ils étaient Juifs ?
Je pense, oui. Il savait.

Sarah malheureusement a été prise, internée à Drancy et plus tard déportée pour ne plus revenir ; ses parents, monsieur et madame Bomblat, ont dû, je suppose, partir à Montsûrs à cette époque-là avec Suzanne et Henri.
Mais Rosette, qui était très jeune, qui avait une soif de vivre, souhaitait rester à Paris. Pour ne pas qu'elle reste seule dans leur grand appartement faubourg Saint-Martin, elle est venue habiter chez mes grands-parents Klébanoff rue de Montmorency, jusqu'à ce qu'elle soit arrêtée à son tour ; elle a dû rester de juillet 1942 à juin 1943. Presque une année, quand même.

J'ai le souvenir que Rosette et ma mère allaient de temps en temps voir la famille Bomblat à Montsûrs. Et un beau jour de Pâques 1943, je me souviens très bien que c'était à Pâques, puisque j'étais en vacances, ma mère a décidé de m'emmener avec elle pour ce voyage à Montsûrs, avec Rosette. Là, Monsieur et madame Bomblat ont supplié ma mère que je reste avec eux, parce que je serais, en tant que gamin, quand même plus en sécurité à Montsûrs, à la campagne, au cas où il serait arrivé malheur à mes parents, et grands-parents, au cas où ils seraient arrêtés.

- Alors, c'était complètement imprévu ; détail pratique, tu avais dû partir avec des bagages pour deux jours, pas pour deux ans...
Ca, ça a dû être vite réparé. Je suis donc resté avec les Bomblat, j'étais comme le fils de la maison, pour moi Henri était comme mon grand frère.
Un détail : je ne savais pas faire du vélo à l'époque, et j'adorais quand Henri me prenait sur le cadre pour aller faire des ballades en vélo avec Suzanne ; on faisait aussi du patin à roulettes...

- Alors, vous avez " vécu " quand même ! C'étaient des jeux de votre âge ! Et par rapport aux Chassaing* ? Vous habitiez dans la même maison ?
Non, nous étions dans une maison qui appartenait à la famille Legrand, qui tenait un café-tabac sur la grand place à Montsûrs. La rue s'appelait rue des Quatre Œufs. C'était une rue qui faisait un coude, on y faisait des jeux de piste. La maison des Bomblat, j'y repense. Il n'y avait pas d'eau, on allait chercher de l'eau dans la rue avec des brocs, à un robinet appartenant à la ville. Ce qui était bizarre aussi, c'est que la maison était construite sur une hauteur, il y avait une forte dénivellation ; et pour aller au jardin c'était comme si on montait un étage. Il y avait un genre d'échelle de meunier pour y aller. C'était juste en dessous de l'église. On avait tout, les vêpres, les mariages, les enterrements...
- Cette maison était louée ? Prêtée ?
Louée, je suppose. Je ne me souviens pas de ce genre de détails. Mais la première fois que je suis arrivé à Montsûrs, j'ai dormi dans un hôtel, "l'Hôtel de la Gare", tenu par un certain Monsieur Audy. Je me souviens très bien de ce Monsieur, un homme assez fort. C'est donc grâce à la famille Chassaing* que les Bomblat, et moi par contrecoup, avons été logés et abrités à Montsûrs.

- Et tu avais un faux nom ?
Oui, à Montsûrs je m'appelais Roger Gosselin [au lieu de Goldberg]. J'ai même encore un livre qui m'a été dédicacé à ce nom. Ma mère aussi avait une fausse identité, elle s'appelait Sylvie Rose, née à Constantine ! J'ai encore sa carte d'identité, qui heureusement n'a jamais servi, parce que ce n'est pas dit que ça aurait "marché" si elle avait été contrôlée. Les Bomblat, eux, ont gardé leur nom, prononcé sans qu'on entende le t final. Je me souviens d'être allé à l'école avec l'un des fils Chassaing*, le plus jeune, qui je crois s'appelait Jean-Claude : blond, les cheveux raides, je le revois encore...
Plus tard, mes grands-parents et ma mère sont venus eux aussi à Montsûrs, grâce aux Chassaing* donc, qui avaient "déclenché le mouvement".
Ca devait être fin 43, si bien que je suis resté plus de six mois chez les Bomblat avant de me retrouver avec ma famille. J'allais à l'école avec Henri, on était dans la même classe, mais pas dans la même section : c'était une classe à trois niveaux. Suzanne n'allait pas à l'école à Montsûrs, elle a passé son certificat d'études plus tard à Paris.

- Et quand ta mère et tes grands-parents sont arrivés, où habitiez-vous ?
Pas avec les Bomblat, c'était trop petit. Je me rappelle qu'on dormait en élargissant le lit avec des chaises ! Avec ma mère et mes grands-parents, nous étions près de chez eux, je crois que ça s'appelait la Route de Sainte-Suzanne. Cette petite ville, Sainte-Suzanne, je n'y suis jamais allé. Une fois nous sommes allés à Laval, c'était à peu près à vingt kilomètres, mais que c'était compliqué ! Ensuite, nous avons habité chez une vieille grand-mère, qui prisait, et son plus grand plaisir quand ma mère revenait de Paris c'était qu'elle lui ramène du tabac à priser. Je revois une grande pièce, avec une grande cheminée, on restait au coin du feu ; après, avant de rentrer à Paris, nous avons encore habité dans un autre endroit, toujours Route de Sainte-Suzanne ; c'était le paradis, il y avait deux pièces !

- Et tu as connu d'autres habitants de Montsûrs ?
Récemment, en triant un carton de photos, j'ai retrouvé des cartes d'anniversaire que des copains de Montsûrs m'avaient envoyées après mon retour à Paris. Je ne savais même pas que j'avais gardé ces cartes.

- Alors le courrier marchait pendant la guerre ?
Oui, nous recevions des lettres de ton père [il était alors prisonnier en Allemagne], et même des nouvelles de la famille de Suisse.

- Et que savaient alors les Bomblat au sujet de leurs filles aînées ?
Bien sûr, ils savaient qu'elles n'étaient plus à Drancy, mais à l'époque tout le monde ignorait ce que pouvait signifier "destination inconnue". Personne ne pouvait s'imaginer ce que c'était. On espérait toujours soit avoir des nouvelles, soit que, la guerre une fois terminée, elles reviendraient. On disait que les déportés étaient envoyés travailler dans les mines de sel en Sibérie, ça m'est resté en mémoire. De même qu'on s'attendait à ce que les prisonniers reviennent, on pensait que les déportés reviendraient, parce qu'on était à cent lieues de s'imaginer l'extermination systématique !

- Mais il arrivait du courrier des prisonniers, alors qu'il n'y a jamais eu de nouvelles des autres.
Non, jamais plus de nouvelles, ni de mon père, ni de Sarah, ni de Rosette.

- Revenons-en à Montsûrs.
Je suis allé à l'école à Montsûrs, j'ai dû y faire une année scolaire complète. D'octobre 1943 au printemps 1944. Je ne crois pas y être allé au troisième trimestre 1943, juste après mon arrivée. On m'a inscrit à l'école, et je me souviens que le directeur, qui était en même temps instituteur, un certain Monsieur Rivet, avait compris pourquoi j'étais là, et il n'a pas cherché trop d'explications pour m'inscrire. Quand monsieur Bomblat m'a présenté à lui, il a acquiescé d'un signe de tête, et n'a rien demandé. Pendant cette année scolaire, il y a eu une très grosse épidémie de diphtérie, et beaucoup de jeunes en sont morts. Tous les jours, il y avait un enterrement, on entendait les cloches sonner. Une véritable hécatombe.
Tiens, une autre anecdote me revient. On jouait souvent dans la rue, en saluant tous les passants ; un jour passe une bonne sœur. Elle répond à notre bonjour. "Bonjour les enfants... On ne vous voit pas à l'église ! Vous avez fait votre communion ?"
Moi, bêtement, je réponds que non, et Henri répond oui. "Bien, dit la sœur en me regardant, je vais aller voir tes parents."
Elle est donc venue chez les Bomblat, en disant "que le petit devrait faire sa communion". Monsieur Bomblat a répondu : "Vous savez, nous sommes de Paris, pas d'ici, nous attendons de pouvoir rentrer à Paris ; là, il la fera." Elle est partie, c'en est resté là. Mais le dimanche, l'endroit où l'on s'amusait le mieux, c'était le patronage catholique. Le curé était un homme charmant, il n'a jamais rien dit, mais il savait très bien pourquoi nous étions là. Il ne nous a jamais posé de questions, et trouvait normal de nous voir à son patronage.

- Montsûrs était une petite ville ? Un bourg agricole ?
Oui, surtout agricole. Il y avait plusieurs fermes. D'ailleurs mes parents ont connu les propriétaires d'une ferme, je ne sais pas comment. On y allait chaque semaine chercher du beurre, des provisions. Je peux dire qu'on n'a jamais manqué de nourriture. D'autres choses, mais pas de nourriture : il y avait du pain, des œufs, même si les fermiers quelquefois disaient avec leur accent : "ça ne pond point en ce moment". Ces fermiers que nous connaissions s'appelaient les Doué.

- Toi, tu étais occupé, entre l'école et les jeux. Mais les adultes ?
Les grandes personnes s'ennuyaient énormément. Monsieur Bomblat, qui était un très grand travailleur, tournait, comme on dit, comme un lion en cage. Quelquefois, pour s'occuper, il récupérait des tiges de bois poli, et il en faisait des mètres pour mesurer, histoire de faire quelque chose. Mais nous, les enfants, ne nous ennuyions pas. Il y avait toute une bande de notre âge, je me souviens d'une Jeannine Prévôt, charmante, une autre s'appelait Colette Bruneau, charmante aussi. On jouait au moine, une espèce de toupie qu'on jette et qu'on fouette pour qu'elle continue à tourner. On faisait aussi des jeux de piste, souvent. Il y avait aussi une piscine, une ancienne carrière transformée en piscine, c'est là que j'ai commencé à apprendre à nager.

- Le quotidien n'était pas trop terrible.
Mais il y avait l'angoisse : qu'est-ce qu'il se passera demain, qu'est-ce qu'il se passe pour les autres, pour ceux qui sont restés à Paris, pour les déportés et prisonniers ?

- Et comment avez-vous entendu parler du débarquement ?
Eh bien il y avait la radio ! D'ailleurs, Montsûrs a été libéré avant Paris, au mois de juin 1944 si ma mémoire est bonne. Ça n'a pas changé grand chose : on a vu partir les Allemands, certains "réquisitionnaient" des vélos, les "empruntaient" mais bien sûr personne n'a jamais revu l'un de ces vélos ! Après est arrivé un défilé de camions, de chars, qui venaient de l'ouest et allaient sur Paris. Il y a eu de nombreux Résistants à Montsûrs, plusieurs se sont fait tuer, comme les frères Lemée ; leurs parents étaient cafetiers. Les deux fils ont été tués pour fait de Résistance. Je crois d'ailleurs que l'avenue où était ce café porte maintenant leur nom : "avenue des frères Lemée". Quand les Américains sont arrivés, ils ont distribué des bonbons, du chocolat, des chewing-gums : ils en avaient un chargement, comme s'ils venaient juste de débarquer ! Ils avaient des jeeps ; nous, les gosses, étions là à regarder, sur la place centrale. Et quelqu'un, soit un Américain, soit un Résistant, nous a dit : "Il paraît que dans telle propriété, se cachent des Allemands. Vous savez où c'est ?". "Oui, on connaît !". "Bon, alors montez dans la jeep, on y va."
Mais là-bas, tout se sait, tout se voit ; la grand-mère de notre voisine Colette Bruneau a dit à ma mère "J'ai vu Roger en jeep."
Quand je suis arrivé à la propriété en question, il n'y avait plus d'Allemands. Mais à mon retour, quelle histoire ! "Quoi, tu es parti en jeep ! Et s'il y avait eu des Allemands, tu te rends compte ?"

- Et alors, votre retour ?
Pour le retour, on attendait impatiemment d'avoir un moyen de locomotion pour rentrer, puisqu'on savait que Paris était libéré. Et le retour s'est fait, Henri doit se le rappeler, c'était la date de son anniversaire, le 15 septembre 1944. Il y avait énormément de sociétés de transports à Montsûrs. La plus importante, c'était les "transports Bouessé". Monsieur Bomblat connaissait le patron. Profitant d'un transport en direction de Paris, nous sommes rentrés, avec ce que nous avions comme bagages.

- Ca faisait quand même du monde, quatre Bomblat, et quatre Klébanoff-Goldberg.
Ma mère n'était pas dans ce camion. Plusieurs camions partaient le même jour. Comme il n'y avait pas assez de place dans celui où nous étions, on a dit à ma mère d'en prendre un autre. Elle a accepté, pensant que les deux camions se suivraient. Mais non seulement ils ne sont pas suivis, mais en plus... Moi, comme tous les gosses, j'ai voulu voir ce qui se passait dehors.

- Et tu as mis la tête à la fenêtre.
Pas à la fenêtre ! Il y avait un hayon à l'arrière, je m'y suis installé, et j'ai attrapé une poussière dans l'œil, quelque chose "de carabiné" ! J'ai gardé cette poussière toute la journée. Ma grand-mère, de son côté, a eu une crise de calculs biliaires à cause peut être des cahots de la route. Après le Mans, le camion était-il trop chargé ? voilà qu'il est tombé en panne : nous voilà au bord de la route, pas d'autoroute à l'époque ! Je crois me rappeler que dans la cabine du camion se trouvaient les patrons de la société, monsieur et madame Bouessé, et j'ai le vague souvenir que madame Bouessé a fait une piqûre à ma grand-mère pour calmer ses douleurs. Il a fallu attendre toute une journée qu'un autre camion arrive pour dépanner le nôtre, si bien qu'on est repartis le lendemain ; on a dû dormir dans le camion. J'avais toujours cette poussière dans l'œil, c'était une douleur terrible. Je ne voyais plus rien. Suzanne et Henri étaient obligés de me tenir et de m'aider à marcher. Donc on est repartis le lendemain, Mémère ayant fini sa crise, le camion enfin réparé. Maman, elle, est rentrée tout tranquillement, sûre que nous allions arriver. Elle attend, elle attend, elle attend... rien.
Elle était dans une inquiétude folle. Nous sommes arrivés une journée après elle. Et en ce temps là, pas de téléphone ! Voilà la fin du séjour à Montsûrs.

- Et vous n'êtes pas retournés à Montsûrs dans les années suivantes ?
Je n'y suis allé qu'en 1961, en revenant de vacances aux Sables d'Olonne.

- Et la conclusion ? Une période grave où les difficultés ont été adoucies par ce séjour ! vous en êtes revenus tous les huit, vous n'avez jamais eu faim... C'est bien grâce aux Chassaing*, qui ont fait venir les Bomblat à Montsûrs !
A la même époque, d'autres réfugiés avaient faim, dans le midi par exemple ! Je me rappelle que nous, nous mangions de temps en temps des tranches de pain beurré frotté d'ail, un régal !

- Les Chassaing* avaient "le" magasin de Montsûrs ?
Oui, comme dans une petite ville de province ! Montsûrs, c'était mille cinq cents habitants. Maintenant, il y en a deux mille cinq cents.

- Moi, je vous ai toujours entendu parler de Montsûrs. C'était un moment important de ton enfance !
Ça c'est sûr, je ne suis pas prêt de l'oublier ! Pour reparler d'Henri, il a fini la primaire dans la même école que moi, pourtant il habitait assez loin, mais c'était l'école la plus proche du magasin de son père. Ensuite il est allé au lycée Turgot, il a sauté une classe, je ne sais plus si c'est la sixième ou la cinquième. Son père lui avait donné des notions d'allemand avant l'examen de passage. Après, Suzanne est partie la première en Israël, elle a dû partir en 1947. Puis Henri a suivi, puis les parents.

- Je me souviens que tu m'as raconté un jour quelque chose qui m'a beaucoup frappée, c'est la fois où tu as cru que ta mère et tes grands-parents n'étaient pas arrivés à Montsûrs alors que tu les attendais.
C'était à l'époque où on vivait chez cette vieille grand-mère. Mes grands-parents et ma mère sont retournés pour deux jours à Paris, et je savais qu'ils devaient revenir, le train arrivant le soir. Bien sûr, pendant ces deux jours, j'étais resté chez les Bomblat. On habitait assez loin de la gare, mais comme on était sur une hauteur, on entendait le train arriver et repartir. On entend le train, on attend un peu, le temps qu'il faut pour faire les deux kilomètres. Rien, on ne les voit pas arriver. Moi, je savais quand même ce qui se passait à Paris, j'ai commencé çà pleurer, à me rendre malade, je me suis dit ça y est, ils ont été pris... En fait, la maison de notre logeuse était à mi-chemin entre la gare et celle des Bomblat. Ils avaient pensé qu'il était trop tard pour arriver chez les Bomblat, ils n'ont pas pensé qu'on les attendait, ils sont allés chez cette grand-mère ! Le lendemain, ils sont venus tranquillement... J'ai une autre expérience du même genre. On avait une locataire à La Courneuve, une madame Nicaise. Elle avait perdu son mari, elle n'avait pas beaucoup de ressources, elle est restée quelques mois sans payer son loyer, et mes parents ont continué à l'héberger. C'était une dame charmante. C'était avant Montsûrs ? Je ne sais plus. Elle a pris ensuite une loge de concierge sur le boulevard des Batignolles, juste à côté du Lycée Chaptal, au coin de la rue Bernouilly. Et elle avait dit à ma mère : "si par hasard vous avez un problème, je peux garder Roger, vous me l'amenez". Un jour, on entend une rumeur de rafle, ma famille décide de m'emmener chez madame Nicaise : si tout se passe bien, tant mieux, sinon, Roger au moins sera à l'abri. Je ne sais pas ce qu'elle aurait fait de moi dans ce cas-là, mais bon. Elle nous a très bien reçus ; ma mère avait dit "je viendrai le rechercher demain à neuf heures". Neuf heures passent, neuf heures un quart, neuf heures et demie, dix heures... Personne n'arrive. Elle est venue une heure ou deux plus tard, mais j'avais eu le temps d'être dans tous mes états...

Roger a été interviewé par sa cousine, née après cette période, qui a enregistré son témoignage.

Roger Goldberg a donné à l'AJPN l'aimable autorisation de faire paraître ce texte.

22/09/2010
Lien : Paroles d'étoiles

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Etoile jaune: le silence du consistoire centrale , Mémoire ou thèse 7 pages, réalisation 2013
Auteur : Thierry Noël-Guitelman - terminal
Lorsque la 8e ordonnance allemande du 29 mai 1942 instaure l'étoile jaune en zone occupée, on peut s'attendre à la réaction du consistoire central. Cette étape ignoble de la répression antisémite succédait aux statuts des juifs d'octobre 1940 et juin 1941, aux recensements, aux rafles, aux décisions allemandes d'élimination des juifs de la vie économique, et au premier convoi de déportés pour Auschwitz du 27 mars 1942, le consistoire centrale ne protesta pas.


Liens externes [Ajouter un lien vers un article d'intérêt ou un site internet]
1 Juifs en psychiatrie sous l'Occupation. L'hospitalisation des Juifs en psychiatrie sous Vichy dans le département de la Seine (Par une recherche approfondie des archives hospitalières et départementales de la Seine, l'auteur opère une approche critique des dossiers concernant des personnes de confession juive internées à titre médical, parfois simplement préventif dans le contexte des risques et des suspicions propres à cette période. La pénurie alimentaire est confirmée, influant nettement sur la morbidité. Ce premier travail sera complété par un examen aussi exhaustif que possible des documents conservés pour amener une conclusion. )
2 Héros de Goussainville - ROMANET André (Héros de Goussainville - Page ROMANET André )
3 Notre Dame de Sion : les Justes (La première religieuse de Sion à recevoir ce titre en 1989 est Denise Paulin-Aguadich (Soeur Joséphine), qui, à l’époque de la guerre, était ancelle (en religion, fille qui voue sa vie au service de Dieu). Depuis, six autres sœurs de la congrégation, ainsi qu’un religieux de Notre-Dame de Sion ont reçu la même marque de reconnaissance à titre posthume. Ils ont agi à Grenoble, Paris, Anvers, Rome. L’action de ces religieuses et religieux qui ont sauvé des Juifs pendant la deuxième guerre mondiale mérite de ne pas être oubliée. Et il y en a d’autres, qui, même s’ils n’ont pas (encore ?) reçu de reconnaissance officielle, ont œuvré dans le même sens, chacun à leur place. )
4 L'histoire des Van Cleef et Arpels (Blog de Jean-Jacques Richard, très documenté. )
5 Résistance à la Mosquée de Paris : histoire ou fiction ? de Michel Renard (Le film Les hommes libres d'Ismël Ferroukhi (septembre 2011) est sympathique mais entretient des rapports assez lointains avec la vérité historique. Il est exact que le chanteur Selim (Simon) Halali fut sauvé par la délivrance de papiers attestant faussement de sa musulmanité. D'autres juifs furent probablement protégés par des membres de la Mosquée dans des conditions identiques.
Mais prétendre que la Mosquée de Paris a abrité et, plus encore, organisé un réseau de résistance pour sauver des juifs, ne repose sur aucun témoignage recueilli ni sur aucune archive réelle. Cela relève de l'imaginaire. )
6 La Mosquée de Paris a-t-elle sauvé des juifs entre 1940 et 1944 ? une enquête généreuse mais sans résultat de Michel Renard (Le journaliste au Figaro littéraire, Mohammed Aïssaoui, né en 1947, vient de publier un livre intitulé L’Étoile jaune et le Croissant (Gallimard, septembre 2012). Son point de départ est un étonnement : pourquoi parmi les 23 000 «justes parmi les nations» gravés sur le mémorial Yad Vashem, à Jérusalem, ne figure-t-il aucun nom arabe ou musulman ? )
7 Paroles et Mémoires des quartiers populaires. (Jacob Szmulewicz et son ami Étienne Raczymow ont répondu à des interviews pour la réalisation du film "Les garçons Ramponeau" de Patrice Spadoni, ou ils racontent leur vie et en particulier leurs actions en tant que résistants. On peut le retrouver sur le site Paroles et Mémoires des quartiers populaires. http://www.paroles-et-memoires.org/jan08/memoires.htm. (Auteur : Sylvia, Source : Canal Marches) )
8 Les grands entretiens : Simon Liwerant (Témoignage de Simon Liwerant est né en 1928. Son père Aron Liwerant, ouvrier maroquinier né à Varsovie, et sa mère Sara née Redler, seront arrêtés et déportés sans retour. )

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