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Isère

Région :
Auvergne-Rhône-Alpes
Département :
Isère

Préfets :
Jean Surchamp
(06/06/1939 - 08/08/1940) Préfet de l'Isère
Raoul Didkowski
(08/08/1940 - 05/08/1943) Secrétaire général : Marcel Delpeyrou
Directeur de cabinet : Louis Amade

Alexandre Angeli
(1940 - 1944) Alexandre Benoît Joseph Angeli, Préfet régional de la région de Lyon (Ardèche, Drôme, Haute-Savoie, Isère, Loire, Rhône, Savoie et les parties non-occupées de l'Ain, du Jura et de Saône-et-Loire) (1893-1962)
Paul Balley
(05/08/1943 - 06/11/1943)
Louis Jacques-Henry
(06/11/1943 - 24/01/1944)
Roger Homo
(24/01/1944 - 23/06/1944) Préfet de l'Isère
(24/01/1944 - 05/1944) Préfet régional de la région de Lyon (Ardèche, Drôme, Haute-Savoie, Isère, Loire, Rhône, Savoie et les parties non-occupées de l'Ain, du Jura et de Saône-et-Loire). Résistant, dénoncé par la Milice, il est arrêté par la Gestapo et déporté à Neuengamme (1899-1945).
André Boutemy
(1944 - 1944) Préfet régional de la région de Lyon (Ardèche, Drôme, Haute-Savoie, Isère, Loire, Rhône, Savoie et les parties non-occupées de l'Ain, du Jura et de Saône-et-Loire) (1905-1959)
Philippe Frantz
(23/06/1944 - 01/08/1944) Préfet de l’Isère, favorable aux idées nationale-socialistes, il est abattu par la Résistance le 1er août 1944 (1911-1944)
Albert Reynier
(22/08/1944 - 02/02/1949) Préfet de l'Isère
Yves Farge
(1944 - 1945) Commissaire régional de la République de la région de Lyon (Ardèche, Drôme, Haute-Savoie, Isère, Loire, Rhône, Savoie et les parties non-occupées de l'Ain, du Jura et de Saône-et-Loire) (1899-1953)

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Aryanisation économique et spoliations en Isère (1940-1944)

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L'Auvergne des années noires 1940-1944

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Texte pour ecartement lateral

Liliane Klein-Lieber

dite Luciole, Lyne Leclerc
Texte pour ecartement lateral

Grenoble 38000 Isère
Date de naissance: 02/06/1924 (Strasbourg (67))
Réseau de sauvetage : Luzet Isaure
Paulin Aguadich Denise
Qualité: Résistante 6e EIF
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Liliane-Klein-Lieber
Liliane Klein-Lieber en 1941-1942
source photo : Arch. fam.
crédit photo : D.R.
Histoire

Témoignage de Liliane Klein-Lieber

Je suis d'une famille juive alsacienne, mais parents appartenaient à la grande communauté, mais nous pratiquions un judaïsme que l'on appellerait aujourd'hui plutôt libéral, très identitaire. A l'école, des cours de religion étaient donnés chaque semaine, les petites juives allaient avec le rabbin, les petites catholiques avec l'abbé, les petites protestantes avec le pasteur, et celles dont les parents le souhaitaient étaient dispensées…

A la déclaration de la  guerre nous avons quitté Strasbourg, toute la ville d'ailleurs a été évacuée. On pouvait aller où on voulait mais ceux qui ne savaient pas où aller étaient dirigés vers Périgueux et la Dordogne. Nous même nous sommes allés à Vichy, où nous y avions un peu de famille qui habitait là-bas depuis fort longtemps et qui avait des appartements et des maisons. Comme dans toutes les villes d'eau il y a beaucoup de moyens de location. Il y avait un collège et un lycée dans lequel j'ai fait ma seconde. A l’époque, j'étais lycéenne.

Dès 1940, au moment de l'exode, avec tous les mouvements de jeunesse de la ville, nous avons participé à l’accueil des réfugiés, parce que moi-même j'étais aux éclaireuses israélites de France (déjà à Strasbourg). Il y avait déjà beaucoup de Parisiens à cette époque là qui avaient quitté la ville par peur des bombardements. On ne savait pas du tout ce qui allait se passer, on redoutait beaucoup de choses mais on ne savait pas quoi précisément. En 40, j'ai participé à l'accueil des réfugiés qui déferlaient sur les routes et par train, du nord de la France et de Belgique.

Simultanément, le gouvernement de Paris est venu se replier à Vichy. Ils ont trouvé que la ville était très agréable et ils sont venus. Ils ont commencé par expulser les juifs étrangers, puis les juifs français; il fallait que la ville soit pure, nettoyée. Nous sommes partis à Grenoble, où nous avions également de la famille. J'avais beaucoup de famille dans toute la France qui avait quitté l'Alsace après la guerre de 70. Mes deux grands-parents des deux côtés étant déjà âgés et souffrants, sans grands moyens, ils sont restés en Alsace, ont vécu l'occupation allemande, enfin ça n'avait rien à voir avec l'occupation de la deuxième guerre mondiale. C'est une autre problématique cette occupation, ils ont fait partie des "malgré nous", ceux qui ont été enrôlés dans l'armée allemand et pour certains même participé au massacre D'Oradour-sur-Glane.

Je me suis retrouvée à Grenoble, en fin 42, il y  a eu la rafle du Vel’ d'Hiv’ en juillet puis en août d'autres rafles ont suivies. Le fondateur du mouvement des éclaireurs Israélites de France, mouvement auquel j'appartenais, a décidé de créer un réseau de sauvetage parce que dans le cadre des éclaireurs Israélites, il y avait un première maison d'enfants qui avait été créée au moment de la guerre pour prévenir d'éventuels bombardements. Et ces enfants étaient très souvent de familles défavorisées et pour la plupart de familles juives étrangères. Mais ces maisons d'enfants sont devenues un piège au moment des rafles; c'était un repère où l'on trouvait pas mal de petits juifs. La plupart des parents étaient déjà arrêtés ou internés et ont été déportés par la suite. Il nous a appartenu à nous de créer un réseau clandestin pour mettre ces enfants à l'abri. Alors je suis retournée à Grenoble ; on s'était divisé par région. Il y a eu 6 régions dans ce réseau; j'appartenais à la région qui comprenait la Savoie, l'Isère et le nord de la Drôme et alors notre travail consistait à cacher les plus jeunes. Nous étions plus en charge des adolescents. Il fallait trouver des planques, faire des faux papiers, nous étions devenus des experts en faux! Je vous parle de mon expérience personnelle.

A Grenoble on était très en rapport avec d'autres mouvements scouts : unionistes protestants, les neutres (avec toutes les confessions) et les catholiques. J'ai eu à faire beaucoup avec Notre-Dame-de-Sion dont l'objectif connu et reconnu c'est la conversion. Mais je dois dire que j'ai eu beaucoup de chance, les sœurs avec qui j'ai travaillé ont réussi à ma cacher beaucoup de jeunes filles comme aides ménagères.

Et les familles savaient que ces jeunes filles étaient juives?

Ah oui ! Les familles savaient ! Et comment elles savaient ! Les familles étaient consentantes. Et elles prenaient un risque. Mais il y en a eu beaucoup de familles comme ça. Par exemple, dans les Cévennes où beaucoup de protestants en souvenir des persécutions étaient très compréhensifs à l'égard des juifs. Sur le plateau du Lignon, je crois qu'ils ont sauvé environ 5000 personnes.

Par tous ces réseaux, et puis avec l'aide de commissaires de police qui étaient compréhensifs et puis des mairies, du bouche à oreille, on a pu fournir des faux papiers à beaucoup de jeunes. Donc c'était pas informatisé comme maintenant. On achetait le formulaire de carte d'identité au bureau de tabac, on achetait le timbre fiscal, une photo. La première fausse carte, on a pris une photo de groupe, il s'est trouvé que la personne en bas à droite, il a fallu la faire partir tout de suite, elle était juive allemande, on a fait agrandir la photo, on, l'a découpée, on a fait une fausse carte d'identité. Généralement, on les faisait naître dans des villes dans lesquelles il y avait eu des bombardements où les archives départementales avaient été brûlées . Donc il n'y avait pas de recherche possible, alors on a eu toute sorte de formulaires que l'on s'est procuré; certains prêtres nous ont donné des certificats de baptême… Le problème c'est qu'il fallait une carte d'alimentation pour chacun. A l'intérieur de chaque carte d'alimentation, chaque mois il fallait mettre un nouveau feuillet, chaque mois, tant de viande, tant de pain, tant de lait. Il fallait chaque mois aller la renouveler. Si bien que notre travail consistait à aller chaque mois faire renouveler leurs papiers, car les personnes qui les recevaient ne pouvaient pas les nourrir, il y avait peu à manger.

Comme nous n'étions pas loin de la frontière suisse, nous avons organisé des convois d'enfants, pour leur faire passer la frontière clandestinement. Moi je n'ai jamais fait de passage, mais il y a eu des convois jusqu'à a frontière où là il y avait des amis du réseau, des spécialistes ou bien qui connaissaient des passeurs sur lesquels on pouvait compter. Il fallait faire attention. Le maire d'Annemasse a été formidable, mais il y en a eu d'autre…
Heureusement dans notre réseau il n'y a eu aucun enfant qui a été arrêté, mais en revanche des responsables…J'ai perdu beaucoup de camarades. Parce que vous savez, tous ceux qui ont échappé à l'arrestation, c'est juste une question de chance; on n'était ni plus intelligent, ni moins. La question était d'être là au bon au ou mauvais moment.

Les enfants cachés qui ont survécus — je suis présidente de l'association des enfants cachés — ils ont tous maintenant presque mon âge. J'en ai caché qui avaient exactement le même âge que moi seulement ils n'étaient pas français, ils n'avaient pas de papiers, ils avaient un accent. Moi j'ai eu beaucoup de chance parce que …

Tous ces enfants cachés sont devenus orphelins. Ils sont tous septuagénaires maintenant, les plus jeunes sont nés en 42, 43 forcément.

Vous savez les enfants cachés…leurs parents ont été tatoués sur leur corps, eux c'est dans leur tête qu'ils ont été tatoués. Beaucoup se sont sentis abandonnés...

Vous disiez qu’il y a eu des maires, des commissaires de police  qui vous ont aidé…
Ah oui, parce que vous aviez les « justes », les « justes » ce sont tous les français non juifs qui au péril de leur vie ont sauvé au moins une personne; parce que quand ils cachaient quelqu'un ils prenaient un risque, ils le cachait au péril de leur vie. Parce que si l'enfant était pris, ils étaient déportés avec.

Quant aux arrestations des membres de votre réseau, s'agissait-il de délation, ou bien…?
Il suffisait qu'il y ait une patrouille qui passe, qui demande les papiers… Il y a eu des dénonciations aussi. On a retrouvé à la libération des milliers de lettres de dénonciation. Il suffisait d'avoir envie de tel appartement ou de telle chose qu'un juif pouvait posséder. Et puis par exemple, à Paris ils ont fait des rafles sauvages dans le 11ème arrondissement, où il y avait des maroquiniers, cordonniers, casquettiers, ça n'était pas des gens très nantis, mais ils avaient une échoppe…

Ca pouvait donc être très matériel?
Ah oui très matériel, et pas pour des raisons idéologiques.

Et alors parmi les justes, c'est formidable, on rencontre toutes les couches de la société, on retrouve des concierges, des chefs d'entreprises, des grandes marques de haute coutures (il y en  a une je crois que c'est Cardin a caché et nourri toute une famille). Je me souviens de la remise de médailles du « juste » il y avait une concierge et cette dame (Cardin) mondialement connue.
Et du côté des dénonciations c'était pareil, toutes les couches de la société.

Compte tenu de cette situation, aviez vous l'image des Français bons d'un côté et des Allemands méchants de l'autre?
On avait peur des Allemands. Les Allemands c'étaient que des soldats. Quand on voyait arriver les voitures de la gestapo, des Citroëns noirs… Et ils étaient toujours en imperméable et chapeau. Alors ça c'était la terreur, on avait toujours peur, et toute la population, sauf ceux qui étaient collaborateurs. C'est comme Le Pen qui dit que la vie sous l'occupation n'était pas si terrible que ça. Il a aussi nié le massacre d'Oradour-sur-Glane en disant que ça avait été organisé par des résistants.

La particularité de ce génocide, c'est un historien qui l'a dit, c'est que ça a été organisé, calculé et industrialisé. C'était industriel. Les allemands très organisés ont tout archivé, le moindre détail. Là-bas au camp, les "Sonderkommandos", étaient chargés de sortir les corps  des chambres à gaz. Quand ils avaient fait ce travail quelques semaines on les passait à leur tour dans les chambres à gaz. Et ça paraît inimaginable, c'était tellement organisé…Il y a eu un embrigadement tel en Allemagne dans les années qui ont précédé; les jeunesses hitlériennes, nourries à ça depuis l'enfance, un espèce d'émulation et puis ils étaient pris dans le système.

Comme il y avait une crise économique, Hitler est passé pour le sauveur.

J'ai connu des gens extraordinaires…

Parmi votre famille, y a-t-il eu des déportés?
Oui beaucoup, pas mes parents mais des proches, je suis allée voir leur nom sur le mur commémoratif au musée du judaïsme. Des cousins, beaucoup d'amis.

Moi, j'ai eu de la chance.

D'après les témoignages de vos proches, rescapés, y avait-il une différence de traitement entre les femmes et les hommes par exemple?
Je crois que c'était la même chose, les femmes travaillaient dur aussi. Et l'appel chaque matin pouvait durer des heures sous la pluie ou le vent, parfois 5 heures, dans leur petit vêtement de coton. Et les Allemands toujours avec leurs chiens. J'ai un ami, il ne peut même plus supporter un petit chiot. Il est resté tellement marqué. A la descente du train le SS les attendaient avec de chiens et ça criait "schnell, schnell".

Des différences oui, il y en avait les handicapés était liquidés tout de suite, les tziganes aussi étaient brûlés tout de suite. J'ai une amie qui y a assisté…      
Il y avait le Canada aussi, c'est là où l'on récupérait les vêtements des déportés. Et puis les Sonderkommandos récupérait les dents en or.

En France aussi il y a eu beaucoup de camps d'internement.  On parle des camps de la honte en zone sud il y en avait 97. Des Allemands ont été déportés tout d'abord dans ces camps puis vers l'Allemagne ou la Pologne. Ces camps ont compté énormément de morts : de faim, de maladie etc.…De là ensuite ils étaient déportés pour l'est.

Avez-vous pu continuer votre action de résistance jusqu'à la fin de la guerre?
Non, il y  a eu un moment où nous n'avons plus pu continuer. Jusqu'à l'été 44 oui, c'était possible, mais après tout était complètement bloqué, les routes, tout, c'était impossible…

Est-ce que votre famille a pensé à un moment ou à un autre à quitter la France?
Oui, mon père depuis le début était très pessimiste. Il avait fait une demande de visa pour les Etats-Unis, mais c'était très dur à obtenir. Il y avait beaucoup de conditions à remplir.  Le 8 novembre 1942, nous avons obtenu moi et mère notre visa, mais le 8 novembre 1942 les Américains ont débarqué en Afrique du nord, et personne ne pouvait plus sortir de France…Donc nous sommes restés. Avec mon oncle et ma tante, leur fils était prisonnier, alors on se faisait un souci monstre pour lui, on appris plus tard que les prisonniers étaient en fait ceux qui étaient le plus protégés ! On ne mesurait pas à ce moment là combien ils étaient protégés les prisonniers, ils étaient protégés par la convention de Genève…Les Juifs étaient peut être moins bien traités, mais protégés malgré tout. On les faisait plus travailler certainement mais ils étaient quand même protégés par la convention de Genève.

Aviez-vous senti venir la guerre avant sa déclaration?
Oui, j'habitais Strasbourg et à l'école dès 32, 33, il y a eu de nombreuse petites juives allemandes, autrichiennes polonaises qui avait fui leur pays. Il y avait beaucoup de juifs en Alsace alors à ce moment. Et nous avions peur des harangues de Hitler. Nous nous demandions ce qui allait se passer, mais nous avions déjà peur. On n'imaginait pas les chambres à gaz, ça dépasse l'entendement. D'ailleurs il y avait des évadés d'Auschwitz que l'on n'a pas cru. Même un industriel allemand qui avait vu Auschwitz est allé à Genève rencontrer le représentant du congrès juif, il avait été tellement effaré par ce qu'il avait vu… Mais personne ne l'a cru ! Aucun des grands de ce monde, ni Roosevelt, ni Churchill…

Par rapport à la première mondiale, vos parents ont tout de suite senti qu’il s’agissait d’autre chose.
Oui tout de suite. Pendant la première guerre, il n’y a rien eu de particulier contre les juifs. La montée du nazisme, c’est Hitler. Et quand on pense que c’était un des hauts lieux de la culture, l’Allemagne…Il avait un côté génial quand même pour penser cette organisation, cette industrialisation. Ses discours etc.…

Après la guerre comment avez-vous vécu votre judaïsme ?
Comme avant. Je dois dire qu’en zone sud, on a eu beaucoup de chance on n’a pas porté d’étoile. Au nord, à Paris en particulier, il y a eu des lois terribles. On devait porter l’étoile, utiliser la dernière voiture du métro, être rentrée à 8 heures du soir. Plus de téléphone, plus de radio, certains magasins étaient interdits aux juifs, devant les parcs de jeu et les piscines, c’était marqué « interdit aux chiens et aux juifs ».  Mais en zone sud on n’a pas eu ça. On changeait quand même d’identité, on changeait de nom, on s’était fait des faux papiers. Parce que lors du recensement, bêtement on était allé se faire recensé, juif. Mais on n’a quand même pas eu toutes les interdictions qu’on a eues en zone nord. La limite c’était à peu près la ligne de la Loire, en gros. Le franchissement des lignes de démarcation c’était très dangereux aussi. Toutes les côtes étaient soumises au même régime que la zone nord, Bordeaux par exemple…Car on pouvait s’échapper…

Ces hivers-là, il a fait très froid. On tricotait des gants et des chaussettes ; on avait des filleuls de guerre. Il y avait un système qui avait été instauré : on tricotait pour les soldats et les prisonniers.

Vous savez, quand les choses viennent progressivement comme ça, il y a presque un sentiment d’accoutumance. On fait avec. On s’accoutume à chaque étape : on a quitté notre maison, mais on a encore quelques affaires personnelles ; on a dû abandonner nos affaires personnelles, mais on est encore en famille. Et tout cela prend du temps. Et tout cela jusqu’à la fin.

Hier soir, il y avait la célébration de l’anniversaire de la révolte de Varsovie. Moi j’ai connu plusieurs personnes qui ont  vécu dans le ghetto. On se demande comment tous ces gens ont pu survivre. Lors de la commémoration de la libération du camp d’Auschwitz le 27 janvier dernier, il y a eu une grande cérémonie. Tous les chefs d’état étaient là emmitouflés dans leurs manteaux, écharpes et chapeaux, et il y a eu un ancien déporté qui est venu dans son vêtement de déporté. Pour dire, voilà, c’était comme ça la vie là-bas. Ca dépasse vraiment l’entendement. On peut essayer de se le représenter mais ça dépasse l’entendement.

Sur 76 000 juifs déportés en France, il y en a 2 500 qui ont survécu.

J’ai des amis, anciens enfants cachés, ils ont fait des études, ont eu une situation, se sont mariés, ont eu des enfants, ils se sont efforcés de vivre normalement, mais ils ne savent pas qui ils sont. Parce qu’ils étaient placés en nourrice ou en pouponnière quelconque et leurs parents ont été déportés. Ils ont fait des recherches.

Il y a eu des changements d’identité aussi, des baptêmes, pour les sauver ?
Ca c’était terrible. Car ça a été associé au sentiment d’avoir été abandonné. Il y a quelqu’un que je connais, le père avait été pris en 41, lui sa mère et sa soeur ont été pris à la rafle du Vel’ d’Hiv’. Quand ils sont arrivés, ils passaient tous devant le contrôle médical. Les Allemands avaient une peur bleue des épidémies. La mère en arrivant dit au médecin : « qu’est-ce qu’on peut faire pour les enfants, ils ont la scarlatine ? » Alors on les a immédiatement sorti du camp, et de là ils ont été cachés. Et les enfants ne comprenaient rien, mais la mère avait fait ça pour les sauver.

J’en connais un autre, ça mère lui a donné une gifle en lui disant : « Va avec la jeune fille qui vient te chercher. » Et l’enfant a eu vraiment l’impression d’être abandonné.

A Jérusalem, il y a un bâtiment spécial pour la déportation des enfants, on entend égrainer les noms de tous les enfants déportés, avec un jeu de lumière, il y a sept bougies en tout.

Lors de l’échange, il y aura un groupe bulgare, ce sera un témoignage sûrement très intéressant. Car en Bulgarie, les juifs n’ont pas été déportés. Il y a eu un mouvement de résistance massif, collectif de la part des cheminots, si bien que les convois ont été bloqués.

Le roi du Danemark aussi a protégé ses juifs. Ca prouve que « c’eut été possible ».  En France on n’a pas été bien loti, entre Pétain, Laval, Bousquet et compagnie, des gens d’extrême droite. Il y a eu beaucoup de résistants aussi. En France il y a eu des mouvements très tôt, mais c’étaient pas un mouvement de masse, c’étaient des mouvements individuels…

Sur toute l’histoire de la deuxième guerre mondiale, on a évoqué un tout petit fragment. Et c’est très personnel. Et moi je suis parmi les favorisés, vous savez, il y en avait qui avaient le même statut social que mes parents et qui pour des raisons différentes ont vécu des guerres différentes.  Il y a des gens très peu nantis qui ont survécu et des gens nantis qui n’ont pas survécu. Ca n’est pas une histoire de classe sociale.

J‘ai entendu le témoignage de juifs rescapés de camps qui n’ont même pas osé réclamer de récupérer leur maison ou leur bien à leur retour…

Oui au début, c’est vrai. Les lois de restitution sont venues bien après. Moi quand je suis allée à Grenoble j’ai encore eu une chance supplémentaire, parce que c’était zone italienne. Et les Italiens n’avaient que faire des juifs, ça n’était pas leur problème ! On était dans un hôtel, il y avait plein de juifs, on se méfiait un peu du directeur de l’hôtel ; on a appris plus tard que c’était un des grands chefs de la résistance de la zone sud. Mais les Italiens on n’avait pas peur, les juifs c’était pas leur problème. Cela nous a permis d’organiser plein de planquages entre août 1942 et septembre 1943 ; parce que là c’était les Italiens.  Et quand les Allemands sont arrivés, ils se sont battus avec les Allemands. J’ai eu de la chance, ça tient à rien.

19/07/2009
Auteur : Liliane Klein-Lieber

[Compléter l'article]

Résistante juive

Période de Résistance
D'août 1942 à mars 1944 (Isère, Savoie, Haute-Savoie, Drôme)

Réseau
Sixième-EIF

Responsables
Henri Wahl, Denise Lévy (Belette), Maurice Brener

Liliane Klein-Lieber est recrutée en août 1942 par Henri Wahl et Robert Gamzon (Castor), et affectée en qualité d'assistante sociale à la région de Grenoble, ville où elle vit alors avec sa mère. Sa fonction est celle de toutes les assistantes sociales dans les autres régions : rechercher des planques pour les jeunes qui lui sont confiés et, dans la mesure du possible, participer à la recherche de faux papiers (tampons, cartes d'identité, d'alimentation), de vêtements, et d’objets de première nécessité. Une de leurs tâches essentielles est d'assurer un lien affectif permanent avec leurs protégés, tant pour prévenir tout sentiment d'abandon que pour assurer le maintien de leur identité juive.

Lors des vacances d'hiver 1943-1944, Liliane a la possibilité d'organiser avec Moussia Rubel et Théo Klein un inoubliable séjour à la neige, dans une maison du Sappey-en-Chartreuse (Isère) louée à l'année par les EIF (Éclaireurs israélites de France). Elle a également l'occasion de convoyer des jeunes (de moins de seize ans) jusqu'à Annemasse pour les confier à Georges Loinger afin qu'il les fasse passer en Suisse, soit lui-même, soit avec le concours de passeurs non-juifs connaissant la situation des adolescents. Il lui arrive aussi de se rendre au camp d'internement de Rivesaltes, où Andrée Salomon, internée volontaire au titre de l'OSE (Oeuvre de secours aux enfants), lui confie des enfants afin de les amener à Moissac. Elle est aidée pour remplir ces tâches par les scouts protestants (notamment Marguerite Morsh, directrice du Foyer de l'étudiante à Grenoble), par Denise Aguadich* née Paulin (reconnue en 1989 Juste parmi les nations), grande résistante agissant dans le cadre de Notre-Dame-de-Sion, par Isaure Luzet*, propriétaire de la pharmacie du Dragon et commissaire de la Fédération française des éclaireuses (Chef Otarie, reconnue en 1988 Juste parmi les nations), et par M. Dormoy, directeur du Secours national de l'Isère. Liliane Klein-Lieber leur en est encore infiniment reconnaissante. Sa plus grande satisfaction, après la Libération, a été de retrouver tous « ses » jeunes sains et saufs – mais hélas orphelins. Elle a conservé avec plusieurs d'entre eux des liens très étroits.

Chevalier de la Légion d'honneur, carte du Combattant volontaire de la Résistance, carte du Combattant

06/09/2017
Auteur : Frida Wattenberg Lien : Organisation juive de combat : Résistance-sauvetage. France 1940-1945

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Chronologie [Ajouter]
Cet article n'est pas encore renseigné par l'AJPN, mais n'hésitez pas à le faire afin de restituer à cette commune sa mémoire de la Seconde Guerre mondiale.


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Liens externes [Ajouter un lien vers un article d'intérêt ou un site internet]
1 Les réfugiés espagnols dans le département de l’Isère 1936-1939 (Mémoire de Master 1 « Sciences humaines et sociales » Année universitaire 2007-2008 Mention : Histoire - Histoire de l’art Spécialité : Relations et échanges culturels internationaux sous la direction de Mme Marie-Anne MATARD-BONUCCI )
2 Blog sur quelques Justes et sur le livre (Blog hébergé par la Tribune de Genève sur quelques justes honorés par Yad Vashem sur l'intervention du délégué pour la Suisse et la région frontalière Ain et Haute-Savoie, Herbert Herz, ainsi que sur divers événements organisés autour de la parution du livre "Mon combat dans la Résistance FTP-MOI" )
3 Le site du poète Pierre Emmanuel (Le site officiel du poète Pierre Emmanuel. Vous y trouverez aussi des pages sur sa vie et son action à Dieulefit durant la guerre, à Beauvallon, puis à la Roseraie. )
4 Guy Sanglerat, ancien membre du Coq Enchaîné (Le Coq Enchaîné était un réseau de résistance de la région qui pendant l'occupation allemande rassemblait des syndicalistes, des socialistes et des radicaux de la mouvance d’Édouard Herriot. Membre du réseau, Guy Sanglerat publie ses souvenirs.. )
5 Le Coq enchaîné (Le Coq enchaîné : un journal clandestin sous l'occupation allemande. Le premier numéro fait son apparition en mars 1942. Les membres du Coq Enchaîné mèneront aussi des actions de résistance. Il a compté jusqu'à 400 membres. Le réseau sera décimé en 1943. Guy Sanglerat raconte ... )
6 Les archives du conseil général de Savoie (La liste des 168 "travailleurs israëlites" en partance de Ruffieux, établie le 24 Août 1942. )
7 Là où coule le Gier (La guerre, énorme chaos bouleversant les vies. Tel est le décor dans lequel évoluent René et Aima. De leur jeunesse à leurs combats, l'auteur nous invite à les suivre dans cette aventure où chacun fera preuve d'un courage incroyable. Ce roman, basé sur des faits réels, nous emmène de la Vallée du Gier dans la Loire à Clermont-Ferrand et nous fait traverser certains camps de concentration en Allemagne en suivant le parcours de deux jeunes gens que la vie a forgé pour combattre aussi bien dans l'univers ouvrier des années 30 que pendant la seconde guerre mondiale avec leur implication dans la résistance. Cette plongée dans le passé a nécessité de nombreuses recherches suivies d'une longue enquête menée sur la vie de ces deux personnages. )
8 Marianne Cohn (Page dédiée à Marianne Cohn et à ses compagnons de résistance. Un mois avant d"être arrêtée, elle a sauvé ma tante Eva et mon père Maurice Finkelstein )
9 L'attentat de la Poterne du 8 mars 1944 (Page consacrée à l'ouvrage "L'attentat de la Poterne, un drame au cœur de Clermont" (2015).
Cette étude sur l'attentat de la Poterne du 8 mars 1944 recoupe des documents d'archive à des témoignages oraux et écrits. Elle reprend de manière chronologique les évènements, de l'attentat de résistants sur un détachement allemands à l'immensité des représailles qui ont suivi : incendie d'immeubles, nombreuses arrestations, déportations et condamnations à mort. )
10 "Objectif Lyon !"
11 Laurent Neury, l'espoir au bout du pont. Histoire et mémoire de la filière de Douvaine, Cabedita, 2019
12 L'abbé André Payot, résistant et chef de réseau (Biographie détaillée d'André Payot et de ses activités de résistant durant la seconde guerre mondiale à Chamonix et Vallorcine (Haute-Savoie). Livre écrit par Jean-Luc de Uffredi, publié en 2019 aux éditions les Passionnés de bouquins. )

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